2. Une progression timide des recettes

La première cause des prévisions de résultat décevantes de la branche famille en 2004 tient à la moindre augmentation des recettes, qui avaient jusqu'alors permis les excédents réguliers de la CNAF depuis 1999.

Les recettes prévisibles de la branche famille, 49,2 milliards d'euros en 2004 , proviennent de quatre sources principales : les cotisations dues par les employeurs et les professions libérales, les remboursements d'exonérations de cotisations par l'État correspondant notamment aux dispositifs d'aide à l'emploi, la contribution sociale généralisée (CSG) et les remboursements dus par l'État pour l'allocation aux adultes handicapés (AAH) et l'allocation de parent isolé (API).

a) Les cotisations : une augmentation plus forte que celle du PIB

Les cotisations dues par les employeurs représentent 65 % des recettes . Comme pour les autres branches, la progression des cotisations sociales affectées à la branche famille a nettement diminué en 2002 : + 3 % au lieu de + 6,7 % l'année précédente, en raison du ralentissement de la croissance de la masse salariale. Cette décrue s'est certes stabilisée en 2003 (+ 3,4 %), mais la situation se dégrade à nouveau en 2004 avec seulement 2,6 % d'augmentation prévus.

Ces chiffres restent toutefois bien supérieurs à l'évolution du produit intérieur brut (PIB). Les dernières prévisions de l'INSEE tablent pour 2003 sur une très faible hausse 0,2 % (+ 0,5 % selon la direction de la prévision) et le Gouvernement annonce une croissance de 1,7 % pour 2004, accompagnée d'une faible augmentation de la masse salariale (+ 0,4 %, correspondant à 180.000 emplois créés dans le secteur marchand non agricole). Cette légère amélioration permettra donc à la branche d'être à l'équilibre, si tant est que les hypothèses économiques se réalisent effectivement.

Par ailleurs, les remboursements d'exonérations de cotisations, correspondant notamment aux mesures liées aux bas salaires et aux dispositifs d'aide à l'emploi, se sont élevés pour 2003 à près de 2,9 milliards d'euros.

Il convient de noter à cet égard que l'article 3 du projet de loi de financement de la sécurité sociale propose la suppression du fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC), créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000. La compensation intégrale des dispositifs d'allégements généraux de cotisations patronales de sécurité sociale sera désormais à la charge de l'État, par le biais des crédits du ministère chargé de l'emploi.

Cette mesure a pour conséquence directe, sur les comptes de la CNAF, de sortir ces remboursements de cotisations de la ligne « prises en charge de cotisations » dans la partie « transferts entre organismes » et de les intégrer au titre des « cotisations prises en charge par l'État ».

b) Les impôts et taxes : un poste qui reste dynamique

Le montant total des recettes provenant des impôts et taxes devrait s'élever, en 2004, à 10 milliards d'euros (+ 2,9 %).

Depuis 2001, ce poste ne comprend plus que la seule contribution sociale généralisée (CSG). En effet, l'article 31 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 a supprimé le versement à la branche famille du prélèvement de 2 % sur les revenus du patrimoine et les revenus de placement pour l'affecter en totalité à la couverture du risque vieillesse [fonds de solidarité vieillesse (FSV), fonds de réserve des retraites (F2R) et Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS)].

Votre rapporteur déplore la perte pour la CNAF de cette recette en forte augmentation, qui aurait assuré un surplus de ressources à la branche. En effet, une projection à l'horizon 2020 permet d'évaluer à 44,3 milliards d'euros le montant total cumulé, entre 2001 et 2020, du produit du prélèvement de 2 % sur les revenus du capital. En retenant une fraction dédiée à la CNAF constante sur cette période, égale à celle fixée en 2000 (13 %), la perte cumulée de recettes induite par la suppression de l'affectation de cette recette à la CNAF s'établit à 5,7 milliards d'euros.

c) Les remboursements : l'État mauvais payeur

Un remboursement systématiquement tardif

Les subventions de l'État correspondent au remboursement des prestations servies, pour son compte, par la branche famille. Il s'agit de l'AAH et, depuis 1999, de l'API. D'autres prestations sont versées par la sécurité sociale pour le compte de l'État mais elles ne figurent pas dans le code de la sécurité sociale : il s'agit des aides au logement, du revenu minimum d'insertion (RMI) et de l'allocation spécifique d'attente (ASA).

Le poids de l'activité « pour le compte de tiers » au sein des missions de la CNAF ne cesse de croître, puisque ces prestations représentent désormais plus de 40 % du montant des prestations légales contre moins du quart en 1998. Cette croissance est en particulier due à la forte augmentation du nombre de bénéficiaires de l'AAH et à la budgétisation de l'API.

Remboursement de prestations par l'État
à la Caisse nationale d'allocations familiales

(en millions d'euros)

 

2002

%

2003

%

2004
(prévision)

%

AAH

4.430

4,6

4.631

4,5

4.851

4,8

API

796

5,6

834

4,8

865

3,7

TOTAL

5.226

4,9

5.465

4,63

5.716

4,6

Source : Commission des comptes de la sécurité sociale

L'État rembourse en outre à la branche famille le solde des cotisations d'allocations familiales qu'il doit en tant qu'employeur et les prestations familiales servies aux fonctionnaires.

En revanche, la majoration de l'allocation de rentrée scolaire (MARS) étant désormais totalement intégrée dans l'allocation de base et financée par la branche famille, elle ne donne plus lieu à transfert.

De la même manière, la prise en charge du RMI, assurée par l'État jusqu'en 2003, sera transférée aux départements à compter de 2004. Ces derniers devront donc s'acquitter des frais de remboursement de cette prestation auprès de la branche famille, selon des modalités à fixer par voie de convention. Ainsi, les principales conséquences financières de la décentralisation de cette prestation pour les caisses d'allocations familiales (CAF) concernent les relations de trésorerie qui vont se nouer avec les conseils généraux - ceux-ci, débiteurs finaux de la prestation, devant allouer aux caisses les sommes nécessaires à son paiement.

S'agissant de l'architecture de trésorerie du régime général, la décentralisation du RMI ne remet pas en question le rôle central de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) : la seule différence résidera dans le fait qu'il y aura autant de flux financiers que de départements, au lieu d'un seul aujourd'hui établi avec l'État. En effet, les CAF continueront d'effectuer le paiement de l'allocation par tirage sur le compte unique de disponibilités courantes de l'ACOSS et feront remonter en parallèle, sur ce même compte, les versements qu'elles recevront des départements. Par ailleurs, la trésorerie du régime général est protégée par la réaffirmation du principe de neutralité, qui régit déjà les relations financières entre l'État et les organismes de sécurité sociale (article L. 139-2 du code de la sécurité sociale).

Mais ces remboursements de l'État sont bien souvent tardifs , au détriment de la trésorerie de la CNAF. Votre rapporteur ne peut que constater l'ampleur des décalages observés entre le service d'une prestation par la CNAF et son remboursement effectif par l'État. Ainsi, la fin de l'exercice budgétaire se clôt chaque année sur une situation débitrice de l'État sur la CNAF. Certes, pour la plupart, les dettes constatées au 31 décembre font l'objet d'un apurement en loi de finances rectificative, mais cette situation reste dommageable pour la qualité de la gestion de la branche famille. Votre rapporteur souhaite donc qu'il y soit remédié pour les années à venir.

Restes à recouvrer sur l'État en fin d'exercice (1)

(en millions d'euros)

 

1999

2000

2001

2002

RMI

421,5

653,4

817,9

656,2

AAH

383,7

325,4

410,5

365,4

FNAL

408,7

288,4

315,6

355,5

API

61,3

57,8

96,5

86,2

Total

1.275,2

1.25,0

1.640,5

1.463,3

(1) Hors premier versement de l'année N + 1 au titre de l'année N

Sources : organismes de sécurité sociale

Un calcul trop imprécis du solde compensatoire

En outre, la Cour des comptes s'est particulièrement intéressée cette année 2 ( * ) au reste dû par l'État à la CNAF au titre du solde compensatoire. En effet, en ce qui concerne les prestations familiales, l'État est redevable des cotisations en tant qu'employeur. Toutefois, comme il verse directement les prestations familiales obligatoires aux agents titulaires, la CNAF ne reçoit que le montant différentiel entre les deux opérations : cet apurement est appelé « solde compensatoire ». En 2004, il s'établirait à 1,64 million d'euros, contre 1,62 million d'euros en 2003.

L'apurement n'est toutefois pas toujours d'un montant exactement équivalent à la différence entre les cotisations dues et les prestations versées. Ainsi, la Cour des comptes indique-t-elle : « Le reste dû par l'État à la CNAF a augmenté ces dernières années : il atteignait 7,5 millions d'euros à la fin de l'année 2000, mais 32,7 millions d'euros à la fin de 2001 et 84,3 millions d'euros à la fin de 2002. »

La Cour des comptes estime que cette situation tient à deux facteurs :

- le changement de méthode pour la détermination du montant de l'apurement

Ainsi, explique la Cour, « le calcul du montant global des cotisations dues est effectué à partir de la masse salariale. Depuis l'exercice 2000, les services du ministère du budget ont modifié la méthode de calcul de la masse salariale et des prestations familiales à prendre en compte. Jusqu'à cet exercice, les données utilisées étaient issues de la comptabilité budgétaire d'exécution retracée au sein de la comptabilité auxiliaire de l'État. Désormais, les éléments utilisés pour la fixation du solde compensatoire proviennent d'un traitement direct des fichiers de rémunération des agents de l'État. Cette nouvelle méthode fait apparaître des écarts par rapport aux données calculées selon l'ancienne méthode. »

Cet écart a atteint 29 millions d'euros sur le total du solde compensatoire en 2002.

- la lisibilité insuffisante des informations relatives aux cotisations versées

Du fait de la globalisation de leurs crédits, plusieurs ministères utilisent d'autres chapitres que ceux qui servent habituellement à l'imputation des cotisations sociales (chapitres 33-90 « Cotisations sociales. Part de l'État »), des prestations familiales obligatoires (chapitres 33-91 « Prestations sociales versées par l'État ») et des rémunérations principales.

C'est pourquoi, la Cour déclare que « la globalisation des crédits doit s'accompagner de l'utilisation d'une nomenclature permettant, en exécution, l'identification des rémunérations, des charges sociales et des prestations versées aux agents », afin de déterminer plus sûrement le montant du solde compensatoire dû à la branche famille.

En déplorant ces retards et imprécisions de paiement dont la CNAF pâtit et qui constituent autant de manque à gagner pour les familles, votre rapporteur rejoint entièrement les recommandations faites par la Cour des comptes et qui tendent à :

- apurer le report de charge du solde compensatoire des cotisations familiales ;

- expliciter les divers modes de calcul de la masse salariale et des prestations familiales des agents de l'État entre la comptabilité auxiliaire de l'État et les données issues des fichiers de paie ;

- utiliser une nomenclature budgétaire permettant une meilleure identification des rémunérations, des cotisations et des prestations de l'ensemble des agents publics.

* 2 Cour des comptes. Rapport sur la sécurité sociale. Septembre 2003.

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