ARTICLE 37

Inscription en prélèvement sur recettes de la compensation versée aux communes et établissements publics de coopération intercommunale au titre des pertes de recettes résultant de certaines exonérations de taxe foncière

Commentaire : le présent article a pour objet d'inscrire en prélèvement sur les recettes de l'Etat les dotations de compensation versées aux communes et à leurs groupements au titre des pertes de recettes résultant de certaines exonérations de taxe foncière.

I. LE DROIT EXISTANT


La plupart des exonérations d'impôts locaux figurent dans le budget de l'Etat au sein de prélèvements sur recettes. Il existe, en particulier, un prélèvement « fourre-tout », « au titre de la compensation d'exonérations relatives à la fiscalité locale », doté de 2,2 milliards d'euros par le présent projet de loi de finances.

Cependant, subsistent au sein de certains chapitres budgétaires des compensations d'exonérations d'impôts locaux. Il en va ainsi du chapitre 41-51 du budget du ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

Ce chapitre 41-51, consacré aux « subventions de caractère obligatoire en faveur des collectivités locales », comprend quatre articles :

- l'article 40, « administration des cultes d'Alsace et de Lorraine » ;

- l'article 50, « encouragement à la construction immobilière. Contrepartie de l'exonération d'impôt foncier » ;

- l'article 70, « aide financière de l'Etat aux communes fusionnées » ;

- l'article 80, « encouragement au reboisement. Contrepartie de l'exonération de taxes sur les propriétés non bâties ».

A. L'ARTICLE 50 DU CHAPITRE 41-51

L'article 50 du chapitre 41-51 du budget du ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales retrace la compensation d'exonérations de taxe foncière sur les propriétés bâties.

L'article 6 du décret n° 57-393 du 28 mars 1957 a prévu que, lorsque les exonérations de taxe foncière sur les propriétés bâties prévues aux articles 1384, 1384 A, 1384 D et aux I et II bis de l'article 1385 du code général des impôts, relatifs à des exonérations de longue durée de taxe foncière sur les propriétés bâties en faveur de certains logements, entraînent, pour les communes et groupements à fiscalité propre, une perte de recettes supérieure à 10 % du produit communal total de la taxe foncière sur les propriétés bâties, ces collectivités bénéficient d'une allocation de l'Etat égale à la différence entre cette perte de recettes et une somme égale à 10 % du produit de la taxe précitée. Il s'agit donc, en quelque sorte, d'un mécanisme de « plafonnement » des pertes de recettes des collectivités liées aux exonérations précitées à hauteur de 10 % du produit de la taxe foncière sur les propriétés bâties. Les crédits nécessaires à cette compensation sont évalués tous les ans par la direction générale des impôts du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.

L'article 50 du chapitre 41-51 du budget du ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales contient également les crédits relatifs à la compensation de l'abattement de 30 % des bases de taxe foncière sur les propriétés bâties pour les logements sociaux situés en zone urbaine sensible (ZUS), prévue par le IV de l'article 42 de la loi de finances initiale pour 2001.

Pour mémoire, le IV cet article dispose que la compensation de l'abattement de taxe foncière sur les propriétés bâties sera réalisée par la voie d'une « dotation budgétaire », sans que soit précisée l'imputation de cette dotation. Toutefois, votre rapporteur général observait, dans son rapport général sur la loi de finances initiale pour 2001, que « les crédits de l'article 50 du chapitre 41-51 du budget du ministère de l'intérieur sont versés aux communes et aux structures intercommunales dans lesquelles les exonérations de taxe foncière sur les propriétés bâties [TFPB] prévues aux articles 1384, 1384 A et 1384 D du code général des impôts et aux I et II bis de l'article 1385 du même code entraînent une perte de recette supérieure à 10 % du produit communal total de TFPB 196( * ) ».

Pour l'année 2003 , l'article 50 du chapitre 41-51 a ainsi été doté de 94.785.918 euros en loi de finances initiale, auxquels il faut ajouter 1.714.867 euros de reports de l'exercice 2002. Toutefois, un virement de 855.000 euros de l'article 50 vers l'article 80 du même chapitre est venu minorer les crédits disponibles, qui se sont donc élevés à 95.645.785 euros .

B. L'ARTICLE 70 DU CHAPITRE 41-51

L'article 70 du chapitre 41-51 du budget du ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales comprend les crédits correspondant à l'aide obligatoire de l'Etat en faveur des communes qui souhaitent fusionner, afin de faciliter leur intégration fiscale.

Pour mémoire, les dispositions correspondant à l'aide mentionnée plus haut ont été introduites par la loi n° 66-491 tendant à faciliter l'intégration fiscale des communes fusionnées du 9 juillet 1966, et figurent à l'article 1638 du code général des impôts.

L'aide est accordée pour une période de cinq ans, avec des versements décroissant d'un sixième chaque année, les modalités de calcul étant définies à l'article L. 2335-4 du code général des collectivités locales

La loi de finances pour 2001 avait doté cet article de 1,25 million d'euros. Quatre communes ont bénéficié en 2001 de cette mesure au titre des aides restant dues pour 2000, qui n'avaient pu être déléguées, pour un montant de 13.088,66 euros.

Au titre de 2001, cinq communes ont bénéficié de l'aide, pour un montant de 1,3 million d'euros. Il s'agit des communes de Charrette - Varennes sur le Doubs (Saône et Loire), La Bretonnière - La Claye (Vendée), Monfaucon - Montigue (Maine et Loir), Cherbourg - Octeville (Manche) et Lille - Lomme (Nord).

La somme versée au titre de l'aide de l'Etat ayant été supérieure aux crédits inscrits en loi de finances, un transfert de crédits de l'article 50 à l'article 70 du chapitre, à hauteur de 152.449,02 euros, avait été nécessaire pour verser la totalité des sommes dues aux communes concernées.

Pour l'année 2002, l'article 70 du chapitre 41-51 avait été doté de 1,25 million d'euros.

Six communes, dont deux nouvelles, ont bénéficié de cette aide, pour un montant de 1,03 million d'euros. Il s'agit des communes de La Bretonnière - La Claye (Vendée), Monfaucon - Montigue (Maine et Loir), Cherbourg - Octeville (Manche), Lille - Lomme (Nord), Chauvac - Laux Montaux (Drôme) et Couvains (Orne).

Pour l'année 2003 , l'article 70 du chapitre 41.51 a été doté de 1.250.082 euros , soit la reconduction du montant ouvert en 2002. Les mêmes communes qu'en 2002 ont bénéficié de l'aide, pour un montant total de 775.432 euros.

C. L'ARTICLE 80 DU CHAPITRE 41-51

L'article 16 de la loi de finances pour 1988 (n° 87-1060 du 30 décembre 1987) prévoit que l'Etat compense intégralement les pertes de recettes résultant de l'exonération de taxe foncière accordée, en application de l'article 1395 du code général des impôts, aux terrains ensemencés, plantés ou replantés en bois après le 31 décembre 1987.

Les bénéficiaires de cette subvention sont essentiellement des communes rurales.

La détermination du montant de la subvention est fonction, d'une part, des revenus réajustés l'année précédente des terrains concernés et, d'autre part, du taux communal en vigueur relevé dans les communes rurales.

Les crédits inscrits sont évalués tous les ans par la direction générale des impôts (DGI) du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.

En 2003, la dotation initiale de 3.964.000 euros inscrite en loi de finances, à laquelle s'ajoute 10.771 euros de reports, s'est avérée insuffisante. Un transfert de crédits de l'article 50 à l'article 80 du chapitre, à hauteur de 855.000 euros, a donc été nécessaire pour verser la totalité des sommes dues aux collectivités locales.

Le tableau ci-après retrace l'exécution des crédits du chapitre 41-51 au cours des trois derniers exercices :

Exécution du chapitre 41-51 pour les années 2001 à 2003

 
 
 

(en euros)

 

2001

2002

2003

Article 50

 
 
 
 
 
 
 

Montants inscrits

107.903.414

96.377.001

94 .785.918

en loi de finances

 
 
 
 
 
 
 

Montants mandatés

86.772.102

84.471.585

81.660.668

 
 
 
 

Article 70

 
 
 
 
 
 
 

Montants inscrits

1.250.081

1.250.082

3.964.000

en loi de finances

 
 
 
 
 
 
 

Montants mandatés

1.302.883

1.033.822

775.432

 
 
 
 

Article 80

 
 
 
 
 
 
 

Montants inscrits

3.811.225

3.964.000

3.974.771

en loi de finances

 
 
 
 
 
 
 

Montants mandatés

4.413.051

4.556.294

4.828.146

 
 
 
 

Source : ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ PAR LE GOUVERNEMENT

Le présent article modifie le IV de l'article 42 de la loi de finances pour 2001, en remplaçant la mention d'une « dotation budgétaire » par celle d'un « prélèvement sur les recettes de l'Etat ». Il ne porte donc que sur une partie des crédits de l'article 50 du chapitre 41-51 du budget du ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

Ainsi que l'indique l'exposé des motifs du présent article, « seules les dispositions relatives à la compensation des exonérations applicables aux logements sociaux situés en zones urbaines sensibles (article 42-IV de la loi de finances pour 2001) prévoient explicitement l'institution d'une dotation budgétaire pour en assurer le versement . Il est donc proposé de modifier cette disposition afin de pouvoir inscrire les crédits correspondants en prélèvements sur recettes ».

Par ailleurs, il convient de noter que les trois articles 50, 70 et 80 du chapitre 41-51 sont supprimés dans le « bleu » de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales pour 2004 et intégrés sur la ligne de prélèvement sur recettes « compensations d'exonérations relatives à la fiscalité locale », par coordination avec la disposition du présent article .

Seul l'article 40 de ce chapitre, portant sur l'« administration des cultes d'Alsace et de Lorraine », qui, il est vrai, ne concerne pas la compensation d'exonérations d'impôts locaux, est maintenu en dotation budgétaire.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

A. UNE DEMANDE ANCIENNE DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES


Le présent article satisfait à une demande ancienne de votre commission des finances. Dans son commentaire de l'article 42 de la loi de finances pour 2001, modifié par le présent article, votre rapporteur général indiquait :

« Le présent article propose de compenser la perte de recettes pour les collectivités locales par une dotation budgétaire.

« Votre commission des finances n'est d'ordinaire pas favorable au principe de compensations budgétaires car elle estime que les compensations d'allégement d'impôts locaux ne doivent pas se transformer en subventions mais doivent rester des ressources de nature fiscale .

« Car, « philosophiquement », les compensations par la voie de prélèvements sur recettes permettent de mettre en évidence que les allégements d'impôts locaux décidés par l'Etat constituent en réalité un transfert de charge du contribuable local (les recettes des collectivités sont minorées) vers le contribuable national (les recettes de l'Etat sont aussi minorées).

« En outre, les compensations par prélèvements sur recettes sont plus respectueuses des droits du Parlement puisque la marge de manoeuvre des assemblées en matière financière est plus importante en recettes (les réductions de recettes de l'Etat peuvent être gagées) qu'en dépenses (l'initiative parlementaire ne peut pas gager une augmentation de dépenses).

« Par conséquent, les compensations par la voie de dotations budgétaires reviennent à réserver à l'exécutif la capacité d'apprécier la pertinence des dispositifs de compensation d'allégements d'impôts locaux ».

Votre rapporteur général vous avait proposé un amendement tendant à remplacer la compensation budgétaire de l'abattement proposé par cet article par une compensation par prélèvement sur les recettes de l'Etat. Cet amendement, adopté au Sénat contre l'avis du gouvernement, avait été supprimé par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture .

Par ailleurs, dans son rapport spécial sur les crédits de la décentralisation inscrits dans le projet de loi de finances pour 2003, notre collègue Michel Mercier estimait que les compensations d'exonérations d'impôts locaux figurant au chapitre 41-51 « gonflent artificiellement le budget du ministère de l'intérieur et auraient plus leur place en prélèvements sur recettes ».

Votre rapporteur général se félicite donc que le gouvernement se rallie aux vues de votre commission des finances et au vote du Sénat.

B. UN MOUVEMENT DE SIMPLIFICATION DE LA GESTION DES COMPENSATIONS D'EXONÉRATIONS D'IMPÔTS LOCAUX


Le présent article vise à faciliter la gestion des compensations à caractère automatique . En conséquence de l'inscription des crédits précités en prélèvements sur les recettes de l'Etat, la gestion matérielle des compensations correspondantes sera transférée du ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie. L'ensemble des dispositions du présent projet de loi de finances prévoyant le « basculement » de crédits en prélèvements sur recettes obéit en effet, selon le ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, à « un souci de simplification de la gestion des concours financiers répartis en fonction de critères obligatoires, déterminés par la loi ou le règlement, sans marge de manoeuvre de la part de l'administration gestionnaire » 197( * ) .

Le recours à des crédits budgétaires implique la délégation de crédits aux préfets et la mise en oeuvre de procédures administratives et comptables complexes. Outre la simplification administrative, on relèvera que la technique du prélèvement sur recettes permet d'éviter de gonfler les charges de l'Etat de sommes qui n'en constituent plus, puisqu'elles relèvent des collectivités territoriales.

Les prélèvements sur recettes constituent d'ores et déjà près de 60 % des concours financiers de l'Etat aux collectivités territoriales. Cette proportion devrait être augmentée d'environ trois quarts suite au vote du présent projet de loi de finances initiale pour 2004. Le présent article transforme des compensations fiscales de dotation budgétaire en prélèvement sur les recettes de l'Etat. Par ailleurs, l'intégration de l'essentiel de la dotation générale de décentralisation (DGD) dans la dotation globale de fonctionnement (DGF), prévue par l'article 31 du présent projet de loi de finances, conduit à transformer une masse importante de crédits en prélèvements sur les recettes de l'Etat.

La progression des prélèvements sur recettes au profit des collectivités locales dans le projet de loi de finances pour 2004

Le projet de loi de finances initiale pour 2004 dispose dans la présentation des orientations générales et de l'équilibre budgétaire pour 2004, que « les prélèvements sur recettes au profit des collectivités locales connaissent une progression de 8,9 milliards d'euros résultant en grande partie du basculement en prélèvements sur recettes de certaines dotations budgétaires, à l'occasion de leur intégration dans la dotation globale de fonctionnement : dotation de compensation aux régions des pertes de recettes fiscales pour 1,86 milliards d'euros et partie de la dotation générale de décentralisation pour 5,86 milliards d'euros. La transformation en prélèvements sur recettes du FNPTP se traduit par ailleurs par une augmentation de ces prélèvements sur recettes de 0,3 milliards d'euros, en contrepartie de l'affectation à l'Etat de l'intégralité du produit de la cotisation nationale de péréquation (CNP). Le solde de l'évolution des prélèvements sur recettes au profit des collectivités locales correspond essentiellement à la reconduction du contrat de croissance et de solidarité qui assure une progression de 1,665 % à une enveloppe normée d'un montant de 41,8 milliards d'euros ».

Source : projet de loi de finances pour 2004, page 11

Pour mémoire, le recours aux prélèvements sur les recettes de l'Etat, qui n'était pas prévu par l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, a été autorisé par l'article 6 de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances. Le dernier alinéa de cet article dispose en effet qu'« un montant déterminé des recettes de l'Etat peut être rétrocédé directement au profit des collectivités territoriales ou des Communautés européennes en vue de couvrir des charges incombant à ces bénéficiaires ou de compenser des exonérations, des réductions ou des plafonnements d'impôts établis au profit des collectivités territoriales. Ces prélèvements sont, dans leur destination et leur montant, définis et évalués de façon précise et distincte ».

Le développement des prélèvements sur les recettes de l'Etat au profit des collectivités territoriales

La technique du prélèvement sur recettes a été créée en 1969 afin de compenser le produit de la suppression d'impôts locaux. En 1971, elle a été utilisée pour retracer la contribution de la France aux communautés européennes. Par la suite, de nombreux prélèvements sur recettes ont été créés :

- la dotation globale de fonctionnement (DGF) et le fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) en 1979 ;

- le fonds national de péréquation de la taxe professionnelle (FNPTP) en 1983 ;

- la dotation de compensation de la taxe professionnelle (DCTP) en 1987 ;

- les compensations d'exonérations locales en 1992.

Le présent projet de loi de finances prévoit dix prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales.

Par ailleurs, il convient de souligner que la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances a prévu qu' à compter de la loi de finances pour 2006, les lois de finances pourront modifier les règles de répartition des prélèvements sur recettes . En effet, le c) du 7° du II de l'article 34 dispose que dans la seconde partie, la loi de finances de l'année peut « définir les modalités de répartition des concours de l'Etat aux collectivités territoriales ».

Votre commission des finances considère donc que le recours au prélèvement sur recettes se justifie, tant du point de vue de la simplification administrative, que du point de vue du droit d'amendement des parlementaires.

Elle regrette toutefois que le présent projet de loi de finances ne procède pas à la suppression de l'article 10 du chapitre 41-23 du budget des charges communes sur lequel figurent, pour 2,3 millions d'euros, les crédits de la « compensation par l'Etat aux départements des réductions des taux de taxe de publicité foncière et de droit d'enregistrement en faveur des jeunes agriculteurs ». Ces crédits, dont l'imputation au budget des charges communes ne répond à aucune logique particulière, constitueront désormais les dernières compensations d'exonérations d'impôts locaux inscrites sur un chapitre budgétaire et non en prélèvement sur recettes.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

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