EXAMEN DES ARTICLES
TITRE ADDITIONNEL AVANT LE TITRE PREMIER
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SOLIDARITÉ ENVERS LES PERSONNES HANDICAPÉES

Article additionnel avant le titre premier
Solidarité envers les personnes handicapées

Prenant acte de la volonté du Gouvernement de poursuivre dans le présent projet de loi le débat sur l'arrêt Perruche, votre commission vous propose d'introduire un titre additionnel nouveau avant le titre premier consacré à la « solidarité envers les personnes handicapées » , comportant un article unique.

Ce titre et l'article qu'il comporte posent quatre principes :

- le droit pour toute personne handicapée, quelle que soit la cause de sa déficience, à la solidarité de la collectivité nationale ;

- l'absence de préjudice du seul fait de la naissance ;

- le droit à réparation en cas de faute médicale ayant provoqué directement le handicap ;

- l'indemnisation du préjudice moral des parents d'un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse à la suite d'une faute caractérisée.

C'est sur ce dernier point que le texte que votre commission vous propose diffère essentiellement de celui adopté par l'Assemblée nationale dans le cadre de la proposition de loi relative à la solidarité nationale et à l'indemnisation des handicaps congénitaux 3 ( * ) . Les députés ont en effet prévu la possibilité d'une indemnisation des titulaires de l'autorité parentale destinée à la personne handicapée, correspondant aux charges particulières découlant, tout au long de sa vie, de son handicap.

Votre commission a, pour sa part, estimé que le texte adopté par l'Assemblée nationale ne répondait en rien au problème soulevé par l'arrêt Perruche puisqu'il ne faisait que transférer de l'enfant aux parents l'indemnisation du handicap, dans le droit fil de la jurisprudence du Conseil d'Etat issue de l'arrêt Quarez (1997).

Elle a considéré pour sa part que lorsque la responsabilité d'un médecin est engagée vis-à-vis des parents d'un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse à la suite d'une faute, rien ne justifiait de faire porter sur le médecin fautif l'indemnisation, tout au long de la vie de l'enfant, des charges résultant de ce handicap. Le médecin n'est pas à l'origine de ce handicap ; il n'a pas commis de faute vis-à-vis de l'enfant et sa responsabilité à l'égard des parents ne peut être engagée qu'à hauteur du préjudice moral que ceux-ci ont subi.

Votre commission a jugé que la jurisprudence Perruche aboutissait à créer une inégalité choquante entre deux types de handicapés : ceux qui seraient indemnisés parce qu'une faute avait pu être commise par un médecin lors du diagnostic prénatal et ceux pour lesquels aucune faute n'était intervenue et qui ne bénéficieraient donc jamais d'une quelconque compensation.

Estimant qu'il était du devoir de la société d'apporter une réponse adaptée aux déficiences de certains de ses membres, votre commission a jugé qu'il revenait à la solidarité nationale de prendre en charge l'ensemble des personnes handicapées, quelle que soit l'origine de leur handicap.

En conséquence, la rédaction que vous propose votre commission pour cet article additionnel comporte quatre paragraphes.

Le premier alinéa du I reprend, en le modifiant, le texte adopté au premier alinéa de l'article premier de la proposition de loi relative à la solidarité nationale et à l'indemnisation des handicaps congénitaux, adoptée par l'Assemblée nationale le 10 janvier dernier.

Il a pour objet d'affirmer que « le seul fait » de la naissance ne peut en soi constituer un préjudice.

Il rend irrecevable toute action en responsabilité uniquement fondée sur le seul fait d'être né. Il empêche ainsi un enfant de se retourner contre ses parents pour l'avoir fait naître. En revanche, il n'empêche pas une action en responsabilité qui serait fondée sur les circonstances qui ont entouré et la conception et la naissance elle-même, comme par exemple l'action en réparation du préjudice de l'enfant issu d'un viol ou d'un inceste, ou encore celle de l'enfant dont le handicap résulte des blessures causées volontairement ou involontairement pendant la grossesse.

Votre commission a souhaité supprimer le membre de phrase « fût-il né handicapé » , introduit par l'Assemblée nationale, qu'il a jugé stigmatisant à l'égard des personnes handicapées.

Le deuxième alinéa reprend sans le modifier le deuxième alinéa du texte figurant à l'article premier de la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale.

Il a pour objet, dans le cadre général de la responsabilité médicale à laquelle il n'est pas dérogé, de préciser les conditions de l'action en réparation du handicap par la personne handicapée elle-même.

La personne née handicapée ne peut obtenir réparation de son handicap que si la faute commise par un professionnel de santé a, soit provoqué son handicap, soit, alors que le handicap existait, l'a aggravé ou a empêché de l'atténuer, voire de le guérir.

La responsabilité médicale, comme la responsabilité civile en général, suppose, pour être engagée, une faute, un dommage, un lien de causalité entre la faute et le dommage. Dans l'hypothèse traitée par cet alinéa, le lien de causalité doit être entendu strictement. Le dommage doit avoir été directement provoqué par la faute, ou aggravé ou non atténué par celle-ci. Il peut s'agir, par exemple, d'une mauvaise exécution d'une intervention chirurgicale créant une infirmité ou d'une intervention chirurgicale sur une femme enceinte qui atteint l'enfant, ou encore d'une erreur fautive de médication à la mère qui intoxique l'enfant et lui crée des lésions.

Le troisième alinéa du I du texte proposé par votre commission a pour objet de préciser l'étendue du préjudice dans le cas spécifique où la faute médicale a été commise au cours du diagnostic prénatal et n'a pas permis de déceler le handicap. Il répond donc à la situation particulière évoquée dans l'arrêt Perruche.

Dans la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale, lorsque la responsabilité d'un professionnel ou d'un établissement de santé est engagée vis-vis des parents, les titulaires de l'autorité parentale peuvent demander une indemnisation liée à la charge particulière résultant du handicap de l'enfant et obtenir une indemnité destinée à cette fin.

Il ne s'agit pas d'un droit de l'enfant à agir contre l'auteur de la faute (contrairement à la jurisprudence de la Cour de cassation), mais dans la mesure où cette indemnité concerne la personne handicapée elle-même, cette indemnité lui est affectée.

Cette indemnité correspond aux charges particulières découlant, tout au long de la vie de l'enfant, de son handicap, déduction faite du montant des allocations et prestations dont cette personne bénéficie au titre de la solidarité nationale ou de la sécurité sociale. Les organismes sociaux ne peuvent exercer de recours à l'encontre de l'auteur de la faute pour obtenir le remboursement des allocations et prestations versées.

A l'opposé du choix fait par l'Assemblée nationale, la rédaction que vous propose votre commission limite l'indemnisation des parents au seul préjudice moral, constitué par la perte de choix qu'a occasionnée la faute de diagnostic. Par cette faute, le médecin a en effet privé les parents de la possibilité d'interrompre cette grossesse.

Le troisième alinéa du I du texte proposé par votre commission prévoit ainsi que, lorsque la responsabilité d'un professionnel ou d'un établissement de santé est engagée vis-à-vis des parents d'un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse à la suite d'une faute caractérisée, les parents ne peuvent demander une indemnité qu'au titre de leur préjudice moral.

Votre commission a donc souhaité que cette indemnisation ne soit ouverte qu'aux seuls parents, et non aux titulaires de l'autorité parentale qui, s'ils ne sont pas les parents, n'ont pas subi de préjudice moral.

Elle a entendu couvrir tous les cas de handicap et non, comme dans le texte de l'Assemblée nationale, les handicaps « d'une particulière gravité » .

Elle a également visé la faute caractérisée et non, comme dans le texte de l'Assemblée nationale, la faute lourde.

Le dernier alinéa du texte proposé par votre commission vise à régler, comme le fait le texte de l'Assemblée nationale, l'application des dispositions nouvelles aux procédures en cours et reprend à l'identique le texte adopté par l'Assemblée nationale : les dispositions du présent paragraphe sont applicables aux instances en cours, à l'exception de celles où il a été irrévocablement statué sur le principe de l'indemnisation.

Le II du texte proposé par votre commission affirme solennellement le principe que toute personne handicapée a droit, quelle que soit la cause de sa déficience, à la solidarité de l'ensemble de la collectivité nationale.

Le III reprend l'article 2 du texte voté par l'Assemblée nationale et crée, dans des conditions définies par décret, un Observatoire de l'accueil et de l'intégration des personnes handicapées, chargé d'observer la situation matérielle, financière et morale des personnes handicapées en France et de présenter toutes les propositions jugées nécessaires au Parlement et au Gouvernement visant à assurer, par une programmation pluriannuelle continue, la prise en charge de ces personnes.

Le IV rend applicable le présent article en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie, dans les îles Wallis et Futuna, à Saint-Pierre et Miquelon et à Mayotte.

Il convient de souligner que cet amendement a été adopté par la commission à l'unanimité , à l'issue d'un débat particulièrement riche.

Votre commission vous propose en conséquence d'adopter cette division additionnelle et cet article additionnel.

* 3 Texte adopté par l'Assemblée nationale n° 757 (10 janvier 2002)

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