ARTICLE 26

Les règles applicables aux opérations de trésorerie

Commentaire : le présent article vise à définir les règles générales applicables aux opérations de trésorerie.

Le présent article reprend et complète les dispositions de l'article 15 de l'ordonnance organique n° 59-2 du 2 janvier 1959, qui mentionne les opérations de trésorerie pour les distinguer des opérations permanentes de l'Etat, que le Trésor public exécute sous la responsabilité de l'Etat, et en fixe les règles. Il précise donc le régime applicable aux opérations de trésorerie de l'Etat, qui sont décrites à l'article 25 de la présente proposition de loi organique.

Votre rapporteur ne souhaite pas apporter de modifications substantielles au texte adopté par l'Assemblée nationale. Il vous ne vous proposera que des amendements de précision, certains d'entre eux ayant néanmoins une portée significative, s'agissant des obligations de dépôt des disponibilités des correspondants du Trésor public.

I. LES CONDITIONS DE PLACEMENT DES FONDS

Le 1° du présent article indique que le placement des fonds, disponibilités et encaisses de l'Etat est effectué conformément aux autorisations données par la loi de finances de l'année. Ainsi que l'indique le commentaire du présent article figurant dans le rapport de l'Assemblée nationale 70 ( * ) , « le placement de ces fonds, encaisses et disponibilités requiert une autorisation parlementaire. En plaçant ses fonds auprès d'autres personnes morales, l'Etat expose au risque les deniers publics, de la même façon que lorsqu'il accorde un prêt ou une avance à un tiers ».

Votre rapporteur ne peut que souscrire à cette analyse. Il souhaite alléger le présent alinéa en ne mentionnant que les seules disponibilités de l'Etat, la distinction entre les fonds, les disponibilités et les encaisses ne lui paraissant plus porteuse de sens.

Le 2° du présent article indique que les correspondants ne pourront plus bénéficier de découverts, alors que le dernier alinéa de l'article 15 de l'ordonnance organique n°59-2 du 2 janvier 1959 prévoyait qu'aucun découvert ne pouvait être consenti à un correspondant du Trésor « sous réserve des dispositions particulières concernant les comptes courants des Etats étrangers et les banques d'émission de la zone franc ». La suppression de cette réserve a pour contrepartie la disposition introduite au second alinéa de l'article 24, qui prévoit que les comptes de concours financiers sont dotés de crédits limitatifs, « à l'exception des comptes ouverts au profit des Etats étrangers et des banques centrales liées à la France par un accord monétaire international, qui sont évaluatifs ». Cette disposition permet d'accorder la même souplesse que celle de l'ordonnance organique n° 59-2 du 2 janvier 1959, en l'inscrivant dans un cadre plus transparent. Votre rapporteur qui voit une illustration du caractère nécessairement mouvant du champ des enregistrements budgétaires, souscrit donc pleinement à cette initiative.

II. L'OBLIGATION DE DÉPÔT DES DISPONIBILITÉS AUPRÈS DE L'ÉTAT

Le 3° du présent article prévoit l'obligation de dépôt des disponibilités des collectivités locales et des établissements publics auprès de l'Etat. Tandis que l'ordonnance organique n° 59-2 du 2 janvier 1959 ouvrait une possibilité de s'affranchir de cette règle par une « dérogation admise par le ministre des finances », le texte adopté par l'Assemblée nationale mentionne une disposition de loi de finances, justifiant cette modification par le fait que ces dérogations sont « susceptibles d'affecter de montant des ressources de trésorerie de l'Etat ».

L'obligation pour les collectivités locales de déposer l'ensemble de leurs disponibilités auprès du Trésor public qui figure à l'article 15 de l'ordonnance organique n° 59-2 du 2 janvier 1959 a fait l'objet de débats importants tant au sein de la commission spéciale que lors de la discussion de cet article à l'Assemblée nationale. Notre collègue député Jean-Jacques Jégou a présenté un amendement proposant de supprimer le 3° de cet article, indiquant que « nous sommes en train de changer de paysage, comme nous nous plaisons à le rappeler, mais il faut qu'il y ait des contreparties. Si le contrat de confiance fonctionne dans un sens, il pourrait fonctionner dans l'autre. En effet, les collectivités sont très encadrées et sont dans l'impossibilité de placer leur trésorerie. On pourrait s'y résigner, mais ce ne sont pas les grosses collectivités qui en pâtissent, ce sont les petites, et nous pensons que c'est injuste, que nous pourrions leur laisser une certaine liberté en la matière, en fixant un cadre qui serait déterminé par décret.

J'entends bien que, par un système de balance des comptes, l'Etat se trouve débiteur dans un sens et créancier dans l'autre. Mais la somme non négligeable, qui s'accroît sans cesse, déposée auprès de lui par les collectivités locales - M. le rapporteur général nous a parlé d'environ 65 milliards - pourrait nous inciter, dans un souci de modernité, à donner aux collectivités la liberté de déposer ou non leurs disponibilités auprès de l'Etat, tout en limitant cette liberté - je pense à la Caisse des dépôts ».

En réponse à cette intervention, le rapporteur indiquait : « je conçois tout à fait que le débat puisse avoir lieu, mais il dépasse, et de loin, le cadre de cette loi organique. Nous pourrons toujours l'avoir dans d'autres circonstances ». Le président de la commission des finances de l'Assemblée nationale, Henri Emmanuelli, indiquait qu'il partageait le souci de l'auteur de l'amendement mais qu'il ne pensait pas que l'on puisse décider aujourd'hui des choses en la matière. Il ajoutait plus loin que « au moment où l'on parle de deuxième phase de décentralisation, il semble difficile d'écarter, une fois de plus, l'examen d'un éventuel assouplissement des relations. »

Le dispositif retenu par l'Assemblée nationale maintient l'obligation de dépôt pour les collectivités territoriales et les établissements publics, mais réserve à la loi de finances la possibilité d'intervenir sur ce sujet, soit pour en aménager le régime, soit pour en restreindre l'application, soit même pour la supprimer. Cette solution renvoie donc le débat aux lois de finances ultérieures, répondant ainsi aux différentes préoccupations exprimées visant, d'une part, à ne pas figer le système pour les décennies à venir et, d'autre part, à ne pas prendre de décisions précipitées dans le cadre de la loi organique relative aux lois de finances.

III. LA POSITION DE VOTRE RAPPORTEUR

Votre rapporteur considère que le texte retenu par l'Assemblée nationale est sage. En effet, la question posée est complexe, et soulève des enjeux importants : elle concerne la définition des missions du Trésor public, mais de manière plus large, a trait à la définition des relations financières entre l'Etat et les collectivités locales. La question de l'obligation de dépôt des disponibilités des collectivités auprès du Trésor public ne peut se traiter indépendamment de cette problématique plus vaste.

Le débat autour des relations financières entre l'Etat et les collectivités territoriales ne doit pas s'immiscer dans celui portant sur la réforme de l'ordonnance organique. En effet, bien que l'obligation de dépôt des disponibilités des collectivités territoriales ne découle que de ce seul texte, elle n'en constitue pas moins un sujet détachable, dont les tenants et les aboutissants sont largement indépendants du texte de la loi organique relative aux lois de finances. Seul le lien entre les disponibilités déposés et les recettes de trésorerie qu'elles génèrent pour l'Etat justifie d'ailleurs la présence de cette disposition dans le texte organique.

Votre rapporteur a indiqué son accord, pour l'essentiel, avec le texte adopté par l'Assemblée nationale. Il souhaite cependant préciser que l'obligation de dépôt ne s'applique qu'aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics, plutôt qu'à l'ensemble des établissements publics, y compris les établissements publics nationaux.

Les établissements publics nationaux ont fait l'objet de très nombreuses dérogations accordées, conformément à l'article 15 de l'ordonnance organique n° 59-2 du 2 janvier 1959 par le ministre des finances. Il paraît en donc souhaitable que le régime de dépôt des disponibilités des établissements publics nationaux puisse être décidé par voie réglementaire. La loi ne fixe d'ailleurs, selon les termes de l'article 34 de la Constitution, que les règles concernant la création de catégories d'établissements publics et non le détail de leur régime, qui dépend de leur nature même ainsi que des relations financières qu'ils entretiennent avec l'Etat.

En dépit de ce rétrécissement du champ de l'obligation de dépôt votre rapporteur vous propose de conserver le dispositif retenu par l'Assemblée nationale, qui permettra d'ouvrir un débat sur cette obligation à l'occasion de la discussion d'un projet de loi de finances.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

* 70 Rapport fait au nom de la commission spéciale, Assemblée nationale, n°2908 (Xième législature).

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