B. LA VOLONTÉ DES PAYS BALTES DE FAIRE VALOIR LEURS DROITS SUR LES ANCIENNES LÉGATIONS

Ayant recouvré leur indépendance (en 1990 pour la Lituanie et en 1991 pour l'Estonie et la Lettonie), les trois États baltes ont immédiatement engagé des démarches auprès de la Russie pour obtenir la restitution de leurs immeubles à Paris .

La Russie a pour sa part invoqué divers arguments pour ne pas accéder favorablement à cette demande.

S'agissant de l' ancienne légation d'Estonie , elle a fait valoir que la ville de Paris avait délivré à l'ambassade d'URSS un permis de démolir en 1978, puis un permis de construire en 1979, en vue de l'édification d'un nouvel immeuble qui abrite désormais des logements pour les personnels de la délégation commerciale russe. Ces permis de démolir et de construire sont cependant sans effet sur la propriété du sol. L'État estonien a pour sa part engagé une procédure judiciaire mais le tribunal s'est déclaré incompétent en invoquant l'immunité de juridiction dont bénéficiait l'immeuble.

En ce qui concerne l'immeuble de l' ancienne légation de Lettonie , qui abrite actuellement la mission permanente russe auprès de l'UNESCO et les archives du Consulat, il apparaît que l'URSS était parvenue à le faire inscrire comme sa propriété sur le cadastre de Paris. Cependant, la vente de cet immeuble a été empêchée à plusieurs reprises, les autorités soviétiques puis russes n'ayant pu produire des documents prouvant leur droit de propriété.

Enfin, l' ancienne légation de Lituanie abrite le centre d'information de l'Agence de presse Ria-Novosty. Saisie par l'État lituanien, la Cour d'appel de Paris, en 1994, s'est déclarée incompétente pour statuer sur le litige car un diplomate russe qui bénéficiait de l'immunité diplomatique avait la responsabilité du bureau situé dans l'immeuble.

Face à ce différend, la France a réaffirmé à plusieurs reprises que d'un point de vue juridique, la situation était claire, les pays baltes n'ayant jamais cessé d'être propriétaires de leur immeuble respectif, comme en témoignent les mentions figurant au registre des hypothèques. Cette position a été régulièrement exprimée dans des réponses à des questions parlementaires.

Votre rapporteur se permet de citer ici la réponse qu'il avait reçue du Ministre des affaires étrangères le 6 avril 2000 à sa propre question 1 ( * ) :

« N'ayant jamais reconnu l'annexion des pays baltes, la France n'a, à aucun moment, reconnu un quelconque transfert de propriété de ces immeubles à l'Union soviétique. En outre, c'est sans succès que la France a demandé dès 1991 aux autorités russes de remettre les clés des immeubles afin de permettre aux États baltes redevenus indépendants de retrouver la jouissance de leurs propriétés. En continuant à occuper sans aucun titre ces immeubles dont les États baltes n'ont jamais cessé, en droit, d'être propriétaires, la Fédération de Russie, État successeur de l'URSS, porte la responsabilité première de ce contentieux. »

Le ministre reconnaissait toutefois « qu'une considération strictement juridique de ce contentieux ne saurait seule permettre d'avancer vers une solution. De fait, même une décision de justice en faveur des États baltes se heurterait à l'immunité d'exécution dont pourrait toujours se prévaloir la Russie. »

Ainsi la France a-t-elle accepté d' agir en faveur du règlement de ce différend , en intervenant régulièrement auprès de la Russie d'une part, et en permettant l' installation provisoire des nouvelles ambassades baltes à Paris dans des locaux dont elle a pris en charge, depuis 1991, le loyer et les charges locatives.

Les trois ambassades baltes ont ainsi pu fonctionner dans un immeuble situé 14, boulevard Montmartre, dans le 9 ème arrondissement.

En 1997, la Lettonie a installé son ambassade dans un immeuble acquis 6, villa Saïd, dans le 16 ème arrondissement, dont elle assure depuis lors la charge. Il en va de même, depuis 1999, de l'Estonie, dont l'ambassade est installée 46, rue Pierre Charon, dans le 8 ème arrondissement. La Lituanie est la dernière à avoir quitté les locaux loués par la France et son ambassade est désormais située 22, boulevard de Courcelles dans le 17 ème arrondissement.

Toutefois, les solutions mises en oeuvre pour l'installation provisoire n'étaient en rien alternatives au règlement juridique du dossier.

Face au blocage persistant de la situation, les autorités françaises ont pris l'initiative de proposer un schéma global de règlement dont les accords aujourd'hui soumis au Parlement constituent le premier volet.

* 1 Voir Journal officiel - Questions parlementaires Sénat - 6 avril 2000, pp. 1236 et 1237.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page