N° 59

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2003-2004

Annexe au procès-verbal de la séance du 12 novembre 2003

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

Par M. Jean-Louis LORRAIN,
Sénateur.

Tome II : Famille

(1) Cette commission est composée de : M. Nicolas About, président ; MM. Alain Gournac, Louis Souvet, Gilbert Chabroux, Jean-Louis Lorrain, Roland Muzeau, Georges Mouly, vice-présidents ; M. Paul Blanc, Mmes Annick Bocandé, Claire-Lise Campion, M. Jean-Marc Juilhard, secrétaires ; MM. Henri d'Attilio, Gilbert Barbier, Joël Billard, Mme Brigitte Bout, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Jean Chérioux, Mme Michelle Demessine, M. Gérard Dériot, Mme Sylvie Desmarescaux, MM. Claude Domeizel, Michel Esneu, Jean-Claude Étienne, Guy Fischer, Jean-Pierre Fourcade, Serge Franchis, André Geoffroy, Francis Giraud, Jean-Pierre Godefroy, Mme Françoise Henneron, MM. Yves Krattinger, Philippe Labeyrie, Roger Lagorsse, André Lardeux, Dominique Larifla, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Mmes Valérie Létard, Nelly Olin, Anne-Marie Payet, M. André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt, Gérard Roujas, Mmes Janine Rozier, Michèle San Vicente, MM. Bernard Seillier, André Vantomme, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vézinhet.

Voir le numéro :

Assemblée nationale ( 12 e législ . ) : 1106 , 1156 , 1157 et T.A. 194

Sénat : 54 (2003-2004)

Sécurité sociale.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 marque le début d'une politique familiale de grande ampleur après plusieurs années où elle était absente des préoccupations.

La priorité du Gouvernement porte sur la petite enfance, thème retenu par la Conférence de la famille du 29 avril dernier et qui a fait l'objet d'une large concertation entre les différents acteurs du secteur. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 traduit donc, dans les faits, les mesures qu'y avait annoncées le Premier ministre : la simplification du système d'accueil des moins de trois ans avec la création de la prestation d'accueil du jeune enfant, le développement de l'offre de garde par la mise en place d'un troisième fonds d'investissement pour les crèches doté de 200 millions d'euros de crédits et un effort accru en faveur des actions de soutien à la parentalité.

Deux textes viendront compléter ce dispositif global de prise en charge des jeunes enfants : le projet de loi relatif à l'accueil et à la protection de l'enfance, en cours d'adoption, et la réforme du statut des assistantes maternelles annoncée pour le semestre prochain.

Or, parallèlement à l'affirmation de ces ambitions nouvelles, l'année 2004 verra, pour la première fois depuis 1998, disparaître l'excédent de la branche famille. Cette situation financière dégradée s'explique notamment par les multiples ponctions qu'elle subit, au premier rang desquelles les majorations de pension de retraite pour enfants. L'année prochaine, la caisse nationale des allocations familiales les remboursera de nouveau au fonds de solidarité vieillesse à hauteur de 60 % de leur coût, pour un total de 1,9 milliard d'euros.

En conséquence, faut-il s'inquiéter du financement futur des mesures annoncées ?

Votre rapporteur ne le pense pas car les prévisions de croissance pour les années à venir devraient permettre le retour à l'excédent de la branche famille, à condition toutefois, que celle-ci ne supporte pas de charges supplémentaires. En revanche, il lui semble indispensable que l'on procède à une clarification des comptes qui permette de dégager les moyens financiers destinés à la mise en oeuvre d'une politique familiale ambitieuse.

I. UNE MARGE DE MANoeUVRE RÉDUITE

Dans la situation budgétaire actuelle difficile que traversent les organismes de sécurité sociale, les financements de la branche famille sont de plus en plus contraints. Pourtant, les charges que cette branche assume ne cessent de se diversifier, sans qu'elles correspondent toujours à sa vocation initiale.

A. UNE SITUATION FINANCIÈRE QUI SE DÉGRADE

La branche famille, pourtant coutumière de résultats financiers positifs, ne fait désormais plus figure d'exception au sein du système de protection sociale et devrait afficher, en 2004, la disparition de ses excédents.

1. Des difficultés financières inhabituelles

a) Une branche historiquement excédentaire

Entre 1968 et 1993, la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) n'a connu que trois années de déficit, dû à des circonstances macro-économiques ou politiques particulières : la première crise pétrolière de 1974, ou encore la politique de relance des années 1981 et 1982. En conséquence, lors de la mise en place de l'autonomie des différentes branches de la sécurité sociale en 1993, le fonds de roulement positif de la CNAF, c'est-à-dire ses excédents cumulés, s'élevait à plus de 10 milliards d'euros.

A partir de 1994, la branche famille a toutefois connu cinq années successives de déficit, avant de retrouver un solde positif en 1999. Depuis lors et jusqu'en 2004, la branche est constamment restée en situation d'excédent, même si celui-ci s'est régulièrement réduit à partir de 2001.

Excédents de la branche famille

(en milliards d'euros)

1999

2000

2001

2002

2003

2004 (p)

0,73

1,4

1,7

1,1

0,29

0

Source : Commission des comptes de la sécurité sociale.
(p) prévisions

Ces excédents constants depuis 1999 s'expliquent, pour une bonne partie, par l'écart structurel entre les recettes qui, à législation constante, évoluent comme la masse salariale et les prestations qui sont, pour 80 % d'entre elles, réévaluées comme les prix. La politique de faible revalorisation des prestations familiales aboutit ainsi à un excédent annuel important, permettant un gonflement progressif du compte de report à nouveau, qui retrace les excédents cumulés de l'organisme, sans que les familles n'en profitent directement.

Evolution des recettes et des dépenses
de la branche famille 1998-2003

Recettes

Total

+ 26,4 %

dont cotisations

+ 16,8 %

dont impôt et taxes affectés

+ 19,8 %

Dépenses

Total

+ 23,2 %

dont prestations familiales

+ 19,2 %

dont dépenses logement

+ 3,4 %

dont dépenses action sociale

+ 35,4 %

Source : Commission des Affaires sociales

L'excédent a également résulté de la baisse importante de certaines charges, notamment les cotisations de vieillesse des parents au foyer (AVPF), financées par la CNAF depuis 1972, à hauteur d'environ 4 milliards d'euros chaque année, et dont le nombre de bénéficiaires diminue. De même, jusqu'en 1999, la CNAF prenait en charge diverses cotisations d'assurance personnelle, ainsi que l'allocation de parent isolé (API), qui ont été reprises par le budget de l'État.

Certes, la situation actuelle fait état d'un excédent cumulé d'environ sept milliards d'euros, mais la dégradation progressive de l'excédent annuel de la CNAF ne peut qu'inquiéter votre rapporteur.

b) Un excédent annuel réduit à néant en 2004

2003 : le signal d'alarme

En 2003, le résultat positif de la branche ne s'établit qu'à 291 millions d'euros. Pour la première fois depuis longtemps, les charges de la branche ont augmenté plus rapidement que les recettes (+ 5,5 % contre + 3,8%), même si ces dernières restent supérieures en volume. La morosité actuelle de la conjoncture a certes amputé les recettes, mais la dégradation constatée par rapport à l'exercice 2002 s'explique en quasi-totalité par la prise en charge par la CNAF de 60 % des majorations de pension de retraite pour enfants, qui a fortement pesé sur les dépenses (+ 22,7 % de la ligne « transferts entre organismes »). Votre rapporteur déplore ce transfert de charges qui, même si la branche renoue avec les excédents, pénalise largement les familles. En outre, l'avenir en est hypothéqué puisque, si le résultat annuel de la branche devient négatif, les excédents cumulés, véritable « trésor de guerre » de la CNAF, seront diminués d'autant.

Par ailleurs, les impôts et taxes affectés, même s'ils progressent plus rapidement qu'en 2002 (+ 3 % au lieu de + 1,9 %), ne retrouvent pas leur rythme de l'exercice 2001 (+ 4,9 %), alors que celui des prestations sociales évolue peu (+ 3,8 % en 2002, + 3,4 % en 2003).

Un retournement de situation confirmé en 2004

Selon le rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 2003 1 ( * ) , l'excédent de la CNAF disparaîtrait en 2004 pour laisser la branche famille en situation de simple équilibre. De fait, l'écart constaté en 2003 entre l'évolution des recettes et celle des dépenses devrait se creuser, avec une augmentation prévue de 2,6 % pour les premières et une hausse de 3,2 % des secondes.

Les mesures prévues pour 2004 en faveur des familles, qui constituent autant de charges nouvelles pour la branche, sont estimées à 200 millions d'euros dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Coût en 2004 des mesures annoncées par la Conférence de la famille
dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale

(en millions d'euros)

Mesure

Coût

PAJE

140

Réforme du statut des assistantes maternelles

10

Création de 20.000 places de crèches (1)

50

TOTAL

200

(1) Première tranche du plan « crédits » doté de 200 millions d'euros

Pour être exhaustif, et même si elles n'ont pas d'incidence directe sur les comptes de la branche famille, il convient de noter qu'à ces mesures s'ajoutent celles inscrites dans la loi de finances pour 2004.

Coût des mesures annoncées par la Conférence de la famille
dans le projet de loi de finances pour 2004

(en millions d'euros)

« Points info famille », outil Internet, professionnalisation des médiateurs familiaux

3

Crédits d'impôt pour les entreprises

10

TOTAL

13

* 1 Rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale. Résultats 2002, prévisions 2003 et 2004. Septembre 2003.

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