TITRE
III
-
ACCESSIBILITÉ
CHAPITRE PREMIER
-
Scolarité et enseignement supérieur
Article 6
(art. L. 111-1,
L. 111-2 et L. 112-1 à L. 112-4 du code de
l'éducation)
Dispositions relatives à l'adaptation de la
scolarisation
aux besoins des enfants et des adolescents
handicapés
Objet : Cet article a pour objet de rappeler le principe de l'obligation scolaire des enfants et adolescents handicapés et d'en préciser les modalités d'application et d'adaptation.
I - Le dispositif proposé
a) Le droit à l'éducation : un principe fondamental
L'article L. 111-1, premier article du code de l'éducation, pose le principe du droit à l'éducation et prévoit, pour garantir son effectivité, que le service public de l'éducation doit tenir compte des différences objectives de situation des élèves, notamment au niveau économique et social, et dispenser un soutien individualisé en tant que de besoin.
Ainsi, aux termes de l'article L. 111-2 du même code, « tout enfant a droit à une formation scolaire qui, complétant l'action de sa famille, concourt à son éducation ». En outre, il est précisé que, pour favoriser l'égalité des chances, « des dispositions appropriées rendent possible l'accès de chacun, en fonction de ses aptitudes, aux différents types ou niveaux de la formation scolaire ».
Le droit à l'éducation, droit fondamental au sens de la Cour européenne des droits de l'homme, trouve son fondement dans l'alinéa 13 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 : « La nation garantit l'égal accès de l'enfant et de l'adulte à l'instruction (...) ». Il a ensuite été réaffirmé par la loi d'orientation sur l'éducation n° 89-486 du 10 juillet 1989.
L'application du droit à l'éducation pour les enfants et les adolescents handicapés repose sur le respect de l'obligation éducative, qu'ils satisfont en recevant « soit une éducation ordinaire, soit, à défaut, une éducation spéciale, déterminée en fonction des besoins particuliers de chacun d'eux » (article L. 112-1 du code de l'éducation). L'éducation spéciale peut être dispensée en milieu ordinaire ou dans un établissement de santé ou médico-social ; elle s'adapte, autant que possible, aux besoins de la personne handicapée.
Pour ce qui concerne plus particulièrement les déficients auditifs, l'article 33 de la loi n° 91-73 du 18 janvier 1991 portant dispositions relatives à la santé publique et aux assistances sociales indique que, « dans l'éducation des jeunes sourds, la liberté de choix entre une éducation bilingue - langue des signes et français - et une communication orale est de droit ».
Les dispositions applicables à la
scolarisation des jeunes sourds
Les dispositions de l'article 33 susmentionné relatives à la liberté du mode de communication s'appliquent aux jeunes sourds pour l'apprentissage du français, l'acquisition des compétences et l'accès à l'autonomie sociale dans l'ensemble des établissements et services qui les accueillent. Ces dispositions ont été précisées par le décret n° 92-1132 du 8 octobre 1992 relatif à l'éducation des jeunes sourds.
Une information des parents sur les modes de communication (français oral et écrit avec ou sans langage des signes) doit être assurée par la CDES, afin d'éclairer leur choix éducatif. La commission propose ensuite une orientation de l'enfant conforme à ce choix, étant entendu que les établissements doivent faire connaître au préalable leur projet éducatif à la CDES, aux enfants et à leurs familles.
La circulaire n° 93-15 du 25 mars 1993 relative aux modes de communication reconnus dans l'éducation des jeunes sourds précise les conditions d'exercice de ce choix.
Avant la loi n° 91-73 du 18 janvier 1991 et la reconnaissance du bilinguisme, la communication orale était de droit. Le langage des signes a été introduit dans les établissement à compter des années 1970 : il s'est d'abord développé dans les internats, au sein des équipes éducatives, puis progressivement dans les classes.
A l'heure actuelle, les projets oralistes sont devenus minoritaires et les établissements qui le proposent ont presque disparu : seuls quatre d'entre eux subsistent. De fait, 90 % des établissements qui accueillent des jeunes sourds proposent aujourd'hui des projets à éducation bilingue.
Mais dans la perspective d'atteindre un réel
bilinguisme, il apparaît nécessaire de poser le problème en
termes d'enseignement, et non seulement de communication. En effet, la question
du meilleur moyen d'apprentissage n'est pas encore résolue et suscite
des polémiques durables entre les professionnels. Les difficultés
tiennent notamment à la grande complexité de la mise en place
d'un réel bilinguisme chez l'enfant sourd sévère ou
profond, d'autant plus que 90 % d'entre eux ont des parents entendants. De
ce fait, l'apprentissage de la lecture, et plus généralement
l'accès à l'écrit, sont particulièrement
délicats.
L'objectif de l'obligation éducative est donc de favoriser, en fonction de leurs aptitudes, l'intégration de l'ensemble des jeunes handicapés (article L. 112-2), notamment en prévoyant, dans le cadre de l'éducation spéciale dispensée par les établissements relevant de l'éducation nationale ou du ministère de l'agriculture ou par les établissements de santé et médico-sociaux, de faciliter l'apprentissage par des « actions pédagogiques, psychologiques, sociales, médicales et paramédicales » (article L. 112-3).
En effet, la réussite de la scolarisation de l'enfant ou de l'adolescent, notamment en milieu scolaire ordinaire, repose sur les dispositifs d'accompagnement et de soutien, qui permettent de concilier les besoins spécifiques du jeune (soins, soutien pédagogique, accompagnement éducatif, rééducation, etc.) avec les exigences de la scolarisation. Il s'agit :
- des services médico-sociaux tels que les centres d'action médico-sociale précoce (CAMSP), les services d'éducation et de soins à domicile (SESSAD) ou les centres médico-psychopédagogiques (CMPP) et des services sanitaires comme les centres médico-psychologiques (CMP). Financés par l'assurance maladie et placés sous la tutelle du ministère en charge de la santé, ils assurent un accompagnement éducatif, rééducatif et thérapeutique pour les premiers, uniquement thérapeutique pour les seconds ;
- des dispositifs d'accompagnement scolaire, essentiellement financés par l'État et placés sous la responsabilité du ministère chargé de l'éducation nationale, à l'instar de la création de postes d'enseignants spécialisés itinérants qui assurent le suivi pédagogique de l'intégration individuelle d'élèves handicapés, l'attribution d'AVS à des jeunes présentant de fortes restrictions d'autonomie ou une prise en charge par les enseignants volontaires du système d'assistance pédagogique à domicile (SAPAD) lorsque l'état de santé de l'élève nécessite temporairement son maintien à domicile.
Aux côtés de ces actions de soutien adaptées, il est également prévu, dans un certain nombre de cas, des dérogations aux règles s'appliquant au passage des concours et des examens afin de permettre, autant que possible, une véritable égalité des chances entre tous les candidats.
A l'heure actuelle, l'attestation précisant les conditions d'aménagement des épreuves est rédigée par le médecin de la CDES, qui l'adresse au président du jury de l'examen ou du concours. Les refus sont rarissimes, notamment en matière de passage d'examen, et concernent des demandes qui dénaturaient la nature de l'épreuve.
Ces dispositions sont prévues par la circulaire n° 2003-100 du 26 juin 2003. Cette nouvelle circulaire, qui a remplacé celle de 1994, a eu essentiellement pour objet de prendre en compte les évolutions technologiques en matière d'autonomie de la personne handicapée et d'élargir le nombre de candidats bénéficiaires des dérogations. Elle ne concerne en effet pas seulement les handicapés sensoriels ou moteurs, mais tout candidat de l'enseignement secondaire ou supérieur atteint d'une déficience, d'une incapacité ou d'un désavantage répertoriés dans la nomenclature fixée par arrêté ministériel du 9 janvier 1989, reprise dans le guide barème annexé au décret n° 93-1216 du 4 novembre 1993.
Le juge administratif a toutefois estimé que ces dispositions, prévues par voie de circulaire, n'avaient pas de base légale (CAA de Paris, 10 décembre 1998, Mlle Kertudo et CE, 9 juillet 1997, Mlle Savignol).
b) La scolarisation des personnes handicapées : préciser pour mieux appliquer
Si le principe du droit à l'éducation des enfants et des adolescents handicapés est clairement affirmé dans la législation, la réalité de leur scolarisation est loin d'être entièrement satisfaisante.
En effet, comme il a été précédemment indiqué, les résultats demeurent insuffisants : le rapport entre le nombre d'enfants et d'adolescents handicapés scolarisés en établissements ordinaires (intégration individuelle ou collective) et le nombre total des élèves scolarisés dans un département est le plus souvent inférieur à 1 %. En outre, entre 35.000 et 45.000 enfants handicapés échapperaient à toute forme de scolarisation.
Le présent article a donc pour objet, en renforçant les dispositions qui s'appliquent à la scolarisation des jeunes handicapés, d'en permettre une application plus effective.
Il est ainsi précisé, au paragraphe I , que les actions de soutien individualisé proposées par le service public de l'éducation aux élèves en difficulté s'adressent en particulier à ceux qui connaissent des problèmes liés à leur santé, c'est à dire qu'elles visent notamment les enfants handicapés en vue de les aider à poursuivre leur scolarité (article L. 111-1).
De la même manière, la nouvelle rédaction proposée pour l'article L. 111-2 par le paragraphe II du présent article propose que l'accès aux différents types ou niveaux de la formation scolaire soit fonction des aptitudes, mais aussi des besoins particuliers de chaque élève.
Le paragraphe III apporte plusieurs précisions aux dispositions quelque peu lapidaires des articles L. 112-1 et L. 112-2 du code de l'éducation.
La rédaction proposée pour l'article L. 112-1 affirme tout d'abord l'obligation, pour le service public de l'éducation, d'assurer « une formation scolaire, supérieure ou professionnelle aux enfants et adolescents présentant un handicap ou un trouble de santé invalidant ».
L'obligation scolaire se substitue donc à l'obligation éducative. Cette dernière recouvre une notion plus large que celle d'obligation scolaire, puisqu'elle associe, à l'action pédagogique, des aides spécifiques à l'état de la personne handicapée (actions psychologiques et thérapeutiques notamment). Toutefois, elle a souvent été entendue comme une manière de dispenser l'enfant handicapé de l'obligation scolaire de droit commun.
La priorité donnée à la scolarisation, individuelle ou collective, en milieu ordinaire est ainsi réaffirmée. Elle doit, autant que possible, avoir lieu dans l'école publique ou privée sous contrat la plus proche du domicile de l'enfant et peut être entreprise dès l'école maternelle. En cas de nécessité, l'obligation scolaire est assurée, comme c'est le cas actuellement, par les établissements de santé et médico-sociaux ou grâce à l'enseignement par correspondance.
Des actions pédagogiques, psychologiques, sociales, médicales, paramédicales, mais également éducatives, peuvent compléter la formation scolaire si l'état de la personne handicapée le requiert. Ces actions sont mises en oeuvre dans le cadre d'un projet individualisé, élaboré par l'équipe pluridisciplinaire, placée auprès de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées, et par les parents de l'enfant (ou son représentant légal). Cette équipe, dont la constitution sera vraisemblablement identique à celle de l'actuelle équipe technique attachée à la CDES, est la même que celle qui détermine les besoins de la personne handicapée dans le cadre de la procédure de compensation (articles L. 114-6 et L. 146-4 nouveaux du code de l'action sociale et des familles, introduits par les articles 2 et 28 du texte).
L'article L. 112-2, tel que modifié par le présent projet de loi, indique que cette équipe pluridisciplinaire procède régulièrement à une évaluation des compétences et des besoins de l'enfant, afin d'adapter son parcours de formation à l'évolution de ceux-ci.
Le paragraphe IV procède ensuite à la codification (article L. 112-3) des dispositions de l'article 33 de la loi n° 91-73 du 18 janvier 1991 susmentionnée et renvoie à un décret en Conseil d'État le soin de fixer les conditions du choix des jeunes sourds entre la communication bilingue et la communication orale et les dispositions à prendre par les établissements et services concernés pour garantir le respect de ce choix dans le cadre de l'enseignement qu'ils dispensent.
En conséquence, l'article 33 susmentionné est abrogé.
Enfin, un nouvel article L. 112-4 est introduit dans le code de l'éducation par le paragraphe V du présent article. Il vise à prévoir des dérogations pour les candidats handicapés, quel que soit la nature du handicap, lors du passage des examens et des concours, dans des conditions fixées par voie réglementaire. Ces dérogations pourront s'appliquer aux épreuves écrites, orales et pratiques et inclure l'octroi d'un temps supplémentaire, la présence d'un assistant ou la mise à disposition d'un équipement adapté.
Un décret sera pris par le ministre chargé de l'éducation nationale pour préciser l'application de ces mesures dérogatoires, en remplacement de la circulaire n° 2003-100 du 26 juin 2003 relative à l'organisation des examens et concours de l'enseignement scolaire et supérieur pour les candidats en situation de handicap.
II - La position de votre commission
Soucieuse de l'application effective du droit à l'éducation sans discrimination, en particulier au profit des enfants handicapés pour lesquels la scolarisation constitue un moyen essentiel d'intégration, votre commission est très favorable à la confirmation explicite de ce principe pour ces derniers et à la responsabilisation entière de l'éducation nationale dans ce domaine.
Elle approuve de ce fait l'affirmation de l'unicité de la mission pédagogique sous l'égide de l'éducation nationale assurée, autant que possible, dans l'établissement situé à proximité du domicile de la famille et complétée par les actions complémentaires rendues nécessaires par le handicap.
Votre commission est en outre convaincue du bien-fondé de l'abandon de la référence à l'éducation spéciale, trop souvent opposée à l'éducation en milieu ordinaire. Elle en attend une complémentarité des interventions au bénéfice de l'enfant ou de l'adolescent handicapé pour lui permettre de bénéficier d'un parcours de formation adapté et le plus régulier possible, y compris dans l'enseignement supérieur. A cet égard, le respect du projet de vie de l'enfant et de sa famille lui paraît constituer une priorité absolue.
Elle rappelle toutefois que l'application effective du principe de l'obligation scolaire est également fonction de l'accessibilité des locaux scolaires, qui est de la compétence des collectivités territoriales (les communes pour les écoles, les départements pour les collèges et les régions pour les lycées) et des établissements d'enseignement supérieur.
Concernant les dispositions relatives aux examens et aux concours, votre commission se réjouit de l'affirmation de ce principe d'égalité des chances et de son inscription dans la loi, qui lui confère une sécurité juridique, la circulaire ayant été parfois décrétée insuffisante par le juge administratif.
Votre commission souhaite néanmoins parfaire ce dispositif et vous propose donc, outre un amendement de coordination, sept amendements visant à encadrer ces dispositions avec les objectifs suivants :
- préciser, dans l'article L. 112-1 du code de l'éducation, que tout enfant handicapé est inscrit dans l'établissement scolaire le plus proche de son domicile, qui constitue son établissement de référence. Cette disposition permettra notamment à l'éducation nationale de connaître ces élèves, même s'ils poursuivent une formation adaptée dans d'autres structures ;
- mettre à la charge de la collectivité territoriale compétente en matière d'accessibilité des locaux les surcoûts engendrés par l'accueil, dans un établissement plus éloigné, d'un élève handicapé ayant fait l'objet d'une décision d'intégration scolaire en milieu ordinaire, lorsque son établissement de référence n'est pas accessible ;
- préciser que l'évaluation de l'enfant par l'équipe disciplinaire est renouvelée à un rythme fixé en accord avec le souhait de ses parents et qu'elle concerne également les résultats obtenus par les dispositifs déjà mis en oeuvre dans le cadre du parcours scolaire ;
- faciliter le passage souple d'un type d'établissement à l'autre, notamment vers le milieu ordinaire dès que ce passage s'avère possible ;
- rendre obligatoire l'introduction des dispositions relatives aux adaptations prévues pour les candidats handicapés dans les règlements des examens et concours ;
- reconnaître l'utilisation du langage des signes ou du langage parlé complété lors d'une épreuve orale ;
- enfin et surtout, inscrire dans la loi l'obligation de formation initiale et continue des enseignants à l'accueil des élèves handicapés afin de lever les trop nombreuses réticences existant en la matière au sein de l'éducation nationale. Cette mesure phare du Plan Ferry du 21 janvier 2003 trouvera ainsi une traduction législative qui en assurera l'application effective.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.