Article 10
(art. L. 218.10, L. 218-11, L. 218-13, L. 218-22, L. 218-24,
L. 218-25 et L. 218-29 du code de l'environnement)
Aggravation de la répression des infractions
en matière de pollution maritime

Cet article tend tout d'abord à reprendre à l'article L. 218-19 du code de l'environnement les articles 706-102 à 706-106 nouveaux du code de procédure pénale relatifs à la compétence juridictionnelle en matière de répression de la pollution maritime précédemment étudiés à l'article 9 du projet de loi, selon la technique du « code pilote » et du « code suiveur ». Le Sénat a donc, sur proposition de votre commission et avec l'avis favorable du gouvernement adopté un amendement de coordination avec les modifications proposées à l'article 9.

Par ailleurs, cet article tend, dans la même logique que celle de la loi n° 2001-380 du 3 mai 2001 relative à la répression des rejets polluants des navires, à durcir les sanctions prévues en matière de pollution maritime .

1- L'aggravation du quantum des peines et l'introduction de nouvelles peines complémentaires par le projet de loi initial

Ainsi, les 2° à 4° tendent à aggraver la répression des infractions en matière de pollution maritime en augmentant le quantum des peines.

? En matière de pollutions volontaires , le présent projet de loi porte :

- à dix ans d'emprisonnement, au lieu de quatre, et à un million d'euros d'amende, au lieu de 600.000, ou bien une amende équivalente aux deux tiers de la valeur de la cargaison transportée ou du frêt les sanctions à l'encontre des capitaines de navires de gros tonnage (navires d'une jauge supérieure à 150 tonneaux pour les navires citernes et à 500 tonneaux pour les autres navires) coupables d'infractions aux dispositions internationales relatives aux rejets d'hydrocarbures en mer (2° modifiant l'article L. 218-10 du code de l'environnement) ;

- à cinq ans d'emprisonnement, au lieu de deux, et à 500.000 euros d'amende, au lieu de 180.000, les sanctions à l'encontre des capitaines des navires de moyen tonnage (navires d'une jauge inférieure à 150 tonneaux pour les navires citernes et à 500 tonneaux pour les autres navires) coupables de rejets illicites (3° modifiant l'article L. 218-11 du code de l'environnement).

? En matière de pollutions involontaires , c'est-à-dire d'accident de mer causé par imprudence, négligence ou inobservation des lois et règlements, tel que défini par la convention du 29 novembre 1969 sur l'intervention en haute mer, le projet de loi porte les sanctions :

- à cinq ans d'emprisonnement, au lieu de deux, et à 500.000 euros d'amende, au lieu de 300.000, lorsque l'infraction est commise par un navire de gros tonnage ;

- à trois ans d'emprisonnement, au lieu d'un, et à 200.000 euros d'amende, au lieu de 90.000, lorsque l'infraction est commise par un navire de faible tonnage (5° modifiant l'article L. 218-22 du code de l'environnement) ;

- une peine d'amende de 4.000 euros étant prévue en cas d'infraction commise par d'autres navires, alors qu'elle était précédemment punie de 1.875 euros d'amende et du double et de six mois d'emprisonnement en cas de récidive.

? Par ailleurs, le projet de loi tend à réformer les peines complémentaires .

Le tend à modifier l'article L. 218-24 du code de l'environnement, qui prévoit actuellement que les personnes physiques encourent à titre de peine complémentaire la peine d'affichage de la décision ou sa diffusion, en prévoyant six peines complémentaires :

- l'interdiction, à titre définitif ou pour cinq ans au plus, d'exercer l'activité professionnelle à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise (1° du b) ;

- la fermeture, définitive ou pour une durée de cinq ans au plus, des établissements ou de l'un ou plusieurs des établissements ayant servi à commettre l'infraction (2° du b) ;

- l'exclusion des marchés publics, à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus (3° du b) ;

- la confiscation du navire ou de l'engin ayant servi à commettre l'infraction (4° du b) ;

- la confiscation de tout ou partie de leurs biens, quelle qu'en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis (6° du b).

Le de l'article 10 du présent projet de loi vise à modifier l'article L. 218-25, relatif aux sanctions susceptibles d'être prononcées à l'encontre des personnes morales .

Actuellement, elles encourent, outre l'amende, certaines des peines prévues au titre de l'article 131-39 du code pénal, comme l'exclusion des marchés publics, à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus, l'interdiction, à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus, et l'affichage ou la diffusion de la décision de condamnation.

Désormais, pourraient également être prononcées à leur encontre des mesures :

- de dissolution, si la personne morale a été créée ou détournée de son objet pour commettre les faits incriminés ;

- d'interdiction, définitive ou pour cinq ans, d'exercer des activités professionnelles ou sociales ;

- de fermeture définitive ou pour une durée de cinq ans au plus de l'un ou plusieurs des établissements de l'entreprise ayant servi à commettre les faits incriminés ;

- de confiscation de la chose ayant servi ou destinée à commettre l'infraction ou de la chose qui en est le produit.

Seuls ne seraient donc pas applicables le placement sous surveillance judiciaire et l'interdiction d'émettre des chèques.

Par ailleurs, le projet de loi tend à instaurer la possibilité pour le tribunal de prononcer la confiscation de tout ou partie des biens, quelle qu'en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis. Ceci va donc bien au-delà de la peine de confiscation prévue par l'article 131-39 du code pénal qui ne vise que la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou qui en est le produit.

2- La discussion au Sénat de l'opportunité de nouvelles peines complémentaires

Lors de l'examen au Sénat, M. Henri de Richemont a souligné que cette disposition aboutirait à punir exclusivement des armateurs et commandants français, l'article 230 de la convention de Montego Bay relative au droit de la mer prévoyant que seules des peines d'amende peuvent être infligées à des armateurs étrangers en dehors des eaux territoriales.

Il a regretté ce paradoxe, alors même que le gouvernement souhaite développer le pavillon français, qui n'occupe actuellement que le 28ème rang mondial et dont la flotte ne représente que 0,5 % de la flotte mondiale, entraînant par là même une représentation très faible à l'Organisation maritime internationale compétente en matière d'édiction du droit maritime.

Il a en outre indiqué que de nombreux navires risquaient d'être dépavillonnés et que plus aucune banque n'accepterait de financer des navires sous pavillon français, du fait du risque de confiscation.

Après avoir dans un premier temps proposé la suppression de toutes ces peines complémentaires, M. Henri de Richemont a présenté des amendements pour distinguer pollutions volontaires et involontaires.

Ont donc été adoptés deux amendements tendant à exclure du champ de ces peines l'infraction définie à l'article 218-22, c'est-à-dire l'accident de mer , votre rapporteur ayant donné à titre personnel -cette rectification n'ayant pas été soumise à la commission- un avis favorable, le gouvernement s'en étant remis à la sagesse du Sénat.

S'agissant des personnes physiques, seraient applicables les seules peines complémentaires existantes, une peine d'affichage ou de diffusion de la décision prononcée.

S'agissant des personnes morales, seraient applicables, outre une peine d'affichage ou de diffusion de la décision prononcée, une exclusion définitive ou pour cinq ans maximum des marchés publics, ainsi qu'une interdiction définitive ou pour cinq ans maximum de faire appel public à l'épargne.

Enfin, M. Dominique Perben, garde des Sceaux, au cours de la séance publique au Sénat, s'était engagé à approfondir cette question au cours de la navette avec l'ensemble des professionnels.

3- Les modifications apportées par l'Assemblée nationale à l'issue de la concertation organisée par le gouvernement

A la suite de la concertation engagée avec les professionnels, l'Assemblée nationale, à l'initiative de M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur, et avec l'avis favorable du gouvernement, a remanié par quinze amendements le dispositif de répression de la pollution maritime par les navires.

? Etant apparu que les peines complémentaires étaient discriminatoires à l'égard des Français, l'Assemblée nationale a décidé d'y renoncer, notamment s'agissant de celle de confiscation du navire, la protection de l'environnement devant être conciliée avec la protection des intérêts économiques nationaux.

Ne subsisteraient comme peines complémentaires que l'affichage ou la diffusion de la décision prononcée, qu'il s'agisse des personnes physiques (art. L. 218-24 du code de l'environnement) ou morales (art. L. 218-25 du code de l'environnement).

En revanche, les amendes , applicables également aux navires étrangers, seraient considérablement durcies, notamment en matière d'infractions volontaires.

? En matière de pollution volontaire , l'Assemblée nationale a indiqué s'être inspirée de la proposition de décision-cadre présentée par la Commission européenne du 2 mai 2003 visant le renforcement du cadre pénal pour la répression de la pollution causée par les navires qui tend à fonder le montant des amendes sur la valeur du chiffre d'affaires ou du patrimoine de la société propriétaire du navire ou détenant la cargaison.

Néanmoins, elle n'a pas fondé le montant de l'amende sur le chiffre d'affaires de la société propriétaire de la cargaison ou du navire, mais sur la valeur du navire ou de sa cargaison ou de son fret.

S'agissant des navires de gros tonnage, elle a porté le montant de l'amende à une somme équivalente à la valeur du navire ou à cinq fois la valeur de la cargaison transportée ou du fret, alors que le projet de loi portait déjà de 600.000 euros à 1.000.000 d'euros ou à l'équivalent des deux tiers de la valeur de la cargaison transportée ou du fret le montant de l'amende (art. L. 218-10 du code de l'environnement).

S'agissant des navires de moyen tonnage, l'amende serait portée à 700.000 euros, alors que le projet de loi initial prévoyait déjà 500.000 euros, contre 180.000 actuellement (art. L. 218-11 du code de l'environnement).

S'agissant des navires soumis aux dispositions de la convention, mais n'appartenant pas aux catégories de navires visées aux articles L. 218-10 et L. 218-11, la récidive, du double de l'amende de 6.100 euros prévue pour une première infraction et d'un an d'emprisonnement, ne sera plus désormais punie que d'une peine d'emprisonnement (art. L. 218-13 du code de l'environnement).

Notons qu'il sera possible de demander aux préfets maritimes de dérouter les navires vers un port français, de les immobiliser et d'exiger un cautionnement garantissant le paiement de l'amende.

A également été adopté un amendement de coordination.

? En matière de pollution involontaire , c'est-à-dire d'accident de mer, l'Assemblée nationale a adopté un amendement de clarification rédactionnelle de la définition de l'accident de mer (art. L. 218-22 du code de l'environnement).

Par ailleurs, elle a revu l'échelle des peines en fonction de la taille du navire, mais aussi du contexte de l'accident, alors qu' actuellement , l'article L. 218-22 du code de l'environnement prévoit simplement qu'un accident est puni de peines égales à la moitié de celles prévues en cas de rejets volontaires, quel que soit le tonnage du navire.

- En cas de pollution involontaire résultant d'une imprudence ou d'une négligence :

Le projet de loi initial prévoyait pour les navires de gros tonnage ou les plates-formes des peines de cinq ans d'emprisonnement et 500.000 euros d'amende. Elles seraient réduites à deux ans d'emprisonnement et 200.000 euros d'amende.

De même, les accidents provoqués par des navires de jauge intermédiaire seraient punis désormais d'un an d'emprisonnement et de 90.000 euros d'amende, alors que le projet de loi initial prévoyait trois ans d'emprisonnement et 200.000 euros d'amende.

Pour les autres navires, la peine prévue serait de 4.000 euros d'amende.

- Lorsque l'accident de mer a, directement ou indirectement, soit pour origine la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, soit pour conséquence un dommage irréversible ou d'une particulière gravité à l'environnement , les peines seraient portées à cinq ans d'emprisonnement et 500.000 euros d'amende pour les navires de gros tonnage ou les plates-formes, trois ans d'emprisonnement et 300.000 euros d'amende pour les navires de moyen tonnage et 6.000 euros d'amende pour les autres navires.

Hormis pour les petits navires, l'amende pourrait être portée, au-delà de ce montant, à une somme équivalente à la valeur du navire ou à trois fois la valeur de la cargaison transportée ou du fret.

- Lorsque les deux circonstances aggravantes sont réunies , les peines seraient portées à sept ans d'emprisonnement et 700.000 euros d'amende pour les navires de gros tonnage et cinq ans d'emprisonnement et 500.000 euros d'amende lorsque l'infraction est commise par un navire de moyen tonnage.

L'amende pourrait être portée au delà de ce montant à une somme équivalente à la valeur du navire ou à quatre fois la valeur de la cargaison transportée ou du fret.

L'Assemblée nationale a en outre adopté trois amendements de coordination, ainsi qu'un amendement rédactionnel.

4- Les propositions de votre commission

Votre commission, tout en approuvant les modifications intervenues en matière de peines complémentaires, s'interroge sur les critères de fixation des amendes.

En effet, fixer le montant de l'amende sur la valeur du navire ou de la cargaison transportée ou du fret présente des inconvénients certains.

La valeur d'un navire est fonction notamment de son degré de sécurité, et il est donc paradoxal de pénaliser plus lourdement les navires les plus sûrs. En outre, des marchandises peu onéreuses peuvent être très polluantes.

Enfin, ces critères ne sont pas ceux préconisés par les instances européennes.

Par conséquent, votre commission vous propose d'abandonner ces dispositions tant en matière de pollution volontaire que de pollution involontaire.

En contrepartie, elle vous propose d'augmenter le montant des amendes, déjà porté par l'Assemblée nationale à un million d'euros pour les navires de gros tonnage en cas de pollution volontaire, à deux millions d'euros.

En outre, votre commission vous propose d'adopter un amendement de précision afin d'indiquer explicitement que l'accident de mer s'apprécie au regard de la définition de la faute pénale issue de la loi de notre excellent collègue M. Pierre Fauchon.

Sous réserve des amendements précédemment présentés, votre commission vous propose d'adopter l'article 10 ainsi modifié .

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page