D. AUDITION DE MME SOPHIE MAHIEUX, DIRECTEUR DU BUDGET

M. LAMBERT, Président .- J'accueille Mme Sophie Mahieux, Directeur du Budget. Nous sommes heureux de vous entendre et de vous recevoir aujourd'hui dans les travaux que nous menons pour ce texte, qui est un rendez-vous législatif très important visant à réformer l'ordonnance de 1959. Nous avons le souhait d'aboutir dans les meilleures conditions. Nous souhaitons entendre le maximum de connaisseurs en la matière, et vous êtes, en qualité de directeur du budget, l'une des personnes qui avez en charge la mise en oeuvre de cette réforme. Il était important pour nous de pouvoir échanger ensemble.

Nous sommes convenus qu'il n'y aura pas de propos introductifs. Je poserai quelques questions pour lancer le débat, que j'ouvrirai ensuite à l'ensemble des commissaires présents.

Sur quels points le texte qui vient au Sénat et qui est issu de l'Assemblée nationale répond-il aux aspirations de la direction du budget et, à l'inverse, sur lesquels vous semble-t-il souhaitable que ce texte puisse être amélioré ?

Seconde question -nous l'évoquions dans une audition précédente- : en quoi la nomenclature des missions et des programmes différera-t-elle de la nomenclature actuelle des agrégats ?

La troisième question pourrait être : quelles modifications de son fonctionnement et de ses approches le système de gestion de la performances qui est porté par la réforme pourrait-il apporter à la direction du budget ?

Dans cette première volée de questions, en quoi les comptes spéciaux du Trésor et les budgets annexes viennent-ils contredire l'universalité budgétaire, puisque c'est un débat que nous avons même parfois entre nous ? En quoi les affectations directes à des fonds où à des établissements publics d'impositions de toutes natures ne contredisent-elles pas ce principe d'universalité ?

Mme MAHIEUX .- Monsieur le Président, sur votre première question, en tant que telle, la Direction du Budget n'a pas d'opinion, elle rend compte. C'est un texte dont il faut avoir en tête qu'il a pour origine une proposition de loi, ce n'est pas un projet du Gouvernement qui aurait été préparé par les services et appliqué par le Gouvernement. C'est une proposition de loi dont il faut noter qu'elle n'a pas donné lieu à des amendements de la part du Gouvernement lors de l'examen par l'Assemblée nationale en première lecture. Le texte dont votre assemblée est saisi recueille largement l'accord du Gouvernement dans ses principes et ses orientations.

Il me semble qu'à cet égard il faut notamment avoir en tête que cet accord du Gouvernement trouve son origine dans un certain nombre de réformes engagées depuis plusieurs années et dont le nouveau texte organique ne ferait que confirmer l'orientation, viser à leur donner une amplitude, une prégnance ou une priorité plus grande.

A cet égard, je retiendrai deux grandes séries d'éléments, car ils me paraissent déterminants dans la gestion des finances publiques aujourd'hui : l'inscription de la gestion des finances publiques dans une démarche stratégique illustrée par le débat d'orientation budgétaire, qui trouve pour la première fois une consécration dans son inscription officielle dans un texte organique et, d'autre part, le souci de mettre la gestion publique en phase avec un certain nombre d'orientations que l'on observe dans les pays étrangers, de nature à « mettre le système sous tension ».

Très clairement, le triptyque sous-jacent au texte dont vous êtes saisis, à la fois aller vers une plus grande globalisation des conditions dans lesquelles les crédits sont mis à la disposition de l'exécutif et, par son intermédiaire, des services, la volonté d'y associer un certain nombre de résultats quantifiables quant à ce que sont les objectifs de l'action publique et la façon dont on va mesurer s'ils sont atteints ou pas avec les moyens qui ont été mis à disposition des services et, enfin, la solennisation d'un principe de compte-rendu enrichi, qui ne soit pas simplement un compte-rendu comptable, mais également d'efficacité, à travers les rapports de performances, est bien un triptyque qui rejoint les démarches qui ont pu être engagées par le Gouvernement. On en a trouvé plusieurs traces à travers des expériences de globalisation comme celle menée pour les préfectures -pour ne citer que celle-ci-, mais aussi la mise en place de comptes-rendus de gestion budgétaire, dont on a fait une première expérience cette année, ou l'accélération du calendrier de la loi de règlement, de telle sorte que le compte rendu soit disponible avant la discussion des crédits de l'année suivante.

Globalement, nous sommes bien dans ce cadre.

Après, du point de vue des services, les questions qui se posent sont de nature plus technique ou d'ajustement, sur la praticabilité d'un certain nombre de dispositions ou le choix précis des formulations pouvant être retenues par le texte et relevant, non pas d'une remise en cause de sa philosophie ou de sa finalité générale, mais davantage de quelques précisions de plume. Si je devais en donner des exemples, je dirais que l'on peut s'interroger sur la définition actuelle des programmes d'un point de vue strictement technique.

Faut-il considérer que l'on met directement des crédits en rapport avec des objectifs ou plutôt en rapport avec des actions ou des politiques auxquelles sont associés des objectifs, car ce qui structure l'action et la gestion publique, ce sont les actions ou les politiques mises en oeuvre. On peut également être amené à s'interroger pour savoir si, dans les délais finalement très courts qui sont ceux du passage à ce nouveau régime ou ce nouveau système, l'ensemble des administrations aura pu être mis en état de satisfaire ces exigences nouvelles et donc s'il ne faut pas, tout au moins à titre transitoire, maintenir la possibilité d'avoir des spécialisations sur des périmètres différents de ceux qui sont envisagés, pour garder une pression nécessaire en contrepartie de ces libertés ?

Sur des points aussi techniques liés aux programmes, on peut avoir également le souci de garder cette logique qui est que la globalisation est une liberté avec des contreparties en termes d'engagement et, de ce point de vue, on peut souhaiter que de manière systématique, y compris quand les programmes seraient créés par voie d'amendements, on retrouve bien la même architecture, à savoir la même capacité à associer des objectifs et des indicateurs aux nouveaux programmes qui pourraient être ainsi créés.

De même, et là encore, on est dans l'ordre de la technique, on peut être amené à s'interroger pour savoir si le délai d'abrogation des textes parafiscaux est praticable par rapport à la masse de ce qui est en cause.

Enfin, dans les motifs d'annulation de crédit, faut-il prévoir deux concepts ou un seul ? Faut-il à la fois prévoir les annulations de crédits devenus sans objet  et celles qui sont nécessaires au respect de l'équilibre financier de la loi de finances, car ils peuvent être des motifs d'annulation distincts ?

Vous voyez que les points relevés sont des points d'ajustement matériel ou technique et non pas des débats de philosophie et de principe.

Sur la question de la nomenclature des programmes et des agrégats, on peut relever plusieurs points : il me semble qu'il existe entre les deux démarches un certain nombre de points de convergence et notamment, si l'on devait illustrer en masse ce que peuvent éventuellement être des programmes,  indubitablement le maillage que représentent les agrégats paraît assez représentatif de la masse critique à laquelle peut être associée efficacement une idée de fongibilité ou de globalisation, et des indicateurs de résultats.

Maintenant, d'un point de vue technique, il est indubitable que l'on ne peut pas considérer la nomenclature actuelle des agrégats comme la préfiguration complète de ce que seront demain les programmes, d'une part parce qu'il y a indubitablement un travail technique approfondi à effectuer avec l'ensemble des administrations, de mise à place des stratégies, des politiques et des actions publiques que l'on veut mener et des moyens d'action des ministères, exercice qui n'a pas complètement été mené dans le cadre des agrégats compte tenu de la priorité relative qui s'y attache dans l'exercice de préparation des lois de finances.

Il est indubitable également, concernant les agrégats, que nous nous sommes donnés, pour des raisons de lisibilité, des contraintes de confection, notamment qui respectent le contour des chapitres et articles actuels, de façon à pouvoir retrouver et établir des tableaux de cohérence pas trop complexes.

Il est certain que demain, dans une nomenclature différente, ce type de contraintes ne se présentera plus et que l'on pourra retrouver une marge de liberté plus grande pour définir ce que serait le périmètre des agrégats.

En revanche, un point me semble important dans la démarche que l'on a esquissé au fil du temps avec les ministères autour de la notion d'agrégat, qui est bien d'essayer de retrouver des entités dont on puisse identifier les responsables. De ce fait, nous avons tenté dans la mesure du possible (il y a toujours des imperfections car je ne prétends pas que nous soyons parvenus à un idéal absolu) et nous nous sommes efforcés, notamment face à des services polyvalents dotés d'une unité de gestion, à retracer dans l'agrégat la globalité du service.

Très clairement, la démarche qui a présidé à la construction des agrégats et dont il nous semble souhaitable qu'elle perdure dans la construction des programmes est un élément qui s'adosse à une réalité de gestion, à des centres de responsabilité, à l'existence d'un « patron » qui sera celui, in fine, qui rendra une partie des arbitrages qu'appellent la nouvelle possibilité de globalisation pour optimiser les résultats que l'on cherche à obtenir. De ce point de vue, la cohérence de responsabilité que l'on trouve dans la façon dont on a essayé de construire les agrégats, il nous paraît souhaitable de la retrouver dans les programmes, quand bien même le fait qu'un service polyvalent puisse réaliser plusieurs catégories d'actions peut se trouver décliné dans des composantes permettant d'identifier les actions, mais de garder cette unité de responsabilité et ne pas prétendre utiliser un seul niveau de nomenclature pour analyser des dimensions qui seraient éventuellement d'une autre nature.

L'autorisation budgétaire ne doit, en tant que telle, ni préfigurer ni diverger de ce que sont les réalités d'organisation.

Du point de vue du fonctionnement de la Direction du Budget -votre troisième question-, je ne sais pas s'il faut dire que tout change ou que rien ne change ; il existe des sujets importants que le texte organique tel qu'il est présenté met probablement davantage en exergue que le texte antérieur, qui représentent sans aucun doute une part importante de ce qu'est de plus en plus et ce que deviendra le travail de la Direction du Budget, à savoir la dimension de soutenabilité des décisions budgétaires et de la politique des finances publiques.

Cette dimension nouvelle que nous nous efforçons de prendre en compte dans notre réactivité pour éclairer la décision des ministres et du Gouvernement aura pour corollaire sans doute -et ce n'est pas à regretter- que nous soyons moins interventionnistes que nous avons pu l'être dans le passé dans la gestion quotidienne des services, ce qui est la contrepartie logique d'un schéma fondé sur davantage de responsabilités et de comptes rendus.

Deuxième aspect qui me paraît important dans le raisonnement présenté : la suppression de la distinction entre les services votés et les mesures nouvelles et l'approche de la construction budgétaire au premier franc, qui est sous-jacente au texte organique dont vous êtes saisis, devraient nous permettre d'entrer avec les ministères dans un débat plus aisé sur le calibrage des dotations budgétaires et leur justification, plutôt que de pratiquer cette budgétisation dite incrémentale consistant à partir du budget de l'année précédente pour n'examiner que ce qu'il convient d'y rajouter.

La dimension de l'efficience et de résultat, qui est nouvelle dans la discussion budgétaire que nous aurons avec les ministères, nous amènera à développer une approche méthodologique nous permettant, autour de ces notions, d'engager un dialogue utile avec les ministères et de pouvoir à la fois examiner quelles conséquences il y a lieu de tirer sur le calibrage des crédits. Nous pourrons également de manière plus formelle -mais c'est déjà dans une certaine mesure ce que nous faisons aujourd'hui-, mettre à la disposition du Gouvernement pour sa décision, des éléments sur l'efficacité socio-économique des politiques publiques, qui peuvent être une des occasions de porter le débat sur l'efficacité des politiques et l'utilité de les maintenir ou de les infléchir, et donc de prendre en compte, dans la façon dont se décide au sein du Gouvernement l'allocation des moyens, à l'intérieur d'un cadre défini par des critères de soutenabilité budgétaire, ce que peut être l'allocation pertinente des moyens.

Pour en revenir au dernier point que vous évoquiez, celui des comptes spéciaux du Trésor et des budgets annexes, je ne l'aborderai pas par un critère juridique qui est celui qui s'esquissait dans votre question à travers la notion d'universalité. Les budgets annexes et les comptes spéciaux sont des exceptions à l'universalité, même s'ils ne sont pas des exceptions à l'unité budgétaire permises par l'actuelle ordonnance organique. En tant que telle, la notion d'universalité ne s'applique pas à ce qui n'est pas une recette qui revient au budget de l'Etat ni, de ce fait, du point de vue de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, à des affectations directes de recettes à des tiers.

La question qui nous est posée relève largement des choix du Parlement et du Gouvernement, dans le texte que l'on s'efforce de construire, en ayant en tête les avantages et les inconvénients de la situation dans laquelle nous sommes, à savoir que les techniques d'affectation de recettes qui sont celles, soit des comptes spéciaux, soit des budgets annexes, dans certains cas, s'appliquent à des opérations dont on peut comprendre la finalité intrinsèque.

Il est clair que les produits de privatisation du secteur public obéissent à des règles qui sont à certains égards des règles d'opportunité ou de marchés qui ne sont pas en tant que telles tout à fait de même ordre que les crédits du budget général.

En revanche, s'agissant de la distinction entre les dotations du Fonds national pour le développement du sport (F.N.D.S.) et du ministère de la Jeunesse et des Sports, on peut s'interroger sur le point de savoir si l'on gagne en lisibilité à avoir la même politique décomposée entre une partie qui est dans le budget général et une partie qui ne s'y trouve pas (même si tous ces éléments sont à l'intérieur du budget de l'Etat), et si c'est totalement logique avec une démarche s'efforçant d'aller vers plus de responsabilités en contrepartie d'un compte rendu sur les résultats. De même, on peut se demander aujourd'hui si l'affectation de recettes sans grand rapport -dans bon nombre de cas- avec les dépenses qu'elles tendent à financer est au fond la meilleure technique d'allocation des moyens, par rapport à ce que serait un budget général extensif, dans lequel se retrouverait l'ensemble des politiques publiques que l'on cherche à financer avec des recettes de l'Etat.

Cela me paraît être une problématique différente de celle consistant à décider que l'on puisse souhaiter que d'autres intervenants que l'Etat mènent un certain nombre d'actions concourant à un intérêt général et, qu'à ce titre, on puisse, le cas échéant, décider de leur affecter des recettes avec une certaine pérennité et dont ils soient responsables de la gestion. Les deux questions ne sont pas forcément antinomiques ou complètement liées l'une à l'autre.

M. MARINI .- Les considérations relatives aux objectifs, aux programmes, aux agrégats, à la meilleure décomposition possible au sein des tâches de l'Etat sont certes, intéressantes, mais à mes yeux ne représentent pas l'essentiel de ce que devrait être une réforme, car celle-ci, semble-t-il, devrait s'attaquer à des questions conceptuelles suscitant nécessairement débat, 40 ans après la mise en application de l'ordonnance organique qui nous gouverne.

Concernant la comptabilité patrimoniale et son intégration dans les processus décisionnels, que faut-il faire à votre avis, Madame le Directeur ? Nous avons été très frappés, il n'y a pas si longtemps, par les déclarations d'un haut magistrat de la Cour des comptes, M. Bonnet, chargé d'un audit en 1997 qui nous disait : « L'Etat dispose d'un système comptable qui est une comptabilité de caisse qui ferait rougir les épiciers de province ».

C'est une déclaration qui nous a vivement intéressés et nous a conduits à reprendre une série de considérations sur la nécessité, pour l'Etat, d'avoir une vision de son patrimoine et la nécessité, s'agissant de la gestion publique, de juger notamment les gestionnaires publics sur la question de savoir s'ils s'enrichissent ou appauvrissent l'Etat, à savoir les générations qui nous succéderont.

Sur cet aspect des choses, Madame le Directeur, quelles sont les considérations que vous pouvez nous livrer et les dispositifs qui vous sembleraient souhaitables d'inscrire dans la loi organique ?

En second lieu, et à titre d'illustration de cette préoccupation générale, quelles sont vos préconisations concernant la dette ? Considérez-vous comme inéluctable et parfaitement convenable, pour l'information tant du Parlement que de l'opinion publique, de maintenir une situation dans laquelle seuls les intérêts apparaissent dans le budget, situation dans laquelle la dette n'est assortie d'aucune information claire, compréhensible et crédible sur son rythme de remboursement et sur la capacité de l'Etat à la rembourser ?

En ce domaine, quels sont vos éléments de diagnostic ou de concept ?

En troisième lieu, au sein d'une commission qui a été fortement impressionnée par l'épisode de l'année 1999 -les graves erreurs de prévisions ayant entaché cet exercice, les phénomènes ayant affecté les recettes tant fiscales que non fiscales-, vous ne serez pas surprise que l'on attache de l'importance à la permanence des concepts et méthodes comptables. Quels vous sembleraient être les bons procédés pour que la représentation nationale et l'opinion publique et internationale soient assurées de la permanence des méthodes ?

Etes-vous favorable à une certification des comptes de l'Etat par la Cour des comptes ? Avez-vous, en ce domaine, des considérations à nous livrer ?

Madame le Directeur, connaissant bien les réticences et même les objections de principe fortes que votre Direction exprime habituellement vis-à-vis de la séparation du budget de l'Etat en section de fonctionnement et en section d'investissement et plus encore vis-à-vis de règles contraignantes susceptibles de limiter le recours à l'emprunt pour financer des dépenses de fonctionnement, je voudrais toutefois vous demander, pour l'information de nos collègues, de les motiver de façon logique et cohérente.

Enfin, concernant l'appréciation globale de la politique des prélèvements obligatoires, l'un de nos soucis est de mieux relier les conditions de prévisions en matière sociale et budgétaire de l'Etat. Nous souhaiterions connaître votre opinion technique sur la possibilité et la manière de réaliser une présentation globale au stade prévisionnel portant sur l'ensemble des prélèvements obligatoires centraux et sur l'affectation de ces prélèvements obligatoires à la couverture des charges, tant de l'Etat que des régimes sociaux.

Mme MAHIEUX .- Je regrouperai le premier groupe de questions que vous avez évoqué -à certains égards les unes et les autres s'y rattachent- sur la question générale de la réforme comptable de l'Etat. Il me semble à cet égard que l'on peut mentionner fondamentalement deux ou trois points :

Le premier d'entre eux est que très clairement -cela fait partie des objectifs que les ministres et le gouvernement ont affirmé de manière précise et répétée et, depuis, cela a été annoncé dans des comités interministériels pour la réforme de l'Etat, rappelé par les ministres à la tribune de votre assemblée- nous sommes engagés, avec la Direction Générale de la Comptabilité Publique, dans un travail de fond pour porter la comptabilité de l'Etat aux standards d'une comptabilité d'exercice.

Cette démarche est en cours, avec des premières traductions dans le compte général de l'Administration des Finances pour 1999, notamment sur le traitement de la dette, des participations et des recettes. Plusieurs éléments ont marqué une première étape en ce sens ; d'autres progrès sont réalisés dans le Compte général de l'administration des finances pour 2000 (CGAF) et nous sommes dans un plan d'actions pluriannuel de définition précise et méthodique des normes comptables permettant de satisfaire pleinement les critères d'une comptabilité d'exercice en droit constaté. C'est un exercice compliqué car, sur un certain nombre de points, les règles applicables aux entreprises ne sont pas directement transposables à l'Etat ne serait-ce que parce que la plupart de ce que l'Etat fait ou détient n'est pas un bien marchand, générateur en tant que tel, de recettes ou de produits, ce qui implique des débats et des choix sur les valorisations et explique que le ministère des Finances et la Cour des comptes participent activement aux travaux d'institutions internationales qui réfléchissent sur ce que peuvent être les meilleures normes comptables applicables aux entités souveraines.

Nous sommes clairement dans une démarche de ce type qui est d'aller vers une comptabilité d'exercice permettant de rattacher complètement les charges et les produits à l'exercice et de mesurer complètement le coût -puisque c'est leur utilité essentielle, l'Etat ne se pilotant pas par un objectif de marge- des actions publiques engagées.

De ce point de vue, nous pouvons observer que le texte de la proposition de loi organique dont votre assemblée est saisie donne toute sa valeur à cet objectif en l'énonçant en tant que tel dans les articles ayant trait à la présentation des résultats comptables de l'Etat.

Ce texte organique retient une distinction entre la comptabilité et le budget, distinction qui repose sur l'idée assez simple qu'un seul produit ou un seul mode de décompte ne rend pas forcément compte de la totalité des aspects de la réalité et de ce qui est intéressant. C'est bien que nous puissions avoir une vision complète selon plusieurs critères et de ne pas forcément penser qu'une seule nomenclature ou un seul principe serait pertinent. De ce point de vue, le texte organique reste dans l'idée que nous pratiquons aujourd'hui, à savoir les autorisations budgétaires et les recettes budgétaires sont, concernant l'autorisation de dépense, gérées en engagement avec un compte rendu en caisse et, concernant les recettes, avec une évaluation en caisse. Nous avons un résultat budgétaire en caisse avec des clefs de passage dont le Compte général de l'administration des finances (CGAF) 1999 a donné un premier exemple de détail, complété par une comptabilité en exercice.

Il ne nous semble pas qu'il y ait lieu de se priver d'aucun de ces deux concepts. Très clairement, si l'on regarde ce que sont les pratiques étrangères, on s'aperçoit que la majeure partie des grands pays, pour des raisons très claires de lisibilité et de clarté, ont conservé une budgétisation de caisse. L'acte budgétaire est une autorisation de dépense par le Parlement et un moyen de mettre une dotation à la disposition de l'exécutif et, à travers lui, à des gestionnaires, pour mener à bien des opérations et réaliser des politiques dont il est rendu compte au Parlement. C'est une finalité différente, à certains égards, de ce qu'est la présentation des comptes.

De ce point de vue, j'enchaînerai sur la question que vous avez soulevée à propos de la dette. Implicitement, je comprends qu'elle porte sur l'opportunité ou non de prévoir, dans les dépenses budgétaires, les opérations de trésorerie et, de ce fait, les variations du nominal de la dette, et non pas simplement les charges financières de ses intérêts.

Au regard de la question que vous y avez associée, à savoir le rythme de remboursement et la capacité de l'Etat à rembourser cette dette, je ne suis pas totalement convaincue, pour ma part, que le fait de faire apparaître dans l'autorisation budgétaire le capital de la dette soit un élément donnant davantage d'information ni sur la variation du stock de dettes ni sur la capacité de l'Etat à le rembourser, que le mode d'inscription budgétaire que nous avons aujourd'hui.

Le déficit tel qu'il apparaît est, hélas, un assez bon indicateur de la variation du stock de dettes et, sur le fond, de la capacité pour l'Etat à la rembourser ; ce que devient la dette est l'un des éléments qui interviennent dans le débat sur les crédits de la dette publique. C'est également, très fondamentalement me semble-t-il, une des finalités de l'examen des stratégies en matière de gestion des finances publiques lors du débat d'orientation budgétaire, que de donner une indication sur l'évolution future de l'endettement et donc la perspective dans laquelle on se place.

Le programme pluriannuel des finances publiques, quand il donne des indications sur l'évolution des besoins et des capacités de financement par sous-secteurs, nous donne des indications sur ce que peut être l'évolution de l'endettement. Du point de vue du texte, très concrètement, je rappelle que celui de l'Assemblée nationale dont vous êtes saisis prévoit, dans l'une de ses dispositions, de rendre compte dans la première partie du projet de loi de finances de l'évolution des ressources de trésorerie.

Evoquant l'épisode dit de la « cagnotte », pour employer ce terme, vous avez évoqué la permanence des concepts et des méthodes comptables. C'est effectivement un élément tout à fait essentiel pour appréhender et comparer d'un exercice sur l'autre la cohérence de l'évolution des différentes grandeurs sous-jacentes à la fois au budget et aux comptes.

A cet égard, je retiens que le texte de l'Assemblée nationale conforte ce qui, empiriquement, s'est traduit par la Charte de Budgétisation présentée cette année à l'appui du projet de loi de finances, au niveau de la présentation de la loi de finances, soit une indication de ce que seraient les grandes évolutions à structures constantes, pour neutraliser dans l'appréhension des évolutions, ce qui serait afférent à des changements de structures et des périmètres de la loi de finances. D'autre part, s'agissant des comptes eux-mêmes, bien évidemment la démarche que j'évoquais, dans laquelle sont engagés les ministres et le Gouvernement, de définition de normes appuyées notamment par un travail avec un Comité des normes comptables, le Conseil National de la Comptabilité, devra nous conduire, dans chaque Compte général de l'administration des finances, à faire apparaître -et ce seront des éléments strictement observés par la Cour des comptes- les variations de normes comptables que l'Etat peut connaître, comme toute entreprise, toute entité ou tout opérateur économique, peut, à un moment ou à un autre et pour des raisons qui sont loin d'être toutes illégitimes, choisir de modifier ses normes comptables.

De ce point de vue, la démarche de certification relève, quant aux conditions de sa faisabilité en tant que telle, d'une appréciation par la Cour des Comptes. Je ne me permettrai pas de me prononcer pour le compte de cette institution.

On peut faire deux observations à cet égard, exclusivement en se fondant sur les expériences étrangères dont vous a parlé M. Guillaume, qui sont que dans la plupart des pays étrangers, les démarches de certification quand elles existent se sont d'abord effectuées par entités plutôt que par le grand total.

Les entités chargées de la simplification des comptes se sont plutôt attachées à certifier tout d'abord les comptes des ministères avant d'entrer par le compte consolidé qui est le compte général de l'Etat, et ces entités, tout au moins fonctionnellement, ne sont, en tant que telles, pas des juridictions. Il existe une distinction entre ce qui relève de la certification des comptes et ce que nous connaissons aujourd'hui.

Quand à la question concernant la section de fonctionnement et d'investissement, à certains égards, elle se rapproche de celle d'une présentation en compte de résultats, éventuellement en tableau de financement ; elle me paraît, dans la façon dont vous l'avez formulée, plus clairement liée à la question de ce que l'on appellera « la règle d'or », pour renvoyer à un terme bien connu ou largement utilisé.

A cet égard, on peut faire référence assez clairement à ce que les ministres ont indiqué lors du débat à l'Assemblée nationale : le texte organique -jusqu'ici- est tout d'abord et fondamentalement un texte de procédure, et l'on peut s'interroger sur l'opportunité d'inscrire dans un élément aussi solennel qu'un texte organique, des dispositions de politique économique qui sont au premier chef des dispositions relevant des choix du Gouvernement (engageant sa responsabilité le cas échéant devant le Parlement mais qui sont des choix gouvernementaux) et qu'il ne paraît pas forcément opportun d'encadrer dans des principes juridiques.

J'ajoute deux éléments indirectement évoqués par les ministres lors du débat :

La France est engagée, à l'égard de ses partenaires européens, dans le cadre de l'Union économique et monétaire, dans une démarche qui est celle du pacte de stabilité et de croissance. Ce pacte nous donne, en matière de gestion des finances publiques, tel qu'il a été énoncé et précisé à Amsterdam, des objectifs au premier chef, notamment l'idée de viser un objectif d'équilibre structurel à moyen terme, tout en admettant que, d'un point de vue conjoncturel, il devrait y avoir des variations autour de ce principe et que celles-ci méritaient d'être appréciées en fonction des circonstances, dans le cadre d'un débat de coordination des politiques économiques au sein de la zone européenne.

Une règle aussi rigide que celle qui résulterait de la contrainte d'équilibre de la section de fonctionnement est une règle qui, en tant que telle, ne fait pas de place au cycle économique. Elle peut donc s'avérer, in fine et dans sa mise en oeuvre, extrêmement pro cyclique dans les deux sens : soit donner apparemment une capacité de dépense extrêmement importante dans des périodes où la conjoncture est favorable, ce qui n'est pas forcément la démarche de gestion des finances publiques la plus prudente soit, à l'inverse, imposer des contraintes supplémentaires de resserrement des objectifs budgétaires à un moment où la conjoncture est défavorable.

C'est très clairement une démarche assez éloignée de celle dans laquelle s'est inscrit le Gouvernement qui est de choisir de se donner un objectif de dépense pluriannuel qui soit un objectif que l'on respecte en tous points du cycle et, inversement, d'accepter sur le volet recettes de la loi de finances, que le jeu de des stabilisateurs automatiques puisse s'exercer dans une logique d'équilibre et de fonctionnement contra-cyclique des finances publiques. Il ne me paraît pas évident que l'on gagne, en termes de politique économique, à une telle règle .

Il ne faut pas sous-estimer la relative contradiction qu'il y aurait à combiner section de fonctionnement et section d'investissement d'un côté, et recherche de la globalisation de l'autre.

La logique de la globalisation est indubitablement de permettre un certain nombre d'arbitrages à l'intérieur d'une masse déterminée de crédits. Même si ces arbitrages doivent être éclairés par des objectifs de cohérence intertemporelle et s'ils peuvent être accompagnés de critères de contrôle de gestion, on ne voit pas comment il serait possible, sans mettre en cause très fondamentalement la logique de la globalisation, de confirmer le caractère asymétrique de la fongibilité, s'agissant des dépenses de personnel, tel qu'il est retenu par le texte issu de l'Assemblée nationale et, conjointement, d'organiser une sanctuarisation des crédits d'investissement d'un autre côté, sans risquer, « ayant retiré deux pattes à l'animal », de le ramener à la portion congrue, et d'avoir une disposition qui, en termes de modernisation et de pertinence de la gestion, ne soit pas forcément raisonnable.

J'ajoute qu'au regard des exemples étrangers, on voit bien que la règle d'or est loin d'être l'élément déterminant des politiques publiques. Ce n'est pas celui qui a été retenu dans les accords de Maastricht par la Communauté Européenne et les Etats membres de l'Euro et, aujourd'hui, aucun Etat n'en fait, de manière réellement opérationnelle, un critère de sa gestion.

S'agissant des prélèvements obligatoires, il me semble que le texte issu de l'Assemblée nationale prévoit l'obligation de récapituler l'ensemble des ressources fiscales affectées à d'autres que l'Etat ; il permet de retrouver à un certain moment l'ensemble de la fiscalité éparse.

Deuxième élément à rappeler : très clairement, le rapport économique et financier accompagnant la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale, donne bien d'ores et déjà des indications globales d'évolution des prélèvements obligatoires pour l'Etat et chacun des sous-secteurs des administrations publiques, et permet d'avoir, sur la base des données que l'on peut connaître -mais il reprend systématiquement les historiques et les actualise à ce titre- l'évolution globale du poids des prélèvements obligatoires et leur répartition.

M. LACHENAUD .- Je reviendrai sur la dette. J'avoue que je ne suis pas convaincu qu'une obligation qui s'impose à toutes les collectivités locales (même si les finances de l'Etat sont de nature différente) ne puisse pas trouver sa traduction à la fois dans le document d'orientation budgétaire et dans le document budgétaire. Est-il vraiment impossible de présenter le montant de la dette initiale, le montant des emprunts, le montant de ceux que l'on remboursera et le coût des intérêts ?

En explicitant par ailleurs la fraction qui, dans le budget de l'année suivante, pourrait être affectée, car nous sommes également sensibles aux arguments de politique économique contrats cycliques ou pro cycliques qui peuvent être avancés, mais que tout au moins, en transparence, nous sachions précisément la fraction de l'emprunt qui sera affectée à des dépenses de fonctionnement et des dépenses ordinaires.

Je crois que l'on peut faire un progrès important sur la clarification de la connaissance de la dette et le respect des pouvoirs du Parlement. Nous le faisons dans nos conseils généraux et nos communes, tout en gardant -parce que nous avons conscience que c'est nécessaire- la liberté de gestion de la trésorerie. Il n'est pas question de dire qu'il faudra rembourser ou pas, mais qu'en termes d'objectifs, nous sachions ce que le Gouvernement à l'intention de faire, plutôt que le flou de cette gestion d'une dette perpétuellement renouvelable.

C'est dans cette situation que nous sommes et, vous pourriez garder la liberté du choix des dates, du montant des opérations et du jeu sur le marché monétaire avec les taux que l'on constate actuellement. Je ne vois pas d'arguments qui puissent être opposés à cette clarification.

Les prélèvements : là aussi, je ne suis pas convaincu et je voudrais être assuré que le débat d'orientation budgétaire -et ensuite le débat budgétaire- permettra de voir la totalité des prélèvements et leur nature, notamment une évaluation des effets économiques et écologiques des nouveaux impôts, afin que le Parlement ne se trouve pas dans la situation actuelle, que l'on constate en lisant les journaux, s'agissant du débat sur les impôts nouveaux (il est arrivé à certains ministres des Finances successifs de nous dire au moment des orientations budgétaires) : « Vous verrez les réformes fiscales réfléchies pendant le mois de mars, aboutir pendant le mois d'août et vous n'aurez aucune information pendant le débat budgétaire ».

Sur le prélèvement fiscal, son affectation au budget général, au budget social, sa nature et ses effets économiques, je pense que des améliorations importantes sont à apporter.

Concernant les programmes, je suppose que la loi est votée. Qu'allez-vous faire ? Allez-vous élaborer ? Travailler ? Allez-vous participer très activement, dans un dialogue avec les ministères, pour l'élaboration des programmes, avec une volonté systématique d'imposer votre point de vue ?

Comment allez-vous procéder ? Allez-vous vous faire confiance aux autorités ministérielles pour vous proposer elles-mêmes ces programmes très difficiles à définir ?

Pensez-vous que l'on aurait fait un programme de la loi des 35 heures, de manière à en apprécier globalement le coût et les financements de manière pluriannuelle ?

Mme MAHIEUX .- Je souhaiterais revenir sur les différents points que vous avez évoqués.

S'agissant de la dette, j'ai peut-être un peu de mal à comprendre la question que vous posez et notamment si, in fine, elle est de savoir s'il faut créer pour l'Etat une obligation de remboursement de sa dette. Auquel cas, c'est un débat de politique économique (qui renvoie à la question que nous avons évoquée précédemment et sauf si vous le souhaitez je n'y reviendrai pas), ou si le débat que vous soulevez est celui de savoir s'il faut prévoir un plafond à l'endettement et d'évaluer les ressources d'endettement dans la loi de finances.

A cet égard, je répéterai les éléments suivants sur lesquels j'ai peut-être été insuffisamment claire et précise antérieurement : le texte, dont vous êtes saisis, stipule bien que la loi de finances doit évaluer le montant des ressources d'emprunt et de trésorerie. Cela fait partie des dispositions du texte dont vous êtes saisis.

M. MARINI .- Mais il ne dit pas : « Autorise le plafond des ressources d'emprunts » comme le suggère la Cour des comptes.

Mme MAHIEUX .- Le plafonnement des ressources d'emprunt nous fait entrer dans un débat technique plus compliqué, pour savoir de quoi l'on veut parler. Veut-on instituer un plafond global à l'endettement ou instituer un plafond aux nouvelles émissions, ce qui n'est pas forcément identique, notamment parce que l'existence d'une gestion active de la dette peut, le cas échéant, sans modifier le volume global net des émissions, emporter la volonté d'en faire varier le volume global brut car, à un instant donné, la possibilité existe de substituer une dette moins chère à une plus chère. Ce n'est pas de mauvaise politique ni contraire à l'intérêt de l'Etat.

En faisant l'hypothèse que l'on raisonne sur un plafond net, se pose la question de savoir quelle peut être la nature de ce plafond et ce qu'il doit recouvrir, dans la mesure où, dans le cas de l'Etat, des modifications législatives représentent une procédure lourde. Si l'on est sur un plafond absolu d'endettement en tous points, il faut garder à esprit que la situation varie au cours de l'année, non seulement en fonction de l'exécution budgétaire, mais également en fonction de considérations strictement calendaires qui peuvent ne pas être représentatives d'une évolution de fond de notre situation financière.

A ce jour, l'Etat n'est pas doté en France, et je n'ai pas connaissance que ce soit dans les projets du Gouvernement, de dispositifs comme aux Etats-Unis où, dans l'hypothèse d'un désaccord entre l'exécutif et le Congrès sur le déplacement de ce plafond absolu de d'endettement, on était en situation de mettre à pied les fonctionnaires puisque, le plafond d'endettement ne pouvant pas être dépassé et l'accord ne s'étant tant pas fait, l'Etat était en rupture de paiement.

Je ne crois pas, ou ne suis pas certaine, que ce soit pour l'instant ce qui figurait dans les débats qui ont eu lieu à l'occasion du texte à l'Assemblée nationale.

La question du plafond d'emprunts est une question assez complexe sur laquelle -je l'ai dit, la Direction du Budget en tant que telle n'a pas à se prononcer en opportunités- il est souhaitable que chacun puisse identifier réellement le supplément d'information qu'il attend, quel est le point que l'on cherche à « contraindre » et comment l'on s'attend ou l'on espère gérer l'évolution de la grandeur que l'on voudrait rendre limitative.

De ce point de vue, je ne suis pas sûr que la fixation d'un plafond d'emprunt en loi de finances soit un élément totalement décisif par rapport à l'ensemble des éléments d'information qui peuvent être fournis, soit par l'évaluation de ces ressources d'emprunts, soit par les données très strictement comptables, soit par le fait que l'on a de toutes les façons prévu, dans le texte dont vous êtes saisis, un tableau de financement joint au projet de loi de finances, qui constitue un élément d'information significatif.

Sur la gestion active de la dette, le collectif de 2000 a prévu la création d'un compte de gestion active de la dette, permettant un suivi en tant que tel de ces opérations.

Le solde ayant un caractère prévisionnel, j'ignore s'il faut préalablement ajouter une contrainte de procédure supplémentaire, en ayant un plafond d'emprunts limitatif face à un solde, en revanche prévisionnel.

S'agissant des prélèvements obligatoires, je reviendrai peut-être sur trois aspects : il me semble que le débat d'orientation budgétaire est, par nature, un débat portant sur l'ensemble des administrations publiques, et les dispositions du texte dont vous êtes saisis, prévoient un rappel des impositions affectées, ce qui représente un élément de recensement contribuant à l'information exhaustive du Parlement.

En revanche -ce sera le second point qui paraît important-, il me semble qu'implicitement à travers la question que vous soulevez, se pose un problème juridique délicat qui serait l'institution du monopole du projet de loi de finances pour la création éventuelle d'impôts nouveaux. Je ne suis pas certaine que le texte constitutionnel nous donne aujourd'hui une habilitation à instituer un tel monopole. Je ne suis pas sûr que l'on puisse, par voie de conséquence, le prévoir dans un texte organique.

Le troisième point que vous soulevez, qui sont les conditions de l'échange ou de la discussion sur ce qu'il est convenu d'appeler les paquets fiscaux, entre le Gouvernement et le Parlement, me paraît assez largement relever d'une discussion avec les ministres, sur la façon dont elle doit se nourrir et s'organiser dans le temps.

Je rappelle, pour des raisons strictement techniques, qu'il est très difficile d'avoir complètement, au mois de mars, l'ensemble des éléments de visibilité sur ce que peuvent être les marges de manoeuvre en matière fiscale et c'est aussi en partie parce que c'est le moment où l'on dispose d'évaluations plus affinées sur les recettes, que la décision sur le paquet fiscal soumis au Parlement dans le cadre du projet de loi de finances est traitée à l'automne.

Sur la dernière question, qui est celle des programmes, comment allons-nous procéder ? Nous serons nécessairement dans un travail interactif avec les ministères ; nous aurons un rôle méthodologique à jouer à l'égard des ministères sur la façon dont on conçoit les programmes et leur périmètre, afin qu'ils s'adossent à des éléments qui puissent être suivis et sur lesquels nous ayons la certitude de pouvoir assurer une traçabilité des conditions d'élaboration et de budgétisation initiale, de la gestion et du compte rendu.

A l'évidence, si l'on souhaite que les programmes répondent de manière pertinente à ce que j'évoquais en réponse aux questions du Président, à savoir à des centres de responsabilités, avec une responsabilité des gestionnaires, auxquels on puisse demander des comptes sur ce qui a été fait de l'argent public, il me semble que nous avons besoin que ce travail soit mené avec la pleine collaboration des ministères et avec eux, car ils sont les plus à même de savoir comment se structure leur organisation et où se situe la réalité des responsabilités.

Quand vous prenez un réseau polyvalent comme l'est aujourd'hui le réseau du ministère de l'Equipement, ce n'est pas la Direction du Budget qui gère les personnels des Directions départementales de l'équipement (DDE). Le ministère de l'Equipement est le mieux placé pour constater que les personnels des Directions départementales de l'équipement constituent un service polyvalent, géré en tel, et qui fournit des prestations de services.

M. CHARASSE .- « Géré » n'est pas forcément le terme adapté.

Mme MAHIEUX .- « Administré ». C'est tantôt à la Direction des routes tantôt à la Direction de la construction et du logement, mais cet ancrage dans la réalité de la gestion du ministère est un point tout à fait important, sachant qu'il sera souhaitable, toutes les fois que cela nous sera possible et donc que cela rendra compte d'une réalité de gestion, de parvenir aussi largement que possible, en déterminant les coûts d'une politique publique, d'avoir des programmes correspondant à des unités pertinentes à la fois de gestion et de lisibilité.

M. LAMBERT, Président .- Merci.

Je voudrais lever une sorte d'ambiguïté. Nous avons rarement l'opportunité d'auditionner le Directeur du Budget en dehors de circonstances particulières comme celle-ci. Il ne s'agit pas, à l'occasion de ce rendez-vous sur la réforme de l'ordonnance de vouloir, par des règles nouvelles, empêcher l'exécutif de mener des turpitudes que nous jugerions manquer de vertu. Nous sommes en République et le souverain est le peuple dont l'incarnation est le Parlement. Les turpitudes ont été votées par le Parlement, car l'exécutif ne peut rien faire d'autres que ce pour quoi il est autorisé.

Nous devons nous poser la question, à chaque fois, si en introduisait des dispositions dans la loi organique qui viendrait à empêcher, dans des circonstances particulières, à piloter les finances publiques telles que la citation l'oblige, nous irions à l'encontre même de ce que nous voudrions faire. M. Lachenaud a insisté sur ce point : nous devons à nos compatriotes, si nous voulons redonner à la politique sa noblesse et confiance au peuple français dans la politique, la clarté, la transparence, la compréhension de tous ces mécanismes. En effet, il est capital que le nominal de la dette puisse être connu de tous les Français et ce n'est pas une précaution inutile, au moment de la discussion budgétaire, que le montant en soit solennellement rappelé.

Il n'est pas inutile, dès lors que nous en venons à emprunter pour les dépenses courantes, que ce soit effectué avec une forme de solennité permettant au Parlement de l'époque de s'excuser à l'endroit des générations futures pour avouer qu'il s'agit là d'emprunter pour des dépenses courantes. Je crois que c'est en ces termes que la question mérite d'être posée et non pas en termes de guet-apens de la part du Parlement à l'endroit de l'exécutif.

Je crois, car qu'il est bon de saisir les occasions de rencontre, avec toute la solennité requise, qu'il convient d'appeler à ce qu'il n'y ait pas cette sorte de doute permanent entre l'exécutif et le Parlement. De toutes les façons, la Cinquième République a sa logique, il y a le fait majoritaire. Le Gouvernement ne peut véritablement déterminer et conduire la politique que s'il a la confiance du Parlement, dans tous les cas de l'Assemblée nationale et, par conséquent, il ne peut pas y avoir, à mes yeux, d'opposition d'intérêt entre le Parlement et l'exécutif ; il faut que nous progressions dans la clarté et dans le pilotage de l'Etat pour que notre pays soit le plus efficient possible.

M. FREVILLE .- Madame le Directeur, depuis 1959, de nombreux changements ont eu lieu et deux sont manifestes : un partage des ressources de l'Etat, impositions de toutes natures, entre l'Etat, les collectivités locales, la Sécurité Sociale, et l'Union Européenne et, deuxièmement, le fait européen.

Concernant le partage des ressources, continue-t-il à être logique, dans un souci de transparence dont parlait le Président, que nous ayons des prélèvements, des dotations globales ou des impôts affectés ? Je pense aux collectivités locales et à la Sécurité Sociale. N'y aurait-il pas lieu, du fait de ce changement, d'avoir une sorte d'article sur les ressources partagées en début de débat où l'on ferait apparaître globalement comment les impositions de toutes natures se partagent avec les collectivités locales, toutes les dotations globales et tous les prélèvements étant réunis, avec la Sécurité sociale pour ce qui est des impositions de toutes natures et avec l'Union Européenne ?

Voilà trois débats à énoncer en première partie.

Je suis frappé que le terme de prélèvement soit banni de la réforme de l'ordonnance organique. On ne pourra pas rester dans cet état d'apesanteur.

Quant à l'Europe, j'approuve tout ce qui a été dit sur le plan de la gestion contra-cyclique nécessaire et non pas pro cyclique. N'aurait-on pas intérêt à caler la présentation de l'article d'équilibre sur la notion de besoin net de financement, qui fonde toutes les interventions européennes ?

Mme MAHIEUX .- Je prendrai à rebours les deux questions que vous avez soulevées et je commencerai par la seconde.

Je crois qu'elle renvoie à la fois à une interrogation que je comprends mais qui ne trouve pas sa solution dans le schéma que vous évoquez.

Il me semble que nous sommes quelque peu, à travers le débat « maastrichtien », dans une situation qui n'est pas très éloignée de la question qu'a soulevée votre Rapporteur général, en m'interrogeant sur le rôle respectif du résultat en caisse et en exercice.

Nous sommes aujourd'hui -vous l'avez rappelé- dans un espace européen où se posent, pour des raisons assez légitimes de coordination, des politiques économiques, des questions de comparabilité entre les Etats. Elles ont amené des débats très importants antérieurement au traité de Maastricht pour savoir comment il était possible de dépasser les différences institutionnelles séparant chacun des Etats membres de l'Union Européenne et de l'Euro où tout le monde n'a pas le même partage par sous-secteurs des administrations publiques, où tout le monde ne distribue pas les responsabilités et les charges de la même manière au sein de son organisation administrative, le périmètre de la Sécurité Sociale n'étant pas le même pour tout le monde, le rôle des collectivités locales, l'existence d'un Etat fédéral ou d'entités régionales ayant des pouvoirs variés.

A un certain moment, dans le débat européen, on s'est arrêté sur ce qui paraissait à tout le monde une unité de mesure se prêtant le mieux à des comparaisons internationales et l'on a choisi de surmonter nos différences institutionnelles, en se référant à un concept de comptabilité nationale qui a été celui du besoin de financement.

On a retenu pour ce faire un référentiel de comptabilité nationale dont il faut avoir en tête qu'il évolue. Au fil du temps, les instances de normalisation de la comptabilité nationale au niveau européen ont évolué d'un schéma à un autre, et le périmètre même des notions retenues par la comptabilité nationale évolue en permanence pour des raisons propres à la comptabilité nationale, qui sont souvent des raisons de cohérence entre les opérateurs, qui n'ont rien à voir avec la variation propre de la situation de l'un ou de l'autre.

C'est un ensemble de conventions que les comptables nationaux européens font varier et sur lequel ils tentent de définir des modes de traitement communs pour ne pas perturber la comparaison de la situation entre les Etats, mais ce n'est pas un référentiel en termes de plan comptable, ni a fortiori des concepts juridiques qui relèvent de la loi organique.

J'ai tendance à en conclure que nous sommes dans une situation un peu délicate, mais commune à beaucoup d'opérateurs, qui est de devoir manier une pluralité de concepts dont je souligne, car cela me paraît important, qu'il ne faut pas considérer qu'ils sont concurrents les uns par rapport aux autres, mais complémentaires et nous permettent de répondre, chaque fois, à une ou plusieurs questions que l'on se pose.

La loi de finances met des dispositions sous l'autorisation du Parlement et des moyens à disposition des gestionnaires. La comptabilité rend compte d'un résultat en exercice et nous permet de mesurer des coûts. La comptabilité nationale nous permet de répondre à des critères de comparabilité européenne.

Aujourd'hui, nous serions bien en peine de convertir l'article d'équilibre de la loi de finances, qui confronte des recettes et des dépenses (tout un cérémonial de présentation dont l'exactitude n'a d'égale que l'obscurité à bien des égards), de faire rigoureusement le même exercice en termes de comptabilité nationale et de comptabilité maastritchienne.

Les grandeurs que manipule le comptable national ne sont pas commensurables à l'unité de compte que nous appliquons en termes budgétaires. La comptabilité nationale est d'autant plus juste qu'elle travaille sur des grandes masses et sur ce qui a un sens en termes de solde.

L'article d'équilibre nous permet de dégager un solde qui a son équivalent en termes de comptabilité nationale, qui est présenté dans le rapport économique et financier, mais chacune des composantes de l'article d'équilibre pourrait très difficilement être traduite dans son équivalent au sens de la comptabilité nationale, sans passer par un ensemble de conventions ou d'incertitudes dont je ne suis pas convaincue que la qualité de l'information et de la transparence y gagnerait.

Il ne s'agit pas de convertir une nomenclature dans une autre mais de rendre compte d'une réalité différente, s'agissant de la comptabilité nationale, qui vise essentiellement à arriver à consolider l'idée d'opérateur économique distincte entre la Nation et le reste du monde.

Je crois que nous vivons avec des conditions distinctes. Nous nous efforçons d'expliquer comment passer d'un solde à l'autre et, dans le compte général de l'Administration des Finances de 1999, de la même façon que nous avons essayé avec la Direction Générale de la Comptabilité Publique de donner les grandeurs qui font le passage de la convention « solde budgétaire » à la convention « solde en exercice », nous avons donné les conditions qui font le passage de cette sorte d'exercice au solde de comptabilité net.

C'est, en termes de transparence, ce que nous devons nous efforcer de faire et ce que nous nous efforçons de faire ; je ne crois pas que l'on puisse le traduire ni en termes juridiques ni en termes techniques en un article d'équilibre.

J'ai du mal à interpréter votre question pour savoir si je dois la comprendre comme étant la reformulation de la précédente sur l'opportunité de refaire un grand total de tous les impôts et taxes ou assimilés existant à un instant donné, sur quoi il nous semble que nous pouvons répondre sans aucun doute par l'affirmative en termes d'information, mais très difficilement en termes d'autorisation, pour des raisons de non monopole de la loi de finances, ou si la question porte spécifiquement sur les prélèvements sur recettes.

Aujourd'hui, je ne peux sur ce point que renvoyer à deux éléments : le texte issu de l'Assemblée nationale dont vous êtes saisis est très explicite s'agissant des concours à l'Union européenne et pour lesquels il les traite, pour la partie qui ne relève pas des ressources propres additionnelles qui sont clairement à affecter directement, et non pas à transiter par les masses du budget de l'Etat mais, pour les ressource dites « produit national brut » (PNB) et « taxe à la valeur ajoutée » (TVA), les traiter en charges est nécessairement en charges évaluatives, pour des raisons juridiques tenant aux compétences propres du Parlement de l'Union.

Il ne dit rien, en revanche, sur les prélèvements au profit des collectivités locales et, à cet égard, je ne peux que rappeler -car je crois que le Président en a eu le texte- l'avis du Conseil d'Etat qui, quand il a été saisi de cette question -puisqu'ainsi que vous le savez le Gouvernement avait souhaité éclairer les débats avec le Parlement à l'aide d'un certain nombre de questions adressées au Conseil d'Etat. Il mettait en doute la constitutionnalité des prélèvements sur recettes, ce sur quoi l'ordonnance organique ne dit rien aujourd'hui.

M. CHARASSE .- Le Conseil constitutionnel les a validés.

Mme MAHIEUX .- Le Conseil d'Etat a assez longuement documenté une analyse qui, notamment au regard de l'interprétation dans l'article 40 de la Constitution, lui paraît conduire à juger que les prélèvements sur recettes ne sont pas une forme adaptée de traitement budgétaire des relations financières entre l'Etat et les collectivités locales.

Dernier point très étranger en tant que tel à un débat purement organique : faut-il aller vers un schéma « à l'allemande » des relations financières entre l'Etat et les collectivités locales, fondé sur l'idée du partage d'une ressource globale ? Il relève à la fois de l'appréciation d'opportunité de la part du Gouvernement et du Parlement, et d'une analyse au regard de ce qu'il implique, quant à la libre administration des collectivités locales.

M. LAMBERT, Président .- Merci pour cette audition.

Désignation de nos candidats pour la Commission paritaire chargée de proposer un texte sur le projet loi du budget (lecture).

(Aucune opposition).

Notre prochaine réunion se tiendra mercredi prochain, salle Clemenceau.

Nous auditionnerons M. Cannac, Président de l'Observatoire de la Dépense publique, M. Sapin, ministre de la Fonction publique et de la Réforme de l'Etat, Mme Florence Parly, Secrétaire d'Etat au Budget, et M. Logerot, Premier Président de la Cour des Comptes.

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