TITRE III BIS
DISPOSITIONS DIVERSES RELATIVES AUX AVOCATS
Article 32 bis
(art. 66-5 de la loi n° 71-1130 du
31 décembre 1971
portant réforme de certaines
professions judiciaires et juridiques)
Confidentialité des
correspondances échangées entre avocats
Introduit par le Sénat en première lecture
à
l'initiative de votre commission et avec l'avis favorable du gouvernement, cet
article tend à modifier l'article 66-5 de la loi du 31 décembre
1971 afin d
'exclure
du champ d'application du
secret
professionnel
les
correspondances échangées entre un
avocat et ses confrères
portant
la mention
« officielle »
.
Actuellement, l'article 66-5 de la loi de 1971 ne prévoit aucune
dérogation en la matière. Ainsi, la Cour de cassation, dans un
arrêt du 4 février 2003, a affirmé la
portée générale et absolue du secret professionnel
applicable à toutes les correspondances, considérant que la
divulgation de celles portant la mention « officielle »,
à l'instar de toute autre, exposait les professionnels à des
poursuites pénales.
Compte tenu des inconvénients suscités par cette jurisprudence,
notamment liés à l'impossibilité de verser aux
débats judiciaires toute correspondance ou au risque d'encourager des
comportements déloyaux en privant de sa portée un accord
exprimé par écrit, il est apparu préférable
d'écarter du secret professionnel les correspondances non
confidentielles.
Pour sa part, l'Assemblée nationale a accepté cet ajout qu'elle a
modifié par un
amendement de clarification rédactionnelle
afin d'indiquer sans ambiguïté que l'exception introduite
se
limite aux seules correspondances échangées entre avocats
.
Il convient de marquer clairement l'intention du législateur. Aussi la
précision des députés est-elle opportune.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 32
bis
sans
modification
.
Article 32 ter (nouveau)
(art. 67 de la loi n° 71-1130 du
31 décembre 1971
portant réforme de certaines
professions judiciaires et juridiques)
Mention obligatoire de l'appartenance
à un réseau interdisciplinaire
Introduit en première lecture par l'Assemblée
nationale, à l'initiative du rapporteur et avec l'avis favorable du
gouvernement, le présent article tend à modifier le dernier
alinéa de l'article 67 de la loi du 31 décembre 1971 pour
imposer
aux avocats, aux sociétés ou aux associations
d'avocats l'obligation de
mentionner leur appartenance à un
réseau pluridisciplinaire, national ou international.
Actuellement
, le dernier alinéa de l'article 67 ouvre aux
sociétés ou aux groupements d'anciens conseils juridiques
(existant avant l'entrée en vigueur de la loi du 31 décembre
1990)
la possibilité de faire mention
du réseau, national
ou international, auxquels ils sont affiliés.
Cette
disposition
, de
nature transitoire
, a épuisé
ses effets limités
aux cinq premières années suivant la
date d'entrée en vigueur
(1
er
janvier 1992) de la loi
n° 90-1259 du 31 décembre 1990 portant réforme de
certaines professions judiciaires et juridiques.
Comme l'a affirmé la Cour de cassation dans un arrêt du 4
février 2003, ce dispositif n'a pas eu pour effet d'instaurer
a
contrario
à compter du 1
er
janvier 1997 une interdiction
pour tout avocat de faire mention de son appartenance à un réseau
pluridisciplinaire.
En l'état actuel, la loi de 1971 n'édicte aucune disposition
générale applicable aux avocats sur cette question.
Les députés ont proposé de
supprimer le contenu de cet
alinéa
désormais caduc pour le remplacer par des
règles nouvelles destinées à préciser les
conditions d'affiliation des avocats aux réseaux
pluridisciplinaires
.
Actuellement, aucune définition des réseaux
pluridisciplinaires
28(
*
)
n'est
donnée par le droit en vigueur. En outre, ces structures ne font l'objet
d'aucune réglementation générale.
Néanmoins, la réflexion menée a abouti à la
publication en 1999 du rapport de M. Henri Nallet sur les réseaux
pluridisciplinaires et les professions du droit. Ces travaux ont
présenté le développement des réseaux comme une
réalité incontournable qui permettrait une modernisation des
professions juridiques en les rendant plus compétitives sur le
marché du droit international. Avait toutefois été mis en
exergue le nécessaire renforcement des exigences déontologiques
des métiers du droit, notamment au regard de leur éthique et du
respect du secret professionnel, et le souci d'éviter des conflits
d'intérêts.
Investi de la mission de veiller à l'harmonisation des règles et
usages de la profession en vertu de l'article 21-1 de la loi du 31
décembre 1971, le Conseil national des barreaux a adopté un
règlement intérieur harmonisé
(RIH) de dix-neuf
articles en 1999, enjoignant à chaque barreau de l'intégrer dans
son règlement. Cette instance a en effet édicté un
ensemble de règles dans plusieurs
domaines déontologiques
particulièrement sensibles
. L'affiliation des avocats à un
réseau non exclusivement juridique est abordée à l'article
16 du RIH, lequel prévoit notamment :
- une double obligation pour l'avocat membre d'un réseau d'une part
d'utiliser une dénomination sociale distincte pour éviter toute
confusion et d'autre part de mentionner son appartenance à ce
réseau (article 16-3) ;
- l'interdiction d'appartenir à un réseau ne comprenant pas
exclusivement des professions réglementées (article 16-4) ;
- l'impossibilité d'être affilié à un
réseau qui autorise la fourniture à un même client de
services de contrôle légal et de conseil (article 16-5).
Certains barreaux ont cependant contesté la portée obligatoire de
ce RIH, soit en l'intégrant partiellement dans leur règlement,
soit en introduisant des recours contentieux à son encontre.
Ainsi les juridictions suprêmes ont-elles eu à se prononcer sur
cette question. Sans remettre en cause sur le fond l'intérêt des
dispositions en cause, le Conseil d'Etat (dans un arrêt du 21 juillet
2001) comme la Cour de cassation (dans deux arrêts de la première
chambre civile du 21 janvier 2003) ont annulé les articles
16-4 et 16-5 du RIH, au motif qu'ils prévoyaient des restrictions
générales et absolues aux règles statutaires
régissant la profession d'avocat relevant de la seule compétence
réglementaire. En revanche, l'article 16-3 n'a pas
été annulé.
Dans ces conditions, le législateur ne pouvait ignorer plus longtemps
le débat sur la nécessaire réglementation de l'affiliation
des professions du chiffre et du droit aux réseaux
pluridisciplinaires
29(
*
)
.
La loi n° 2003-706 du 1
er
août 2003 relative
à la sécurité financière
a permis une
première avancée
en faveur d'un meilleur encadrement des
pratiques professionnelles en ce domaine. Son article 104
30(
*
)
a en effet posé le
principe
d'une stricte séparation du contrôle et du conseil au sein des
réseaux
multidisciplinaires
et
soumis les commissaires
aux comptes à des incompatibilités en ce sens. Cette innovation a
permis d'apporter une réponse à la problématique
soulevée par l'article 16-5 du RIH censuré par la jurisprudence.
Afin de prolonger ce mouvement, l'Assemblée nationale en première
lecture a souhaité
inscrire dans la loi le contenu de l'article 16-3
du RIH
, faisant valoir que ce dispositif était de nature
«
à accroître la transparence nécessaire en la
matière, notamment à l'égard de la
clientèle
» et à permettre «
aux
conseils de l'ordre d'évaluer au cas par cas si l'appartenance à
un réseau est susceptible de soulever des problèmes
déontologiques
».
Il s'agit en fait de donner une base juridique plus forte au
devoir de
transparence
actuellement recommandé par le Conseil national des
barreaux. Comme l'a souligné le garde des Sceaux au cours des
débats à l'Assemblée nationale «
il ne s'agit
ni de stigmatiser ni d'ignorer les réseaux pluridisciplinaires dans un
marché du droit désormais mondial
».
Cette clarification des règles applicables en la matière traduit
le souci de préserver l'intégrité de la profession
d'avocat quels que soient les modes d'exercice choisis.
Afin d'aller plus loin, votre rapporteur tient à souligner que le
ministère de la justice ne pourra faire l'économie d'une
réflexion approfondie sur la question -soulevée par l'article
16-4 du RIH censuré- de l'appartenance des avocats à un
réseau pluridisciplinaire composé exclusivement de professionnels
libéraux déclinant une éthique commune à celle des
avocats. Une concertation avec les principaux représentants des
professions juridiques réglementées paraît à cet
égard nécessaire.
Sous le bénéfice de ces observations, votre commission vous
propose d'adopter l'article 32
ter
sans modification
.