3. La maîtrise contractuelle des pollutions agricoles

a) Panorama des dispositifs

Sous l'impulsion du droit communautaire et de la pression politique, les pouvoirs publics comme les professionnels tentent d'engager des actions de protection de l'environnement dans l'agriculture par le recours à des instruments juridiques basés sur l'accord et le volontariat. Des aides financières accompagnent ces actions. Les mesures les plus connues sur le « plan de maîtrise des pollutions d'origine agricole » -PMPOA-, « les contrats territoriaux d'exploitation » -CTE- et la qualification d'« agriculture raisonnée ».

§ Le PMPOA est la traduction administrative de l'accord conclu entre l'Etat et les organisations professionnelles agricoles le 8 octobre 1993. L'Etat s'engage avec les agences de l'eau et les collectivités locales qui le souhaitent, à apporter un concours financier au programme d'investissement nécessaire à la mise aux normes des bâtiments d'élevage, qui doit permettre de réduire les pollutions.

§ Les contrats territoriaux d'exploitation -CTE, créés par la loi d'orientation agricole du 9 juillet 1999, sont eux aussi destinés à encourager des pratiques respectueuses de l'environnement (par extensification des productions animales, les rotations ou conversions de cultures...). L'objet concernait également le domaine économique et l'emploi.

§ La qualification des exploitations au titre de « l'agriculture raisonnée », introduite en 2002 est subordonnée elle aussi au « respect de l'environnement, la maîtrise des risques sanitaires, la santé, la sécurité au travail et le bien être des animaux ».

Cette démarche contractuelle a certainement fait ses preuves entre partenaires privés (voir sur ce point la protection de périmètres de protection des eaux minérales). Elle élargit la gamme des instruments proposés aux intéressés pour parvenir à une meilleure protection de l'environnement. En revanche, elle s'accompagne de nombreux effets pervers, tant sur le plan juridique (55 ( * )) et (56 ( * )) .que pratique. Le bilan environnemental de cette panoplie d'actions -en attendant celui sur l'agriculture raisonnée qui vient de démarrer- est très médiocre et plusieurs rapports ont déjà dressé un bilan extrêmement critique du PMPOA.

b) Appréciations critiques

Le constat est connu. Les limites sont en premier lieu d'ordre juridique liées aux incohérences et aux effets pervers de ces initiatives, précisées dans deux annexes qui donnent une analyse juridique des instruments contractuels ainsi mis en oeuvre :

- La confusion entre la norme, qui s'impose et le contrat, associé au respect de la norme. Ce paradoxe a été parfaitement identifié dans le rapport d'évaluation du PMPOA : « un paradoxe apparent qui s'explique par des contraintes politiques. Les pouvoirs publics paient pour que des normes, obligatoires par définition, soient appliquées ».

- La dérive des coûts et l'effet possible de substitution. On observera sur ce point que certaines agences ont clairement dit qu'elles ne pouvaient pas financer à la fois les aides aux agriculteurs et les aides aux collectivités locales. Une concurrence de fait tend à s'établir.

- La marginalisation des procédures répressives.

- La complexité des dispositifs et la cannibalisation des objectifs, notamment dans le cas du CTE qui en visant plusieurs objectifs environnementaux et économiques, s'est transformé en contrat de filière.

- La faible lisibilité pour le consommateur face au nouveau « label » d' « agriculture raisonnée ».

En second lieu, l'application pratique se heurte à de très nombreuses difficultés et surtout enregistre des résultats très décevants. Les différents interlocuteurs ont évoqué le « temps de réponse » des politiques contractuelles, façon élégante d'évoquer leur relatif échec. Les politiques contractuelles fonctionnent lorsqu'il y a un petit nombre d'agriculteurs. Dans les grosses zones agricoles, les résultats sont beaucoup plus aléatoires. La profession est par ailleurs « habituée aux négociations » et la conclusion de contrats est extrêmement longue et pointilleuse. Cette implication forte de la profession dans toute forme de contrainte se retrouve dans l'élaboration des réglementations. Les soixante-treize pages de l'article du précédent projet de loi sur l'eau relatif à la redevance pour pollution de l'eau, comme les douze distances différentes réglementant l'épandage des effluents agricoles, sont les signes parmi d'autres de ces difficultés.

* (55) Annexe 55 - Les limites juridiques de l'articulation entre le règlement et le contrat, l'exemple du PMPOA.

* (56) Annexe 56 - Les limites du recours à des instruments juridiques volontaires.

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