III. L'ANNEXE V DU PROTOCOLE

Aujourd'hui, le Parlement doit se prononcer précisément sur l'approbation de l'annexe V au protocole de Madrid qui a été adoptée séparément du protocole et de ses quatre premières annexes.

L'annexe V relative à la protection et la gestion des zones a été adoptée deux semaines après le traité de 1991. Elle devait être ratifiée séparément. Elle est entrée en vigueur le 24 mai 2002 (rapport final de la Vingt-cinquième réunion consultative -Varsovie 2002-). En effet, seule son approbation par les parties consultatives, et non sa ratification, est exigible pour son entrée en vigueur. Toutes les autres Parties consultatives 4 ( * ) (dont désormais l'Ukraine) au Traité sur l'Antarctique plus la Roumanie ont signé l'Annexe V et l'ont ratifiée.

Celle-ci a pour objet la création et la gestion de deux grandes catégories de zones sur le continent antarctique qui concernent précisément l'environnement et la recherche scientifique ainsi que le règlement des éventuels conflits.

- Les « zones spécialement protégées de l'Antarctique », destinées à protéger des valeurs environnementales, scientifiques, historiques ou esthétiques exceptionnelles, ou l'état sauvage de la nature, ou la recherche scientifique en cours ou programmée (article 3). L'accès à une telle zone est interdit à toute personne non munie d'un permis délivré, aux termes de l'article 7, par une autorité compétente désignée par chaque Partie.

Il convient d'apporter quelques précisions relatives aux autorités qui ont le droit de vérifier que les permis d'accès aux « zones spécialement protégées de l'Antarctique » et à la façon dont ce contrôle est organisé.

Conformément au Protocole au Traité sur l'Antarctique relatif à la protection de l'environnement en Antarctique (Madrid, 1991), certaines activités ne peuvent être envisagées que lorsqu'un permis aura été obtenu. Tel est le cas, par exemple, de la prise de faune ou de flore indigènes et de l'entrée dans une « zone spécialement protégée de l'Antarctique » (ZSPA).

Dans les deux cas, le Protocole de Madrid précise que le permis est « une autorisation écrite formelle délivrée par une autorité compétente »6. Le Protocole de Madrid précise que l'expression « autorité compétente » désigne « toute personne ou organisme autorisé par une Partie à délivrer des permis conformément » à l'Annexe II du Protocole de Madrid sur la conservation de la faune et de la flore de l'antarctique7. Seul un permis délivré par une autorité nationale compétente conformément aux dispositions du plan de gestion peut lever l'interdiction d'entrer dans les « zones spécialement protégées de l'Antarctique » (ZSPA). En conséquence, chaque Partie au Protocole de Madrid désigne une autorité compétente pour délivrer des permis autorisant l'accès à une des « zones spécialement protégées de l'Antarctique » (ZSPA).La gestion des zones répondra aux règles adoptées dans un plan de gestion.

Par la loi du 15 avril 2003, la France a mis en oeuvre le Protocole de Madrid. Toute activité qui sera menée en Antarctique fera l'objet d'une déclaration ou d'une autorisation préalable. La loi renvoie à un décret en Conseil d'Etat la fixation des modalités d'application du régime de déclaration préalable et d'autorisation. Il déterminera, notamment, les autorités compétentes pour la délivrance des autorisations, le contenu et les modalités de mise en oeuvre de l'évaluation préalable d'impact et la procédure applicable aux déclarations et aux demandes d'autorisation.

Le Projet de décret portant application de la loi n° 2003-347 du 15 avril 2003 relative à la protection de l'environnement en Antarctique prévoit que l'Administrateur supérieur des Terres australes et antarctiques françaises statue sur les demandes de permis au titre de l'annexe V. Le projet de décret prévoit que sont soumises à autorisation « les activités relatives à la pénétration dans une zone spécialement protégée de l'Antarctique ou une zone spéciale de l'Antarctique au sens de l'annexe V du protocole de Madrid ».

Dès 1991, les Parties consultatives ont précisé qu'il revient à l'autorité compétente pour délivrer le permis d'exiger que l'activité planifiée soit conforme à toutes les dispositions du Protocole de Madrid avant la délivrance de celui-ci (paragraphe 94, du Rapport final de la Seizième réunion consultative, Bonn, 1991). En conséquence, il appartient aux Etats de désigner quelles sont les autorités compétentes pour octroyer un permis. Il semble donc qu'il appartient aux Etats de vérifier également le respect des dispositions du Protocole de Madrid.

On doit rappeler que, comme le Protocole est mis en oeuvre à l'échelle mondiale et que les autres parties au Protocole ont instauré des processus d'autorisation, et afin d'éviter les chevauchements lorsqu'un permis est requis, un permis ou une autorisation écrite équivalente d'une autre partie au Protocole peut remplacer un permis exigé par les autorités françaises.

Les activités autorisées par un autre Etat partie au Protocole de Madrid n'auront pas besoin de faire l'objet d'une déclaration préalable ou d'une autorisation. N'importe quelle activité est ainsi concernée. Ce principe de réciprocité se justifie par la coopération qui reste le principe régissant les relations entre les Etats parties. L'article 7, §5 du Traité sur l'Antarctique exige des Etats parties donner notification préalable « de toutes les expéditions se dirigeant vers l'Antarctique ou s'y déplaçant, effectuées à l'aide de ses navires ou par ses ressortissants, de toutes celles qui seront organisées sur son territoire ou qui en partiront ; de l'existence de toutes stations occupées dans l'Antarctique par ses ressortissants et de son intention de faire pénétrer dans l'Antarctique du personnel ou du matériel militaires quels qu'ils soient ».

Ce système devrait permettre à la France de connaître des autorisations accordées par un autre Etat partie et donc de ne pas exiger de ceux qui envisagent des activités dans la zone du Traité sur l'Antarctique une nouvelle autorisation ou déclaration.

Le Traité sur l'Antarctique ne prévoit pas d'autorité supranationale pas plus que ne le fait le Protocole de Madrid. Il appartient donc à chaque Etat de définir les autorités compétentes pour octroyer un permis. Le permis est une autorisation accordée par une autorité compétente. Dans la mesure où les permis seront octroyés par l'Administrateur des Terres australes et antarctiques françaises, si un permis est considéré comme non valide, on pourrait très bien envisager un contrôle de légalité par la voie du recours pour excès de pouvoir ou par celle de l'exception d'illégalité.

S'il s'agit de vérifier sur le site l'existence d'un permis, il semble que le chef de district soit compétent. En effet, les attributions des Chefs de circonscriptions administratives dans le Territoire des Terres australes et antarctiques françaises ont été définies par l'Administrateur supérieur en 196310. Dans sa circonscription administrative, il est le délégué permanent du Chef du territoire, à savoir l'Administrateur supérieur. Les pouvoirs des chefs de districts sont fixés par arrêtés de l'Administrateur supérieur.

Il appartient à chaque Partie proposant la désignation d'une « zone spécialement protégée de l'Antarctique » (ZSPA) ou d'une « zone gérée spéciale de l'Antarctique » (ZGSA) de définir la protection environnementale dans la zone. Son projet est soumis au Comité pour l'environnement et à l'approbation de la réunion consultative. Chaque partie doit alors exiger de ses nationaux de respecter les protections des « zones spécialement protégées de l'Antarctique » (ZSPA) à travers des procédures nationales. De ce fait, les exigences de l'annexe d'un échange d'informations11 représentent un trait important pour évaluer la conformité.

L'Annexe V du Protocole de Madrid prévoit un mécanisme d'échange d'informations. L'article 10 de l'Annexe V développe les procédures à suivre pour l'échange d'informations. Ainsi, les Parties devront avant le 30 novembre de chaque année s'informer les unes les autres et informer le Comité pour la protection de l'environnement du nombre de permis d'entrer dans une « zones spécialement protégées de l'Antarctique » (ZSPA) délivrés, des mesures prises pour mettre en oeuvre l'annexe V et de toutes les inspections/visites de zones protégées.

De plus, les Etats parties incluront dans l'échange d'information annuel du Traité sur l'Antarctique des descriptions sommaires des activités entreprises dans les « zones spécialement protégées de l'Antarctique » (ZSPA) et les « zones gérées spéciales de l'Antarctique » (ZGSA).

La France a présenté un plan de gestion révisée à la Vingt-sixième réunion consultative (Madrid, 2003). Un rapport de visite est exigé. Il sera mis à la disposition du public.

De plus, le Protocole de Madrid prévoit que « chaque Partie déploie les efforts appropriés, compatibles avec la Charte des Nations unies, afin que nul ne s'engage dans une activité quelconque qui soit contraire au [...] protocole ». Les Etats ont ainsi une obligation de contrôle de toutes les activités antarctiques. L'obligation s'applique en toute circonstance, même en l'absence de dommage. Le Protocole de Madrid ne précise pas plus quels sont les « efforts appropriés ». Il suffit juste qu'ils soient compatibles avec la Charte des Nations Unies. L'arsenal qui est ainsi à la disposition des Etats parties est vaste. Ces mesures sont diverses. L'idée d'« effort » semble encore plus large. Les Parties consultatives ont ici un rôle précis en cas de non-respect des dispositions du Protocole de Madrid. Les réunions consultatives sont chargées d'appeler l'attention de tout Etat qui n'est pas Partie au Protocole de Madrid « sur toute activité de cet Etat, de ses organismes, entreprises publiques, personnes physiques ou morales, navires, aéronefs ou autres moyens de transport, qui porte atteinte à la mise en oeuvre des objectifs et principes du présent Protocole ».

Le Protocole de Madrid précise que lorsqu'un Etat adopte de telles mesures, il le notifie à tous les autres Etats parties (article 13, paragraphe 3). Pour qu'une telle procédure ait un effet certain, un schéma d'information est prévu : chaque Partie appelle l'attention de toutes les autres Parties sur toute activité qui, selon elle, porte atteinte à la mise en oeuvre des objectifs et principes du protocole. Les réunions consultatives donnent alors lieu à des échanges de vues approfondis sur la mise en oeuvre du Protocole de Madrid.

Les réunions consultatives jouent un rôle important dans la coordination à mener entre les zones protégées antérieures à l'Annexe V et les zones protégées adoptées depuis l'entrée en vigueur du Protocole de Madrid.

On peut également rappeler que les annexes font partie intégrante du Protocole de Madrid. En conséquence, leur respect par les Etats parties peut être contrôlé dans le cadre du mécanisme d'inspection établi en 1959 par le Traité sur l'Antarctique. En effet, le Protocole de Madrid prévoit qu' « afin de promouvoir la protection de l'environnement en Antarctique et des écosystèmes dépendants et associés, et d'assurer le respect du présent Protocole, les Parties consultatives au Traité sur l'Antarctique prennent, individuellement ou conjointement, des dispositions pour procéder à des inspections qui seront effectuées par des observateurs conformément à l'article VII du Traité sur l'Antarctique ».

Des observateurs peuvent donc être désignés. Ils auront accès à « toutes les régions de l'Antarctique, toutes les stations et installations, tout le matériel s'y trouvant, ainsi que tous les navires et aéronefs aux points de débarquement et d'embarquement de fret ou de personnel dans l'Antarctique »16. Ils préciseront dans leurs rapports rendus publics les violations au traité. En conséquence le respect de l'Annexe V du Protocole de Madrid est assuré par les garanties classiques offertes dans le système du Traité sur l'Antarctique : un mécanisme d'échange d'information et un mécanisme d'inspection.

- Les « zones gérées spéciales de l'Antarctique » visent, quant à elles, à faciliter la planification et la coordination des activités, à éviter d'éventuels conflits et à améliorer la coopération entre les Parties impliquées dans ces zones, tout en minimisant les répercussions sur l'environnement (article 4).

On peut essayer de donner des exemples concrets des conflits visés par cet article 4.

Certes, la France n'ayant pas de zone gérée spéciale en Antarctique , nous n'avons pas d'expérience particulière dans ces "ASMA" (Antarctic Specially Managed Areas). Toutefois, par exemple, une ASMA peut être créée sur un site où deux ou plusieurs stations de nations différentes coexistent. Il y a alors un plan de gestion qui définit les utilisations du site par les uns et par les autres, et généralement, ce plan de gestion contient également un code de conduite qui aide à aplanir les éventuelles difficultés de cohabitation et à encourager les coopérations internationales, notamment en matière de recherche scientifique: ce sont probablement les « éventuels conflits » mentionnés à l'article 4.

On pourrait imaginer par exemple que deux équipes de recherche souhaitent travailler sur une même colonie d'oiseaux et que leurs recherches soient incompatibles. L'ASMA crée donc, par son plan de gestion, une possibilité de concertation, de planification et de collaboration des activités.

De même, on parle beaucoup des effets cumulatifs des activités humaines. Une ASMA permet d'avoir une meilleure visibilité des activités des uns et des autres et donc d'envisager de les coordonner pour réduire les impacts sur l'environnement.

L'exemple le plus démonstratif est celui de Deception Island, où cohabitent les pays suivants : Argentine, Chili, Norvège, Espagne et Royaume-Uni.

Qu'il s'agisse d'une zone de la première ou de la deuxième catégorie, sa création résulte d'une initiative d'une partie « consultative », définie précédemment, ou d'une des institutions du « système Antarctique » (Comité pour la protection de l'environnement, Comité scientifique pour la recherche en Antarctique, Commission pour la protection de la faune et de la flore marines de l'Antarctique).

Elle est obligatoirement conditionnée par la soumission d'un plan de gestion du projet de zone à la conférence consultative du traité de l'Antarctique.

Il est important de souligner que l'article 5 de l'annexe précise les éléments indispensables qui doivent figurer dans le plan de gestion, les conditions de délivrance des permis d'accès aux « zones spécialement protégées » et le contenu du code de conduite devant être élaboré dans les « zones gérées spéciales » de l'Antarctique.

On peut également relever deux points intéressants :

- Les sites et monuments historiques peuvent constituer en eux-mêmes une « zone spécialement protégée », être situés à l'intérieur de telles zones, ou être proposés par une partie consultative pour être inscrits sur la liste des sites et monuments historiques quand leur valeur historique est reconnue, même s'ils n'ont pas fait l'objet d'un zonage spécifique (article 8).

A titre d'exemple, la France a actuellement trois Sites et Monuments Historiques Antarctiques inscrits, relevant de l'article 8 de l'Annexe V du Protocole de Madrid reconnus en 1985 :

- les  bâtiments et installations à Port-Martin, Terre Adélie (66°49'S, 141°23'E). Construits en 1950 par la troisième expédition française, les bâtiments et installations permanentes de la base de Port-Martin ont été partiellement détruits du fait d'un incendie survenu durant la nuit du 23 au 24 janvier 1952.

- un bâtiment sur l' Ile des Pétrels, Terre Adélie (66°41'S, 140°01'E). Il s'agit d'une construction en bois appelée « Base Marret » où hivernèrent 7 hommes sous le commandement de Mario Marret en 1952 à la suite de l'incendie à la base de Port Martin.

- une croix sur l' Ile des Pétrels, Terre Adélie (66°41'S, 140°01'E), érigée au nord-est de l'île en mémoire de André Prudhomme, chef météorologue de la troisième expédition française entreprise à l'occasion de l'Année internationale de Géophysique et qui disparut durant une tempête le 7 janvier 1959.

Ces sites sont considérés comme représentatifs de cette partie de l'histoire de l'Antarctique appelée Ere Héroïque dont ils illustrent la phase finale.

Les TAAF (administration des terres australes et antarctiques françaises) ont un projet de demande de classement pour un autre site : Le rocher du débarquement (66°29'S et 138°21'E), site qui serait proposé comme «Lieu du débarquement en Terre Adélie par Dumont d'Urville et de prise de possession par la France» ou comme "Lieu du premier débarquement de l'Homme sur le continent antarctique". Pour l'instant, le projet de soumission n'est pas finalisé.

- Afin de préserver les individus, la faune et la flore de l'Antarctique, les restrictions définies par l'annexe V sont levées en cas d'urgence mettant en jeu leur sécurité (article 11).

* 4 Cf. Annexe III.

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