b) Des dysfonctionnements maintes fois dénoncés

Le fonctionnement du FED est notoirement déficient : les lourdeurs procédurales et la méfiance maladive des décideurs conduisent à des décaissements beaucoup trop lents et à l'accumulation de « restes à liquider », que votre rapporteur dénonce inlassablement depuis plusieurs années . Ces dysfonctionnements apparaissent encore plus prononcés que pour l'aide extérieure de l'Union dans son ensemble, qui fait pourtant l'objet de vives critiques tenant à la déconnection entre prévisions et exécution, à l'absence d'évaluation ou au manque de visibilité politique. Ils constituent un des grands motifs d'insatisfaction que nous donne l'Union européenne, et amputent d'autant les efforts d'aide bilatérale de la France.

La grande inertie de l'aide européenne au développement est connue depuis longtemps. Elle suscite désormais l'irritation des plus hautes autorités de l'Etat. Le 23 octobre 2003, à son retour d'une tournée en Afrique de l'Ouest, le Président de la République a ainsi vivement dénoncé les procédures européennes et a souligné les dysfonctionnements du FED, tenant des propos tout à fait analogues à ceux de votre rapporteur :

« Cela fait déjà un certain temps que je demande à la Commission d'améliorer ses procédures. Elle dit avoir fait quelques progrès, il faut bien reconnaître que lorsque l'on va sur le terrain, ces progrès on les cherche en vain quant à leurs résultats. (...) La France ne pourra accepter longtemps d'être un contributeur aussi important d'aide au développement européen si les résultats continuent d'être aussi modestes pour des raisons exclusivement de procédure, d'incapacité à comprendre les réalités du développement ».

De même, votre rapporteur souhaite rappeler ce qu'il relevait dans son rapport budgétaire pour 2003 :

« Votre rapporteur estime que la dramatique situation de l'aide européenne évolue peu, et que la France est aujourd'hui le bailleur d'une vaste « caisse d'épargne » (...) Les interventions du FED sont le résultat de procédures souvent trop technocratiques ou trop rigoureuses, de telle sorte que l'argent abondamment récolté n'est pas dépensé (...), faute de vision communautaire du développement et de responsabilisation des acteurs. Cette situation, qui confine à la gabegie, ampute d'autant l'aide bilatérale et n'empêche pas Bruxelles de manifester une certaine méfiance à l'encontre de l'APD française, alors même que notre pays est de loin le premier contributeur. Si les réformes actuelles ne portent pas leurs fruits, il conviendra de se demander si la France doit à son tour continuer à respecter ses lourdes obligations financières, et songer à une « révision déchirante » de notre participation lors d'un prochain Conseil européen ».

Ainsi que l'indique le tableau ci-après, les fonds des 6 e (entré en vigueur en mai 1986 47( * ) ) et 7 e FED (entré en vigueur en septembre 1991) n'ont pas encore été totalement engagés bien qu'ils soient programmés depuis au moins dix ans, et le 8 e FED (1995-2000) l'est à hauteur de 85 %. De même, les contributions des Etats membres appelées en 2002, soit 1.800 millions d'euros au total, l'ont été majoritairement au titre du 7 e FED (1.281 millions d'euros) et pour moins d'un tiers au titre du 8 e (519 millions d'euros). Le 9 e FED n'a encore fait l'objet d'aucun appel à contribution et sa période de référence a donc été corrigée pour se placer sur 2003-2007. Le décalage le plus inquiétant porte cependant sur les paiements, puisque fin 2002, le taux de décaissement du 7 e FED n'était encore que de 80 %, et celui du 8 e FED - qui devrait théoriquement être achevé - de 38 % . Les reliquats sont susceptibles d'être réintégrés parmi les fonds disponibles en cas d'abandon partiel de projets, de suppression de projets approuvés mais non engagés ou encore en raison de l'aide pour les pays ne réunissant plus les conditions requises d'éligibilité au FED. Ces hypothèses n'aboutissent cependant pas à la « libération » de crédits susceptibles de venir en déduction des appels à contribution , soit, par exemple, que le coût de rétablissement de l'Etat de droit soit supérieur au montant dégagé par l'abandon des projets (cas de la RDC), soit que le lancement de projets transversaux (Fonds sida-tubersulose-malaria, initiative en vue de la création d'un Fonds européen de l'eau, soutien à l'initiative PPTE...) conduise à des contributions exceptionnelles réincorporant les sommes non engagées des précédents FED.

Les « restes à liquider » (RAL) ont connu un infléchissement favorable en passant de 4,6 ans en 1999 à 3,8 ans en 2002 . On ne saurait cependant considérer ces chiffres comme satisfaisants et les délais de paiement restent encore importants. D'après le ministère des affaires étrangères, seule une partie du RAL revêt un caractère réellement anormal. Il s'agit des engagements remontant à plus de cinq ans et des engagements « dormants », pour lesquels il n'y a pas eu de décaissement dans les dix-huit derniers mois. L'office EuropeAid a fait de leur réduction une priorité : les engagements antérieurs à 1995 ont ainsi été réduits de 45 % entre fin 1999 et fin 2001.

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