CHAPITRE III
-
Cadre bâti, transports et nouvelles technologies
Article 21
(art. L. 111-7 à L. 111-7-4, L. 111-8-3-1
et L. 111-26
du code de la construction et de
l'habitation)
Accessibilité du cadre bâti
Objet : Cet article vise à renforcer les obligations des constructeurs et propriétaires de bâtiments, quels qu'ils soient, en matière d'accessibilité aux personnes handicapées.
I - Le dispositif proposé
Le présent article vise à donner une portée nouvelle au principe de l'accès de tous à tout, en complétant l'affirmation du principe d'accessibilité, déjà présent dans la loi du 30 juin 1975, par des obligations concrètes et par une limitation des dérogations possibles.
Le paragraphe I donne une nouvelle rédaction à l'article L. 111-7 du code de la construction et de l'habitation, auquel il ajoute quatre nouveaux articles. Ces articles renvoient à un ensemble de décrets le soin de déterminer le détail du dispositif dont ils encadrent la portée.
Si les catégories de bâtiments visées par le nouvel article L. 111-7 sont inchangées par rapport au droit en vigueur, l'affirmation du principe d'accessibilité est renforcée sur deux points :
- son champ est étendu des dispositions architecturales et des aménagements aux équipements mêmes des locaux visés par l'obligation ;
- l'accessibilité n'est plus définie comme la seule possibilité pour une personne circulant en fauteuil roulant d'accéder au cadre bâti : les constructeurs devront désormais tenir compte de l'ensemble des handicaps, physique mais aussi sensoriel, mental ou psychique.
Les articles L. 111-7-1 à L. 111-7-4 précisent les modalités de mise en oeuvre de l'obligation d'accessibilité posée par l'article L. 111-7 :
- l'article L. 111-7-1 impose une obligation stricte d'accessibilité pour les bâtiments nouveaux : en matière de construction nouvelle, aucune dérogation n'est prévue, seules des modalités particulières pour les maisons individuelles seront autorisées ;
- l'article L. 111-7-2 prévoit une obligation de mise en accessibilité à l'occasion de tous travaux de rénovation : le champ de cette obligation est plus restreint que le précédent, car elle ne concerne que les bâtiments d'habitation et ne s'applique qu'à compter d'un seuil entre le coût des travaux et la valeur du bâtiment. Des dérogations motivées pourront également être autorisées pour des raisons techniques, architecturales et économiques ;
- l'article L. 111-7-3 précise les obligations particulières applicables aux établissements recevant du public (ERP) : une obligation d'accessibilité de l'ensemble des ERP existants est posée, ce qui signifie la possibilité, pour toute personne handicapée, d'y accéder et de circuler dans les parties ouvertes au public. Le niveau d'exigence en matière d'accessibilité, défini par décret, pourra varier en fonction de la catégorie d'ERP et des prestations qu'il fournit. Des dérogations motivées seront autorisées, dans les mêmes conditions que pour les locaux d'habitation, éventuellement sous une condition de mise en oeuvre de mesures de substitution. Les décrets fixeront, en outre, un délai limite pour la mise en accessibilité totale de ces établissements ;
- l'article L. 111-7-4 renforce les conditions du contrôle du respect des règles d'accessibilité : à l'occasion de tous travaux soumis à permis de construire, le maître d'ouvrage sera tenu de présenter, à l'achèvement des travaux, un document attestant de la prise en compte des exigences d'accessibilité. Cette attestation devra être établie soit par un contrôleur technique soit par une personne physique ou morale satisfaisant à des critères de compétence et d'indépendance fixés par décret.
Le paragraphe II complète les pouvoirs de sanctions de l'autorité administrative (c'est-à-dire, selon le cas, du maire, du président de l'EPCI ou du préfet) en cas de non-respect des règles d'accessibilité, par un droit de fermeture de l'établissement fautif. Cette règle ne trouvera naturellement à s'appliquer qu'à l'expiration du délai prévu par le présent article pour la mise en conformité de l'ensemble de ces établissements.
Le paragraphe III intègre la vérification du respect des règles d'accessibilité dans les missions des contrôleurs techniques chargés de vérifier la solidité des bâtiments et le respect des normes de sécurité par les constructeurs.
Le paragraphe IV prévoit enfin que l'attribution des aides publiques à la construction sera désormais conditionnée au respect des règles d'accessibilité, la preuve de la prise en compte de ces règles devant être apportée par le maître d'ouvrage grâce à la production d'un dossier spécifique. Si l'autorité qui a accordé une subvention s'aperçoit par la suite que ces règles n'ont pas été respectées, notamment si le maître d'ouvrage ne peut pas produire l'attestation prévue au L. 111-7-4, elle pourra en exiger le remboursement.
II - La position de votre commission
Votre commission ne peut qu'approuver le renforcement de l'obligation d'accessibilité auquel procède cet article. Elle se félicite notamment de l'adoption d'un principe de stricte accessibilité pour les bâtiments neufs et de la fixation d'un délai limite pour la mise en accessibilité des établissements recevant du public existants.
Pourtant au regard de la situation actuelle, elle juge indispensable la mise en oeuvre d'une politique plus volontariste encore, afin de rompre avec la logique de la loi du 30 juin 1975 pour laquelle la mise en accessibilité progressive du cadre bâti est rapidement devenue synonyme d'inachèvement.
A cet effet, elle vous propose donc :
- d' étendre à tous les types de bâtiments existants l'obligation de mise en accessibilité à l'occasion de travaux imposée par le projet de loi aux seuls bâtiments d'habitation : votre commission estime qu'un tel principe n'est pas incompatible avec l'idée d'un délai limite pour les établissements recevant du public. Il s'agit en effet d'éviter qu'à l'occasion de travaux entrepris durant cette période de transition, les propriétaires repoussent la mise en accessibilité à plus tard et fassent ensuite pression pour qu'un délai supplémentaire leur soit accordé ;
- de supprimer le seuil à partir duquel l'obligation de mise en accessibilité à l'occasion de travaux s'applique : dès lors en effet que la loi prévoit la possibilité de dérogations motivées, il n'y a pas de raison d'exclure a priori du champ de cette obligation certains bâtiments pour la seule raison du coût des travaux. Votre commission reconnaît en revanche la nécessité de prévoir, comme en matière de construction neuve, des modalités particulières pour la mise en accessibilité des logements individuels : il paraît en effet difficile d'imposer aux propriétaires de logements individuels une stricte obligation de mise en accessibilité, dès lors que ces logements ne sont pas occupés par des personnes ayant des besoins particuliers en matière d'accessibilité. Les modalités particulières envisagées pourraient être une simple obligation de rendre le logement adaptable, c'est-à-dire de prévoir des aménagements qui ne fassent pas obstacle à une mise en accessibilité future ;
- de limiter aux seuls motifs techniques l'octroi de dérogations à l'obligation de mise en accessibilité des bâtiments à l'occasion de travaux : si de telles dérogations peuvent en effet se justifier (inexistence de solutions d'accessibilité en l'état des techniques connues, impossibilité de réaliser les travaux nécessaires du fait d'une fragilité particulière du bâtiment faisant courir un risque aux habitants...), l'invocation d'un éventuel motif architectural ou économique paraît une justification insuffisante et laisse la porte ouverte à de nombreux abus.
- d' étendre à toutes les constructions et à tous les travaux soumis à permis de construire la règle selon laquelle ce dernier ne peut être délivré qu'à condition que les travaux envisagés respectent les règles d'accessibilité , afin de permettre un meilleur contrôle a priori de la prise en compte de l'exigence d'accessibilité par les promoteurs.
- de soumettre les propriétaires d'établissements recevant du public en contravention avec les règles d'accessibilité à une astreinte après mise en demeure par le préfet .
Votre commission attache une importance particulière à la mise en accessibilité des établissements recevant du public, car elle estime que l'inaccessibilité des locaux ne doit pas avoir pour conséquence de priver les personnes handicapées de l'accès aux services et prestations qu'ils délivrent.
Il lui paraît donc nécessaire d'encadrer dans des limites strictes le délai dans lequel ces établissements devront être mis en accessibilité. Elle vous propose de préciser que ce délai, dont la durée exacte sera fixée par décret, ne pourra excéder dix ans .
Elle vous invite également à assortir toute dérogation aux règles d'accessibilité accordée à un établissement recevant du public d'une obligation de mettre en place un dispositif de substitution. Celle-ci permettra à tout le moins à la personne handicapée d'accéder aux services et prestations offertes par cet établissement, même si l'accès doit avoir lieu selon d'autres modalités. Afin de garantir son sérieux, la mesure de substitution devra être approuvée par l'autorité administrative compétente, après avis de la commission communale d'accessibilité.
Votre commission a enfin souhaité prévoir une règle particulière concernant les établissements scolaires , afin d'éviter que des situations d'inaccessibilité des locaux puissent compromettre une intégration en milieu scolaire ordinaire : dans un tel cas, la collectivité compétente (commune, département ou région) sera tenue d'effectuer les travaux de mise en accessibilité sans délai.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.