21 novembre 2002 : Budget 2003 - Outre-mer ( rapport général - première lecture )

SECONDE PARTIE

LES CREDITS BUDGETAIRES DES DIFFERENTS MINISTERES IMPLIQUES DANS L'AIDE PUBLIQUE AU DEVELOPPEMENT

I. LACUNES ET DIFFICULTÉS DE L'ANALYSE BUDGÉTAIRE

A. DES CRÉDITS BUDGÉTAIRES À L'AIDE PUBLIQUE TOTALE : UN ÉCART DE PLUS DE DEUX MILLIARDS ET DEMI D'EUROS

1. L'écart entre crédits budgétaires contribuant à la coopération et l'aide publique totale

L'analyse des seuls crédits budgétaires mis en oeuvre au titre de la coopération avec les Etats en développement fait apparaître un écart très important avec les chiffres représentatifs de l'aide publique au développement de la France : il est en effet de l'ordre de 2,7 milliards d'euros. Un tel écart amoindrit la qualité de l'analyse afférente à l'évolution de l'aide française , tant en ce qui concerne son montant que ses acteurs et ses instruments.

Aide publique au développement et crédits budgétaires

(millions d'euros)

2002

2003

APD totale (hors TOM)

5 307

5 876

dont bilatérale

3 329

4 008

Crédits de toute nature concourant à la coopération avec les Etats en développement (DO + CP)


2 777


3 182

Ecart entre APD totale et crédits contribuant à la coopération

2 530

2 694

Source : « Jaune » annexé au PLF 2003

2. Le poids des comptes spéciaux du Trésor

Un peu plus du quart de cet écart correspond à la participation française au budget communautaire pour les actions relevant de l'aide au développement, qui est financée par un prélèvement sur recettes et peut être évaluée à 705 millions d'euros pour 2003. La majeure partie de cet écart est imputable à nombre d'opérations ne faisant pas l'objet d'une « dépense » budgétaire et transitant par quatre comptes spéciaux du Trésor (CST) :

- le CST n° 905-10, qui retrace le versement de la contribution française à l'accord international sur le caoutchouc naturel et les variations susceptibles de l'affecter ultérieurement ;

- les annulations et consolidations de dettes , qui sont traitées sous la forme d'un transfert au CST n° 903-17. Ce compte est débité des versements opérés par le gouvernement français en vertu des accords bilatéraux, et crédités des remboursements en capital des Etats. Les intérêts compris dans les annuités d'amortissement sont portés en recettes du budget général ;

- la partie des prêts éligibles à l'APD qui transitent par les comptes spéciaux du Trésor ou font l'objet de refinancements sur le marché - comme c'est le cas d'une bonne partie des prêts octroyés par l'Agence Française du Développement 9 ( * ) - et accordés par le Trésor sur le compte n° 903-07 à des conditions très concessionnelles (en terme de taux d'intérêt et de durée d'amortissement). Les prêts à l'AFD sont des ressources de refinancement mixées avec des ressources de marché pour financer les prêts non souverains (ie. ne bénéficiant pas de la garantie ou de l'aval de l'Etat) dans les secteurs non-marchands ou privés. La concessionnalité des prêts du Trésor est utilisée par l'AFD pour constituer des provisions, au titre du risque supporté par l'établissement pour ce type d'engagements. Le caractère subordonné de ces prêts (à 30 ans avec 10 ans de différé portant intérêts à 0,25%) a été maintenu depuis le 1 er janvier 1999 10 ( * ) .

Les prêts du Trésor à des Etats étrangers permettant la mise en place de protocoles financiers au profit de pays tiers pour l'achat de biens d'équipement français, sont également imputés sur le CST n° 903-07 (article 3) ;

- les opérations avec le FMI , retracées dans le CST n° 906-05 et neutres pour le budget de l'Etat tant en inscriptions qu'en exécution et en trésorerie. Les accords d'emprunt avec le FMI permettent à ce dernier de mobiliser auprès de la France jusqu'à 7,2 milliards d'euros (dont 4,1 milliards suite à l'augmentation de 40% des quote-parts des pays membres en 1999) ;

Recettes et charges des comptes spéciaux du trésor au titre de la coopération

LFI 2002

PLF 2003

(millions d'euros)

Charge nette

Recettes

Dépenses

Charge nette

905-10. Produits de base

-2

0

0

0

903-07-02. Prêts à l'AFD

58,34

56

100

44

903-07-03. Prêts d'équipement à des Etats étrangers

-253,07

759,48

155

-604,48

903-17. Consolidations de dettes

-159

926,86

1 244,19

317,33

TOTAL

-355,73

1 742,34

1 512,19

-243,15

N.B : le compte des opérations avec le FMI n'est pas mentionné, compte tenu de son impact nul.

Source : Trésor

Position du gouvernement français sur une éventuelle évolution du rôle de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international

Dans leur contribution au rapport du Conseil d'analyse économique sur le développement publié en juin 2000, Christian Chavagneux et Laurence Tubiana formulent plusieurs constats et propositions quant à l'évolution des politiques mises en oeuvre par les deux institutions de Bretton Woods, qui rejoignent en partie les positions défendues par la France :

- l'attention accordée au cadre institutionnel et à la bonne gouvernance : les deux institutions prêtent une attention particulière au cadre institutionnel à travers trois principaux instruments (évaluations du secteur financier, revues structurelles et sociales, revues des dépenses publiques), intégrés dans les programmes du FMI et les stratégies pays de la Banque mondiale ;

- le principe de sélectivité , réservant l'aide aux pays où elle aura l'impact le plus significatif : la Banque mondiale et les autres banques multilatérales de développement ont établi une corrélation forte entre le niveau de l'aide accordée à un pays et le bon fonctionnement du cadre institutionnel. Une vingtaine d'indicateurs (politique environnementale, égalité d'accès aux services publics, filets sociaux, bonne gouvernance, équité des opportunités économiques...) sont ainsi utilisés et agrégés pour construire un « indice de performance » qui prend également en compte les résultats des programmes en cours dans le pays ;

- la mise en oeuvre de procédures participatives permettant d'associer les populations et les institutions démocratiques au débat sur la lutte contre la pauvreté et la définition des stratégies de développement , dont les « Cadres Stratégiques de Lutte contre la Pauvreté » constituent la traduction opérationnelle et conditionnent l'accès aux ressources de l'initiative PPTE. Lors de la dernière revue des CSLP par le Conseil d'administration du FMI en septembre 2002, la France a particulièrement insisté sur l'impératif d'appropriation des cadres par les autorités administratives et politiques des pays concernés, et plus particulièrement par leurs Parlements . Plusieurs bailleurs de fonds, dont la France, ont choisi d'articuler davantage leur stratégie bilatérale avec ces CSLP.

S'agissant de la réforme de la conditionnalité du FMI, qui est au coeur des débats depuis les crises en Asie et en Amérique latine, la France considère qu'un allègement substantiel de la conditionnalité structurelle irait à l'encontre des leçons de la crise asiatique et que le FMI doit rester au centre du dispositif de gestion de crise , dont il doit être le leader incontesté . En revanche sa légitimité doit être renforcée par une pratique rénovée et équitable de la conditionnalité, visant à la simplifier et à mieux la cibler sur les réformes essentielles plutôt que sur de longues listes de « micro conditions ». Le gouvernement estime également que l'opposition supposée entre conditionnalité et appropriation est largement artificielle si la conditionnalité est de qualité, ciblée sur le nécessaire et fait l'objet d'un réel dialogue avec le pays concerné.

Enfin, deux autre points évoqués par Christian Chavagneux et Laurence Tubiana renvoient à des positions traditionnelles de la France :

- la répartition des rôles entre FMI et Banque mondiale en fonction du niveau de développement : contrairement aux thèses du rapport Meltzer, la France défend l'idée d'une complémentarité des deux institutions ne conduisant pas à concentrer l'action du Fonds sur les pays émergents. La Facilité Globale pour la Réduction de la Pauvreté reste ainsi un instrument du FMI qui conserve sa pleine légitimité dans les pays à faible revenu, tandis que les pays à revenu intermédiaire représentent toujours des enjeux importants en matière de pauvreté, légitimant le soutien apporté par la Banque mondiale. Un dialogue accru et une coopération locale concrète entre le Fonds et la Banque en matière de conditionnalité dans les pays émergents demeurent dès lors nécessaires, et la France en est un promoteur actif ;

- le dialogue avec le Parlement et la société civile : la communication a été sensiblement améliorée par l'accroissement de la transparence des institutions (mises en ligne de documents auparavant confidentiels, mise en place d'un bureau d'évaluation indépendant au sein du FMI), qui les rend aujourd'hui plus comptables devant leurs actionnaires et membres. En France, le gouvernement remet également depuis trois ans un rapport annuel au Parlement sur les activités des deux institutions.

Source : réponses du ministère des finances au questionnaire budgétaire

La « valorisation » du coût des études supérieures en France des étudiants provenant de pays éligibles à l'APD contribue également à cet écart.

* 9 Les décaissements en prêts nécessitent, en moyenne annuelle, l'octroi de 114 millions d'euros de crédits de paiement. Pour 2003, une inscription de 100 millions d'euros a été jugée suffisante pour conserver un volume d'engagements similaire, suite aux modifications des règles de provisionnement du risque pays.

* 10 Le maintien de la subordination de ces prêts permet à l'AFD de consolider ses fonds propres et de satisfaire les exigences prudentielles de droit commun en matière de division des risques malgré la concentration importante de ses risques sur certains Etats, en particulier la Côte d'Ivoire, le Cameroun et le Maroc.

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