TITRE VIII
DISPOSITIONS RELATIVES À L'OUTRE-MER
Article 52
Habilitation du Gouvernement au titre de l'article 38
de la
Constitution pour l'application de la loi outre-mer
Cet
article a pour objet
d'habiliter le Gouvernement à prendre par
ordonnances les mesures de nature législative
permettant de rendre
applicable, le cas échéant avec les
adaptations
nécessaires
, le présent projet de loi en
Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les
îles Wallis et Futuna et à Mayotte soumises au principe de la
spécialité législative selon lequel l'applicabilité
des textes législatifs est subordonnée à l'adoption d'une
disposition expresse d'extension
187(
*
)
. Depuis l'entrée en vigueur de
la loi n° 2001-616 du 11 juillet 2001 relative à Mayotte, le
principe de la spécialité législative subsiste dans cette
collectivité départementale bien qu'elle n'y soit plus que
partiellement soumise
188(
*
)
.
Le recours aux ordonnances
Selon l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement peut, pour
l'exécution de son programme, demander au Parlement l'autorisation de
prendre par
ordonnances
, pendant un
délai limité
,
des
mesures
relevant normalement du
domaine législatif
.
Les ordonnances entrent en vigueur dès leur publication mais deviennent
caduques si le projet de loi de ratification n'est pas déposé
devant le Parlement avant la date fixée par la loi d'habilitation. Une
fois le délai d'habilitation expiré, les ordonnances ne peuvent
plus être modifiées que par la loi dans les matières
relevant du domaine législatif.
Une autre procédure spécifique à l'outre-mer devrait
entrer prochainement en vigueur
. En effet, le projet de loi
constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée
de la République adopté par les deux assemblées
réunies en Congrès le 17 mars 2003 et validé par le
Conseil constitutionnel dans sa décision du 26 mars 2003, a
institué
un mécanisme d'habilitation permanente
. L'article
74-1 de la Constitution dispose désormais que «
dans les
collectivités d'outre-mer visées à l'article 74 et en
Nouvelle Calédonie, le Gouvernement peut prendre par ordonnances, avec
les adaptations nécessaires, les dispositions de nature
législative en vigueur en métropole, sous réserve que la
loi n'ait pas expressément exclu, pour les dispositions en cause, le
recours à cette procédure
». A l'initiative du
Sénat, l'article 74-1 prévoit la caducité de ces
ordonnances
en l'absence de ratification par le Parlement dans le
délai de dix-huit mois suivant leur publication
.
Ce mécanisme n'est pas exclusif de celui de l'article 38 de la
Constitution et
pourrait éventuellement en prendre le relais dans le
cas où les ordonnances ne seraient pas prises dans le délai de
douze mois ouvert par le paragraphe III du présent article
. En
effet, l'article 74-1 de la Constitution ne prévoit pas de délai
de dépôt des ordonnances ; en revanche dès lors que
celles-ci seraient prises sur son fondement, le défaut d'adoption des
lois de ratification les concernant entraînerait leur caducité.
Dès lors si le législateur souhaitait se limiter au dispositif de
l'article 38 de la Constitution, il conviendrait d'insérer en cours
de navette
une disposition expresse par voie d'amendement précisant
que la nouvelle procédure spécifique à l'outre-mer n'est
pas applicable
. Telle n'est pas la proposition de votre commission qui a
préféré maintenir en l'espèce les deux dispositifs.
Le recours aux ordonnances plutôt qu'à l'adaptation
immédiate dans le présent projet de loi est en effet doublement
justifié.
D'une part, les professions concernées par le projet de loi ne
relèvent pas toujours de la compétence de l'Etat dans
l'organisation particulière conférée à certaines de
ces collectivités par la Constitution et par les lois statutaires. Par
exemple, en Nouvelle-Calédonie en vertu de l'article 21 (2°)de la
loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relève de
la compétence de l'Etat l'organisation de la profession d'avocat
tandis que la réglementation des professions libérales ou
commerciales et des officiers publics ou ministériels en vertu de son
article 22 (15°)ressortit de la compétence de cette
collectivité. De même, en Polynésie française, en
vertu de l'article 6 (8°)de la loi n° 96-312 du 12 avril
1996 relève de la compétence de l'Etat l'organisation de la
profession d'avocat à l'exclusion de toute autre profession juridique ou
judiciaire. Pour Wallis et Futuna et Mayotte, la compétence de l'Etat
porte sur l'ensemble des professions concernées par le présent
projet de loi, mais les différentes lois à modifier n'ont pas
toujours été rendues applicables à ces
collectivités.
La complexité des règles en la
matière justifie donc une expertise minutieuse nécessitant du
temps
.
D'autre part, s'agissant plus particulièrement de la
réglementation de la profession d'avocat où la compétence
de l'Etat est générale pour toutes les
collectivités, certaines dispositions prévues par le projet
de loi portent sur des domaines tels que l'apprentissage et le droit du travail
qui relèvent de la
compétence locale
en
Nouvelle-Calédonie, ou sur des dispositions de droit du travail
particulières applicables localement (Polynésie française,
Mayotte et Wallis et Futuna) résultant de textes législatifs ou
d'ordonnances autres que le code du travail.
Ces dispositions appellent des
adaptations indispensables
. En outre, l'organisation judiciaire
particulière à ces collectivités, le nombre et la taille
des barreaux nécessitent également une adaptation des
dispositions relatives à la discipline des avocats.
Pour ces adaptations, la consultation de la profession d'avocat et celle des
autorités locales, indispensables, n'ont pas encore eu lieu.
Les conditions à respecter
a) Le champ de l'habilitation
Comme l'a relevé le Conseil constitutionnel dans sa décision
n° 77-72 DC du 12 janvier 1977, le Gouvernement doit indiquer avec
précision
la finalité des mesures
qu'il entend prendre sur
le fondement de l'habilitation. Aux termes du
I de cet article
, le
champ d'application de l'habilitation
limité à
l'application de la présente loi
avec le cas
échéant les
adaptations nécessaires
paraît
répondre à cette exigence. Les futures ordonnances devraient
principalement porter sur les trois premiers titres du présent projet de
loi relatifs à la réglementation de la profession d'avocat.
En outre, le Conseil constitutionnel a indiqué que les dispositions de
nature organique devaient être exclues de la délégation
(décision n° 81-134 DC du 5 Janvier 1982). Le
présent article ne porte sur aucune disposition organique et
répond à cette exigence. Cette limite est toutefois importante
dans la mesure où les statuts des collectivités d'outre-mer
relèvent de lois organiques.
-
Les délais d'habilitation
La durée de la délégation ne pouvant valoir que pour une
durée limitée, le
III du présent article
,
conformément à
l'article 38 de la Constitution
,
prévoit un
double délai
:
-
douze mois
à compter de la
promulgation de la
présente loi
s'agissant du délai pendant lequel le
Gouvernement pourra prendre les
ordonnances
;
-
dix-huit mois
à compter de la
publication des
ordonnances
, s'agissant du délai pendant lequel le Gouvernement
devra avoir déposé le ou les projets de loi de
ratification de
ces ordonnances
.
Le délai relatif au dépôt du projet de loi de ratification
est allongé par rapport à celui fixé par la loi
n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation
pour la justice (quinze mois, à compter de la publication de la loi). On
peut par ailleurs relever qu'outre son caractère inédit, la
référence à la date de publication des ordonnances qui
n'est pas connue, est de nature à
allonger encore les délais
(trente mois). Il parait donc préférable de faire
référence à la date de promulgation de la présente
loi, à l'instar des précédents dispositifs d'habilitation.
Telle est la raison pour laquelle votre commission vous soumet un
amendement
en ce sens.
L'avis des collectivités d'outre-mer
Le
II du présent article
porte sur la
consultation pour
avis
sur les projets d'ordonnance.
Le
1° du II de cet article
indique quelles
autorités
seront consultées
sur les projets d'ordonnances en renvoyant aux
lois statutaires. Il s'agit d'une disposition plus pédagogique que
normative qui reproduit des règles figurant déjà dans les
lois statutaires.
En
Nouvelle-Calédonie
, en application de l'article 90 de la
loi organique
n° 99-209 du 19 mars 1999, le
congrès
dispose
d'un mois
(quinze jours en cas d'urgence)
pour rendre son avis sur les projets de loi et sur les projets d'ordonnance qui
introduisent, modifient et suppriment des dispositions spécifiques
à cette collectivité. Le délai expiré, l'avis est
réputé avoir été donné.
En
Polynésie française
, l'article 32 de la
loi
organique
n° 96-312 du 12 avril 1996 portant statut d'autonomie
prévoit la consultation obligatoire du
conseil des ministres
sur
les dispositions réglementaires prises par l'Etat dans le cadre de sa
compétence et touchant à l'organisation particulière de la
Polynésie française. Le conseil des ministres dispose d'un
délai
d'un mois
pour rendre son avis.
Le
dernier alinéa du II de cet article
propose d'ajouter que soit
consultée
l'assemblée territoriale de Polynésie
française
.
S'agissant des textes de nature
réglementaire, cette disposition n'est pas expressément
prévue par le statut de cette collectivité. Toutefois, compte
tenu de la nature législative des matières sur lesquelles portent
les ordonnances, le Gouvernement a jugé opportun que cette
assemblée en prenne connaissance et puisse faire connaître son
avis.
A
Mayotte
, en vertu de l'article L. 355-12 du code général
des collectivités territoriales, le
conseil général
dispose d'un délai
d'un mois
(quinze jours en cas d'urgence) pour
émettre un
avis
sur les projets de loi, d'ordonnance ou de
décret comportant des mesures d'adaptation du régime
législatif ou de l'organisation administrative des départements.
Au-delà de cette durée, l'avis est réputé avoir
été donné.
Le
2° du II du présent article
propose s'agissant de
l'assemblée territoriale de Wallis et Futuna
un délai
d'un mois
par ailleurs non prévu par la loi n° 61-814
du 29 juillet 1961. Une fois ce délai expiré, l'avis serait
réputé avoir été donné.
Votre commission des Lois tient à souligner que le recours aux
ordonnances, doit demeurer exceptionnel. Il paraît nécessaire que
le Gouvernement s'engage à inscrire à l'ordre du jour des
assemblées les projets de loi de ratification des ordonnances qui
méritent d'être examinés avec les mêmes soins que
tout autre projet de loi. Aujourd'hui, plus de cinquante ordonnances prises
lors de la précédente législature attendent toujours
d'être ratifiées.
Sous cette réserve et sous le bénéfice d'un
amendement
de forme
et de l'amendement présenté
précédemment, elle vous propose d'adopter l'article 52
ainsi modifié
.
Article 53
(art. 81 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre
1971)
Application du projet de loi à
Saint-Pierre-et-Miquelon
Le
présent article a pour objet de modifier la liste des dispositions non
applicables à Saint-Pierre-et-Miquelon par cohérence avec les
abrogations d'articles et changements de place proposés par le
présent projet de loi (articles 25 et 54) et d'écarter
l'application à cette collectivité des dispositions nouvelles
relatives au régime disciplinaire des avocats en vue d'y maintenir la
procédure disciplinaire actuelle.
En vertu de l'article 72 de la Constitution et de l'article 22 de la loi
n° 85-595 du 11 juin 1985 qui a fondé l'actuel statut de
l'archipel, Saint-Pierre-et-Miquelon est une collectivité dans laquelle
les lois nouvelles s'appliquent de
plein droit
sans qu'il soit besoin de
mention expresse.
Il en résulte que sont appliquées à
Saint-Pierre-et-Miquelon exactement les mêmes dispositions que dans le
reste de la France. La loi de 1971 contient toutefois des mesures
dérogatoires destinées à tenir compte des
spécificités de cette collectivité et de son organisation
particulière en matière judiciaire.
Actuellement, le deuxième alinéa de l'article 81 de la loi
n° 71-1130 du 31 décembre 1971 énonce une liste de
dispositions de la même loi qui ne sont pas applicables à cette
collectivité. Il procède donc de manière inverse par
rapport à son premier alinéa qui mentionne pour les autres
collectivités d'outre-mer quelles mesures y sont applicables.
Le I propose de modifier la liste des articles non applicables à
Saint-Pierre-et-Miquelon figurant au deuxième alinéa de l'article
81 de la loi afin d'une part de tenir compte des abrogations et des changements
de place proposés par le présent projet de loi, d'autre part,
d'exclure les dispositions nouvelles relatives à la discipline.
Il n'existe qu'un seul barreau à Saint-Pierre-et-Miquelon dans le
ressort du tribunal supérieur d'appel et la réforme
envisagée d'une instance disciplinaire formée en proportion des
membres des barreaux de la juridiction n'aurait aucun sens dans cette
collectivité.
Serait donc supprimée la référence aux articles 28
à 41
bis
et 77 relatifs au fonds d'organisation de la nouvelle
profession d'avocat dont l'exclusion ne serait plus justifiée, l'article
25 du présent projet de loi ayant proposé de les abroger.
Serait ajoutée la référence à l'article 22-1
relatif à la composition de l'instance disciplinaire dont l'exclusion se
justifie par le souci de maintenir le régime actuellement en vigueur.
Afin de tenir compte de la réécriture de l'article 50 de la loi
de 1971 (relatif à des dispositifs transitoires) par l'article 54 du
présent projet de loi, serait supprimée la
référence aux paragraphes II à V, VIII, X, et XIII que le
projet propose de supprimer et du fait du déplacement des paragraphes VI
et XI, seraient désormais visés les paragraphes II et III sous
lesquels ils figureraient.
Le
II du présent article
modifie le dernier alinéa de
l'article 82 de la loi du 31 décembre 1971 relatif à
deux
réserves
concernant le dernier alinéa de l'article 11 (voie
d'accès à la profession d'avocat en France ouverte aux
ressortissants communautaires ayant obtenu leur titre d'avocat dans un autre
Etat que celui de la Communauté européenne) et le paragraphe VII
de l'article 50 (dispositif transitoire) applicables aux territoires
d'outre-mer, à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon
seulement
en tant que leurs dispositions concernent les ressortissants
français
.
Il est proposé de supprimer la référence au VII de
l'article 50 par coordination avec la suppression de ce paragraphe
proposée par l'article 54 du projet de loi.
Serait également supprimée toute référence à
la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon qui ne
bénéficierait plus de la réserve prévue à
l'article 11 au profit des seuls ressortissants français. Selon les
informations fournies à votre rapporteur, aucune raison
particulière ne justifierait plus d'exclure les ressortissants
communautaires autres que les ressortissants français du champ
d'application des dispositions de l'article 11 de la loi du 31 décembre
1971, a fortiori compte tenu des nouvelles règles prévues au
titre premier du présent projet de loi tendant à transposer la
directive communautaire 98/5.
Le
III de cet article
propose de compléter l'article 81 par un
nouvel alinéa destiné à maintenir pour
Saint-Pierre-et-Miquelon l'application des dispositions de la loi
n° 71-1130 du 31 décembre 1971 relatives à la
discipline des avocats dans leurs rédactions actuelles issues :
- pour le 2° de l'article 17 (attributions du conseil de l'ordre en
matière disciplinaire) de la loi n° 93-1415 du 28
décembre 1993 ;
- pour l'article 22 (procédure disciplinaire) de la loi
n° 2000-516 du 15 juin 2000 ;
- pour l'article 23 (suspension provisoire) de la loi n° 90-1259
du 31 décembre 1990 ;
- pour l'article 24 (recours contre les décisions rendues par le
conseil de l'ordre en matière disciplinaire) de la loi
n° 71-1130 du 31 décembre 1970.
Il s'agit de faire expressément référence aux
règles actuelles régissant la procédure disciplinaire dans
leur rédaction la plus récente, mais antérieure à
l'entrée en vigueur du présent projet de loi.
Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 53
sans
modification
.