II. UN RÉGIME CONTESTÉ

1. Un régime qui survit grâce à un scénario de crise récurrent

Jusqu'à présent, les négociations sur les annexes VIII et X se déroulaient selon un schéma bien établi : l'organisation patronale dénonçait un régime relevant de la politique culturelle mais financé par les partenaires sociaux et les intermittents obtenaient in fine par leurs actions auprès des pouvoirs publics la prorogation des accords, encouragés en cela par les règles de négociation applicables aux annexes rappelées plus haut.

Jusqu'à la crise ouverte par la renégociation de la convention générale de l'UNEDIC de 1997, le régime des intermittents résultait des termes du protocole du 25 septembre 1992 annexé à la convention d'assurance chômage du 1 er janvier 1993. Ce protocole, conçu pour n'avoir qu'une durée d'application limitée, a été reconduit à onze reprises compte tenu de l'impossibilité pour les partenaires sociaux de trouver un accord sur de nouvelles modalités d'indemnisation.

Toutefois, ce scénario de crise ne doit pas occulter les avancées réalisées tant par l'Etat que par les partenaires sociaux pour remédier aux abus générés par les règles favorables des annexes VIII et X, avancées qui ne se sont pas encore traduites par une réduction des déficits.

Les difficultés financières de ce régime comme les critiques dont il était l'objet avaient conduit en 1997 les ministres en charge de l'emploi et de la culture à confier une mission de médiation à M. Pierre Cabanes, conseiller d'Etat, afin d'élaborer des solutions de nature à préserver le régime tout en atténuant ses effets pervers.

Sur la base des propositions formulées alors, un protocole signé le 28 mars 1997 entre l'Etat et les partenaires sociaux énonçait les mesures à mettre en oeuvre.

Ces propositions, pour légitimes qu'elles soient, ne constituaient pas des innovations et, par ailleurs, n'avaient pas pour objet de modifier les conditions d'indemnisation.

Dans la mesure où le « travail au noir » constitue une des principales difficultés auxquelles est confronté le régime des intermittents, il avait paru nécessaire de simplifier les démarches imposées aux employeurs, ce qui devait les encourager à déclarer les artistes et techniciens qu'ils emploient. Dans cette perspective, l'article 6 de la loi n° 98-546 du 2 juillet 1998 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier a créé un guichet unique au bénéfice des entrepreneurs de spectacle occasionnels afin de faciliter les formalités de déclaration et le versement des cotisations sociales.

On rappellera également pour mémoire la réforme de l'ordonnance du 13 octobre 1945 par la loi du 18 mars 1999 1 ( * ) qui a doté les services de l'Etat et les organismes sociaux des moyens d'assurer un contrôle plus vigilant du respect des règles applicables à l'exercice de la profession d'entrepreneur de spectacle.

Cependant, on relèvera que le projet de croisement des fichiers entre les différents organismes de sécurité sociale, recommandé alors, n'a pas encore été mis en oeuvre.

Par ailleurs, afin de mieux encadrer la pratique du travail intermittent, un accord conclu le 12 octobre 1998, étendu par arrêté du 15 janvier 1999 a déterminé les conditions dans lesquelles les employeurs des secteurs concernés peuvent recourir au contrat de travail à durée déterminée d'usage. Des listes de fonctions et de secteurs d'activité ont été dressées afin de préciser les cas où ce type de contrat est possible. A l'occasion de la négociation de cet accord, les 52 organisations patronales de ce secteur se sont regroupées au sein de la fédération des entreprises du spectacle vivant, de la musique, de l'audiovisuel et du cinéma (FESAC), qui par la suite a été mandatée par le MEDEF pour négocier des accords destinés notamment à générer des économies pour le régime d'assurance chômage.

Ces avancées positives n'ont pas pour autant permis à la négociation collective de régler de manière durable le sort des annexes VIII et X.

Au-delà des difficultés liées aux spécificités du régime d'indemnisation des intermittents, la résolution du conflit s'est heurtée au « découplage » de la négociation des annexes VIII et X par rapport à celle de la convention générale. L'adaptation des annexes à la convention générale du 1 er janvier 1997 a été en effet discutée alors que se déroulait la renégociation, très difficile et conflictuelle, de cette dernière. Cette procédure complexe n'a pas à l'évidence, contribué à apaiser les débats et à en clarifier les enjeux.

Toutefois, un accord a pu être trouvé - mais tardivement - afin d'adapter les annexes à la convention générale de 1997.

Les partenaires sociaux ont abouti à un protocole signé le 20 janvier 1999. Ce protocole prenait en compte deux accords précédemment conclus :

- celui conclu le 27 avril 1997 relatif au mode de calcul de l'allocation journalière de chômage des techniciens de l'audiovisuel ressortant de l'annexe VIII ;

- celui du 12 octobre 1998 relatif au recours au contrat de travail à durée déterminée d'usage.

En conséquence, les champs d'application des annexes se trouvaient définis avec plus de précision et, par ailleurs, la base de référence pour le calcul des prestations n'est plus le salaire conventionnel mais le salaire réel sur lequel sont assises les cotisations.

L'accord du 20 janvier 1999 n'avait toutefois qu'une portée limitée dans la mesure où il ne procédait pas une vraie refonte du régime des annexes VIII et X et n'était conclu que pour une durée limitée. L'arrêté d'agrément du 2 avril 1999 prévoyait qu'il cessait de produire ses effets le 31 décembre 1999.

A la suite de cet accord, de nouvelles négociations se sont engagées au sein de la profession pour une refonte des annexes VIII et X.

Elles ont débouché sur un accord conclu le 15 juin 2000 par les représentants de la profession. Cet accord, qui n'engage que la profession, réaffirme les particularités économiques et sociales du spectacle, la légitimité d'un dispositif spécifique d'indemnisation adapté à ce secteur, la nécessité de conduire une « maîtrise volontaire » des dépenses et la nature de revenu de remplacement, et non de complément, de l'indemnisation.

Au nom de ces principes, cet accord, actualisé le 1 er juin 2001 afin de tenir compte de certaines modifications apportées à la nouvelle convention UNEDIC entrée en vigueur le 1 er janvier 2001, comportait des modifications substantielles du régime des annexes VIII et X. Si la durée minimale d'affiliation était maintenue à 507 heures au cours des douze derniers mois précédant la fin du dernier contrat de travail, il prévoyait en effet :

- l'instauration d'un dispositif unique, qui mettait fin à la distinction entre les professionnels ressortant de l'annexe VIII et ceux ressortant de l'annexe X ;

- la prise en compte des heures de formation reçues et données ;

- l'instauration d'un montant minimal et maximal pour l'indemnité journalière ayant pour effet de resserrer le montant des allocations ;

- la fin de la dégressivité des allocations ;

- une réduction de la durée de franchise.

Cependant, cet accord conclu entre la FESAC et trois fédérations de syndicats de salariés, la FNSAC-CGT, la FTILAC-CFDT et la CFE-CGC, n'a pas d'effet direct puisqu'il n'a pas été signé au niveau interprofessionnel et donc pas agréé.

En effet, le régime d'assurance chômage étant interprofessionnel, il n'appartient pas à la profession de déterminer les règles applicables à l'indemnisation des intermittents. Toutefois, les partenaires sociaux pourraient au niveau interprofessionnel, en qualité de négociateurs de la convention d'assurance chômage, en apprécier la portée et s'en inspirer pour la négociation des annexes VIII et X. Pour l'heure, les conséquences financières de cet accord font l'objet, à la demande du MEDEF, d'un chiffrage par l'UNEDIC. D'après les informations fournies à votre rapporteur, son application se traduirait par un surcoût en année pleine d'environ 160 millions d'euros (1 050 millions de francs) ; cette estimation reste encore imprécise faute de pouvoir chiffrer les éléments modérateurs qui agissent sur les comportements, et qui pourraient se traduire par des économies. On relèvera également que 50 % de ce surcoût est imputable à la suppression de la dégressivité des allocations, qui résulte de la convention générale du 1 er janvier 2001.

Le sort de cet accord s'est joué dans un contexte fort peu propice dans la mesure où il est intervenu alors que se déroulaient les négociations de la convention générale d'assurance chômage. On rappellera, notamment, que le 15 juin 2000, le protocole d'accord concernant le régime général de l'UNEDIC conclu par les organisations patronales et deux organisations syndicales (CFDT, CFTC) fixait dans son article 15 un montant butoir de 0,23 milliard d'euros (1,5 milliard de francs) pour le déficit des annexes pris en charge par la solidarité interprofessionnelle.

Ces difficultés de négociation de la convention générale ont eu un effet paradoxal : elles ont compliqué les discussions entre les partenaires sociaux sur le sort des annexes VIII et X dans le cadre de la nouvelle convention mais elles ont également eu pour effet d'en prolonger la validité.

En effet, l'avenant n° 1 du 23 décembre 1999 à la convention du 1 er janvier 1997, agréé par arrêté ministériel du 8 février 2000, a repoussé la date d'expiration de cette dernière au 30 juin 2000, pour permettre aux partenaires sociaux de poursuivre les négociations, échéance qui fut une nouvelle fois repoussée par le décret n° 2000-601 du 30 juin 2000, jusqu'à l'entrée en vigueur de l'arrêté portant agrément d'une nouvelle convention qui intervint le 6 décembre 2000.

S'agissant des annexes, la convention du 1 er janvier 2001 prévoyait leur prorogation jusqu'au 30 juin 2001, afin de permettre aux partenaires sociaux de les renégocier. Ces renégociations aboutirent, au prix d'un profond remaniement de leurs dispositions pour tenir compte des dispositions de la convention du 1 er janvier 2001, pour toutes les annexes à l'exception des annexes VIII et X. On relèvera toutefois que, pour l'heure, les accords obtenus sur les autres annexes n'ont pas encore été agréés par le ministre en charge du travail.

* 1 Loi n° 99-198 du 18 mars 1999 portant modification de l'ordonnance n° 45-2339 du 13 octobre 1945 relative aux spectacles

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