EXAMEN EN COMMISSION

Au cours d'une réunion tenue le jeudi 7 novembre 2002 sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a procédé à l' examen des crédits des affaires étrangères , sur le rapport de M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial .

M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial, a rappelé qu'à l'occasion de l'examen du projet de budget du ministère des affaires étrangères pour 2002, il avait dénoncé les nombreuses impasses budgétaires, la diminution des crédits et le mauvais traitement réservé à un ministère régalien et que ces observations, partagées par la commission des affaires étrangères et de la défense, avaient conduit le Sénat à rejeter ce budget.

Il a considéré que son analyse s'était révélée exacte, puisque le Parlement avait été conduit à voter, dans le cadre de la loi de finances rectificative du 6 août 2002, des rallonges de crédit substantielles au profit du ministère des affaires étrangères : 110 millons d'euros au titre des contributions obligatoires aux organisations internationales, 27,6 millions d'euros au titre de la rémunération des personnels, et 137 millions d'euros pour la participation de la France au fonds européen de développement (FED). Il a ajouté que le budget du ministère des affaires étrangères avait particulièrement fait les frais de la régulation budgétaire au cours de l'exercice 2002.

Il a considéré que l'on ne pouvait pas se satisfaire d'un budget où l'autorisation du Parlement était bafouée, d'abord parce que les prévisions de dépenses n'étaient pas sincères, ensuite parce que les crédits votés ne pouvaient pas être engagés par le ministère.

Il a souligné les conséquences néfastes de la régulation budgétaire pour les postes à l'étranger, qui font un travail important de programmation de leurs projets de coopération avant le début de l'exercice, indiquant que cette régulation pouvait conduire à bloquer la mise en oeuvre de ces projets alors que la France avait déjà donné sa parole. Il a considéré que sans l'évolution favorable de la parité entre l'euro et le dollar, ainsi que la levée partielle du gel des crédits obtenus par le ministère des affaires étrangères du 23 octobre, il aurait sans doute été impossible à certains postes à l'étranger de boucler la gestion de l'exercice.

Dans ce contexte, il a salué l'initiative du ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, M. Alain Lambert, visant à donner davantage de visibilité aux ministères en matière de régulation budgétaire, mais a estimé que la conclusion d'un contrat d'objectifs et de moyens serait plus adaptée aux contraintes de gestion spécifiques du ministère des affaires étrangères.

M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial, a estimé que le projet de budget pour 2003 constituait, selon les mots du ministre des affaires étrangères, « un budget de sincérité et de transition ».

Il a considéré que ce budget était sincère en fixant des dotations conformes aux prévisions de dépenses, ce qui se traduit par une hausse importante des crédits de paiement du FED, et par une hausse, plus modérée cependant, des dotations consacrées aux contributions obligatoires et à la rémunération des personnels.

Par conséquent, il a indiqué qu'il était nécessaire de relativiser la hausse apparente de 13,3 % du budget, celle-ci ne s'élevant qu'à 5,6 % par comparaison avec l'ensemble des crédits ouverts en 2002. Il a estimé que la progression des moyens du ministère à périmètre constant, sans tenir compte de la création des contrats de désendettement-développement, dotés de 91 millions d'euros, était inférieure à 3 %. Il a également précisé que l'importante diminution du montant des autorisations de programme était due au fait que la totalité de celles d'entre elles concernant le FED avaient été ouvertes en 2002 pour la période 2000-2005.

M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial, a considéré que le budget pour 2003 était un budget de transition, qui cherchait à « rétablir le cap » par rapport aux années antérieures, dans le contexte budgétaire difficile que connaît notre pays.

Il a indiqué que le ministère affichait les priorités suivantes :

- assurer la sécurité, la cohérence et l'efficacité du réseau des services de l'Etat à l'étranger ;

- relancer notre aide publique au développement, conformément aux engagements du Président de la République ;

- veiller à la sécurité des Français à l'étranger ;

- améliorer les procédures d'instruction des demandes d'asile.

Il a indiqué que cette dernière priorité impliquait la création de 66 emplois pour réduire les délais d'instruction des demandes d'asile et une augmentation de 24,6 % de la subvention versée à l'Office français pour la protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA).

Il a estimé que si l'accélération des procédures était indispensable, elle n'était pas suffisante, et qu'il convenait de mieux assurer la cohérence et l'exécution des décisions en matière d'asile, le fonctionnement actuel du système conduisant à fabriquer mécaniquement des  « sans papiers ».

M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial, a regretté la faiblesse des moyens accordés aux contributions volontaires de la France et aux services des visas, considérant que celle-ci mettait en cause la position et l'image de notre pays sur la scène internationale. S'agissant des contributions volontaires, pour lesquelles le projet de budget ne prévoit pas d'augmentation et laisse la France à un médiocre douzième rang parmi les Etats contributeurs, il a estimé que les dotations étaient indignes du statut de membre du Conseil de sécurité et réduisaient notre rôle et notre influence dans de nombreux organismes de l'Organisation des Nations-unies (ONU).

M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial, a rappelé que les services des visas, dont les effectifs avaient été renforcés suite à un rapport d'information de l'Assemblée nationale, connaissaient aujourd'hui un déficit en emplois évalué à 80 personnes, compte tenu de la forte progression de la demande de visas. Il a précisé que les moyens consacrés à l'instruction des visas ne pourraient être renforcés que dans le cadre de redéploiements puisque le projet de budget prévoit la suppression nette de 57 emplois pour l'emploi du ministère.

Il a indiqué qu'il avait eu de nombreuses occasions de constater l'insuffisance des moyens en personnels de ces services à l'étranger, où, par ailleurs, les recrutés locaux peuvent être soumis à de fortes pressions. Il a noté qu'alors que le nombre souhaitable de dossiers à traiter par agent et par an est évalué à 3.000, et à 2.500 dans les zones à fort risque migratoire, ce nombre était passé de 3.830 à 4.120 entre 2000 et 2001.

Il a indiqué qu'une directive européenne prévoyait le versement de frais de dossiers dès la demande de visa, et a souhaité qu'un fonds de concours permette au ministère des affaires étrangères de récupérer une part importante de la recette supplémentaire induite.

Il a ensuite évoqué l'Agence pour l'enseignement du français à l'étranger (AEFE), dont la situation financière est inquiétante, puisque son fonds de réserve ne correspond plus qu'à 6 jours de fonctionnement, et que le projet de budget implique qu'elle réalise une économie de 6,4 millions d'euros au cours de l'exercice 2003. Il a considéré que la précarité de cette situation financière impliquait que de nouvelles pistes de financement soient explorées, et que des priorités claires soient assignées à l'AEFE dans le cadre d'un contrat d'objectifs et de moyens.

M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial, a présenté les actions relatives à l'action audiovisuelle extérieure, dont les moyens sont en légère diminution. Il a indiqué que les aides à la présence des chaînes françaises sur les bouquets satellitaires étaient fortement réduites en 2003 et seraient supprimées à compter de 2004, ce qui traduit l'échec de cette politique. Il a indiqué que les autres acteurs de notre politique audiovisuelle extérieure : Radio France internationale, Canal France internationale et TV5 avaient été modernisés au cours des dernières années grâce notamment aux investissements réalisés pour numériser leur production.

Il a noté cependant que leur positionnement n'était pas totalement satisfaisant, et que le ministère souhaitait qu'ils s'adressent davantage au monde qu'aux seules communautés françaises et francophones à l'étranger. Il a rappelé que la création d'une chaîne internationale d'information en continu était actuellement envisagée par le ministère et ferait l'objet, si elle voit le jour, d'une dotation de crédits en loi de finances rectificative.

M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial, a souligné que notre réseau à l'étranger était le plus important du monde après celui des Etats-Unis, et n'avait subi que des « modifications cosmétiques » au cours des dernières années. Il a insisté sur le coût élevé de ce réseau, qui réduit d'autant les crédits d'intervention du ministère.

Il s'est demandé notamment s'il était indispensable d'entretenir aujourd'hui 8 consulats en Allemagne et 315 expatriés dans l'ensemble des services administratifs français dans ce pays alors que ce nombre est trois fois moins élevé en Chine et cinq fois moins en Pologne.

Il a donc estimé qu'il était nécessaire de fixer des priorités claires pour l'action extérieure de la France, et d'en tirer toutes les conséquences sur la répartition des moyens.

Il a souligné que le recentrage des actions et du réseau du ministère des affaires étrangères était fortement encouragé par la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances, et que le ministère souhaitait saisir cette occasion pour renforcer son rôle de synthèse et de coordination de l'action extérieure de la France à l'étranger, objectif auquel il a indiqué souscrire pleinement.

Considérant que ce projet de budget marquait une rupture et faisait naître l'espoir d'une plus grande cohérence de l'action extérieure de la France à l'avenir, il a proposé à la commission de donner un avis favorable à son adoption.

Un large débat s'est ensuite ouvert.

Mme Marie-Claude Beaudeau s'est interrogée sur le décalage entre les emplois budgétaires et les effectifs réels du ministère, et a souhaité connaître les missions affectées par les suppressions d'emplois.

M. François Marc a insisté sur la nécessité de rationaliser le réseau des services français à l'étranger, et s'est demandé si la régulation budgétaire ne constituait pas un obstacle au redéploiement des moyens, dès lors qu'elle conduisait le ministère à privilégier ses dépenses incompressibles.

M. Adrien Gouteyron a jugé que la situation de l'AEFE était particulièrement inquiétante, mais que si les modes de gestion locaux étaient souvent inadaptés, il convenait toutefois de ne pas déresponsabiliser les parents d'élèves. Concernant la situation de la langue française, il s'est inquiété de la diminution du nombre de chaînes de télévision francophones à l'étranger, en particulier au Liban.

M. Michel Charasse a rappelé qu'il avait créé un fonds de concours au profit du ministère des affaires étrangères à l'époque où il était ministre du budget, lorsque les visas étaient devenus payants, et a souhaité que, dans le cadre du nouveau système, les recettes supplémentaires bénéficient au ministère des affaires étrangères pour améliorer la situation dans les services des visas.

Il a indiqué que le ministère des affaires étrangères préparait actuellement l'application de la loi organique relative aux lois de finances, ce qui impliquait de poser la question des acteurs de la politique extérieure de la France. Il a déploré que plusieurs interlocuteurs parlent au nom de la France à l'étranger, l'ambassadeur n'étant pas toujours informé des activités des différents services. Par conséquent, il a souhaité que l'ambassadeur soit rétabli en tant qu'autorité unique sur les services de l'Etat à l'étranger. De même, il a estimé que les ministères ne devaient pas conduire d'action internationale sans l'information et l'accord de l'ambassadeur concerné. Enfin, il a considéré que les établissements publics agissant à l'étranger devaient être présidés par des diplomates, et a cité l'exemple de l'Agence française de développement (AFD), où il a estimé que les orientations du ministère des affaires étrangères n'étaient pas toujours prises en compte. Par conséquent, il a estimé que la cohérence de l'action extérieure de la France impliquait une forte réorganisation, à Paris, comme à l'étranger. Il a émis l'idée de conduire sur ce point une réflexion avec le rapporteur spécial.

M. Michel Charasse a également considéré que de nombreux services à l'étranger constituaient des « doublons ». Il a suggéré que la commission se fasse communiquer la répartition par poste et par ministère de l'ensemble des emplois à l'étranger, et a suggéré l'engagement d'une mission de contrôle conjointe de plusieurs rapporteurs spéciaux afin d'examiner avec attention l'organisation des services des différents ministères dans un pays étranger.

M. Jean Arthuis, président, a souhaité que la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances permette au Parlement de disposer d'une vision globale des effectifs rémunérés par le ministère des affaires étrangères. Il a considéré que l'absence de coordination des services français à l'étranger, ainsi que le surdimensionnement de notre réseau, étaient le résultat de l'inconséquence politique, et a jugé très intéressante la suggestion d'une mission de contrôle sur la coordination des services français à l'étranger.

En particulier, il s'est interrogé sur la stratégie présidant à la nomination des responsables français dans les instances internationales, et s'est inquiété de l'absence de contrôle politique sur les décisions du Club de Paris.

M. Paul Girod a souligné les conséquences désastreuses de la régulation budgétaire pour les petits postes, citant les exemples des consuls et des consuls honoraires.

En réponse aux différents intervenants, M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial, a considéré que le recentrage du réseau du ministère des affaires étrangères serait favorisé par la mise en place d'un contrat d'objectifs et de moyens. Il a déploré l'insuffisante coordination des services français à l'étranger, et s'est montré particulièrement favorable à la proposition de M. Michel Charasse.

Concernant l'AEFE, il a indiqué que leur gestion par les comités de parents d'élèves ne permettait pas toujours la prise en compte du long terme et que de nouvelles solutions devaient être envisagées.

A l'issue de ce débat, la commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption de l'ensemble des crédits du ministère des affaires étrangères (affaires étrangères et aide au développement).

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