Annexe 32 - LA DÉNITRIFICATION NATURELLE

Source : Joël Michelin, maître de conférences à l'Institut agronomique de Paris-Grignon - Synthèse OPECST

La dénitrification consiste à éliminer les nitrates présents dans un élément, en l'occurrence l'eau. L'élimination a lieu par la transformation des nitrates en gaz inerte. Le processus peut s'opérer de façon naturelle. Il a été mis en évidence à plusieurs reprises par l'observation et l'analyse des mesures en nitrates dans l'eau dans des sites voisins, appartenant au même bassin versant. L'eau, arrosant une surface occupée par de grandes cultures, était drainée pour moitié vers une rivière, et pour moitié vers une nappe captive située sous les tourbes (mélange de terre et de matières organiques) d'une zone humide. Les teneurs de l'eau en nitrates étaient de deux à cinq fois moins importantes dans les eaux des tourbes que dans la rivière, suggérant donc l'existence d'un phénomène naturel de dénitrification dans la zone humide.

L'analyse a permis de comprendre le processus au fond assez simple, mais fragile.

1. Le processus

a) Le processus chimique

Le principe est simple : les nitrates sont une synthèse d'azote, d'ammoniaque et d'oxygène (attention, il faut distinguer l'ammoniac qui est un gaz et l'ammoniaque qui est soluble). La forme chimique est un atome d'azote (N) et trois atomes d'oxygène (O 3 ) : NO 3 . La dénitrification va consister à enlever progressivement les atomes d'oxygène afin de parvenir à une forme gazeuse, neutre, l'azote présent dans l'air N 2 (sans oxygène).

Cette diminution se présente donc simplement comme suit :

NO 3 (1 atome d'azote, 3 atomes d'oxygène) = nitrates (NO3 - )

NO 3 -1 atome d'oxygène = NO 2 (1 atome d'azote, 2 atomes d'oxygène) = nitrites (NO2 - )

NO 2 - 1 atome d'oxygène = NO ou N 2 O (1 ou 2 atomes d'azote, 1 atome d'oxygène) = Oxyde d'azote ou dioxyde d'azote

NO ou N 2 O - 1 atome d'oxygène = N ou N 2 - azote ou diazote : gaz inerte présent dans l'air.

b) Les bactéries dénitrifiantes

Cette diminution d'oxygène va s'opérer par l'intermédiaire d'organismes vivants, des bactéries qui ont besoin d'oxygène pour leur propre respiration. Une bactérie vivant sur un substrat soufré a d'étonnantes facultés dénitrifiantes : la thiobacilus denitrificans. La bactérie utilise l'oxygène des nitrates et réduit ces derniers en azote gazeux.

Le processus de dénitrification a donc lieu lorsque la bactérie se trouve en présence de nitrates dans un milieu par ailleurs très pauvre en oxygène. Plus le milieu est pauvre en oxygène, et plus les bactéries vont trouver l'oxygène qui leur manque dans les nitrates. Cette situation se retrouve dans les zones humides où l'eau stagnante accumule les matières organiques en décomposition, grosses consommatrices d'oxygène, notamment les tourbes. Certaines plantes telles que la luzerne sont également propices à cette dénitrification naturelle.

2. Limites du phénomène

Le processus est relativement simple à analyser. La mesure et le temps du phénomène sont plus difficiles à déterminer, mais surtout le processus est fragile et pas exempt d'effets pervers.

a) La dénitrification naturelle suppose que certaines conditions soient réunies

Il faut que l'oxygène soit rare . C'est le fondement même du processus : les bactéries consomment l'oxygène des nitrates parce qu'elles ne le trouvent pas ailleurs. En milieu aérobique (avec de l'air), le processus de dénitrification s'arrête. C'est le cas lorsque la pression sur les nappes est trop forte : des prélèvements trop importants font baisser le niveau des nappes et peuvent changer la nature de la nappe, qui cesse d'être captive en retrouvant un contact avec l'atmosphère. Tout apport d'oxygène freine la dénitrification.

- Il faut aussi que l'alimentation en eau ne soit pas trop abondante. Quand il pleut beaucoup, l'aquifère ou la zone humide reçoivent une grande quantité d'eau, chargée en oxygène. Les bactéries trouvent alors dans l'eau l'oxygène qui leur manque. La dénitrification est donc sujette aux variations saisonnières : le processus est beaucoup moins efficace en hiver. Pour que le système fonctionne, la vitesse d'écoulement de l'eau ne doit pas être supérieure à la vitesse de dénitrification naturelle.

- Les bactéries dénitrifiantes sont également fragiles et peuvent être inhibées par un apport de toxiques issu des pesticides (lindane par exemple).

- Enfin, évidemment, l'apport en nitrates ne doit pas être trop abondant. Les bactéries sont inopérantes lorsque la charge en nitrates est excessive.

b) Le processus n'est pas non plus exempt d'effets pervers

En premier lieu, les bactéries dénitrifiantes vivent aussi sur un substrat soufré. La dénitrification s'accompagne d'une acidification de l'eau due au rejet de gaz carbonique et de sulfate par les bactéries.

En second lieu, le processus de dénitrification passe par différentes phases. La phase finale conduit à un gaz inerte (N 2 ). Mais les phases intermédiaires conduisent à la formation d'oxydes d'azote (NO et N 2 O), qui, eux, sont des gaz à effet de serre importants . Le processus doit donc être poursuivi jusqu'à son terme, et ne doit pas s'arrêter en cours.

La dénitrification naturelle doit donc être accompagnée, gérée, entretenue. L'aménagement de zones humides est loin d'être un simple retour à la nature, et suppose une gestion attentive de la part de la collectivité.

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