EXAMEN DES ARTICLES
TITRE PREMIER
CONCOURS FINANCIERS
DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
AUX SOCIÉTÉS D'ÉCONOMIE MIXTE LOCALES

Article 1er A
(art. L. 1522-2 du code général des collectivités territoriales)
Participation des collectivités territoriales au capital social
des sociétés d'économie mixte locales

Le présent article, ajouté à la proposition de loi sénatoriale par l'Assemblée nationale à l'initiative de M. Jacky Darne, rapporteur de la commission des Lois, tend à modifier l'article L. 1522-2 du code général des collectivités territoriales afin de relever le plafond fixé pour la participation des collectivités territoriales et de leurs groupements au capital social des sociétés d'économie mixte locales.

1° L'état actuel du droit

La France est actuellement le seul Etat de l'Union européenne qui impose des seuils de participation minimum et maximum des collectivités territoriales au capital social des sociétés d'économie mixte locales.

Depuis la loi n° 83-597 du 7 juillet 1983 relative aux sociétés d'économie mixte locales, les communes, les départements, les régions et leurs groupements doivent ainsi détenir, séparément ou à plusieurs, plus de la moitié du capital de ces sociétés et des voix dans les organes délibérants 1 ( * ) .

En revanche, la participation des autres actionnaires, publics ou privés, ne peut être inférieure à 20 % du capital 2 ( * ) . La présence d'une personne privée au moins est impérative 3 ( * ) .

En Polynésie française, les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent toutefois détenir jusqu'à 85 % du capital social des sociétés d'économie mixte 4 ( * ) .

Dans les autres Etats de l'Union européenne 5 ( * ) , la loi définit parfois des seuils. Il peut s'agir de minima -en Italie, 20 % au moins du capital doit être public- ou de plafonds -au Danemark, la participation d'une seule collectivité dans une entreprise ne peut en général représenter plus de 49 % du capital.

Dans les faits, un grand nombre d'entreprises publiques locales ont un capital entièrement public, notamment en Allemagne, en Suède, au Portugal, en Grèce ou en Belgique, même si la mixité semble de plus en plus recherchée par les autorités locales.

2° Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Dans un souci d'harmonisation avec les autres pays européens, la commission des Lois de l'Assemblée nationale avait initialement présenté deux amendements tendant à permettre aux collectivités territoriales et à leurs groupements de détenir une participation comprise entre 34 % et 100 % du capital social des sociétés d'économie mixte locales.

Selon M. Jacky Darne, rapporteur, la suppression du plafond de 80 % permettrait aux collectivités locales de créer, même en l'absence d'investisseurs privés, des sociétés d'économie mixte bénéficiant des possibilités offertes par le régime des sociétés commerciales.

A l'inverse, la possibilité pour une collectivité locale de détenir une participation inférieure à 50 % du capital serait susceptible de rendre les sociétés d'économie mixte plus attractives aux yeux des actionnaires privés, dans la mesure où ils pourraient acquérir un réel pouvoir de direction. Actuellement, leur participation serait moins motivée par un objectif de rentabilité que par l'espoir d'obtenir des financements ou des marchés de la part de leurs associés publics.

L'obligation de conserver une minorité de blocage dans les assemblées générales extraordinaires, avec l'institution d'un seuil plancher de 34 % du capital social permettrait aux collectivités locales de veiller au respect de l'intérêt général 6 ( * ) .

En séance publique, le Gouvernement a émis un avis défavorable à l'encontre de ces deux amendements.

La possibilité offerte aux collectivités locales et à leurs groupements de détenir la totalité des parts sociales lui a semblé remettre en cause la notion même d'économie mixte et constituer une rupture fondamentale avec les principes affirmés dans la loi du 7 juillet 1983.

M. Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, a ainsi rappelé que « l'essence même de l'économie mixte, ce n'est pas seulement la recherche de la souplesse, c'est aussi l'association avec des partenaires privés et, d'autre part, que l'idée de mixité sous-entend la rencontre de plusieurs cultures de gestion, lesquelles paraissent nécessaires à la dynamique des organismes en question » 7 ( * ) .

D'autre part, il a estimé que l'abaissement à 34 % du seuil minimum de participation des collectivités territoriales dans le capital social des sociétés d'économie mixte risquerait de les priver du contrôle effectif de ces sociétés et d'affecter la mise en oeuvre des missions d'intérêt général qui leur sont dévolues.

Enfin, M. Christian Paul a souligné que la possibilité de créer des sociétés dont le capital serait détenu en majorité par des investisseurs privés pourrait conduire à une nouvelle forme de concession des services publics dépourvue des garanties de procédures instituées par la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques.

M. Olivier de Chazeaux a redouté, quant à lui, que l'adoption de tels amendements conduise à l'ouverture « d'une nouvelle boîte de Pandore ». Il a rappelé que la détention par des collectivités territoriales de la majorité du capital social des sociétés d'économie mixte permettait l'exercice d'un double contrôle du préfet et des chambres régionales des comptes.

Aussi M. Jacky Darne a-t-il décidé de retirer l'amendement de la commission des Lois tendant à permettre aux collectivités territoriales et à leurs groupements de détenir la totalité du capital social d'une société d'économie mixte et de rectifier son deuxième amendement afin de relever à 90 % le plafond de leur participation .

Aux termes de cet amendement, adopté par l'Assemblée nationale après un avis de sagesse du Gouvernement, les collectivités territoriales et leurs groupements devraient toujours détenir plus de la moitié du capital social des sociétés d'économie mixte locales, et des voix dans les organes délibérants, mais pourraient prendre une participation maximale de 90 %, et non plus de 80 %.

3° La position de votre commission des Lois

En première lecture, votre rapporteur avait déjà souligné que la France était le seul Etat de l'Union européenne dans lequel les entreprises publiques locales sont obligatoirement des sociétés à capital mixte.

A la lumière des expériences des autres pays, il avait indiqué qu'il était donc légitime de s'interroger sur la pertinence des règles établissant un plafonnement de la participation des collectivités publiques.

Pour autant, permettre aux collectivités territoriales et à leurs groupements de détenir entre 34 % et 100 % du capital des sociétés d'économie mixte introduirait une véritable rupture avec les principes retenus en 1983 de mixité du capital social des sociétés et de contrôle total de leur gestion par les collectivités territoriales .

Votre commission des Lois avait donc estimé qu'une réforme de cette ampleur méritait une étude approfondie et dépassait l'objet de la présente proposition de loi. Dans cette perspective, il lui semble préférable de ne pas modifier, pour l'instant, les seuils fixés par la loi du 7 juillet 1983.

C'est la raison pour laquelle, votre commission des Lois vous propose d'adopter un amendement de suppression de cet article .

Article premier
(art. L. 1522-4 et L. 1522-5 du code général des collectivités territoriales)
Concours financiers des collectivités territoriales
aux sociétés d'économie mixte locales

Cet article tend à insérer dans le titre II du livre cinquième de la première partie du code général des collectivités territoriales, consacré aux sociétés d'économie mixte locales, un chapitre II bis intitulé « Concours financiers des collectivités territoriales et de leurs groupements ».

Ce chapitre, composé des articles L. 1522-4 et L. 1522-5, a pour objet de clarifier les relations financières entre collectivités locales et sociétés d'économie mixte.

L'article L. 1522-4 tend à autoriser les collectivités territoriales à allouer aux sociétés d'économie mixte, en tant qu'actionnaires, des apports en compte courant et, en tant que cocontractants, des concours financiers. L'article L. 1522-5 définit les conditions régissant les apports en compte courant d'associé.

1° L'article L. 1522-4 : possibilité d'allouer des apports en compte courant d'associés

En l'état actuel du droit, la jurisprudence administrative 8 ( * ) reconnaît aux collectivités territoriales et à leurs groupements la possibilité de devenir actionnaires des sociétés d'économie mixte locales et de souscrire à des augmentations de capital, dans la limite des seuils fixés par la loi du 7 juillet 1983.

En revanche, ils ne peuvent accorder légalement d'aides directes ou indirectes à ces sociétés qu'en respectant les règles de droit commun fixées pour les aides aux entreprises 9 ( * ) .

Ne sont ainsi autorisées ni les subventions, ni les prises en charge de pertes d'exploitation 10 ( * ) , ni les avances d'associés, ni les avances de trésorerie, à l'exception de celles qui sont accordées dans le cadre très strict d'un contrat de concession ou de mandat conclu en application de l'article 5 de la loi du 7 juillet 1983 11 ( * ) , ou de l'article 5-b de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'oeuvre privée.

En première lecture, votre commission des Lois avait donc souhaité mettre les collectivités territoriales en mesure de donner aux sociétés d'économie mixte les moyens nécessaires à l'accomplissement des missions générales qu'elles leur confient et assurer une plus grande sécurité juridique à leurs relations contractuelles.

Le premier alinéa du texte proposé par le Sénat pour l'article L. 1522-4 du code général des collectivités territoriales spécifiait que les collectivités territoriales et leurs groupements pourraient, en leur qualité d'actionnaires, allouer des apports en compte courant d'associés aux sociétés d'économie mixte locales, selon des modalités déterminées à l'article L. 1522-5.

Il s'agissait de reconnaître aux collectivités locales les mêmes facultés que les actionnaires de droit commun des sociétés commerciales en matière d'apports financiers.

Le deuxième alinéa de l'article L. 1522-4 autorisait les collectivités locales et leurs groupements, qu'ils soient ou non actionnaires, à allouer des concours financiers aux sociétés d'économie mixte, cette fois en leur qualité de cocontractants, dans le cadre des opérations d'intérêt général ou des missions de service public qu'ils leur confient.

Cet alinéa avait essentiellement une valeur indicative et un objectif pédagogique, puisqu'il se limitait à mentionner les articles du code général des collectivités territoriales et du code de l'urbanisme prévoyant de telles participations.

Enfin, le dernier alinéa de l'article L. 1522-4 précisait que les concours financiers ainsi autorisés ne seraient pas soumis au dispositif régissant les aides des collectivités locales aux entreprises.

Sur la proposition de sa commission des Lois et après un avis de sagesse du Gouvernement, l'Assemblée nationale a souhaité spécifier, au premier alinéa de cet article, que les collectivités locales peuvent non seulement consentir des apports en compte courant d'associés aux sociétés d'économie mixte dont elles sont actionnaires, mais également prendre part aux augmentations de capital .

Votre rapporteur observe que l'article L. 1522-1 du code général des collectivités territoriales autorise les collectivités territoriales à acquérir des actions émises par les sociétés d'économie mixte locales. Comme l'a reconnu le Conseil d'Etat dans ses arrêts précités, cette autorisation vise non seulement la souscription au capital initial mais également aux augmentations de capital ultérieures. L'amendement de l'Assemblée nationale permettra cependant de lever toute ambiguïté éventuelle.

Au deuxième alinéa de l'article L. 1522-4, toujours sur la proposition de sa commission des Lois mais, cette fois, avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté un amendement énumérant expressément les dispositions qui fondent la possibilité reconnue aux collectivités locales d'octroyer des subventions à des sociétés d'économie mixte, en qualité de cocontractants, pour la réalisation de certaines opérations prévues par la loi.

Il s'agit de la construction de logements sociaux, du financement de leur équilibre d'exploitation, de la gestion de services industriels et commerciaux et des opérations publiques d'aménagement.

Plus précise, la liste établie par l'Assemblée nationale a pour inconvénient d'être limitative. Au demeurant, elle ne couvre pas tous les régimes d'aides actuellement en vigueur. A titre d'exemple, l'article L. 318-5 du code de l'urbanisme 12 ( * ) autorise les collectivités territoriales à financer des opérations de réhabilitation de l'immobilier de loisir.

Compte tenu du nombre de régimes en vigueur, l'établissement d'une liste précise et exhaustive serait peu lisible. Un tel recensement du droit existant ne relève d'ailleurs sans doute pas de la loi. De surcroît, chaque extension ultérieure des possibilités de subventions aux sociétés d'économie mixte nécessiterait une mesure de coordination, dont l'oubli pourrait s'avérer préjudiciable.

Votre commission des Lois considère qu'en ouvrant le débat sur les concours financiers des collectivités territoriales aux sociétés d'économie mixte, elle a permis de rappeler que les régimes d'aides particuliers autorisés par la loi priment sur le régime général des interventions économiques locales .

Elle vous soumet donc un amendement de suppression de cet alinéa afin d'éviter qu'il soit interprété comme une liste limitative, alors qu'il ne constitue qu'un rappel du droit existant.

2° L'article L. 1522-5 : conditions d'octroi des apports en compte courant

En première lecture, le Sénat avait prévu l'insertion dans le code général des collectivités territoriales d'un article L. 1522-5 précisant les conditions d'octroi des apports en compte courant d'associés.

Cet article exigeait la conclusion d'une convention expresse entre la collectivité territoriale ou le groupement actionnaire et la société d'économie mixte, dont il précisait le contenu.

D'une part, il disposait que l'avance pourrait être consentie pour une durée maximale de deux ans, éventuellement renouvelable une fois, au terme de laquelle elle devrait être remboursée ou transformée en augmentation de capital 13 ( * ) .

D'autre part, la transformation en augmentation de capital de l'apport en compte courant ne pourrait avoir pour effet de porter la participation de la collectivité locale au-delà du plafond prévu à l'article L. 1522-2 du code général des collectivités territoriales 14 ( * ) .

L'article L. 1522-5 fixait également les conditions dans lesquelles les assemblées délibérantes des collectivités territoriales et de leurs groupements actionnaires se prononceraient sur l'octroi, le renouvellement ou la transformation en capital des apports en compte courant.

Enfin, il confiait à un décret en Conseil d'Etat le soin de déterminer les modalités de rémunération de ces apports.

• Succession d'avances

A l'initiative de sa commission des Lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a interdit, d'une part qu'une nouvelle avance en compte courant puisse être accordée avant le remboursement ou l'incorporation au capital de la précédente avance, d'autre part que le remboursement d'une avance soit assuré par le produit d'un nouvel apport.

M. Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, a indiqué que cette mesure visait « à éviter que ces concours financiers, en principe destinés à pallier une insuffisance de trésorerie momentanée, ne deviennent un mode de financement permanent des pertes des sociétés » et qu'il était nécessaire, pour que le remboursement soit effectif, « d'interdire qu'il puisse être assuré par le produit d'une nouvelle avance, de la même manière que la loi interdit aux collectivités locales de rembourser leurs emprunts par des recettes d'emprunts 15 ( * ) ».

Votre commission des Lois vous propose d'adopter un amendement spécifiant qu'aucune nouvelle avance ne peut être accordée, par une même collectivité ou un même groupement, avant que la précédente n'ait été remboursée ou incorporée au capital , et précisant l'interdiction de recourir à une avance pour rembourser une autre avance.

En effet, la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale pourrait laisser entendre que cette interdiction vise l'ensemble des collectivités actionnaires. Une société d'économie mixte ne pourrait ainsi bénéficier simultanément d'avances de plusieurs collectivités pour la réalisation de projets distincts.

• Plafonnement du montant des avances en compte courant

Toujours à l'initiative de sa commission des Lois, mais après un avis de sagesse du Gouvernement, l'Assemblée nationale a plafonné à 5 % des recettes de la section fonctionnement de leur budget le montant total des avances en compte courant susceptibles d'être accordées par les collectivités ou leurs groupements aux sociétés d'économie mixte locales.

Avec l'avis favorable du Gouvernement, elle a interdit les avances en compte courant lorsque les capitaux propres de la société d'économie mixte sont devenus inférieurs à la moitié du capital social 16 ( * ) .

Enfin, l'Assemblée nationale a adopté un amendement rédactionnel.

Votre commission des Lois vous propose d'adopter sans modification ces dispositions visant à protéger les finances locales .

On notera qu'après avoir reconnu qu'il n'était pas opportun de créer une distorsion de régime entre actionnaires publics et privés d'une même société, M. Jacky Darne a retiré en séance publique un amendement de la commission des Lois de l'Assemblée nationale imposant la gratuité des avances en compte courant d'associés consenties par les collectivités locales et leurs groupements.

Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article premier ainsi modifié .

Article 1er bis
(art. L. 1523-7 du code général des collectivités territoriales)
Subventions et avances aux sociétés d'économie mixte
exerçant une activité de développement économique local

Cet article, adopté par le Sénat sur la proposition de M. Jean-Pierre Schosteck, tend à insérer un article L. 1523-7 dans le code général des collectivités territoriales afin d'autoriser les collectivités locales et leurs groupements à accorder des subventions ou des avances aux sociétés d'économie mixte pour des programmes d'intérêt général liés à la mise en oeuvre et au développement des activités économiques locales.

La loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains leur a reconnu la possibilité de consentir des aides financières à des sociétés d'économie mixte exerçant des activités de construction et de gestion de logements 17 ( * ) ainsi qu'à celles chargées d'opérations publiques d'aménagement 18 ( * ) .

Le présent article visait donc à prévoir des dispositions analogues au profit des sociétés d'économie mixte exerçant des activités de développement économique local.

Le dispositif adopté par le Sénat en première lecture, inspiré de l'article L. 1523-5 du code général des collectivités territoriales, précisait que les apports des collectivités seraient consentis dans le cadre de programmes d'accueil, d'aide, de conseil à la création et de services communs aux entreprises . Il plafonnait leur montant maximal et prévoyait la signature d'une convention définissant les contreparties imposées aux bénéficiaires. Les assemblées délibérantes des collectivités se seraient préalablement prononcées après examen d'un certain nombre de documents financiers 19 ( * ) .

Au cours des débats à l'Assemblée nationale, MM. Jacky Darne, rapporteur de la commission des Lois, et Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ont tous deux manifesté leur souhait de restreindre le champ de cet article afin d'éviter que, par une acception trop générale, il ne conduise les collectivités locales à méconnaître les dispositions nationales et communautaires régissant les aides publiques aux entreprises.

M. Jacky Darne a ainsi estimé que la référence aux « activités de développement économique local » était trop imprécise, dans la mesure où elle pouvait viser aussi bien la gestion de pépinières d'entreprises 20 ( * ) que des actions de communication et de promotion économique d'un territoire.

Autoriser les collectivités locales à accorder des participations financières directes à des sociétés d'économie mixte gérant des pépinières d'entreprises risquerait, selon lui, d'être perçu comme une tentative de contournement des dispositions des lois du 7 janvier et du 2 mars 1982 régissant les interventions économiques des collectivités locales.

En effet, s'il a été reconnu que la gestion d'une pépinière d'entreprises relevait d'une activité d'intérêt général et pouvait donc entrer dans le domaine d'intervention d'une société d'économie mixte 21 ( * ) , le rôle de ces sociétés se limite le plus souvent à celui d'un organisme relais 22 ( * ) entre la collectivité locale et les entreprises.

Transparente, la société d'économie mixte est alors considérée comme agissant pour le compte de la collectivité. Dès lors, les concours financiers que cette dernière peut lui accorder sont considérés comme des aides à l'entrepreneur et, pour être légaux, doivent avoir été octroyés dans les mêmes conditions que si la collectivité était intervenue elle-même directement.

La Commission européenne a déjà demandé à des entreprises ayant reçu des aides de collectivités publiques par l'intermédiaire d'une société d'économie mixte le remboursement de ces aides lorsqu'elles avaient été indûment octroyées 23 ( * ) .

Dans ces conditions, l'Assemblée nationale, sur la proposition de sa commission des Lois et après un avis de sagesse du Gouvernement, a préféré circonscrire le champ de cet article en permettant aux collectivités territoriales et à leurs groupements de verser des aides aux seules sociétés d'économie mixte exerçant une activité de promotion économique du territoire, dans le cadre de programmes d'intérêt général liés à la gestion de services communs aux entreprises.

Sont ainsi visées, d'une part la réalisation de rapports, d'études économiques et financières ou encore la prospection d'entreprises, d'autre part l'organisation de salons professionnels, de foires, de réunions techniques d'informations ou la mise à disposition des entreprises d'informations juridiques et financières.

A l'heure actuelle, ces activités destinées à favoriser l'implantation des entreprises sont généralement confiées à des associations, en particulier les comités d'expansion économique, car elles ne génèrent guère de recettes 24 ( * ) .

Si elle a maintenu l'exigence d'une convention fixant les obligations de la société d'économie mixte, l'Assemblée nationale n'a cependant prévu aucune limitation de montant des aides qui pourraient être consenties.

Pour des raisons de sécurité juridique, votre commission des Lois juge également préférable de limiter l'attribution de subventions aux actions de développement économique à caractère général, c'est-à-dire ne visant pas une entreprise ou un groupe d'entreprises en particulier.

Elle vous propose d'adopter un amendement de clarification, aux termes duquel les collectivités territoriales pourront accorder aux sociétés d'économie mixte des subventions ou des avances destinées à des programmes d'intérêt général liés à la promotion économique du territoire, à l'implantation d'entreprises ou à la gestion de services communs aux entreprises.

La rédaction retenue par l'Assemblée nationale apparaît en effet plus ambiguë, et sans doute plus restrictive, puisqu'elle prévoit que les aides ne pourront être accordées qu'à des sociétés exerçant des activités de promotion économique du territoire et uniquement pour des programmes d'intérêt général liés à la gestion de services communs aux entreprises.

Il convient de rappeler, par ailleurs, que les collectivités locales ne peuvent déléguer à des tiers leur compétence de manière globale, en l'occurrence la définition ou l'exécution d'une politique d'intervention économique 25 ( * ) .

Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 1 er bis ainsi modifié .

Article 2
(art. L. 1615-11 nouveau du code général des collectivités territoriales)
Remboursement par le Fonds de compensation pour la T.V.A. de participations financières versées par les collectivités territoriales
aux sociétés d'économie mixte locales dans le cadre
d'opérations d'aménagement

Cet article vise à rendre éligible au Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (F.C.T.V.A.) la fraction de la participation d'une collectivité territoriale ou d'un groupement affectée au financement d'acquisitions foncières ou d'équipements publics, dans le cadre d'opérations d'aménagement effectuées en application de l'article L. 300-5 du code de l'urbanisme. A cette fin, il insère dans le chapitre V du code général des collectivités territoriales, consacré à ce fonds, un nouvel article L. 1615-11.

Dès lors que les dépenses correspondantes pourraient faire l'objet d'un remboursement si elles étaient engagées directement par la collectivité, il paraissait logique de prévoir leur éligibilité au Fonds en cas de réalisation de l'opération par une société d'économie mixte.

En première lecture, le Gouvernement avait proposé un amendement de suppression de cet article 2. Il avait toutefois souligné son attachement à ne pas pénaliser les collectivités locales selon le mode de gestion qu'elles choisissent et s'était engagé à rechercher les moyens d'assurer la neutralité du dispositif.

C'est dans cet objectif que l'Assemblée nationale, sur la proposition de sa commission des Lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, a sensiblement modifié le dispositif prévu par le Sénat.

1° La suppression de l'éligibilité au F.C.T.V.A. des financements affectés aux acquisitions foncières

L'Assemblée nationale a tout d'abord supprimé l'éligibilité des financements affectés aux acquisitions foncières, au motif que ces dernières ne constituent pas des dépenses éligibles pour les communes.

Votre rapporteur observe qu'aux termes de l'article 257-7 du code général des impôts, les acquisitions de terrains nus ne sont pas assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée et ne peuvent, de ce fait, être éligibles au F.C.T.V.A.

En revanche, les terrains à bâtir, c'est-à-dire les biens acquis en vue de la construction d'immeubles de toute nature (terrains nus, terrains recouverts de bâtiments destinés à être démolis ou immeubles inachevés), sont assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée immobilière. Les dépenses afférentes à leur acquisition pourraient donc donner lieu à compensation.

Dans la mesure où la valeur d'un équipement public réalisé dans le cadre d'une opération d'aménagement, qui servira d'assiette au F.C.T.V.A., devrait prendre en compte non seulement le coût des constructions mais également celui des acquisitions foncières, la rédaction retenue par l'Assemblée nationale n'exclut en définitive du bénéfice de la compensation que les acquisitions foncières sans lien avec la réalisation d'un équipement public.

Votre commission des Lois vous propose d'adopter cette disposition sans modification.

2° L'éligibilité au F.C.T.V.A. de l'ensemble du financement d'une opération d'aménagement.

Guidée par le même souci d'assurer la neutralité du dispositif selon le mode de gestion retenu, l'Assemblée nationale a rendu éligible au F.C.T.V.A. l'ensemble de l'opération d'aménagement, et non plus seulement la subvention accordée par la collectivité.

M. Jacky Darne a indiqué qu'en cas de financement d'une opération par une commune, l'ensemble de l'investissement était éligible et non uniquement la part effectivement financée par la collectivité.

Votre rapporteur note qu'en application de l'article L. 1615-6 du code général des collectivités territoriales, l'assiette du F.C.T.V.A est constituée par la valeur de l'équipement, et non par le prix payé ou la participation versée par la collectivité pour cet équipement.

Cet article précise en effet que le taux de calcul de la compensation est appliqué aux dépenses réelles d'investissement, lesquelles regroupent, conformément au texte de l'article R. 1615-1, les dépenses comptabilisées à la section d'investissement. Or, ces dépenses intègrent le coût total de l'équipement et non les seules participations des collectivités locales.

Ainsi, une commune qui réalise un ouvrage en partie subventionné bénéficie-t-elle du Fonds sur la base de l'ensemble du financement, la seule exception concernant les subventions de l'Etat versées sur une base toutes taxes comprises, qui doivent être exclues de l'assiette du F.C.T.V.A en application de l'article L. 1615-10.

Votre commissions des Lois approuve cette disposition favorable aux collectivités locales.

3° Le versement de l'attribution du F.C.T.V.A.

Selon le texte adopté par l'Assemblée nationale, le droit au bénéfice du Fonds de compensation pour la TVA serait acquis, non pas au moment du versement de la participation de la collectivité, mais à compter de l'intégration du bien dans son patrimoine, c'est-à-dire sans doute quelques années plus tard 26 ( * ) .

L'attribution serait calculée sur la base de la valeur de l'équipement intégré.

En séance publique, M. Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, a indiqué que les collectivités locales n'auraient pas l'obligation de faire constater le transfert de biens dans leur patrimoine par acte notarié, mais pourraient recourir à un simple acte administratif.

S'agissant des projets en cours, M. Jacky Darne a précisé que les dépenses seraient éligibles au moment de l'intégration de l'équipement dans le patrimoine local, dès lors que cette intégration interviendrait après publication de la loi.

Sous le bénéfice de ces observations, votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 2 sans modification .

* 1 Article L. 1522-1 du code général des collectivités territoriales.

* 2 Article L. 1522-2 du même code.

* 3 Article L. 1521-1 du même code.

* 4 La loi n° 96-609 du 5 juillet 1996 portant dispositions diverses relatives à l'outre-mer a introduit un article 18 dans la loi n° 83-597 du 7 juillet 1983 relative aux sociétés d'économie mixte locales qui prévoit que lorsque ces sociétés sont installées en Polynésie française, « la participation au capital social des actionnaires autres que les communes et leurs groupements ne peut être inférieure à 15% ».

* 5 Le rapport de première lecture n° 77 (Sénat, 2000-2001) comporte en annexe une présentation des statuts des entreprises publiques locales dans les Etats de l'Union européenne.

* 6 Aux termes des articles 153 et 155 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales, les assemblées générales extraordinaires et ordinaires statuent respectivement à la majorité des deux tiers et à la majorité des voix.

Ainsi, avec 34 % du capital social de la société d'économie mixte locale, la collectivité actionnaire aura la possibilité de bloquer les résolutions des assemblées extraordinaires ; avec 50 % du capital social, elle pourra bloquer les résolutions des assemblées ordinaires ; avec plus de 50 % elle sera capable de diriger les assemblées ordinaires ; enfin, avec 67 %, elle sera en mesure de diriger les assemblées extraordinaires.

Toutefois, l'utilisation abusive de ces pouvoirs, contraire à l'intérêt social de la société, sera susceptible d'être sanctionnée sur le fondement de la notion d'abus de droit dans les sociétés -abus de minorité, abus d'égalité ou abus de majorité.

* 7 Journal Officiel des débats de l'Assemblée nationale, troisième séance du 27 juin 2001, page 5081.

* 8 Conseil d'Etat, 17 janvier 1994, préfet du département des Alpes-de-Haute-Provence ; 6 novembre 1995, commune de Villenave d'Ornon.

* 9 Ces règles ont été fixées par les lois n° 82-213 du 2 mars 1982, relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions, et n° 82-6 du 7 janvier 1982 approuvant le plan intérimaire 1982-1983. Elles figurent aux articles L. 1511-1 et suivants, L. 2251-1 et suivants, L. 3231-1 et suivants et L. 4253-1 et suivants du code général des collectivités territoriales.

* 10 L'article L. 2224-2 du code général des collectivités territoriales, introduit par la loi n° 88-13 du 5 janvier 1988 d'amélioration de la décentralisation, autorise toutefois les seules communes à prendre en charge, dans certains cas limitativement énumérés, des dépenses des services industriels et commerciaux.

* 11 Dans une décision du 13 septembre 1995 (Département des Alpes-Maritimes), le Conseil d'Etat a soumis les avances de trésorerie à plusieurs conditions : l'objet de l'aide ne doit pas être la réalisation de prestations de services ; l'apport doit être consenti dans le cadre d'une convention ; l'aide doit porter uniquement sur la réalisation d'une mission confiée à la société d'économie mixte, et non servir à rembourser une dette.

* 12 Cet article a été introduit dans le code de l'urbanisme par l'article 186-I de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains.

* 13 Au cours des débats en séance publique au Sénat et en commission des Lois à l'Assemblée nationale, d'aucuns ont redouté que la limitation à quatre ans de la durée de l'avance en compte courant compromette la réalisation d'opérations d'aménagement, dont les délais sont particulièrement longs. Votre rapporteur rappelle que l'article L. 300-5 du code de l'urbanisme issu de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains a précisément pour objet de permettre aux collectivités territoriales d'apporter leur aide financière à la mise en oeuvre de telles opérations. En outre, le montant de cette participation peut être révisé en cours d'exécution, à condition toutefois que l'avenant pris à cet effet soit approuvé expressément par l'assemblée délibérante au vu d'un rapport spécial établi par l'aménageur. Les avances en compte courant ont quant à elles pour objet de permettre à une société de surmonter des difficultés de trésorerie temporaires .

* 14 Le Sénat avait rejeté un amendement présenté par le Gouvernement prévoyant que le calcul du plafond serait effectué en additionnant la participation au capital et les avances en compte courant. Imposer une participation des partenaires privés risquerait en effet de rendre inopérant le principe de l'autorisation des avances en compte courant. Aussi la rédaction retenue en première lecture n'imposait-elle le respect du plafond qu'après l'éventuelle transformation de l'avance en compte courant en une augmentation de capital.

* 15 Journal Officiel des débats de l'Assemblée nationale, troisième séance du 27 juin 2001, page 5082.

* 16 Sans évoquer les avances en compte courant d'associés, l'article L. 225-248 du code de commerce prévoit des mesures particulières telles que la convocation de l'assemblée générale extraordinaire pour décider de la dissolution anticipée éventuelle de la société lorsque, du fait de pertes constatées dans les documents comptables, les capitaux propres de celle-ci deviennent inférieurs à la moitié du capital social.

Il est possible que certaines sociétés, confrontées à des difficultés financières structurelles de nature à obérer la poursuite de leur activité, soient tentées de recourir à des avances, normalement destinées à surmonter des difficultés de trésorerie temporaires, pour combler leurs pertes.

L'interdiction faite aux collectivités locales et à leurs groupements de verser des avances en compte courant d'associés lorsque les capitaux propres de la société d'économie mixte sont devenus inférieurs à la moitié du capital social peut s'avérer d'autant plus nécessaire que le montant de ce type d'avances n'est plafonné ni en valeur absolue ni en pourcentage du capital social.

* 17 Articles L. 1523-5 et L. 1523-6 du code général des collectivités territoriales.

* 18 Articles L. 300-4 et L. 300-5 du code de l'urbanisme.

* 19 Une étude financière détaillant le coût total de l'investissement ainsi que l'équilibre prévisionnel d'exploitation et un rapport sur la situation financière de la société.

* 20 Les pépinières d'entreprises visent à favoriser la création et l'implantation d'entreprises sur un territoire donné en vue de son développement économique. Elles remplissent généralement une triple fonction : l'hébergement temporaire : le créateur se voit proposer des bureaux ou des ateliers ainsi que des prestations administratives (droit à la ligne téléphonique, secrétariat, salle de réunion...) ; l'accompagnement ou le parrainage : conseils en matière de gestion, de marketing, de finance ; l'appui technologique : fourniture des moyens nécessaires à la mise en oeuvre d'innovations en liaison avec l'environnement éducatif, industriel ou de recherche. Une fois formé et préparé, le créateur quittera la pépinière.

* 21 Réponse ministérielle à la question écrite n° 54473, Journal Officiel des questions de l'Assemblée nationale du 24 février 1992.

* 22 Les interventions des organismes relais reposent sur une base juridique fragile : l'article R. 1511-2 du code général des collectivités territoriales dispose simplement que « Les dispositions de la présente sous-section (aides à l'achat et à la location de bâtiments) s'appliquent également aux aides attribuées par les collectivités territoriales et leurs groupements, seuls ou conjointement, aux entreprises par l'intermédiaire d'organismes relais. »

* 23 Décision de la Commission européenne du 12 juillet 2000 concernant l'aide d'Etat mise à exécution par la France pour Scott Paper SA/Kimberly Clark.

* 24 L'article 49 de la loi n° 99-533 du 25 juin 1999 d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire a consacré cette pratique en disposant que « les comités d'expansion et les agences de développement économique, associations de la loi du 1 er juillet 1901, créés à l'initiative des collectivités territoriales, ainsi que les comités de bassin d'emploi peuvent assister les collectivités territoriales dans l'élaboration et la mise en oeuvre de leurs stratégies de développement économique. »

* 25 Voir par exemple l'arrêt du Conseil d'Etat du 27 mars 1995, chambre d'agriculture des Alpes-Maritimes et la décision du tribunal administratif d'Amiens du 1 er décembre 1987, MM. Braine et Vantomme.

* 26 En application de l'article L. 1615-6 du code général des collectivités territoriales, l'assiette des dépenses éligibles sera établie au vu du compte administratif de la pénultième année, sauf pour les communautés de communes et d'agglomération pour lesquelles l'assiette des dépenses sera établie l'année même de l'intégration de l'équipement dans le patrimoine de la collectivité.

Selon les informations disponibles relatives aux délais de réalisation d'opérations d'aménagement, il semble que les biens d'équipement public n'intègrent le patrimoine des collectivités qu'au terme de délais variant de 5 à 10 ans, qui peuvent toutefois être plus courts.

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