Audition de Mme Pascale BRIAND, Déléguée à la mission
interministérielle pour la lutte contre le cancer
(mercredi 17 décembre 2003)

M. Nicolas ABOUT, président - Mes chers collègues, nous poursuivons nos auditions par l'audition de Mme Pascale BRIAND, déléguée interministérielle à la lutte contre le cancer. Je vous rappelle que ces auditions sont télévisées sur la chaîne Public Sénat. C'est la raison pour laquelle nous essayons de les rendre le plus clair possible, afin que les téléspectateurs puissent percevoir l'enjeu du débat et du projet de loi présenté aujourd'hui. Madame la déléguée, je vous remercie d'avoir accepté de nous consacrer du temps. Je vous invite à nous présenter votre approche de ce texte, après quoi le rapporteur ainsi que les autres commissaires vous interrogeront.

Mme Pascale BRIAND - Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, mesdames et messieurs, je souhaite commencer mon intervention par une très brève présentation du Plan Cancer, qui s'inscrit de la meilleure façon dans la loi de santé publique.

Le Plan Cancer est un programme stratégique qui traduit sous la forme de mesures concrètes la volonté publique exprimée par le Président de la République de faire de la lutte contre le cancer une des priorités de sa mandature. Ce plan a par conséquent un caractère emblématique : il répond à un enjeu considérable de santé publique, et constitue une expérimentation grandeur nature pour le projet de loi de santé publique. Nous pouvons dégager les premiers enseignements du Plan Cancer, quelques mois après son déclenchement.

Il s'agit d'une mise sous tension du système de santé dans une perspective pluriannuelle, une véritable logique de projet et une obligation de résultat. Le Plan Cancer contribue à ce que l'action contre le cancer devienne une préoccupation de la société française. Il s'agit bien, dans le domaine du cancer, d'induire un changement d'image sociale de la pathologie. Le plan a la caractéristique de posséder son propre outil de pilotage, à savoir un outil de mise en oeuvre - la mission interministérielle de pilotage - et l'outil pérenne de lutte contre le cancer - l'Institut national de lutte contre le cancer.

En termes de mise en oeuvre, la logique projet s'est exprimée via la mission, qui joue le rôle de chef d'orchestre permettant une mobilisation sur le terrain, et notamment en région, afin de mettre en synergie l'ensemble des acteurs de la lutte contre le cancer : médecins, patients, services de l'État, collectivités locales...

Après neuf mois de mise en oeuvre, je suis heureuse de vous présenter des résultats encourageants. Les engagements de l'année 2003 ont été tenus. Nous pouvons d'ores et déjà voir au travers de ce plan le bien-fondé de l'architecture de la loi sur la politique de santé publique. La structure de pilotage permet de répondre à la complexité des enjeux et à la nécessité de solliciter une grande variété d'acteurs. L'approche intégrée a fait ses preuves : le Plan Cancer répond aux enjeux de lutte contre le cancer en couvrant l'ensemble de ses champs - prévention, dépistage, organisation des soins, amélioration de la qualité de vie et d'accompagnement des patients, information et recherche. Cette politique intégrée est essentielle.

Par ailleurs, le Plan Cancer est centré sur le patient, et répond aux attentes formulées par les malades lors des États généraux qui se sont déroulés voici deux ans. Il démontre la nécessité de décloisonnement, ce qui est déjà à l'oeuvre dans la majorité des régions, comme ont pu le constater les responsables de la mission lors de nos déplacements sur le terrain. La combinaison synergie et décloisonnement fait la force de ce plan, qui bénéficie ainsi de la richesse des multiples acteurs qui y participent.

Le Plan Cancer est une expérimentation grandeur nature du modèle de la loi de santé publique. Permettez-moi de prendre comme exemple la priorité que constitue le rééquilibrage en faveur de la prévention et du dépistage par rapport aux soins. Cet enjeu figure parmi les priorités de l'année 2003, avec la lutte contre les conduites à risque - tabagisme, alcool, déséquilibre alimentaire. En outre, il a fait l'objet d'un financement privilégié : si le pourcentage de financement alloué à la prévention (environ 2,3 %) est d'une façon générale marginal, le financement en faveur de la prévention et du dépistage du cancer atteint 13 % des moyens accordés à la lutte contre cette maladie.

Les actions sont focalisées sur l'amélioration de l'équité dans l'accès aux soins, et sur l'offre de soins de qualité pour tous. Cet objectif répond aux attentes tant des patients que des professionnels de la santé. Le Plan Cancer vise également à améliorer la qualité de vie des patients - cette question n'est pas dissociée de celle de la qualité des soins. Il s'appuie sur une meilleure organisation des soins, avec la prépondérance de l'organisation en réseau et de la concertation des professionnels de santé (notamment au sein des consultations pluridisciplinaires qui se mettent en place) et la continuité des soins (articulation des soins entre la ville et l'hôpital). Le Plan Cancer facilite les conditions de l'hospitalisation à domicile avec la mise en place de plates-formes de soins de support, la connexion avec les services sociaux, l'articulation avec la médecine du travail (notamment en région) et la réinsertion après la maladie.

L'amélioration de l'accompagnement et de la qualité de vie passe aussi par l'amélioration de l'information, avec la priorité donnée à l'information vis-à-vis des patients et des professionnels de santé, et la focalisation sur la nécessité d'obtenir une meilleure traçabilité des actions et de leur financement. Avant même la mise en place de la tarification à l'activité, une meilleure visibilité de l'affectation des moyens constitue déjà une priorité. Nous y travaillons au sein de régions pilotes.

En guise de conclusion, je souhaite indiquer que le Plan Cancer est ambitieux dans ses objectifs comme dans sa mise en oeuvre puisqu'il intègre une obligation de résultats. Ce plan place chacun d'entre nous devant l'obligation de s'investir afin de répondre à l'enjeu de société que constitue le cancer, renverser son image sociale et mobiliser l'ensemble du corps social (hommes politiques, citoyens, patients, experts médicaux, État et collectivités). La mise en oeuvre du Plan Cancer démontre d'ores et déjà la pertinence des orientations de la loi de santé publique.

Enfin, je rappelle que la loi prévoit la création de l'Institut national du cancer, un dispositif pérenne qui constituera la pierre angulaire de la lutte contre le cancer. La création de cet institut a été annoncée par le Président de la République. Il répond à l'absence, en France, d'une instance fédératrice et d'un pôle d'impulsion, de suivi et d'évaluation des actions. L'article 15 du projet de loi prévoit que cet institut soit créé sous forme de groupement d'intérêt public qui associera les acteurs publics et privés impliqués dans la lutte contre le cancer. Ce groupement d'intérêt public regroupera l'ensemble de la filière, de la prévention à la politique de formation et de recherche. Sa création vient combler un chaînon manquant et indispensable afin de pérenniser la politique de lutte contre le cancer et lui donner une dimension internationale. La forme du groupement d'intérêt public doit procurer à l'Institut une souplesse de fonctionnement et une réactivité permettant à la lutte contre le cancer d'avancer : le cancer constitue plus que jamais un enjeu de santé publique et de société.

M. le PRÉSIDENT - Merci, madame la déléguée. J'invite M. le rapporteur à nous faire part de ses remarques et de ses éventuelles questions.

M. Francis GIRAUD - Madame la déléguée, tous les membres de la commission des Affaires sociales sont conscients de l'importance d'un plan pour lutter contre le cancer, qui constitue une priorité nationale. Mes questions porteront sur les éléments de lutte contre le cancer préexistants, et sur la façon dont vous envisagez les relations de ce nouvel institut avec les organismes scientifiques (INSERM, CNRS ou autres), les associations (la Ligue contre le cancer, l'ARC) et les centres anticancéreux régionaux. Je rappelle que la loi autorise l'Institut à bénéficier de dons et de legs.

Mme Pascale BRIAND - Monsieur le rapporteur, l'Institut n'a pas vocation à se substituer aux organismes préexistants, ni à constituer une nouvelle strate administrative. L'Institut national du cancer a vocation à coordonner les actions, en particulier dans le domaine de la recherche où il agira en collaboration avec les organismes de recherche, notamment l'INSERM, le CNRS, le Commissariat à l'énergie atomique ou encore l'INRA, et plus généralement avec les équipes universitaires. Il s'agit bien là d'une action de coordination, dont les efforts pour favoriser l'émergence des canceropoles dès 2003 constituent les prémices. Cette coordination est une action structurante de pôles de recherche, qui ont vocation à accélérer l'innovation et qui s'appuient sur des équipes de recherche labellisées par les organismes de recherche ou reconnues par l'université. L'Institut aura d'ailleurs pour mission de labelliser les canceropoles. Cette articulation se fera via la concertation avec les organismes de recherche. L'Institut n'a pas d'équipes de recherche propres : il agira avec les organismes et donnera l'impulsion des axes fédérateurs de la recherche, inscrivant les équipes dans une véritable démarche projet.

En ce qui concerne les associations représentant les patients, je rappelle qu'elles sont impliquées dans la conception de l'Institut national du cancer. Le président de la Ligue contre le cancer, M. Henri Pujol, est d'ailleurs membre du comité permanent d'orientation de la mission interministérielle, dont il suit, à ce titre, la mise en place.

Quant aux ressources de l'Institut, une partie d'entre elles est d'ores et déjà inscrite dans la loi de finances pour 2004. Leur montant s'élève à 11 millions d'euros (ministère de la santé), mais au-delà le ministère de la recherche et d'autres partenaires, dont l'assurance maladie, devraient apporter leur contribution.

En ce qui concerne enfin les centres anticancéreux, la Fédération des centres de lutte contre le cancer de même que les fédérations CHU et les autres fédérations professionnelles seront associées à la préparation de la convention constitutive et devraient par conséquent être partenaires du groupement d'intérêt public. Je précise par ailleurs que la structuration des pôles régionaux de référence et de recours, bâtis autour des centres hospitalo-universitaires de lutte contre les cancers, constitue une action prioritaire dès 2004.

M. le PRÉSIDENT - Je transmets la parole à M. Paul Blanc.

M. Paul BLANC - Merci, monsieur le président. Madame la déléguée, je tiens, dans un premier temps, à présenter mes excuses pour mon absence à la réunion présidée hier par M. Ségura. Peut-être ma question a-t-elle déjà été posée hier ? Vous avez évoqué l'évaluation des actions prévue dans la loi. Certes, nous vivons dans une société d'information immédiate au sein de laquelle chacun d'entre nous cherche à tout savoir, tout de suite. Or, dans le domaine de la prévention contre le cancer, les résultats de telle ou telle démarche ne peuvent pas être connus instantanément, à l'exception du dépistage rapide, à condition de distinguer la prévention et le dépistage. Ce dernier n'empêche pas la maladie d'apparaître mais, en la détectant de façon précoce, il en ralentit la progression. Comment l'évaluation des actions de prévention est-elle prévue par la loi ? Quels seront les moyens alloués à cette évaluation ?

M. le PRÉSIDENT - Pouvez-vous également nous indiquer la répartition qui se fera entre les moyens alloués à la prévention et au dépistage ?

Mme Pascale BRIAND - Permettez-moi de répondre, dans un premier temps, à la question portant sur l'évaluation et le suivi de la mise en oeuvre des mesures prévues dans la loi. La mission interministérielle doit s'assurer d'abord de la mise en oeuvre des actions et donc disposer des indicateurs correspondants. Mais au delà, ce sont les indicateurs d'impact qui sont les plus importants. Les préciser et en suivre l'évolution relève transitoirement de la mission et reviendra, dès sa mise en place, à l'Institut national du cancer. Je précise qu'un certain nombre d'indicateurs d'impact relèvent, en termes de suivi, d'opérateurs déjà existants. L'Institut national de veille sanitaire assure par exemple le dépistage organisé du cancer du sein. En matière de prévention, les indicateurs inscrits dans le plan permettent de mesurer la diminution du nombre de fumeurs. Le fait de fumer a, en effet, un impact sur l'ensemble des cancers, même si cet impact est différé dans le temps : c'est pourquoi la seule indication de la réduction du nombre de fumeurs constitue déjà une indication d'impact. En septembre dernier, la réduction de 8 % du nombre de fumeurs, liée à la première augmentation du prix du tabac, marque un premier impact positif après quelques mois seulement de mise en oeuvre. Les grandes campagnes d'information et la politique menée au sein des établissements scolaires et des sites sensibles (transports, hôpitaux...) ont également contribué à la réduction du nombre de fumeurs.

M. Paul BLANC - Ces résultats sont indéniables. Toutefois, les indicateurs de performance des mesures liées à l'alimentation et destinées à combattre le cancer du colon sont plus difficiles à définir.

Mme Pascale BRIAND - La problématique de l'alimentation est inscrite dans le plan national nutrition et santé, dont l'Institut national du cancer doit renforcer le suivi et l'évaluation.

M. Paul BLANC - La société française veut des résultats immédiats. Convaincre le public va nécessiter une grande force de persuasion, de même que des moyens financiers.

M. le PRÉSIDENT - Je transmets la parole à M. Gilbert Chabroux.

M. Gilbert CHABROUX - Madame la déléguée, j'ai suivi avec beaucoup d'attention votre intervention ; sachez que j'admire votre détermination. Je constate néanmoins certaines lacunes du Plan Cancer au niveau professionnel. Selon l'Institut national de veille sanitaire, 10.000 cancers professionnels sont recensés chaque année. Or seulement 800 d'entre eux sont reconnus. Un million de Français seraient exposés à des risques cancérigènes dans leur environnement professionnel.

Je souhaite, par ailleurs, revenir sur les effets de la hausse des prix sur la réduction du tabagisme. Certains chiffres contredisent vos affirmations. Par ailleurs, il est difficile d'estimer la quantité de tabac vendu via les circuits parallèles. En outre, si la hausse du prix des cigarettes a affecté la consommation des fumeurs, le moratoire sur cette hausse contredit quelque peu cette démarche.

Mme Pascale BRIAND - Je souhaite, tout d'abord, mentionner la forte augmentation de la vente de patchs nicotiniques, qui confirme les effets positifs de la hausse des prix du tabac : de nombreux Français souhaitent arrêter de fumer. L'augmentation considérable des demandes de consultation de sevrage anti-tabagique est une autre preuve de cette tendance.

La hausse des prix du tabac déjà effective, marque une volonté gouvernementale particulièrement forte : ses effets sont notables et durables, car nos concitoyens ont pris conscience du danger du tabac. Quant à la fraude que vous évoquez, permettez-moi de signaler qu'elle est limitée à certaines régions proches des zones frontalières. Le poids de la contrebande dans la vente totale de cigarettes en France est marginal.

Les cancers professionnels et environnementaux sont bien abordés dans le cadre du Plan Cancer, par le biais de deux mesures spécifiques. Il est néanmoins exact qu'il subsiste un décalage entre le nombre estimé de cancers professionnels réels et le nombre déclaré. Il est nécessaire de mobiliser la médecine du travail sur ce domaine. C'est dans cette optique que le ministère de la santé et le ministère des affaires sociales et du travail viennent de signer un contrat-cadre qui doit permettre d'inscrire l'ensemble des actions menées dans ce domaine.

Permettez-moi, à ce sujet, de partager avec vous mes impressions au lendemain de mes visites sur le terrain. Je termine actuellement mon tour de France des régions. Les discussions qui ont lieu en région réunissent l'ensemble des services de l'État concernés, sous la présidence des préfets. Les interactions avec la médecine du travail permettent le développement de certaines actions fort intéressantes, notamment dans les régions les plus concernées par les cancers professionnels. Ces actions feront l'objet d'une présentation sur le site du Plan Cancer ouvert en fin d'année. Ce site permettra à chacun de s'informer sur le Plan Cancer et offrira aux régions la possibilité de décrire les initiatives les plus pertinentes.

En ce qui concerne la répartition des crédits supplémentaires alloués au dépistage et à la prévention du cancer, sachez que, sur une enveloppe de 35 millions d'euros, 18 millions d'euros ont été consacrés à la mise en place de structures de gestion pour la généralisation du dépistage du cancer du sein, et le reste à des mesures de préventions (information, augmentation du nombre de registres...).

M. le PRÉSIDENT - Je vous remercie pour ces précisions.

M. Jean-Pierre GODEFROY - Il existe dans ma région - le Nord Cotentin - un registre du cancer financé notamment par les collectivités territoriales du fait de la présence dans le département d'activités nucléaires, qu'il s'agisse de retraitement, de production ou de stockage. Quelles seraient les relations de l'Institut avec ces registres ?

Par ailleurs, est-il possible de déployer un plan de prévoyance lié à l'exposition des travailleurs aux irradiations ? En effet, il est aujourd'hui impossible de déterminer les conséquences de l'exposition au nucléaire. Il convient par conséquent de prévoir des moyens à titre préventif. Est-ce prévu ? Pouvons-nous envisager l'extension des registres du cancer dans les régions les plus exposées ?

Je signale que les travailleurs du secteur du nucléaire sont très souvent employés par des sociétés en tant qu'intérimaires. Ils sont par conséquent particulièrement mobiles à travers la France, ce qui n'aide pas à les retrouver, et qui constitue par ailleurs une extension géographique du risque en cas d'hérédité du cancer. Quelles seront les mesures et la position de l'Institut en matière d'anticipation des maladies professionnelles ?

Mme Pascale BRIAND - L'Institut National du Cancer pourra effectivement donner une nouvelle impulsion et renforcer l'action en matière de lutte contre les cancers professionnels. L'Institut national de veille sanitaire a d'ores et déjà lancé une étude du suivi du cancer de la thyroïde. Ce suivi a bénéficié d'un renforcement budgétaire dès 2003. Au-delà du suivi via les registres, une synthèse des données émanant d'autres sources permet également d'affiner le dispositif. L'Institut National du Cancer sera en position de faire des recommandations notamment en terme de renforcements d'actions dans le domaine de la veille via l'Institut national de veille sanitaire, par exemple.

M. le PRÉSIDENT - La parole est à M. Alain Gournac.

M. Alain GOURNAC - Madame la déléguée, j'ai suivi avec beaucoup d'attention la présentation du Plan Cancer. J'ai déjà eu l'occasion de vous interroger sur ce sujet dans d'autres instances. J'ai participé à la mise en place du plan de lutte contre le cancer du sein dans les Yvelines, avec le conseil général. Je souhaite avoir des précisions sur certaines questions.

Tout d'abord, je m'interroge sur les délais et les échéances du plan. Dans le cas que je viens d'évoquer, les moyens disponibles pour effectuer des mammographies étaient insuffisants, et consistaient davantage en des tests qu'en des clichés, à l'inverse du département voisin (le Val d'Oise). Je souhaiterais savoir quand l'Institut national du cancer aura les moyens de fournir les bons conseils aux associations de médecins, notamment en termes de mammographie. La pauvreté de l'action menée contre le cancer du sein est scandaleuse. Quels sont les objectifs dans ce domaine ?

Par ailleurs, je souhaiterais connaître les mesures envisagées pour lutter contre le cancer colorectal. La fiabilité des tests de dépistage du cancer colorectal est aujourd'hui contestée. Existe-t-il un test fiable ? La mortalité due à ce type de cancer est d'autant plus préoccupante que cette maladie touche de nombreux jeunes.

Je m'interroge également sur les moyens consacrés au soutien des familles. L'accompagnement des proches est essentiel. Il s'agit d'y réfléchir de façon individualisée : le cancer a des impacts psychologiques dévastateurs sur l'entourage des patients.

Je tiens en outre à rappeler qu'il est urgent de réhabiliter les associations, dont l'image s'est considérablement ternie depuis la sinistre affaire que nous avons tous en mémoire. Nous pourrions envisager d'attribuer une sorte de label à celles qui le méritent. Le succès du Téléthon est frappant.

Enfin, j'attends du Plan Cancer une démarche volontaire de prévention en direction des jeunes. Il existe certainement des moyens de les convaincre de ne pas fumer. Il serait par exemple souhaitable que la prévention anti-tabagisme soit intégrée aux programmes scolaires, et qu'un médecin intervienne au sein de l'école afin de convaincre nos enfants de ne pas céder à la tentation de la première cigarette. Il s'agit, d'une façon plus générale, de parler du cancer sans tabou. Je ne comprends pas que le cancer suscite la honte : il s'agit d'une maladie comme une autre. L'image du cancer me rappelle le tabou du handicap.

Mme Pascale BRIAND - Au sujet du cancer du sein, le cahier des charges a été défini et stabilisé selon les normes européennes. Il doit être respecté par l'ensemble des professionnels et des structures de gestion qui sont en place dans chaque département. Entre 1989 et 2002, le dépistage organisé s'est mis en place lentement, département après département : moins de 40 départements en plus de dix ans. Ce retard a été comblé depuis le début de l'année 2003 : aujourd'hui, l'ensemble des départements sont dotés du dispositif de dépistage organisé. Le comité technique, présidé par Mme Seradour, veille sur le dispositif. Celui-ci s'appuie à 90 % sur la médecine libérale. Les professionnels se sont engagés à appliquer le cahier des charges. Des formations complémentaires ont été dispensées, et les professionnels se sont dotés d'équipements nouveaux. Dans la grande majorité des cas, le cahier des charges est respecté. Nous sommes donc dans la bonne voie sur cette première étape. La suivante consistera à atteindre des taux de participation beaucoup plus élevés qu'actuellement. Cet objectif nécessite la mobilisation d'associations de femmes sur le terrain afin de mobiliser d'une façon générale les femmes qui ne se sentent pas encore concernées par le cancer du sein et notamment les femmes en situation de précarité. L'Institut national du cancer devra renforcer ces actions. Ce dispositif sera évalué afin de connaître l'apport du dépistage organisé. D'ores et déjà, le respect du cahier des charges par les professionnels induit une amélioration de la qualité, ce dont chacun de nous peut se réjouir.

J'attire également votre attention sur la montée en puissance du dispositif de lutte contre le cancer colorectal. Cinq départements ont été initialement engagés dans la phase expérimentale de dépistage organisé, puis dix et aujourd'hui vingt-deux. Le dispositif bénéficie des structures de gestion déjà mises en place pour le dépistage du cancer du sein, même si les techniques ne sont bien entendu pas les mêmes. A l'issue de cette phase expérimentale, le dispositif sera généralisé de façon rapide et devrait être optimisé à l'horizon 2007.

Un ensemble de mesures vise à améliorer le soutien aux familles des malades. L'impact du cancer sur les familles est terrible, en particulier lorsque le patient est un enfant. C'est la raison pour laquelle des congés particuliers pour les parents d'enfants malades d'un cancer et une adaptation des dispositifs, afin de permettre aux parents de pouvoir accompagner leur enfant dans la maladie, doivent être aménagés. Les services sociaux sont également mobilisés, avec un renforcement dès 2003 de la psycho-oncologie. J'ai également demandé à Daniel Serin de faire une évaluation de l'aide en psycho-oncologie. Cette expertise sera disponible dès janvier. Par ailleurs, au-delà de l'accompagnement direct, c'est l'environnement global qu'il faut améliorer et, par exemple, faciliter l'accès aux prêts et aux assurances. Un important travail d'information est là nécessaire. Un groupe de travail composé de représentants des malades et de la Ligue contre le cancer se consacre à cette question en collaboration avec des représentants des banques et des assurances.

Je partage votre volonté de voir pratiquer un discours de fermeté à l'attention des jeunes. Il s'agit de changer l'image du tabac. Cette démarche ambitieuse nécessite la mobilisation des médias, des stars de cinéma ou de la chanson. Nous sommes tous concernés : c'est à chacun d'entre nous d'agir. Je suis persuadée que la conjoncture induite par l'engagement au plus haut niveau de l'État décuple l'efficacité des actions individuelles. L'action vis-à-vis des jeunes doit mobiliser chacun d'entre nous.

M. le PRÉSIDENT - Je vous remercie, madame la déléguée, pour le temps que vous avez accepté de nous consacrer, et pour cette présentation du Plan Cancer. Nous accueillons à présent M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.

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