TITRE III
DISPOSITIONS RELATIVES
À LA DISCIPLINE DES
AVOCATS
Le
présent titre III (articles 27 à 31) vise à modifier le
chapitre III de la loi du 31 décembre 1971 qui regroupe les
articles 22 à 25-1 relatifs à la discipline des avocats.
Les dispositions légales relatives à la procédure
disciplinaire sont assez succinctes. Il convient de se reporter au
décret du 27 novembre 1991 pour en comprendre véritablement le
fonctionnement.
Actuellement, les avocats inscrits au tableau et les avocats
stagiaires
167(
*
)
sont soumis au
droit disciplinaire. Cette compétence dévolue aux conseils de
l'ordre est distincte de leur compétence en matière
administrative (retrait d'une autorisation d'ouverture d'un bureau secondaire
par exemple) même si les deux formations peuvent être saisies
simultanément.
Les règles disciplinaires sont déterminées par le
règlement intérieur des barreaux auquel s'ajoutent les devoirs et
obligations qui s'imposent à n'importe quel citoyen. L'infraction
à l'une de ces règles est de nature à constituer une faute
disciplinaire.
La discipline des avocats, conformément aux principes d'organisation de
la profession ordinale, relève en première instance, des conseils
de l'ordre auxquels ils appartiennent. Les ordres statuent sous la forme d'une
juridiction disciplinaire dont les décisions, appelées
arrêtés disciplinaires, sont susceptibles d'être
déférées devant la cour d'appel et en dernier ressort,
devant la Cour de cassation. Il s'agit d'un véritable jugement ayant
autorité de chose jugée.
L'avocat est donc jugé par ses pairs.
Ce monopole confié aux ordres ne paraît toutefois plus
adapté aux exigences communautaires et fait l'objet de critiques au sein
même de la profession.
Article 26
(art. 17 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre
1971)
Coordination avec la création d'un conseil de
discipline
chargé de statuer en matière
disciplinaire
Cet
article a pour objet de tirer les conséquences de l'article 27 du projet
de loi qui propose de transférer à une instance
« inter-ordinale » les attributions relatives au jugement
des affaires disciplinaires actuellement dévolues au Conseil de l'ordre.
L'article 17 de la loi du 31 décembre 1971 définit les missions
du Conseil de l'ordre (voir article 20 du projet de loi) et lui attribue un
large pouvoir disciplinaire puisqu'il a pour tâches, notamment, de
maintenir les principes de probité et de désintéressement,
de modération et de confraternité sur lesquels repose la
profession, de s'assurer que les avocats sont dignes de l'honneur et de
l'intérêt qu'exige la profession, de veiller à ce que les
avocats soient exacts aux audiences et se comportent en loyaux auxiliaires de
la justice, de veiller à la stricte observation de leurs devoirs, de
vérifier la tenue de leur comptabilité et la constitution des
garanties imposées, et d' « exercer » la
discipline dans les conditions prévues par les articles 22 à
25 de la loi.
Le projet de loi propose de substituer au terme
«
exercer
» l'expression
«
concourir
», par coordination avec les
articles 27 à 30 du projet de loi qui ont pour objet de modifier les
règles relatives à la procédure disciplinaire.
Il s'agit de marquer que, nonobstant l'institution d'un conseil de discipline
« inter-ordinal » chargé de statuer sur les affaires
disciplinaires et la suppression des attributions dévolues aux conseils
de l'ordre, ils seraient encore
associés
à la
procédure disciplinaire puisqu'en vertu du projet de loi, il leur
appartiendrait de désigner des membres aux conseils de discipline et,
selon les informations fournies à votre rapporteur.
Par souci de cohérence formelle, votre commission vous propose de
regrouper l'ensemble des modifications relatives à l'article 17 de la
loi du 31 décembre 1971
au sein d'un seul article du
présent projet de loi. Elle vous propose donc de
déplacer le
contenu
du présent article en vue de
le faire
figurer
à l'article 20
du projet qui modifie par ailleurs certaines des
dispositions de l'article 17 de la loi de 1971.
En conséquence, votre commission des Lois vous soumet un
amendement
de suppression
de
l'article 26.
Article 27
(art. 22 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre
1971)
Compétence du conseil de discipline
institué dans le
ressort de la cour d'appel pour statuer
en matière disciplinaire -
Compétence dérogatoire
du conseil de l'ordre de Paris
siégeant comme conseil de
discipline
Cet
article a pour objet de créer une juridiction disciplinaire nouvelle
à vocation régionale, distincte des conseils de l'ordre, de
définir son champ de compétences, limité au jugement des
fautes disciplinaires, et de mettre un terme au cumul actuel par le conseil de
l'ordre des fonctions de poursuite et de jugement. Il propose néanmoins
de prévoir une dérogation au profit du barreau de Paris, son
Conseil de l'ordre conservant le monopole du jugement en matière
disciplinaire.
1. La procédure disciplinaire en vigueur
L'article 22
de la loi du 31 décembre 1971
regroupe l'ensemble
des règles relatives à la procédure disciplinaire
sans
établir de distinction particulière entre les différentes
autorités de poursuite, d'instruction et de jugement
.
Son premier alinéa
précise que le conseil de l'ordre
détient le pouvoir de poursuivre et de réprimer les
fautes
168(
*
)
et les infractions
commises par les avocats.
Le
barreau territorialement compétent
est exclusivement celui
auprès duquel
l'avocat est inscrit
. Complétant ces
dispositions, l'article 181 du décret du 27 novembre 1991
précise que le conseil de l'ordre siégeant comme conseil de
discipline est présidé par le bâtonnier ou, en cas
d'empêchement ou si celui-ci est mis en cause, par le plus ancien
bâtonnier dans l'ordre du tableau, membre du conseil, à moins que
le règlement intérieur n'en dispose autrement.
Son deuxième alinéa
concerne le
pouvoir de mise oeuvre
de l'action disciplinaire
réservé au
procureur
général
et
au bâtonnier
, le conseil de l'ordre
pouvant également
se saisir d'office
(ce qui est assez rare en
pratique). Ces règles sont d'ailleurs rappelées à
l'article 190 du décret du 27 novembre 1991.
L'article 189 du décret du 27 novembre 1991 ajoute une précision
supplémentaire relative à la saisine du bâtonnier qui, soit
de sa propre initiative, soit à la demande du procureur
général ou sur la plainte de toute personne, peut procéder
à une enquête déontologique préalable sur le
comportement de l'avocat mis en cause. Après avoir nommé un
rapporteur, et à l'issue de cette enquête, il peut décider
de classer l'affaire ou de la renvoyer devant la juridiction disciplinaire.
Aux termes du troisième alinéa de l'article 22
, le
conseil de l'ordre
a seul qualité pour procéder à
l'
instruction
qui est
contradictoire
. En pratique, il peut
engager une véritable information. L'instruction peut être
confiée soit à la formation disciplinaire collectivement lorsque
l'affaire ne nécessite pas d'investigations particulières, soit
à un membre désigné à cet effet par le conseil qui
peut entendre le plaignant, l'avocat incriminé, les témoins
éventuels en vue de la manifestation de la vérité. Cette
dernière hypothèse est d'ailleurs la plus fréquente. Est
également imposée au conseil de l'ordre l'obligation de
motiver ses décisions rendues en matière disciplinaire
.
Ce dernier statue en principe en assemblée plénière.
En vertu de l'article 4 du décret du 27 novembre 1991, les effectifs des
conseils de l'ordre varient selon l'importance démographique du barreau,
entre trois (dans les barreaux où le nombre d'avocats inscrits
habilités à voter se situe entre huit et quinze) et vingt-et-un
membres (dans les barreaux où le nombre d'avocats disposant du droit de
vote est supérieur à deux cents), le conseil de l'ordre de Paris
comprenant quant à lui trente-six membres.
Cependant,
l'avant-dernier alinéa de l'article 22
ouvre la
possibilité à un conseil de l'ordre d'un barreau de grande
taille
169(
*
)
de siéger
comme conseil de discipline en
une ou plusieurs formations d'au moins cinq
membres
. Il est alors présidé par le bâtonnier ou par
un ancien bâtonnier.
Peuvent faire partie de ces formations les
membres et anciens membres
du
conseil de l'ordre ayant quitté leur fonction depuis moins de huit ans.
Ces derniers sont alors choisis sur une liste arrêtée chaque
année par le conseil. Le président, les membres de chaque
formation, ainsi que les suppléants sont désignés au
début de chaque année, par délibération du conseil
de l'ordre.
Cette disposition, introduite par la loi n° 99-957 du 22 novembre
1999
170(
*
)
portant sur diverses
professions relevant du ministère de la justice, la procédure
civile et le droit comptable est destinée à assurer un traitement
plus efficace des procédures disciplinaires en permettant à
plusieurs formations de siéger en nombre restreint et d'éviter au
bâtonnier d'être systématiquement sollicité.
Actuellement, outre le barreau de Paris, seulement neuf barreaux
171(
*
)
bénéficient de ce
régime spécifique.
Le règlement intérieur du barreau de Paris prévoit par
exemple que les trois formations disciplinaires sont présidées
par des anciens bâtonniers ce qui, de fait, consacre la disparition de la
pratique selon laquelle le bâtonnier en exercice préside le
conseil de discipline.
Le dernier alinéa de l'article 22
ouvre à la formation
restreinte la possibilité de renvoyer l'examen de l'affaire devant la
formation plénière.
Les exigences posées par la Convention européenne des droits de
l'homme, notamment sur le fondement de son article 6-1 relatif au droit
à un procès équitable et à un tribunal impartial
ont conduit à remettre en cause le fonctionnement de la procédure
disciplinaire applicable aux avocats
172(
*
)
.
2. Le dispositif proposé par le projet de loi
Le présent article propose de
réécrire l'article 22 de
la loi du 31 décembre 1971
et de limiter son champ à la
désignation de l'autorité de jugement
.
La
nouvelle rédaction proposée par le premier alinéa de
l'article 22
a pour objet de
transférer à une
autorité nouvelle dénommée « conseil de
discipline »
et instituée dans le ressort de
chaque
cour d'appel
le pouvoir de juger des fautes et des infractions commises par
un avocat jusque-là dévolues aux conseils de l'ordre.
Comme
actuellement
, les avocats inscrits au tableau seraient soumis à ce
régime. En revanche, les avocats inscrits sur la liste du stage ne
seraient plus mentionnés par cohérence avec la refonte du
dispositif de formation proposée par le titre II du projet de loi.
La compétence territoriale du conseil de discipline s'étendrait
aux avocats inscrits auprès des seuls barreaux établis dans le
ressort de la cour d'appel. Le projet de loi se borne ainsi à transposer
à
l'échelle régionale
la
spécificité des règles d'organisation de la
profession
. L'avocat demeurerait encore
lié à son
barreau
et ne pourrait relever d'un conseil de discipline institué
dans un autre ressort de cour d'appel que celui dans lequel son barreau est
établi.
L'élargissement du ressort de la juridiction disciplinaire constitue un
progrès et permettra de remédier aux risques de trop grande
proximité entre les juges et leurs justiciables. Cette autorité
n'est pas investie du pouvoir d'ordonner les poursuites
, ce qui
répond aux exigences posées par la jurisprudence.
Au
deuxième alinéa de l'article 22
de la loi de 1971, il
est proposé, par
dérogation
au principe
énoncé au premier alinéa, que le conseil de l'ordre de
Paris
demeure l'autorité de jugement compétente
comme
à l'heure actuelle.
Une telle spécificité ne paraît pas choquante et s'explique
par
l'importance numérique du barreau de Paris
qui regroupe
près de 15.541 avocats soit près de 40 % du nombre
total des avocats en exercice (au 2 janvier 2002).
Comme l'indique l'exposé des motifs du projet de loi, le nombre des
avocats qui y sont inscrits est de nature à
«
réduire sensiblement le risque de proximité entre
la personne mise en cause et les membres du conseil de l'ordre et garantit
ainsi l'impartialité de l'organe
délibérant
».
Un autre argument lié à
l'hypertrophie parisienne
réside dans le souci d'assurer une
représentation
équilibrée des différents barreaux composant les conseils
de discipline régionaux
. Les disparités démographiques
sont, à cet égard, trop importantes. Si 16.778 avocats exercent
dans le ressort de la cour d'appel de Paris, les huit autres barreaux
concernés (Bobigny, Créteil, Evry, Sens, Auxerre, Meaux, Melun et
Fontainebleau) ne totalisent que 7,5 % seulement du nombre total (soit un
peu moins de 1.250)
173(
*
)
.
Comme l'a confirmé au cours de son audition Me Paul-Albert Iweins,
bâtonnier du barreau de Paris, l'application du dispositif de droit
commun aurait conduit à
solliciter activement les autres barreaux de
la région parisienne
dont l'activité disciplinaire est moins
soutenue qu'au barreau de Paris qui siège une fois par mois et traite le
plus grand nombre d'affaires. Ainsi auraient-ils été contraints
de siéger beaucoup plus régulièrement pour statuer sur des
affaires qui les auraient finalement peu concerné.
Le tableau ci-dessous montre l'importante activité du conseil de l'ordre
de Paris pour l'année 2002 :
STATISTIQUES RELATIVES À LA DISCIPLINE AU BARREAU
DE
PARIS POUR L'ANNÉE 2002
|
|
AUTORITÉ DE POURSUITE |
|
Nombre
de procédures disciplinaires ouvertes en 2002
|
102 |
Nombre
de dossiers traités par l'autorité de poursuite en
2002
|
387 |
- dossiers ayant abouti à un classement (sans suite ou admonestation paternelle) : |
161 |
- dossiers en cours |
226 |
Nombre d'enquêtes ouvertes par l'autorité de poursuite |
21 |
DÉCISIONS DISCIPLINAIRES |
|
Entre le
1
er
janvier et le 17 décembre 2002,
70 décisions ont été rendues
,
|
|
- par la formation n° 1 |
30 |
- par la formation n° 2 |
11 |
- par la formation n° 3 |
29 |
Sanctions |
|
- Faits amnistiés |
1 |
- Avertissement |
aucun |
- Blâmes |
5 |
- Interdictions sans sursis |
11 |
- Interdictions avec sursis |
35 |
- Radiations |
7 |
- Suspension provisoire (application de l'article 23 de la loi du 31 décembre 1971) |
1 |
- Retrait de l'honorariat |
aucun |
Décisions autres que les sanctions |
|
- Renvois des fins de la poursuite |
9 |
- Renvois, complément d'information ou expertise |
9 |
- Admonestation paternelle |
1 |
Source : Bulletin du Barreau de Paris n° 9- 4 mars 2003 |
|
Enfin,
la raison principale qui fonde cette dérogation particulière au
profit du barreau de Paris réside sans doute dans le fait que depuis
plusieurs années déjà, a été mise en place
une
procédure conforme aux exigences du droit au procès
équitable
en assurant une
stricte séparation entre les
différentes autorités
qui interviennent dans le
déroulement de la procédure. Les effectifs du conseil de l'ordre
de Paris (36) ont constitué son principal atout.
Le projet de loi satisfait donc la revendication du barreau de Paris, pour
lequel la mise en place d'une autorité nouvelle
n'aurait pas permis
de réelle avancée
.
Le
dernier alinéa de l'article 22
, dans la rédaction
proposée par le présent article, ajoute à la liste des
personnes soumises au régime disciplinaire les anciens
avocats ayant commis des fautes ou des infractions à l'occasion de
faits remontant à l'époque où ils étaient inscrits
au tableau ou inscrits sur la liste des avocats honoraires. Cette disposition
ne fait que reprendre une règle prévue à l'article 180 du
décret du 27 novembre 1991. Il est donc permis de s'interroger sur
sa valeur législative. Par souci de clarté, il est apparu
préférable de conserver cette disposition dans la loi.
Néanmoins, votre commission vous soumet
un amendement de
précision
tendant à indiquer que l'ancien avocat, à
l'époque des faits doit avoir été inscrit au tableau ou
sur la liste honoraire « de l'un des barreaux établis dans le
ressort de l'instance disciplinaire ». A défaut d'une telle
précision, le conseil de discipline pourrait être appelé
à connaître des fautes d'un ancien avocat quel que soit le barreau
auprès duquel il a été inscrit. Cette règle
paraît contraire à la spécificité du régime
disciplinaire selon laquelle le barreau compétent est celui
auprès duquel l'avocat est inscrit.
Ne seraient pas reprises les règles relatives à la
désignation des autorités de poursuite et d'instruction
appelées à figurer sous un article distinct de la loi de 1971 aux
termes de la nouvelle rédaction proposée par l'article 30 du
projet de loi. Les règles de fonctionnement des formations de jugement
seraient également déplacées à l'article 22-1 qu'il
est proposé d'insérer dans la loi de 1971.
Votre commission approuve ce dispositif qui devrait permettre
d'améliorer l'efficacité de la mise en oeuvre de la
procédure disciplinaire et de garantir le respect des exigences
imposées par la Convention européenne des droits de l'Homme.
Elle vous demande d'adopter l'article 27
ainsi modifié
.
Article 28
(art. 22-1 nouveau de la loi n° 71-1130 du 31
décembre 1971)
Composition et fonctionnement du conseil de
discipline
Cet
article a pour objet de préciser les règles de composition et de
fonctionnement du conseil de discipline en insérant un article 22-1 dans
la loi du 31 décembre 1971.
Dans sa composition telle qu'elle résulte du
premier
alinéa
du texte proposé par cet article pour l'article 22-1,
le conseil de discipline comprendrait
des représentants
nommés par les conseils de l'ordre
établis dans le ressort
de la cour d'appel.
Afin d'assurer la représentativité de chaque barreau tout en
préservant un certain équilibre dans la répartition des
membres, un représentant au moins de chaque conseil de l'ordre y
siégerait tandis qu'un même conseil de l'ordre ne pourrait
désigner plus de la moitié des représentants. Les membres
suppléants seraient nommés en vertu de règles identiques.
Les modalités de répartition des membres au sein des conseils de
discipline seraient renvoyées à un décret en Conseil
d'Etat. Cette précision paraît superflue car le dernier
alinéa du texte proposé pour l'article 22-1 dispose que les
conditions d'application du présent article sont précisées
par un décret en Conseil d'Etat. Votre commission vous propose donc
un amendement en vue de supprimer
cette mention inutile.
Selon les informations fournies à votre rapporteur, il devrait
être tenu compte dans la composition des conseils de discipline des
caractéristiques démographiques de chaque cour d'appel.
La durée du mandat des membres du conseil de discipline n'est pas
évoquée et, selon les indications fournies à votre
rapporteur, devrait s'élever à trois ans et être
renouvelable une fois.
Le projet de loi prévoit donc
un lien organique fort entre les
conseils de discipline et les conseils de l'ordre dont ils sont
l'émanation
. Aux termes du nouveau dispositif, le conseil de
discipline constituerait une
instance
« inter-ordinale »
c'est-à-dire
rassemblant
des délégués de plusieurs conseils de l'ordre
.
Le président de la Conférence des bâtonniers s'est
félicité de cette orientation, soulignant que ces dispositions
n'étaient pas de nature à affaiblir l'autorité des
conseils de l'ordre, qui, en désignant des représentants dans les
nouvelles instances disciplinaires, participeraient encore indirectement
à la procédure. En outre, il s'est félicité de ce
que la composition des conseils de l'ordre procède d'une nomination et
non d'une élection qui aurait pu consacrer l'émergence d'un
pouvoir « supra-ordinal » concurrent de celui des barreaux
et de nature à brouiller les règles d'organisation de la
profession.
Le
deuxième alinéa
du texte proposé par cet article
pour l'article 22-1 énumère les
personnes susceptibles
d'être désignées comme représentant des conseils de
l'ordre
. Il s'agirait des anciens bâtonniers, des membres des
conseils de l'ordre et des anciens membres des conseils de l'ordre ayant
quitté leurs fonctions depuis moins de huit ans. Ces dispositions
s'inspirent des règles actuelles de composition des formations
restreintes des conseils de l'ordre siégeant comme instance
disciplinaire dans les grands barreaux prévues à l'avant-dernier
alinéa de l'actuel article 22 de la loi de 1971.
Ce même alinéa
consacre la disparition du bâtonnier
de
la liste des membres du conseil de discipline
174(
*
)
.
Le
troisième alinéa
du texte proposé pour l'article
22-1 prévoit l'élection du président par les membres du
conseil de discipline, ce qui constitue
une nouveauté
.
Actuellement seuls les bâtonniers et les anciens bâtonniers dans
les grands barreaux, et très exceptionnellement le plus ancien
bâtonnier dans l'ordre du tableau peuvent présider le conseil de
l'ordre siégeant comme conseil de discipline. Selon les informations
fournies à votre rapporteur, la durée de son mandat, à
l'instar des autres membres du conseil de discipline devrait s'établir
à trois ans.
Le
quatrième alinéa
du texte proposé pour l'article
22-1 dispose que les recours dirigés contre les
délibérations des conseils de l'ordre
relatives à
la
nomination
des représentants appelés à
siéger dans les conseils de discipline sont portés devant le
juge judiciaire
.
Cette indication paraît tout à fait utile pour garantir
l'impartialité des membres composant les conseils de discipline. La
juridiction judiciaire serait logiquement compétente, toutes les
décisions des conseils de l'ordre (administratives,
réglementaires et disciplinaires) pouvant actuellement
déjà faire l'objet d'un recours devant la cour d'appel. Votre
commission des Lois vous propose
un amendement
tendant à
indiquer plus clairement
quel est le juge compétent, à
savoir la
cour d'appel
, la référence au juge judiciaire
paraissant insuffisamment précise.
Le
cinquième alinéa
du texte proposé pour l'article
22-1 prévoit la possibilité pour les conseils de discipline de
siéger valablement en
une formation restreinte de cinq membres au
moins
,
délibérant en nombre impair
. Actuellement,
hormis dans les barreaux de grande taille, la
procédure est lourde
puisque le conseil de l'ordre ne siège valablement que si plus de la
moitié de ses membres sont présents (article 4 du décret
de 1991). Lorsque le quorum n'est pas atteint, le bâtonnier convoque dans
les plus brefs délais l'assemblée générale de
l'Ordre (c'est-à-dire tous les avocats disposant du droit de vote), qui
désigne jusqu'à concurrence du quorum nécessaire des
remplaçants pour la durée de l'instance. Il est parfois difficile
d'atteindre le quorum requis.
Il s'agit donc de prévoir
une règle plus souple qu'à
l'heure actuelle
. Votre rapporteur tient à souligner qu'elle ne doit
pas pour autant avoir pour effet d'inciter les membres du conseil de discipline
à l'absentéisme et d'entraîner la disparition des
assemblées plénières.
Il est également prévu la possibilité pour les conseils de
discipline de constituer
plusieurs formations restreintes
d'au moins
cinq membres, délibérant en nombre impair lorsque le nombre
d'avocats inscrits dans les barreaux établis dans le ressort de la cour
d'appel excède cinq cents. Il s'agit de donner une souplesse
supplémentaire aux conseils de discipline qui pourraient être
confrontés à un nombre important d'affaires disciplinaires
lié à la taille démographique de certains barreaux.
Ces règles ne font que reprendre, avec les adaptations
nécessaires, les règles actuelles de fonctionnement des conseils
de l'ordre siégeant en conseil de discipline dans les grands barreaux,
prévues à l'avant-dernier alinéa de l'actuel article 22 de
la loi de 1971.
Le
sixième alinéa
du texte proposé pour l'article
22-1 prévoit opportunément la possibilité pour la
formation restreinte de renvoyer l'affaire à la formation
plénière. Il s'agit de la reproduction d'une règle
existante.
Le
dernier alinéa
du texte proposé pour l'article 22-1
renvoie à un décret en Conseil d'Etat la détermination des
conditions d'application du présent article.
Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 28
ainsi
modifié
.
Article 29
(art. 22-2 nouveau de la loi n° 71-1130 du 31
décembre 1971)
Formation restreinte du conseil de l'ordre de Paris
siégeant comme conseil de discipline, séparation des
autorités
de poursuite et de jugement
Cet
article a pour objet d'insérer dans la loi du 31 décembre
1971 un article 22-2 afin de préciser, d'une part, les modalités
de fonctionnement du conseil de l'ordre de Paris siégeant comme conseil
de discipline et, d'autre part, de consacrer la séparation entre les
autorités de poursuite et de jugement.
Aux termes du
premier alinéa du texte proposé pour l'article
22-2 de la loi de 1971,
le conseil de l'ordre de Paris, comme actuellement,
pourrait constituer
une ou plusieurs formations d'au moins cinq membres
.
Il est ajouté la précision selon laquelle cette formation
délibère en nombre impair.
Afin d'assurer le principe de séparation entre l'autorité de
poursuite et l'autorité de jugement, le bâtonnier se verrait
retirer la possibilité de présider la formation de
jugement
, qui serait réservée à
un ancien
bâtonnier
, ou à défaut au membre le plus ancien dans
l'ordre du tableau.
Contrairement aux conseils de discipline nouvellement créés, la
présidence
du conseil de l'ordre de Paris ne procéderait
pas d'une élection mais d'une
désignation parmi les anciens
bâtonniers
.
Les
membres
composant le conseil de l'ordre de Paris siégeant
comme instance disciplinaire restent
les mêmes qu'à l'heure
actuelle, à l'exclusion notable du bâtonnier
. Il s'agit des
membres et anciens membres du conseil de l'ordre ayant quitté leur
fonction depuis moins de huit ans.
La désignation du président et des membres de chaque formation
s'effectuerait comme aujourd'hui par délibération du conseil de
l'ordre. Elle pourrait intervenir à tout moment de
l'année
175(
*
)
. En
revanche, ne figure plus la précision selon laquelle les anciens membres
sont choisis sur une liste arrêtée au début de chaque
année par le conseil de l'ordre, qui devrait figurer dans le futur
décret d'application.
Le
second alinéa
du texte proposé pour l'article 22-2 de
la loi de 1971 ouvre à la formation restreinte la possibilité de
renvoyer l'affaire devant la formation plénière, et ne fait que
reprendre une règle déjà en vigueur.
Les règles de fonctionnement du conseil de l'ordre de Paris, aux termes
du projet de loi, connaîtraient donc peu de bouleversements notables.
Sous réserve de quelques ajustements, elles seraient simplement
alignées sur une pratique qui a depuis longtemps consacré la
séparation de l'autorité de poursuite et de l'autorité de
jugement.
Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 29
sans
modification
.
Article 30
(art. 23 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre
1971)
Mise en oeuvre de l'action disciplinaire,
séparation des
autorités de poursuite et de
jugement
L'article 23 de la loi du 31 décembre 1971
définit le
régime de la
suspension provisoire
d'un avocat faisant l'objet
d'une poursuite pénale ou disciplinaire.
Le présent article tend à
réécrire l'article
23
de la loi de 1971 dont le contenu actuel serait
déplacé
à l'article 24
de la même loi par l'article 31 du
présent projet de loi.
Il a pour objet de
désigner les titulaires du pouvoir d'engager
l'action disciplinaire
, de garantir
la stricte séparation des
fonctions de poursuite et de jugement
et de désigner, par
cohérence avec les nouvelles règles retenues, les personnes
autorisées à faire appel des décisions rendues par
l'instance disciplinaire. Il impose au conseil de discipline une double
obligation de statuer après qu'une instruction contradictoire ait
été menée et de motiver ses décisions.
Aux termes du
premier alinéa
du texte proposé pour
l'article 23, la faculté de saisir l'instance disciplinaire (qui peut
être soit le conseil de discipline, soit le conseil de l'ordre de Paris
siégeant comme conseil de discipline) serait dévolue au
procureur général près la cour d'appel
et au
bâtonnier
, comme actuellement.
Il est également proposé de
supprimer la saisine d'office
.
A cet égard, il convient de souligner que la Cour de cassation dans un
arrêt du 13 novembre 1996
176(
*
)
a jugé que cette
faculté ne portait atteinte à aucun principe du droit
français, ni aux principes d'indépendance et
d'impartialité garantis par l'article 6-1 de la Convention
européenne des droits de l'Homme. La Cour européenne des droits
de l'Homme ne semble pas s'être prononcée sur cette question.
Toutefois, les recours fondés sur le moyen selon lequel la saisine
d'office présente une partialité objective contraire à
l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'Homme ont
tendance à se multiplier et certaines juridictions disciplinaires ont
rendu des décisions confirmant cette analyse.
Il n'est pas proposé
d'élargir cette saisine
à des
particuliers et notamment
au plaignant
. Une telle hypothèse
aurait pu légitimement être envisagée à la
lumière d'un arrêt de la Cour de cassation du 27 mars
2001
177(
*
)
, dans lequel a
été ouverte la possibilité pour le plaignant d'intenter
une action de droit commun devant la juridiction judiciaire pour régler
des problèmes déontologiques entre avocats à la suite
d'une carence des autorités ordinales. On notera par ailleurs que devant
certaines juridictions ordinales, celui-ci a la possibilité de
participer à la procédure disciplinaire
178(
*
)
.
Bien que n'étant pas reconnu comme une partie à la
procédure disciplinaire, le plaignant est néanmoins
mentionné aux articles 189 et 195 du décret du 27 novembre 1991
respectivement relatifs à la possibilité de porter plainte
auprès du bâtonnier et au droit d'être informé
lorsque la décision est passée en force de chose jugée. De
plus, il peut être entendu dans le cadre de l'instruction de l'affaire.
L'élargissement de la saisine directe de l'instance disciplinaire au
bénéfice du plaignant n'est cependant pas apparu opportun en
raison des spécificités de la profession d'avocat. Les
impératifs liés au respect du secret professionnel et à la
protection du client imposent d'éviter que l'action publique puisse
être mise en oeuvre trop facilement. En outre, l'examen des
requêtes des justiciables est susceptible de faire peser une lourde
charge sur les autorités chargées d'instruire les dossiers.
En outre, le plaignant a d'ores et déjà la faculté de
s'adresser au parquet général ou au bâtonnier qui pourront,
s'ils estiment la plainte fondée, saisir la juridiction disciplinaire.
Le dispositif actuel parait donc respecter un équilibre. Un renforcement
de l'information du plaignant sur les suites données à sa
plainte, le classement ou le renvoi de l'affaire pourrait en revanche utilement
être prévu dans le futur décret.
Le
deuxième alinéa
du texte proposé pour l'article
23 pose
l'interdiction à un ancien bâtonnier
à
l'origine des poursuites dans le cadre de ses fonctions antérieures, de
siéger au sein de la formation de jugement. Cette disposition constitue
une utile précaution destinée à assurer une stricte
séparation entre l'autorité de poursuite et les membres de la
formation de jugement. Votre commission vous soumet un
amendement
rédactionnel
en vue de préciser qu'il s'agit de la formation
« de jugement ».
Le
troisième alinéa
du texte proposé pour l'article
23 reproduit
la double obligation
imposée à l'instance
disciplinaire de motiver ses décisions et de statuer après une
instruction contradictoire mentionnée actuellement à l'article 22
(troisième alinéa) de la loi de 1971 qui, en vertu de l'article
27 du présent projet de loi, n'énoncerait plus cette
règle
179(
*
)
.
Le présent alinéa ne donne
aucune indication relative à
l'autorité chargée de l'instruction
. Les dispositions
actuelles en la matière figurent dans le décret du 27 novembre
1991 (article 191), le conseil de l'ordre désignant l'un de ses membres
pour procéder à l'instruction contradictoire de l'affaire.
Me Bernard Chambel, président de la Conférence des
bâtonniers, a souhaité au cours de son audition que la phase
d'instruction, comme à l'heure actuelle, relève de la
compétence du conseil de l'ordre. Par
souci de clarté
, il
est donc apparu nécessaire à votre commission d'inscrire
dès à présent cette règle dans la loi de 1971. Il
s'agit d'assurer
la nécessaire séparation des fonctions
d'instruction et de jugement
conformément à la jurisprudence
de la Cour de cassation. Aussi, votre commission vous soumet un
amendement
en vue, d'une part, de prévoir le
maintien de la
compétence actuelle du conseil de l'ordre s'agissant de l'instruction
contradictoire
des affaires et, d'autre part, d'instituer une
incompatibilité entre l'autorité d'instruction et
l'autorité de jugement dans une même affaire
.
Le
dernier alinéa
du texte proposé pour l'article 23
reprend en l'adaptant la règle actuelle énoncée à
l'article 24 de la loi du 31 décembre 1971, permettant au procureur
général près la cour d'appel et à l'avocat de faire
appel des décisions rendues par le conseil de l'ordre en matière
disciplinaire.
Comme actuellement, ces derniers bénéficieraient de la
faculté de former un recours à l'encontre de la décision
rendue par l'instance disciplinaire. Cette possibilité serait
étendue au
bâtonnier
dont relève l'avocat mis en
cause. Dès lors que ce dernier n'a plus que le seul pouvoir de
déclencher les poursuites, il doit donc disposer d'une voie de recours
contre une décision qui n'aurait pas été conforme à
sa demande.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 30
ainsi
modifié
.
Article 31
(art. 24 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre
1971)
Régime de la suspension provisoire d'un avocat
faisant
l'objet d'une poursuite pénale ou
disciplinaire
Cet
article a pour objet
d'encadrer le régime de la suspension
provisoire
d'un avocat faisant l'objet d'une
poursuite pénale ou
disciplinaire
actuellement défini à l'article 23 de la loi du
31 décembre 1971.
Le paragraphe I
propose de modifier le régime de la suspension
provisoire et de déplacer les règles en la matière
énoncées à l'actuel article 23 de la loi du 31
décembre 1971
180(
*
)
, pour
les faire figurer à l'article 24 de la même loi qui, dans sa
rédaction actuelle, traite des voies de recours en appel à
l'encontre des décisions du conseil de l'ordre rendues en matière
disciplinaire ouvertes au bénéfice du procureur
général et de l'avocat intéressé. L'article 24
s'applique tant aux sanctions disciplinaires qu'aux mesures de suspension
provisoire. Aux termes du présent article, il serait
dédoublé pour figurer à la fois au sein des dispositions
relatives à la procédure disciplinaire et au sein de celles
relatives à la suspension provisoire.
La suspension provisoire consiste à empêcher temporairement
l'avocat d'exercer ses activités. Le cabinet de l'avocat est alors
confié par le bâtonnier à un administrateur provisoire qui
remplace l'avocat dans ses fonctions.
Actuellement, elle est prononcée
sans limitation de durée par
le conseil de l'ordre
soit
d'office
soit
à la demande du
procureur général ou du bâtonnier
. Elle n'est pas
infligée pour
une durée déterminée
. Elle se
présente comme une
mesure conservatoire
qui s'applique pendant la
durée des poursuites pénales (y compris dès la mise en
examen de l'avocat), ou disciplinaires engagées contre un avocat.
Il s'agit donc d'une mesure de sûreté avant dire droit
justifiée par une situation de particulière gravité qui
porte atteinte au libre exercice professionnel. Cette décision est
exécutoire nonobstant appel (article 198 du décret du 27 novembre
1991).
En vertu de l'article 24 de la loi du 31 décembre 1971, elle peut
être déférée à la cour d'appel par le
procureur général ou l'avocat intéressé. Si dans
les quinze jours le conseil de l'ordre n'a pas statué sur la demande de
suspension provisoire du procureur général, celui-ci peut alors
saisir directement la cour d'appel, habilitée à ordonner la
suspension provisoire.
Le conseil de l'ordre est compétent pour mettre fin à cette
mesure dans des conditions identiques à sa mise en oeuvre (soit
d'office, soit à la demande du procureur général ou du
bâtonnier) ou encore sur requête de l'intéressé.
Conformément à l'article 24 de la loi de 1971, le procureur
général ou l'avocat intéressé peut interjeter appel
de cette décision.
La suspension provisoire cesse de plein droit avec l'extinction des poursuites
pénales et disciplinaires.
La compétence exclusive du conseil de l'ordre pour suspendre
provisoirement un avocat de ses fonctions a été contestée,
notamment en raison de
l'articulation difficile
des dispositions de
l'article 23 de la loi du 31 décembre 1971 avec une disposition du
code de procédure pénale (12° de l'article 138) permettant
au juge d'instruction d'assortir un contrôle judiciaire d'une
interdiction, pour le mis en examen, d'exercer son activité
professionnelle.
Dans sa rédaction issue de la loi n° 93-2 du 4 janvier 1993
portant réforme de la procédure pénale, cette
dernière disposition prévoyait une règle
particulière relative au contrôle judiciaire dans le cas où
la personne placée sous contrôle judiciaire exerçait le
métier d'avocat, le juge d'instruction étant tenu de saisir le
conseil de l'ordre appelé à statuer conformément à
l'article 23 de la loi de 1971.
En dépit de la volonté du législateur, les juges
d'instruction ont continué sur la base de l'article 138, 12°,
à interdire l'exercice des fonctions d'un avocat placé sous
contrôle judiciaire. La loi n° 2000-516 du 15 juin 2000
renforçant la protection d'innocence et les droits des victimes a
modifié la rédaction du code de procédure pénale en
vue de rappeler clairement la
compétence exclusive du conseil de
l'ordre
en ce domaine, sous réserve de la possibilité de
faire appel prévue par l'article 24 de la loi du 31 décembre
1971.
Le même monopole est accordé au conseil de l'ordre s'agissant de
la possibilité de mettre fin à la suspension provisoire. Ce
pouvoir lui est reconnu même lorsque la suspension provisoire a
été prononcée dans le cadre d'un contrôle judiciaire
comme l'a affirmé la Cour de cassation dans deux arrêts des 15 et
22 mai 2002 infirmant un arrêt de la cour d'appel de Paris du 4 juillet
2001, qui avait considéré par une lecture littérale de la
loi du 15 juin 2000 qu'il appartenait au seul juge d'instruction de lever
l'interdiction d'exercer.
Les ambiguïtés sur l'attribution exclusive du conseil de l'ordre
pour prononcer et lever une mesure de suspension provisoire semblent
désormais dissipées. Une telle clarification n'exonère pas
pour autant cette mesure particulière d'être conforme aux
exigences nouvelles liées au respect des droits de la défense et
à la protection de la présomption d'innocence.
Aux termes du
premier alinéa du texte
proposé pour
l'article 24
de la loi du 31 décembre 1971 par le I de cet
article, il est prévu de
compléter le cadre juridique
relatif
à la
mise en oeuvre
de cette procédure :
- en précisant les critères fondant la possibilité de
prononcer une telle mesure, le projet de loi fait référence
à
l'urgence
; cet ajout aligne le droit sur la
pratique ;
- en encadrant les effets de la décision du conseil de l'ordre qui
serait désormais valable pour quatre mois renouvelables ; serait
donc posée au conseil de l'ordre une
obligation nouvelle de
statuer
tous les quatre mois afin de s'assurer qu'elle est toujours
fondée. On observera toutefois que la durée de la suspension ne
serait pas limitée dans le temps et pourrait être
renouvelée à l'infini ;
- en supprimant la possibilité ouverte au conseil de l'ordre de se
saisir d'office.
Ces aménagements paraissent tout à fait
opportuns et
cohérents
avec le souci de garantir les droits de la défense
de l'avocat mis en cause. Bien qu'elle ne soit pas assimilable à une
peine, puisqu'elle ne résulte pas d'un jugement, elle produit pourtant
les mêmes effets qu'une interdiction provisoire sans faire l'objet du
même encadrement.
En outre, par cohérence avec les nouvelles règles de saisine de
l'instance disciplinaire et la suppression de la saisine d'office, il
paraît logique d'appliquer une règle symétrique au conseil
de l'ordre.
Par ailleurs, faisant valoir les lourdes conséquences susceptibles
d'être engendrées par cette mesure de sûreté, le
Conseil national des barreaux a jugé utile d'en limiter les effets
à un an.
Tout en comprenant cet argument, votre rapporteur n'a pas cru pouvoir
répondre favorablement à ce souhait eu égard à la
longueur des informations judiciaires qui nécessitent parfois des
investigations approfondies, notamment s'agissant des délits les plus
graves. Il paraît important de tenir compte de l'encombrement actuel des
juridictions pénales
181(
*
)
. En outre, l'obligation nouvelle
posée au conseil de l'ordre de statuer à intervalles
réguliers est apparue comme une garantie suffisante pour l'avocat, cette
décision ne pouvant plus relever d'une appréciation subjective
mais devant être désormais justifiée par des circonstances
précises.
De plus, s'il ne semble pas choquant de maintenir la compétence du
conseil de l'ordre pour prononcer la suspension provisoire d'un avocat, il
parait en revanche primordial de veiller à garantir
l'impartialité des membres composant la formation de jugement du conseil
de discipline.
Compte tenu des liens étroits prévus par le présent projet
de loi entre le conseil de l'ordre et le conseil de discipline, votre
rapporteur a jugé utile d'éviter que
des membres
appelés à ordonner une mesure de suspension provisoire puissent
ultérieurement siéger dans la formation de jugement sur la
même affaire.
Il s'agit d'éviter toute suspicion, la
suspension provisoire étant susceptible d'apparaître comme un
« pré-jugement » anticipant sur la décision
de fond rendue par la suite par la juridiction disciplinaire
elle-même.
Telle est la raison pour laquelle votre commission vous soumet un
amendement
tendant à poser
une incompatibilité
nouvelle
en ce sens afin de prévenir une éventuelle mise en
cause de l'impartialité du jugement.
Aux termes du
deuxième alinéa
du texte proposé pour
l'article 24 de la loi de 1971, il est également proposé de
clarifier les règles relatives à la
levée de la
suspension provisoire
.
Une
exception
à la compétence exclusive du conseil de
l'ordre en la matière serait
prévue
, ce dernier
n'étant plus autorisé à mettre fin à une mesure de
suspension provisoire ordonnée par la cour d'appel. Le texte
précise d'ailleurs que dans cette dernière hypothèse, la
juridiction d'appel serait alors
exclusivement compétente
pour en
prononcer la levée.
Cette disposition est destinée à
prévenir
un
éventuel conflit
entre la cour d'appel et le conseil de l'ordre.
Elle se justifie par le souci d'éviter qu'un conseil de l'ordre ayant
refusé de prononcer une mesure de suspension provisoire, ordonnée
par la suite par la cour d'appel à la suite d'un recours du procureur
général, puisse vider de sa portée la décision de
cette cour d'appel
182(
*
)
.
Le
troisième alinéa
du texte proposé pour l'article
24 par le I de cet article reprend l'actuel contenu de l'article 24 de la loi
de 1971 qui ouvre la possibilité de faire appel des décisions du
conseil de l'ordre en matière disciplinaire à l'avocat
intéressé et au procureur général. Il est
proposé d'élargir cette saisine au
bénéfice du
bâtonnier
dont l'avocat relève, par symétrie avec les
règles relatives à l'appel des décisions rendue par
l'instance disciplinaire.
Le
paragraphe II de cet article
propose, par coordination avec les
modifications formelles opérées par le présent projet de
loi, de modifier
le 12° de l'article 138 du code de procédure
pénale
qui renvoie actuellement aux articles 23 et 24 de la loi du
31 décembre 1971. Il s'agit de tirer les conséquences de la
réécriture de l'article 23, qui aux termes de l'article 30 du
projet de loi ne porterait plus sur le régime de la suspension
provisoire. Seule la référence à l'article 24 regroupant
l'ensemble des règles relatives à la suspension provisoire aux
termes du paragraphe I de cet article serait désormais maintenue au sein
du 12° de l'article 138.
Votre commission de Lois vous propose d'adopter l'article 31
ainsi
modifié
.
Article 32
(art. 25 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre
1971)
Coordination - Saisine du conseil de l'ordre
dans le cas d'un
délit d'audience commis par
l'avocat
L'article 25 de la loi du 31 décembre 1971
réglemente
les délits d'audience.
Son premier alinéa ouvre une faculté à la juridiction qui
constate un manquement commis par un avocat à l'audience, de saisir le
procureur général en vue de poursuivre cet avocat devant le
conseil de l'ordre dont il relève. Cette disposition est destinée
à sanctionner tout manquement aux obligations qu'impose le serment ou
encore des injures et des diffamations proférées au cours de
l'audience.
Son deuxième alinéa précise le délai dans lequel le
conseil de l'ordre, saisi par le procureur général doit avoir
statué et celui dans lequel la cour d'appel peut être saisie. Il
prévoit également que la cour d'appel ne peut prononcer de
sanction disciplinaire qu'après avoir invité le bâtonnier
ou son représentant à présenter ses observations.
Les troisième et quatrième alinéas prévoient des
délais spécifiques lorsque respectivement soit le conseil de
l'ordre dont relève l'avocat, soit la juridiction dans laquelle il a
commis un manquement, est situé dans un département ou un
territoire d'outre-mer.
Le présent article opère les coordinations nécessaires
avec les nouvelles règles relatives à la procédure
disciplinaire en substituant l'expression « instance
disciplinaire » aux mentions relatives au « conseil de
l'ordre » (qui pourrait être soit un conseil de discipline
institué dans une cour d'appel, soit le barreau de Paris).
Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 32
sans
modification
.
Division additionnelle après l'article 32
Création d'un titre
III bis regroupant
des dispositions diverses relatives aux
avocats
Votre commission des Lois vous propose par un amendement insérant une division additionnelle après l'article 32 de créer un titre III bis au sein du présent projet de loi pour y insérer des dispositions diverses relatives aux avocats.
Article additionnel après l'article 32
Confidentialité des
correspondances entre avocats
Votre
commission des Lois vous propose d'insérer
un article additionnel
après l'article 32
tendant à réduire le champ
d'application du secret professionnel applicable aux correspondances entre
l'avocat et ses confrères en vue d'en exclure celles qui portent la
mention « officielle ».
En vertu de l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971, le
secret
professionnel
couvre l'ensemble des consultations, les correspondances
échangées entre le client et son avocat, entre l'avocat et ses
confrères, les notes d'entretien et plus généralement
toutes pièces du dossier. Personne n'a donc le droit d'ouvrir ou de lire
les lettres qu'il adresse ou celles qu'il reçoit. Le secret
professionnel est absolu et n'est pas limité dans le temps. L'avocat en
est débiteur non seulement dans l'intérêt de son client
mais également pour des raisons d'ordre public.
L'article 160 du décret du 27 novembre 1991 dispose que
« l'avocat en toute matière ne doit commettre aucune
divulgation contrevenant au secret professionnel.
» Le non
respect de cette obligation est d'ailleurs passible de sanctions pénales
(article 226-13 du code pénal)
183(
*
)
et disciplinaires. Selon le Conseil
national des barreaux et la jurisprudence de la Cour de cassation, le client ne
peut en délier l'avocat.
Le terme de correspondances désigne toute forme de communication, quel
qu'en soit le support. Dans le domaine des échanges entre
confrères chargés d'intérêts opposés, la
confidentialité constitue un instrument utile pour favoriser la
négociation. Lorsque cette négociation aboutit à un
accord, il s'avère alors indispensable d'en préciser les termes
par écrit, ce qui est souvent
formalisé sous forme
d'échanges de lettres dénués de tout caractère
confidentiel
. Ainsi les conventions conclues sur la base de l'absence de
confidentialité à finalité transactionnelle ou
concrétisant un accord devraient-elles en toute logique être
exclues du champ d'application du secret professionnel.
En outre, ces transactions étant susceptibles de ne pas être
respectées, leur divulgation à titre de preuve peut
s'avérer nécessaire
184(
*
)
. Il faut donc distinguer les
communications confidentielles de celles qui sont officielles, qui sont
caractérisées par la qualification que leur donne l'avocat par la
mention « officielle » et de délimiter clairement le
champ des exceptions.
Actuellement l'article 66-5 de la loi de 1971 ne prévoit
pas de
dérogation particulière à cet égard.
Le Conseil national des barreaux dans une décision d'harmonisation
rendue à ce sujet a manifesté le souci de préciser que
n'étaient pas couvertes par le secret professionnel : une
correspondance ayant pour unique objet de se substituer à un acte de
procédure, une correspondance portant la mention
« officielle », une convention entre avocats portant la
mention « officielle ».
Telle n'a pas été l'interprétation de la Cour de cassation
qui, dans un arrêt du 4 février 2003, a appliqué à
la lettre l'article 66-5 de la loi de 1971 lui donnant une
portée
absolue et générale
, après avoir
estimé
qu'à l'occasion d'un jugement le versement aux débats d'une
correspondance entre avocats portant la mention
« officielle » exposait ces derniers à des
poursuites pour violation du secret professionnel.
Une telle situation est
de nature à remettre en cause des pratiques professionnelles anciennes
et très fréquentes qui ont toute leur pertinence.
Compte tenu de l'utilité des communications officielles entre
confrères pour l'exercice quotidien de leur métier, il parait
primordial d'écarter du champ d'application du secret professionnel des
conventions antérieurement conclues sur la base d'une absence de
confidentialité.
Tel est l'objet du présent article additionnel que votre commission des
Lois vous propose d'insérer après l'article 32.