III. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION DES LOIS : VEILLER À L'APPLICABILITÉ D'UNE PROPOSITION DE LOI NÉCESSAIRE

Votre commission tient à saluer l'initiative prise par notre collègue M. Richard Dell'Agnola, député, qui défend depuis de nombreuses années la création d'une infraction spécifique de conduite sous l'influence de stupéfiants. Elle approuve le dispositif proposé par l'Assemblée nationale tout en proposant de l'aménager afin qu'il soit pleinement opérationnel.

A. APPROUVER LA PROPOSITION DE LOI

Dès 1999, le Sénat avait proposé la création d'une infraction de conduite sous l'influence de stupéfiants. Il a renouvelé cette proposition en 2001 lors de la discussion du projet de loi relatif à la sécurité quotidienne. Votre commission est donc naturellement favorable aux dispositions de la proposition de loi.

La situation actuelle est en effet paradoxale. La conduite sous l'influence de l'alcool -produit licite- est sévèrement réprimée. Dans le même temps, aucun dispositif spécifique n'est prévu en cas de conduite sous l'influence de substances ou plantes classées comme stupéfiants -produits illicites.

La création d'une infraction spécifique de conduite sous l'influence de stupéfiants donne souvent lieu à deux objections : d'une part, les effets des stupéfiants sur la conduite demeureraient mal connus ; d'autre part, il ne serait pas possible, dans l'état actuel des connaissances scientifiques, d'établir un seuil à partir duquel la présence de stupéfiants dans l'organisme constituerait une infraction spécifique.

Face à ces objections, il convient de rappeler que le législateur a créé une infraction de conduite sous l'empire d'un état alcoolique avant que la recherche permette de définir des seuils à partir desquels la présence d'alcool dans l'organisme constituait une infraction .

Par ailleurs, tous les spécialistes sont d'accord pour admettre les effets néfastes sur la conduite de nombreux produits stupéfiants, par exemple la cocaïne ou l'héroïne. En réalité, la question discutée est celle des effets du cannabis sur la conduite automobile.

Des études sont actuellement en cours sur cette question. En particulier, la loi n° 99-505 du 18 juin 1999 portant diverses mesures relatives à la sécurité routière a prévu une enquête épidémiologique à partir des dépistages effectués sur les conducteurs impliqués dans des accidents mortels. Les résultats de cette enquête seront connus en 2004.

Dans cette attente, votre commission estime normal de sanctionner spécifiquement la conduite sous l'influence du cannabis, produit dont la consommation est pénalement réprimée dans notre pays. Si les effets du cannabis sur la conduite automobile sont encore mal connus, l'expertise collective de l'INSERM 3 ( * ) sur les effets du cannabis sur le comportement et la santé précise néanmoins : « Pour étudier les effets de la consommation de cannabis sur la conduite, les chercheurs soumettent des sujets conducteurs (non-usagers ou usagers occasionnels de cannabis) à diverses batteries de tests (sensoriels, psychomoteurs ou sur simulateur) ou les observent en situation de conduite réelle. Malgré différents problèmes méthodologiques portant sur la définition du dosage, l'administration de la substance ou le plan d'expérience, les résultats montrent globalement une nette détérioration de certaines facultés sous l'influence du cannabis : temps de réaction allongé, capacité de contrôle d'une trajectoire amoindrie, mauvaise appréciation du temps et de l'espace, réponses en situation d'urgence détériorées ou inappropriées. »

Une enquête conduite entre avril 1999 et novembre 2001 à la demande de la société de l'assurance automobile du Québec sur 354 conducteurs mortellement blessés et 5.931 conducteurs témoins contrôlés sur le bord de la route, tend à montrer que le risque d'accident mortel est multiplié par 3,7 en cas d'usage d'alcool, 2,2 en cas d'usage de cannabis, 4,9 en cas d'usage de cocaïne et 2,5 en cas d'usage de benzodiazépine.

S'il devait résulter des enquêtes en cours que certaines substances classées comme stupéfiants n'ont d'influence sur la conduite que lorsqu'elles sont consommées à haute dose, il serait alors possible de prévoir des seuils comme le législateur l'a fait dans le passé pour l'alcool.

En tout état de cause, il n'est plus possible d'attendre de nouvelles enquêtes, de nouvelles statistiques pour agir. L'usage de stupéfiants est interdit dans notre pays. Il est tout à fait justifié d'être particulièrement sévère à l'égard de ceux qui conduisent après avoir fait usage de ces substances.

* 3 Cannabis : quels effets sur le comportement et la santé, Expertise collective, INSERM, 2001.

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