2. Les pesticides

La contamination des eaux par les pesticides est surtout manifeste dans les eaux de rivière et ce dossier sera examiné plus complètement dans le reste du rapport. Si cette contamination des rivières ne surprend guère, quand elle suit notamment les périodes de pulvérisation dans les zones de grandes cultures, elle touche aussi, à des degrés moindres, les autres catégories d'eau, c'est-à-dire les eaux souterraines et même les eaux de pluie, à des niveaux parfois très élevés (une mesure « record » de 24 ug/l a été enregistrée dans l'eau de pluie en 1996 - Bretagne).

La contamination des eaux souterraines aux pesticides est incontestable. Selon l'expression curieuse de la DDASS du Nord Pas-de-Calais, « les produits phytosanitaires réussissent -sic- à atteindre les ressources souterraines et à les polluer à des degrés divers ».

Les contaminations sont évidemment variables selon les types de nappes (les nappes alluviales suivent naturellement les contaminations des rivières, tandis que les nappes captives sont plus préservées des pollutions de surface), selon les sols, l'usage des sols et par conséquent selon les régions. Un même département peut compter des nappes pratiquement indemnes de toute pollution et des nappes très dégradées (c'est le cas du département de Seine-et-Marne avec la nappe de calcaire de Brie, au sud du département, et la nappe de calcaire de Champigny, au nord). Par ailleurs, il existe fort heureusement des nappes sans aucune trace de pesticides. Dans son rapport sur les pesticides dans les eaux, publié en 2001, l'IFEN estimait que le quart des captages d'eaux souterraines était encore de très bonne qualité, dans un état naturel ou quasi naturel.

Malgré cette grande variabilité, l'évolution est dans l'ensemble nettement défavorable. Dans son étude, l'IFEN avait relevé que plus de 60 % des captages étaient altérés par les pesticides et près de 30 % à un niveau qui n'aurait pas permis leur utilisation pour l'eau potable.

Dans les régions qui suivent très précisément l'état des eaux souterraines, tous les indicateurs révèlent une dégradation sensible. Ainsi, en Seine Normandie par exemple, la fréquence de détection des pesticides augmente, la présence de molécules de la famille des triazines, herbicides du maïs, tend à se généraliser. Plus de la moitié des captages est aujourd'hui dans une situation marquée par une dégradation importante (au-delà de 0,1 ug/l) ou très importante (au-delà de 0,5 ug/l) (cf. Annexe 16). Comme pour les eaux de rivières, la très grande majorité des captages est contaminée par des molécules du groupe des triazines. Cette situation n'est, hélas, pas propre aux eaux souterraines. En revanche, certaines spécificités méritent d'être notées :

- les eaux souterraines sont moins contaminées par les molécules contenues dans les pesticides que par leur métabolite (produits de transformation qui apparaissent après dégradation de la molécule mère). En Seine Maritime, par exemple, certaines molécules n'étaient pratiquement pas détectées, jusqu'à ce qu'on cherche leurs métabolites. Le taux de détection de l'atrazine et de son métabolite est alors passé de moins de 1 % à plus de 10 %...

- la fréquence de détection et les niveaux atteints par les contaminations sont très inférieurs à ceux relevés dans les eaux de surface. Le rapport est de l'ordre de 1 à 5.

Comparaison des contaminations aux pesticides
des eaux superficielles et des eaux souterraines

Fréquence de détection

Relevés maximum enregistrés

Eaux de rivières

Eaux souterraines

Eaux de rivières

Eaux souterraines

Atrazine

58 %

50 %

12 ug/l

5,7  ug/l

DEA

52 %

52 %

2 ug/l

0,9 ug/l

Diuron

40 %

< 10 %

20,4 ug/l

3 ug/l

Isoproturon

28 %

< 10 %

10,5 ug/l

1,5 ug/l

Simazine

20 %

15 %

0,8 ug/l

0,6 ug/l

Source : IFEN - Les pesticides dans les eaux - sélection
Atrazine : désherbant du maïs / DEA : métabolisme de l'atrazine / Diuron : désherbant mixte / Isoproturon : désherbant du blé /Simazine : désherbant de la vigne et désherbant arboricole

Cette relative modération n'est cependant pas un motif de satisfaction. Si comme on l'a dit, la contamination des rivières peut se comprendre par l'effet du ruissellement des eaux de pluie, la contamination des eaux souterraines est le signe d'une dégradation profonde et durable des eaux. On notera par exemple que les mesures de limitation d'épandage et de dosage des pesticides n'ont eu pratiquement aucun effet sur les concentrations relevées dans les eaux souterraines.

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