TITRE VI
LE CONTRÔLE JURIDICTIONNEL,
FINANCIER ET BUDGÉTAIRE
CHAPITRE PREMIER
LE CONTRÔLE DE LÉGALITÉ
PAR LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

Les dispositions de ce chapitre ne sont pas applicables aux lois du pays dont le contrôle juridictionnel fait l'objet d'un chapitre propre.

Article 171
Transmission des actes de la Polynésie française
au haut-commissaire

Le présent article, relatif au caractère exécutoire des actes pris au nom de la Polynésie française et à leur transmission au haut-commissaire, s'inspire très largement de l'article 204 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, lequel est assez proche du droit commun applicable en métropole en matière de contrôle de la légalité des actes des collectivités territoriales par le représentant de l'Etat.

Le paragraphe I ainsi que le paragraphe III prévoient que les actes pris au nom de la Polynésie française sont exécutoires de plein droit dès qu'il a été procédé à leur publication au journal officiel de la Polynésie française ou à leur notification aux intéressés. Toutefois, certains actes dont la liste est fixée par le II de cet article ne sont exécutoires que s'ils ont été également transmis au haut-commissaire.

Le paragraphe II soumet en effet à transmission certains actes du président de la Polynésie française, du conseil des ministres, des ministres, de l'assemblée de la Polynésie française et de sa commission permanente.

Afin de moderniser les modalités techniques de cette transmission et par souci de cohérence avec un amendement de la commission créant un article 98 quater au projet de loi relatif aux responsabilités locales, votre commission vous soumet un amendement autorisant la transmission des actes au haut-commissaire par voie électronique selon des modalités fixées par décret.

Dans un objectif de simplification administrative et de meilleure adéquation du contrôle de légalité, cette liste ne prévoit que les actes les plus importants. Cette option est aussi celle du projet de loi relatif aux responsabilités locales qui tend à réduire le nombre des actes soumis à transmission obligatoire.

De la même façon que l'article 204 de la loi organique relative à la Nouvelle-Calédonie ainsi que les articles L 2131-2, L 3131-1 et L 4141-1 du code général des collectivités territoriales relatifs respectivement aux communes, aux départements et aux régions, le présent article dispose que doivent être transmis au haut-commissaire :

- les délibérations de l'assemblée délibérante, en l'espèce celles de l'assemblée de la Polynésie française, ainsi que celles prises par sa commission permanente par délégation ;

- les décisions individuelles relatives à la nomination, aux sanctions soumises à l'avis du conseil de discipline et au licenciement d'agents de la Polynésie française et de son assemblée ;

- les ordres de réquisition du comptable ;

- les décisions relevant de l'exercice de prérogatives de jouissance publique, prises par des sociétés d'économie mixte pour le compte de la Polynésie française ;

- les conventions relatives aux marchés, à l'exception des marchés passés sans formalité préalable en raison de leur montant, et aux emprunts ainsi que les conventions de concession ou d'affermage de services publics à caractère industriel ou commercial ;

- les actes à caractère réglementaire pris par les autorités polynésiennes.

A nouveau par souci de cohérence avec l'article 98 quater du projet de loi relatif aux responsabilités locales, introduit à l'initiative du Sénat, deux amendements vous sont soumis, limitant aux seules sanctions disciplinaires les plus graves, c'est-à-dire la mise à la retraite d'office et la révocation, l'obligation de transmission.

A cette liste, le présent article ajoute d'autres types d'actes tenant compte des spécificités du projet de statut pour la Polynésie française.

Il s'agit en particulier :

- des conventions de coopératives décentralisées prévues à l'article 17 du projet de loi ;

- des arrangements administratifs conclus par les autorités polynésiennes avec les administrations de tout Etat ou territoire du Pacifique prévues à l'article 16 du projet de loi ;

- de certaines décisions individuelles prises par le conseil des ministres en application de l'article 91 du projet de loi, notamment l'assignation des fréquences radioélectriques, la délivrance des licences de transporteur aérien des entreprises établies en Polynésie française, l'autorisation d'investissements étrangers, l'exercice du droit de préemption prévu à l'article 19 du projet de loi ou encore l'autorisation d'ouvrir des cercles et des casinos. Au total, 17 types d'actes à caractère non réglementaire sont ainsi désignés.

Enfin, les paragraphes IV et V du présent article sont la reprise de formules habituelles en matière de déféré « préfectoral » : les actes relevant du droit privé n'en relèvent pas (IV) et chaque autorité certifie sous sa responsabilité le caractère exécutoire des actes qu'elle émet (V).

Sous réserve d' un amendement rédactionnel, votre commission vous propose d'adopter l'article 171 ainsi modifié .

Article 172
Déféré préfectoral

Le présent article organise l'équivalent du déféré préfectoral en Polynésie française. Il reprend presque mot pour mot le VI de l'article 204 de la loi organique relative à la Nouvelle-Calédonie, lequel s'inspirait déjà des dispositions en vigueur en métropole.

Le mécanisme retenu est donc très classique.

Par rapport au statut actuel 59 ( * ) , plusieurs actualisations sont apportées afin de tenir compte de certaines innovations en matière de déféré qui, soit n'avaient pas été reprises en 1996, soit sont intervenues après cette date.

Le quatrième alinéa du présent article introduit le « déféré suspension » en matière d'urbanisme, de marchés publics et de délégation de service public. La demande de suspension est formée par le haut-commissaire qui défère l'acte dans les dix jours suivant sa réception. Cette demande suffit à suspendre l'acte. Celui-ci devient néanmoins exécutoire au bout d'un mois si le tribunal n'a pas statué dans ce délai. Ce type de référé en matière d'urbanisme est issu de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire. Il a été repris par la loi du 30 juin 2000 relative au référé devant les juridictions administratives.

Le dernier alinéa de cet article rend applicable en Polynésie française le « déféré défense nationale » inscrit sous l'article L. 1111-7 du code général des collectivités territoriales, qui pose le principe selon lequel « les collectivités territoriales exercent leurs compétences propres dans le respect des sujétions imposées par la défense nationale ». Le haut-commissaire peut demander l'annulation d'un acte d'une autorité de la Polynésie française, soumis ou non à l'obligation de transmission, s'il estime que l'acte est de nature à compromettre de manière grave le fonctionnement ou l'intégrité d'une installation ou d'un ouvrage intéressant la défense nationale. Il défère l'acte dans les deux mois de sa transmission ou sa publication à la section du contentieux du Conseil d'Etat, compétente en premier et dernier ressort.

Enfin, par rapport au statut actuel, le projet de loi tire les conséquences de la loi n° 2000-597 du 30 juin 2000 60 ( * ) . Ainsi, le sursis à exécution demandé par le haut-commissaire est remplacé par le référé-suspension : il est dès lors fait droit à la demande de suspension en cas de doute sérieux quant à la légalité de l'acte attaqué et non plus lorsque le moyen invoqué dans la requête paraît, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier l'annulation de l'acte attaqué. L'obtention de la suspension de l'acte est donc moins difficile. A cet égard, la loi organique relative à la Nouvelle-Calédonie de 1999 n'est pas actualisée car il y est toujours question de moyens sérieux et de sursis à exécution.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 172 sans modification .

Article 173
Mise en oeuvre du déféré préfectoral
par une personne physique ou morale

Le présent article permet à une personne physique ou morale lésée par un acte des institutions de la Polynésie française de demander au haut-commissaire de mettre en oeuvre le « déféré préfectoral ». Cette démarche s'exerce dans le délai de deux mois à compter de la date à laquelle l'acte est devenu exécutoire et elle ne prive pas cette personne du recours direct dont elle dispose.

Cet article est la reprise exacte du VII de l'article 204 de la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, lequel est inspiré de différents articles du code général des collectivités territoriales relatifs au déféré des actes des communes, départements et régions. En outre, le dernier alinéa de l'article 2 de la loi du 12 avril 1996 complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française contient des dispositions similaires. Le projet de loi ne fait qu'en actualiser la rédaction et l'insère dans la loi organique.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 173 sans modification.

Article 174
Saisine du Conseil d'Etat pour avis
à l'occasion d'un litige

Le présent article reprend le mécanisme prévu à l'article 113 du statut en vigueur Celui-ci prévoit une procédure spéciale devant le Conseil d'Etat lorsqu'une question portant sur la répartition des compétences entre l'Etat, la Polynésie française et les communes est soulevée au cours d'un litige devant le tribunal administratif.

Cet article 113 est lui-même inspiré de l'article 12 de la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 portant réforme du contentieux administratif.

L'article 12 de la loi de 1987 dispose : « Avant de statuer sur une requête soulevant une question de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges, le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel peut, par un jugement qui n'est susceptible d'aucun recours, transmettre le dossier de l'affaire au Conseil d'Etat, qui examine dans un délai de trois mois la question soulevée. Il est sursis à toute décision sur le fond de l'affaire jusqu'à un avis du Conseil d'Etat ou, à défaut, jusqu'à l'expiration de ce délai ».

L'article 113 ne trouve à s'appliquer que lorsque à l'appui d'un recours est invoquée l'inexacte répartition des compétences entre l'Etat, le territoire et les communes.

Les conditions de mise en oeuvre sont les suivantes :

- Le tribunal administratif de Papeete est saisi d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre une délibération de l'assemblée de la Polynésie française ou de sa commission permanente ou un acte pris en application de ces délibérations.

- Ce recours est fondé sur l'inexacte application de la répartition des compétences entre l'Etat, le territoire et les communes, ou ce moyen est soulevé d'office.

- La procédure suivie ensuite est celle décrite à l'article 12 de la loi de 1987 : transmission au Conseil d'Etat, examen dans le délai de trois mois, publication de l'avis au journal officiel de la Polynésie française, jugement du tribunal administratif dans les deux mois.

Depuis 1996, le Conseil d'Etat a tranché douze dossiers et s'est prononcé en faveur de la compétence de l'Etat dans cinq cas.

L'article 174 du projet de loi reprend ces dispositions dans leur quasi-totalité. Les différences sont les suivantes :

- Le recours invoquant l'inexacte application de la répartition des compétences doit être fondé sur un moyen sérieux. Le but est d'éviter d'encombrer le Conseil d'Etat de demandes d'avis abusives ou sans intérêt réel. Ce filtre existe déjà pour la Nouvelle-Calédonie dont l'article 215 du statut prévoit un système identique de saisine du Conseil d'Etat. En 1999, cet article 215 fut inspiré par l'article 113 du statut polynésien de 1996.

- Le renvoi au Conseil d'Etat pour avis serait désormais possible lorsque le tribunal administratif est saisi d'un recours en appréciation de légalité. Actuellement, il ne peut le faire qu'en cas de recours pour excès de pouvoir dirigé contre un acte susceptible de faire une inexacte application de la répartition des compétences.

- La dernière différence concerne la liste des actes pouvant susciter un tel renvoi à l'occasion d'un recours dirigé contre eux. Selon le projet de loi, seuls les actes mentionnés au 1° du A et au 1° du B du II de l'article 171, c'est-à-dire, respectivement, les actes à caractère réglementaire relevant de la compétence du président de la Polynésie française, du conseil des ministres et des ministres et les délibérations de l'assemblée de la Polynésie française ou de sa commission permanente, peuvent être à l'origine de ce renvoi au Conseil d'Etat pour avis.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 174 sans modification.

Article 175
Saisine du juge administratif pour avis

Le présent article est strictement identique à l'article 114 du statut actuel.

Il permet au président de la Polynésie française ou au président de l'assemblée de la Polynésie française de saisir le tribunal administratif de Papeete pour avis sur toute question. Toutefois, si la demande d'avis porte sur la répartition des compétences entre l'Etat, la Polynésie et les communes, le tribunal administratif transmet sans délai la demande d'avis au Conseil d'Etat. A cette égard, cette demande d'avis transmise au Conseil d'Etat pourrait porter sur le champ matériel exact des lois du pays.

A la différence de l'article 174 du projet de loi, cette demande d'avis n'est pas liée à un contentieux. Il n'en reste pas moins que ces deux procédures sont comparables quant à leur objectif : tracer des frontières de compétence aussi nettes que cela est possible.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 175 sans modification.

* 59 Les dispositions en vigueur relatives au déféré sont contenues à l'article 2 de la loi n° 96-313 du 12 avril 1996 complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française.

* 60 Voir les articles L 554-1 et 2 du code des juridictions administratives.

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