EXAMEN DES ARTICLES

Article unique
Création dans le code pénal d'un chapitre relatif à la participation à une activité de mercenaire

L'article unique du projet de loi vise à créer dans le code pénal un chapitre nouveau intitulé « De la participation à une activité de mercenaire » .

Ce chapitre prendra place dans le livre IV relatif aux crimes et délits contre la nation, l'État et la paix publique et, au sein de ce livre, dans le titre III concernant les atteintes à l'autorité de l'Etat. Ce titre III regroupe actuellement les atteintes à la paix publique, à l'administration publique et à l'action de la justice.

Le chapitre se composera de cinq article nouveaux, les articles 436-1 et 436-5.

Article 436-1 du code pénal
Incrimination de l'activité de mercenaire

Le texte proposé pour l'article 436-1 du code pénal constitue le point central du projet de loi puisqu'il définit précisément l' incrimination nouvelle concernant la participation à l'activité de mercenaire .

Cette définition reprend dans une large part les différents éléments contenus dans l'article 47 du protocole I du 8 juin 1977 additionnel aux conventions de Genève du 12 août 1949. Mais alors que ce dernier article ne vise que la participation à des conflits armés, le projet de loi couvre également le cas d'actes concertés de violence visant à renverser les institutions ou à porter atteinte à l'intégrité territoriale d'un État.

Le cas d'un conflit armé

Le texte proposé pour le 1° de l'article 436-1 du code pénal concerne le cas d'un conflit armé, qu'il soit d'ordre international ou d'ordre interne .

La définition retenue reprend celle de l'article 47 du protocole I et réserve la qualification d'activité de mercenaire lorsque l'intéressé réunit l'ensemble des critères suivants :

- être spécialement recruté pour combattre dans un conflit armé,

- prendre ou tenter de prendre une part directe aux hostilités ,

- en vue d'obtenir un avantage personnel ou une rémunération nettement supérieure à celle payée ou promise à des combattants ayant un rang et des fonctions analogues dans les forces armées de l'État partie pour lequel combat la personne considérée,

- ne pas être ressortissant d'un État partie au conflit,

- ne pas être membre des forces armées de cet État,

- ne pas avoir été envoyé en mission officielle par un État autre que l'un de ceux parties au conflit en tant que membre des forces armées de cet État.

Il est important de souligner que ces différents critères sont cumulatifs . Dès lors que l'une de ces conditions n'est pas satisfaite, les faits ne peuvent donc être qualifiés de participation à l'activité de mercenaire.

En visant les personnes spécialement recrutées pour combattre dans un conflit armé, le texte exclut celles qui auraient été engagées antérieurement au conflit , dans le cadre d'une mission permanente ou durable et indépendante d'un conflit armé, y compris si elles sont amenées à prendre part à des hostilités survenant postérieurement à leur engagement.

N'est également concerné par l'incrimination que celui qui prend une part directe aux hostilités . Cette précision permet d'éviter que ne soient qualifiés de mercenaires les conseillers ou techniciens étrangers placés auprès d'une armée dans le cadre d'accords de coopération ou de contrats industriels. Dans son commentaire de l'article 47 du protocole I, le Comité International de la Croix-Rouge (CICR) éclaire ce qu'il faut entendre par le fait de prendre une part directe aux hostilités : « Ne peut être qualifié de mercenaire, au sens du présent article, que celui qui est un combattant et un combattant engagé concrètement dans les hostilités. Cette condition exclut , par conséquent, les conseillers et techniciens militaires étrangers que l'on trouve aujourd'hui dans de très nombreux pays, même lorsque leur présence est motivée, en ce qui les concerne, par la recherche d'avantages financiers. Le caractère de plus en plus perfectionné des armes modernes, répandues, dans le monde entier, à une cadence accélérée, exige la présence de ces spécialistes, que ce soit pour la formation du personnel militaire, son entraînement ou l'entretien correct de l'armement. Aussi longtemps que ces experts ne prennent aucune part directe aux hostilités, ils ne sont ni des combattants, ni des mercenaires, mais des civils qui ne participent pas aux combats. » Le CICR précise, à propos d'une autre disposition du protocole, que « la participation directe aux hostilités implique un lien direct de cause à effet entre l'activité exercée et les coups qui sont portés à l'ennemi, au moment où cette activité s'exerce et là où elle s'exerce. »

La condition relative à l'avantage matériel s'inspire, en la simplifiant, de celle retenue par l'article 47 du protocole I. Elle s'apprécie en fonction du surcroît de rémunération obtenu par le mercenaire par rapport aux personnels du rang ou de fonctions équivalentes dans l'armée pour laquelle il combat. Il s'agit, selon le CICR, de distinguer le mercenaire du « volontaire international désintéressé », en retenant un critère objectif, afin, par exemple, que des pilotes soient « jugés selon les mêmes critères de rémunération que d'autres pilotes et non selon des critères applicables aux fantassins ».

Les ressortissants d'une partie au conflit sont exclus de l'incrimination, mais en revanche, le projet de loi n'écarte pas les résidents du territoire contrôlé par une partie au conflit, à la différence de l'article 47 du protocole I. Il s'agit ici d'éviter que la notion de résident soit abusivement évoquée pour couvrir une activité de mercenaire.

La cinquième condition écarte de l'incrimination les membres des forces armées d'un État partie au conflit, ce qui signifie que le droit de chaque État de recruter des étrangers dans ses forces armées n'est pas remis en cause. Cette disposition prévue par le protocole I couvre notamment le cas de la Légion étrangère pour l'armée française, et des Gurkhas pour l'armée britannique. Ces étrangers qui font régulièrement partie des forces armées d'un Etat ne peuvent en aucun cas être qualifiés de mercenaires.

Enfin, la dernière condition exclut les personnes envoyées en mission officielle par un État en tant que membres des forces armées de cet État. Il s'agit, selon le CICR, de préciser que le mercenaire est un volontaire qui  « s'engage pour son propre compte et non pour le compte d'un État tiers. Il n'est donc pas question de qualifier de mercenaires les corps de troupe qui, à un titre ou à un autre, sont envoyés par certains États dans différentes parties du monde, seraient-ils même constitués de volontaires bien rémunérés et appelés, le cas échéant, à prendre une part directe aux hostilités . »

Les cas d'action violente contre les institutions ou l'intégrité territoriale d'un État

Le texte proposé pour le 2° de l'article 436-1 étend l'incrimination à des situations non prévues par l'article 47 du protocole I mais visées en revanche à l'article premier de la convention internationale contre le recrutement, l'utilisation, le financement et l'instruction des mercenaires du 4 décembre 1989, à savoir « un acte concerté de violence visant à renverser les institutions ou porter atteinte à l'intégrité territoriale d'un État ». Sont ici visées, selon l'exposé des motifs du projet de loi, « certaines situations infra-conflictuelles donnant lieu à des actes concertés de violence ».

Dans ce type de situation, le projet de loi reprend, en les aménageant, les six conditions requises pour tomber sous le coup de l'incrimination :

- être spécialement recruté en vue d'un acte concerté de violence,

- prendre ou tenter de prendre part à un tel acte,

- en vue d'obtenir un avantage personnel ou une rémunération importants,

- ne pas être ressortissant de l'État concerné,

- ne pas être membre de ses forces armées,

- ne pas être envoyé en mission officielle par un État tiers.

Les sanctions pénales prévues

Les faits définis par l'article 436-1 seront passibles d'une peine correctionnelle fixée à cinq ans d'emprisonnement et à 75.000 euros d'amende . La peine d'emprisonnement prévue est la troisième, par ordre décroissant, sur l'échelle des peines correctionnelles qui comporte sept degrés.

Votre commission vous propose d'adopter un amendement au texte proposé pour le 1° de l'article 436-1 du code pénal, afin de préciser que la rémunération du mercenaire s'apprécie au regard de celles pratiquées dans les forces armées de la partie - et non de l'État - pour qui il combat. En cohérence avec la définition retenue, il s'agit de prendre en compte la situation de mercenaires combattant aux côtés de forces non gouvernementales.

Article 436-2 du code pénal
Incrimination relative à la direction ou à l'organisation
de l'activité de mercenaire

Le projet de loi, à travers le texte proposé pour l'article 436-2 du code pénal, prévoit une autre incrimination nouvelle concernant le fait de diriger ou d'organiser un groupement ayant pour objet le recrutement, l'emploi, la rémunération, l'équipement ou l'instruction militaire de mercenaires tels que définis à l'article précédent.

Cette incrimination, inspirée de l'article 2 de la convention du 4 décembre 1989, permet de réprimer, au delà des mercenaires eux-mêmes, les organisations ou les personnes qui les recrutent, les financent ou les entraînent.

L'article prévoit une peine supérieure à celle fixée à l'article 436-1, à savoir sept ans d'emprisonnement et 100 000 euros d'amende .

Votre commission vous propose d' adopter sans modification le texte proposé pour l'article 436-2 du code pénal.

Article 436-3 du code pénal
Extension de la compétence territoriale des juridictions françaises

Le texte proposé pour l'article 436-3 déroge aux dispositions du code pénal relatives aux infractions commises hors du territoire de la République.

En effet, si certains types d'actes réprimés par les articles précédents peuvent avoir été commis en France - par exemple le recrutement de mercenaires- l'essentiel des faits concernés par le projet de loi sont censés intervenir à l'étranger .

L'article 113-6 du code pénal prévoit l'application de la loi pénale française à tout délit commis par un Français hors du territoire de la République lorsque les faits sont également punis par la législation du pays où ils ont été commis. L'article 113-8 exige en outre qu'une plainte ait été émise par la victime ou ses ayants droit, ou qu'une dénonciation officielle des autorités du pays où les faits se sont produits soit intervenue, avant que ne s'exercent des poursuites, à la requête exclusive du ministère public.

L'article 436-3 apporte plusieurs dérogations à ces principes dès lors que les faits concernent une activité de mercenaire.

Premièrement, les faits commis à l'étranger peuvent être poursuivis s'ils émanent d'un ressortissant étranger si cette personne réside habituellement sur le territoire français .

Deuxièmement, les conditions relatives à la double incrimination et au dépôt d'une plainte ou d'une dénonciation officielle ne sont pas exigées, afin de permettre les poursuites indépendamment de la législation du pays où l'acte a été commis et des procédures qui y ont été engagées.

Votre commission vous propose d' adopter sans modification le texte proposé pour l'article 436-3 du code pénal.

Article 436-4 du code pénal
Peines complémentaires

Le texte proposé pour l'article 436-4 énonce les peines complémentaires encourues par les personnes physiques tombant sous le coup des incriminations relatives à l'activité de mercenaires.

Il s'agit :

- de l' interdiction des droits civiques, civils et de famille , suivant les modalités prévues à l'article 131-26 du code pénal (notamment droits de vote, d'éligibilité, d'être tuteur ou curateur, d'exercer une fonction publique), cette condamnation ne pouvant excéder une durée de cinq ans en cas de condamnation pour délit,

- de l'affichage ou de la diffusion de la condamnation ou d'un communiqué,

- de l' interdiction de séjour dans les lieux déterminés par la juridiction, suivant les modalités prévues par l'article 131-31 du code pénal, cette interdiction ne pouvant exercer cinq ans en cas de condamnation pour délit.

Votre rapporteur précise que ces peines complémentaires ne font pas obstacle à l'application de l'article 131-6 du code pénal, prévoyant, pour les délits punis d'emprisonnement, des peines privatives ou restrictives de certains droits alternatives à l'emprisonnement . Sont notamment visées par cet article la confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction, la confiscation des armes ou des véhicules appartenant au condamné, l'interdiction pour cinq ans au plus d'exercer une activité professionnelle ou sociale dès lors que les facilités procurées par cette activité ont été sciemment utilisées pour préparer ou commettre l'infraction. Ces peines peuvent intervenir lorsque l'emprisonnement n'est pas prononcé.

Votre commission vous propose d'adopter un amendement au 2° du texte proposé pour l'article 436-4 du code pénal, relatif à l'affichage ou à la diffusion de la condamnation, afin de remplacer la référence à l'article 221-10 du code pénal par une référence à l'article 131-35 qui définit plus précisément les conditions d'exécution d'une telle sanction.

Article 436-5 du code pénal
Responsabilité pénale des personnes morales

Le projet de loi prévoit la responsabilité pénale des personnes morales impliquées dans la direction ou l'organisation d'activités de mercenariat telles que définis à l'article 436-2.

Les peines encourues sont :

- l' amende , dont le taux maximum peut atteindre le quintuple de celui applicable aux personnes physiques, soit en l'occurrence 500 000 euros, en application de l'article 131-38,

- les peines énoncées à l'article 131-39 du code pénal, notamment la dissolution, l' interdiction d'exercice de l'activité à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise, le placement sous surveillance judiciaire, la fermeture définitive d'établissements , la confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction, l'affichage de la décision.

Votre commission vous propose d' adopter sans modification le texte proposé pour l'article 436-5 du code pénal.

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