TITRE VII
DISPOSITIONS RELATIVES AUX CONDITIONS
D'EXERCICE DE LA
PROFESSION DE CONSEIL
EN PROPRIÉTÉ INDUSTRIELLE
La
France possède une tradition ancienne en matière de
propriété industrielle, la première loi sur les brevets
remontant à 1791. La loi n° 90-1052 du
26 novembre 1990 relative à la propriété
industrielle, dont les dispositions ont été
intégrées dans le code de la propriété
intellectuelle, a instauré la profession de conseil en
propriété industrielle, qui regroupe les anciens conseils en
brevets d'invention et les juristes spécialisés dans le droit de
la propriété industrielle et du droit d'auteur et dans les
procédures de dépôt en matière de marques, de
dessins ou modèles.
Comme le précise l'article L. 422-1 du code de la
propriété intellectuelle, le conseil en propriété
industrielle a pour profession d'offrir, à titre habituel et
rémunéré, ses services au public pour conseiller, assister
ou représenter les tiers
en vue de l'obtention, du maintien, de
l'exploitation ou de la défense des droits de propriété
industrielle
, droits annexes et droits portant sur toutes questions
connexes.
En décembre 2001, on comptait en France 1207 personnes
qualifiées en propriété industrielle, 535 exerçant
en tant que conseils en propriété industrielle, les autres dans
des entreprises.
Les
conseils en propriété industrielle
Répartition par
qualification
Nombre de personnes qualifiées |
Nombre des conseils en propriété industrielle |
||||||||
|
Brevet |
Brevet, Ingénieur |
Brevet, Ingénieur, Juriste |
Brevet, MDM*, Ingénieur |
Brevet, MDM*, Juriste |
Brevet, MDM* |
Juriste |
MDM* |
MDM*, Juriste |
|
33 |
51 |
2 |
142 |
9 |
69 |
3 |
57 |
169 |
|
86 |
220 |
229 |
||||||
1.207 |
535 |
* Marques, dessins et modèles
Source : Institut national de la propriété
industrielle
Les articles L. 421-1 à L. 423-2 du code de la
propriété intellectuelle définissent les conditions
nécessaires pour exercer les fonctions de conseil en
propriété industrielle. Chaque année, une liste des
personnes qualifiées en propriété industrielle est
dressée par l'Institut national de la propriété
industrielle.
L'inscription sur la liste est subordonnée à des conditions de
diplômes définies par décret. L'article L. 422-6
du code de la propriété intellectuelle prévoit que le
conseil en propriété industrielle exerce sa profession soit
à titre individuel ou en groupe, soit en qualité de
salarié d'un autre conseil en propriété industrielle.
En ce qui concerne la discipline des conseils en propriété
industrielle, l'article L. 422-10 du code de la propriété
industrielle dispose que toute personne qui se rend coupable d'une infraction
aux règles relatives à la profession, soit de faits contraires
à l'honneur, à la probité ou à la
délicatesse peut faire l'objet de mesures disciplinaires :
avertissement, blâme, radiation temporaire ou définitive.
Les règles déontologiques applicables à la profession de
conseil en propriété industrielle sont définies par les
articles R. 422-52 à R. 422-54 du code de la
propriété intellectuelle. L'article R. 422-52 prévoit
que le conseil en propriété industrielle exerce sa profession
avec dignité, conscience, indépendance et probité, et dans
le respect des lois et règlements régissant sa compagnie.
L'article R. 422-53 dispose que le conseil en propriété
industrielle s'abstient de tout démarchage et de toute publicité
non autorisés. L'article R. 422-54 précise notamment
que le conseil en propriété industrielle s'abstient, dans une
même affaire de conseiller, assister ou représenter des clients
ayant des intérêts opposés et qu'il observe le secret
professionnel.
Le présent projet de loi a pour objet essentiel de renforcer les
règles déontologiques applicables à la profession de
conseil en propriété industrielle.
Article 50
(art. L. 422-7 du code de la propriété
intellectuelle)
Exercice en société de la profession de
conseil
en propriété
industrielle
Dans sa
rédaction actuelle, l'article L. 422-7 du code de la
propriété intellectuelle prévoit que lorsque la profession
de conseil en propriété industrielle est exercée en
société, elle peut l'être par une société
civile professionnelle ou par une société constituée sous
une autre forme.
L'article L. 422-7 précise les conditions qui doivent être
réunies lorsque l'activité de conseil en propriété
industrielle est exercée par une société constituée
sous une autre forme que celle de la société civile
professionnelle. Il est ainsi nécessaire que le président du
conseil d'administration, les directeurs généraux, les membres du
directoire, le directeur général unique et le ou les
gérants ainsi que la majorité des membres de conseil
d'administration ou du conseil de surveillance aient la qualité de
conseil en propriété industrielle. En outre, les conseils en
propriété industrielle doivent détenir plus de la
moitié du capital social et des droits de vote. Enfin, l'admission de
tout nouvel associé doit être subordonnée à
l'agrément préalable, selon le cas, du conseil d'administration,
du conseil de surveillance, du ou des gérants.
L'article L. 422-7 prévoit en outre que lorsque la profession
de conseil en propriété industrielle est exercée par une
société, il y a lieu, outre l'inscription des conseils personnes
physiques, à l'inscription de la société dans une section
spéciale de la liste des conseils en propriété
industrielle dressée par l'Institut national de la
propriété industrielle.
Le présent article tend à modifier le premier alinéa de
l'article L. 422-7 pour prévoir que la profession de conseil
en propriété industrielle peut être exercée non
seulement par une société civile professionnelle ou par une
société constituée sous une autre forme, mais
également par une
société d'exercice libéral
.
Le régime des sociétés d'exercice libéral a
été défini par la loi n° 90-1258 du
31 décembre 1990 relative à l'exercice sous forme de
sociétés des professions libérales soumises à un
statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est
protégé. L'article premier de cette loi prévoit qu'il peut
être constitué, pour l'exercice d'une profession libérale
soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le
titre est protégé, des sociétés à
responsabilité limitée, des sociétés anonymes ou
des sociétés en commandite par actions régies par le livre
II du code de commerce. Il précise que ces sociétés
peuvent également avoir pour objet l'exercice en commun de plusieurs
professions libérales. Cette possibilité n'a jusqu'à
présent jamais été utilisée.
De nombreuses professions bénéficient de la possibilité
d'exercer les activités sous la forme de société
d'exercice libéral, en particulier les avocats, les notaires, les
greffiers des tribunaux de commerce, les commissaires aux comptes.
L'exercice d'une profession sous forme de société d'exercice
libéral comporte certaines obligations définies par la loi de
1990. Ainsi, les articles 5 et suivants de cette loi organisent un
contrôle du capital social et des droits de vote par les seuls
professionnels en exercice dans la société, qui doivent
détenir plus de la majorité afin de leur assurer la
maîtrise de la société d'exercice libéral.
En réalité, compte tenu de la rédaction actuelle de
l'article L. 422-7 du code de la propriété
intellectuelle, qui vise, outre les sociétés civiles
professionnelles, les sociétés constituées sous une autre
forme,
il est déjà possible aux conseils en
propriété industrielle d'exercer leur activité sous forme
de société d'exercice libéral
. Une division de la
partie réglementaire du code de la propriété
intellectuelle est même consacrée à l'exercice sous cette
forme de la profession de conseil en propriété industrielle.
Le présent article, en mentionnant explicitement cette
possibilité, ne paraît donc avoir qu'une valeur pédagogique.
Votre commission vous propose d'
adopter l'article 50 sans
modification
.
Article 51
(art. L. 422-11 à L. 422-13 nouveaux du code de la
propriété industrielle)
Secret professionnel et
incompatibilités
Le présent article tend à insérer trois nouveaux articles parmi les dispositions du code de la propriété intellectuelle consacrées aux obligations des conseils en propriété industrielle. Il s'agit de consacrer dans la loi l'obligation pour les conseils de respecter le secret professionnel et de définir un régime d'incompatibilités applicables aux personnes exerçant cette profession.
Article L. 422-11 nouveau du code de la propriété
intellectuelle
Secret
professionnel
Le texte
proposé pour l'article L. 422-11 tend à consacrer
l'obligation pour le conseil en propriété industrielle de
respecter le secret professionnel. D'ores et déjà, l'article
R. 422-54 du code de la propriété intellectuelle
prévoit notamment que le conseil en propriété industrielle
«
observe le secret professionnel : ce secret s'étend
notamment aux consultations qu'il donne à son client, aux
correspondances professionnelles échangées ainsi qu'à tous
documents préparés à cette occasion
».
Le projet de loi tend à consacrer cette disposition dans la loi. Comme
l'indique l'exposé des motifs du projet de loi, «
cette
disposition permettra aux conseils en propriété industrielle,
pour être dispensés de témoigner, d'invoquer le secret
professionnel dans les conditions prévues aux articles 109 du code de
procédure pénale et 206 du nouveau code de procédure
civile. Elle les mettra notamment à l'abri d'une obligation de divulguer
une correspondance échangée avec un client dans le cadre d'une
procédure civile engagée à
l'étranger
».
De fait,
une décision judiciaire américaine de 1999 a
dénié à un conseil en propriété industrielle
français le privilège de confidentialité
(«
client - attorney privilege
»), obligeant ce
conseil à révéler sa correspondance avec l'un de ses
clients. Il est évident qu'une telle décision ne peut que
dissuader des entreprises implantées aux Etats-Unis de s'attacher les
services de conseils en propriété industrielle français.
Cette situation place les conseils en propriété industrielle dans
une position défavorable par rapport à leurs homologues
étrangers, notamment européens.
Le texte proposé pour l'article L. 422-11 du code de la
propriété intellectuelle prévoit qu'en toute
matière et pour tous les services mentionnés à
l'article L. 422-1 (il s'agit de l'article qui définit le
rôle du conseil en propriété industrielle), le conseil en
propriété industrielle observe le secret professionnel. Ce secret
s'étend aux consultations adressées ou destinées à
son client, aux correspondances professionnelles échangées avec
son client, un confrère ou un avocat, aux notes d'entretien et, plus
généralement, à toutes les pièces du dossier.
Ces dispositions sont les mêmes que celles que prévoit pour les
avocats la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971.
Conformément aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal,
la violation du secret professionnel expose les conseils en
propriété industrielle qui s'y livreraient à des sanctions
pénales.
L'article 226-13 punit d'un an d'emprisonnement et de
15.000 euros d'amende la violation du secret professionnel.
L'article 226-14 précise notamment que l'article 226-13 n'est pas
applicable dans les cas où la loi impose ou autorise la
révélation du secret.
Art. L. 422-12 et L. 422-13 nouveaux
du code de la
propriété
intellectuelle
Incompatibilités
L'article R. 422-52 du code de la propriété
intellectuelle dispose que le conseil en propriété intellectuelle
exerce sa profession avec dignité, conscience, indépendance et
probité, et dans le respect des lois et règlements
régissant sa compagnie.
Cependant, aucune incompatibilité ne vient garantir le respect par les
conseils en propriété industrielle de leur obligation
d'indépendance.
Le projet de loi tend à remédier à cette situation
singulière.
Le texte proposé pour l'article L. 422-12 du code de la
propriété intellectuelle prévoit ainsi que la profession
de conseil en propriété industrielle est incompatible :
- avec toute activité de caractère commercial, qu'elle soit
exercée directement ou par personne interposée ;
- avec la qualité d'associé dans une société
en nom collectif, d'associé commandité dans une
société en commandite simple ou par actions, de gérant
d'une société à responsabilité limitée, de
président du conseil d'administration, membre du directoire, directeur
général ou directeur général
délégué d'une société anonyme, de
président ou dirigeant d'une société par actions
simplifiée, de gérant d'une société civile,
à moins que ces sociétés n'aient pour objet l'exercice de
la profession de conseil en propriété industrielle ou la gestion
d'intérêts professionnels annexes ou d'intérêts
familiaux ;
- avec la qualité de membre du conseil de surveillance ou
d'administration d'une société commerciale, lorsque le conseil en
propriété industrielle a moins de sept années d'exercice
professionnel et n'a pas obtenu préalablement une dispense dans les
conditions prévues par décret en Conseil d'Etat.
La définition d'incompatibilités applicables aux conseils en
propriété industrielle doit permettre d'aligner les règles
relatives à cette profession ou celles qui s'appliquent aux autres
professions réglementées. La liste d'incompatibilités
proposée est la même que celle prévue pour les avocats.
Comme l'indique l'exposé des motifs du projet de loi,
«
compte tenu de l'étendue des prestations fournies par les
conseils en propriété industrielle, c'est une conception large
des incompatibilités qui a été retenue, alignée sur
celles prévues pour les avocats, ce afin d'écarter toute
activité pouvant engendrer un risque d'intérêt personnel
direct ou indirect en conflit avec l'objet d'une prestation sollicitée
par un client
».
Le texte proposé pour l'article L. 422-13 du code de la
propriété intellectuelle complète la liste des
incompatibilités en prévoyant que la profession de conseil en
propriété industrielle est incompatible avec l'exercice de toute
autre profession sous réserve de dispositions législatives ou
réglementaires particulières. Le texte précise cependant
que cette profession est toutefois compatible avec les fonctions
d'enseignement, ainsi qu'avec celles d'arbitre, de médiateur, de
conciliateur ou d'expert judiciaire.
Comme précédemment, ces règles sont directement reprises
de celles qui s'appliquent aux avocats. Elles renforceront la
crédibilité des conseils en propriété industrielle
dont l'indépendance ne pourra qu'être accrue par l'instauration
d'incompatibilités entre cette profession et certaines fonctions.
Votre commission vous propose
d'adopter l'article 51 sans
modification
.