Article 72
(art. L. 626-4,
L. 626-4-1 et L. 626-4-2 nouveaux du code de
commerce)
Propositions pour le règlement des dettes du
débiteur
Cet article, modifié par l'Assemblée nationale, tend à créer trois articles du code de commerce afin de définir la nature et les conditions dans lesquelles les créanciers du débiteur peuvent remettre certaines dettes du débiteur ou accorder des délais de règlement.
Toutefois, ces dispositions ne seraient pas applicables à tous les créanciers. En effet, les membres des comités de créanciers décideront, selon d'autres modalités, du règlement des dettes des débiteurs à leur égard, en application des articles L. 626-26 et suivants du code de commerce, dans leur rédaction issue de l'article 92 du présent projet de loi.
Article L. 626-4 du code de
commerce
Elaboration des propositions pour le règlement des dettes
La nouvelle rédaction proposée pour l'article L. 626-4 du code de commerce reprendrait, sans modification majeure, les dispositions figurant aux premier et second alinéas de l'article L. 621-60 du même code.
Comme à l'heure actuelle, les propositions de règlement des dettes devraient être, sous la surveillance du juge-commissaire, communiquées par l'administrateur :
- au mandataire judiciaire ;
- aux contrôleurs ;
- au comité d'entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel.
Cette communication effectuée, le mandataire judiciaire devrait ensuite recueillir individuellement ou collectivement l'accord des créanciers ayant déclaré leurs créances en application de l'article L. 622-22 du code de commerce. En cas de consultation par écrit, le défaut de réponse dans le délai de trente jours à compter de la réception de la lettre du représentant des créanciers vaudrait acceptation de la proposition de règlement présentée.
Le cas particulier actuellement applicable à l'AGS, pour la partie des avances qu'elle aurait effectuées bien qu'elle n'ait pas déclaré ses créances, serait maintenu.
Article L. 626-4-1 nouveau du code de
commerce
Remises de dettes consenties par les créanciers publics
Cet article accroîtrait les facultés actuellement offertes aux créanciers publics par le troisième alinéa de l'article L. 621-60 du code de commerce de consentir des remises de dettes au débiteur dans le cadre de la procédure de sauvegarde.
Dans sa rédaction actuelle, le troisième alinéa de l'article L. 621-60 autorise le Trésor public, les organismes de sécurité sociale et les institutions chargées de la gestion des garanties complémentaires des salariés à :
- consentir des remises de dettes ;
- accepter de céder des rangs de privilèges ou d'hypothèque, voire d'abandonner ces sûretés.
Les modalités de ces remises et abandons sont définies par les articles 179 à 181 du décret n° 85-1388 du 27 décembre 1985 151 ( * ) . En outre, l'article 1740 octies du code général des impôts prévoit une remise de plein droit des frais de justice et pénalités dues pour certains impôts et taxes avant le jugement d'ouverture de la procédure 152 ( * ) .
La rédaction retenue par le présent article pour l'article L. 626-4-1 nouveau du code de commerce introduirait trois innovations .
D'une part, de nouveaux créanciers publics seraient dorénavant admis à consentir des remises ou à abandonner des rangs d'hypothèque ou de privilège ou des sûretés . Le texte viserait, en réalité, les mêmes catégories de créanciers publics que celles mentionnées à l'article L. 611-7 du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'article 6 du présent projet de loi.
Seraient ainsi susceptibles d'accorder des remises ou des délais de paiement :
- l'ensemble des administrations financières, et non plus seulement le Trésor public ;
- les organismes de sécurité sociale et les institutions régies par le livre IX du code de la sécurité sociale :
- les institutions gérant le régime d'assurance chômage prévu par les articles L. 351-3 et suivants du code du travail 153 ( * ) .
D'autre part, une distinction serait instituée selon la nature des créances susceptibles de faire l'objet de remises , l'Assemblée nationale, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, ayant précisé que ces dettes pourraient être remises dans leur totalité ou seulement en partie.
L'ensemble des impôts directs perçus au profit de l'Etat et des collectivités territoriales ainsi que des produits divers du budget de l'Etat dus par le débiteur pourrait également faire l'objet d'une remise.
S'agissant des impôts indirects perçus au profit de l'Etat et des collectivités territoriales, seuls les intérêts de retard, majorations, pénalités ou amendes pourraient faire l'objet d'une remise. Cette restriction s'explique en particulier par le fait que les impôts indirects, tels la taxe sur la valeur ajoutée, sont simplement collectés par les entreprises pour le compte de l'Etat.
A l'initiative de sa commission des lois, l'Assemblée nationale a souhaité préciser que les cotisations sociales salariales ne pourraient pas faire l'objet d'une remise en principal , dès lors que ces cotisations sont versées par l'entreprise pour le compte des salariés. Cette modification n'a cependant reçu qu'un avis de sagesse de la part du Gouvernement, ce dernier soulignant que le décret d'application prévu par le présent article devant résulter d'une négociation entre les partenaires sociaux, la nouvelle rédaction présageait en réalité de son issue.
En dernier lieu, le texte proposé ne permettrait les remises de créances publiques que « concomitamment à l'effort consenti par d'autres créanciers ». Il en résulte que les remises consenties par les créanciers publics seraient conditionnées par l'existence de remises émanant de créanciers privés, sans pour autant que cette exigence ait nécessairement pour effet de conditionner le montant ou les modalités des remises qui pourraient être acceptées par ces créanciers. Cette exigence est rendue nécessaire par les règles communautaires en matière d'aide d'Etat. En effet, les institutions communautaires n'autorisent l'octroi d'aides par les collectivités publiques à des entreprises, lorsqu'elles prennent la forme de remises de dettes, que si ces dernières s'effectuent de manière similaire à celles qui pourraient être consenties par des créanciers privés 154 ( * ) .
Les administrations financières auraient toujours la faculté de décider de céder des rangs de privilège ou d'hypothèque ou d'abandonner des sûretés . Toutefois, la rédaction proposée refuserait cette possibilité aux autres créanciers publics, alors même que ceux-ci, à commencer par les organismes de sécurité sociale, bénéficient de privilèges.
Votre commission estime que cette exclusion est dépourvue de toute justification économique ou juridique, d'autant que la cession de rang d'une sûreté ou l'abandon de cette dernière constitue un acte de moins grande ampleur que l'abandon de la créance elle-même. Elle vous soumet donc un amendement tendant à autoriser tous les créanciers publics précités à accorder au débiteur de telles mesures.
A l'initiative de sa commission des lois et de son président, M. Pascal Clément, l'Assemblée nationale a précisé que les décisions de remise de dette émanant des administrations financières ne pourraient être prises que « par l'autorité compétente dans le département, autant qu'elle pourra le faire dans des conditions fixées par décret ». Cette disposition a pour objet d'assurer que la décision de remise de dette interviendra avec célérité de la part des administrations financières, en évitant qu'elle soit retardée par un transfert du pouvoir de décision d'une autorité locale vers l'autorité centrale.
Votre commission estime qu'il sera nécessaire que les créanciers publics puissent remettre, dans des délais raisonnables, leurs créances. Cependant, en fonction des différents cas d'espèce, le niveau local ne sera pas nécessairement le plus approprié pour prendre la décision. C'est pourquoi il reviendra au pouvoir réglementaire de déterminer les hypothèses dans lesquelles la décision pourra, avec le plus d'efficacité, être prise au niveau local ou au niveau central.
Ayant précisé les conditions dans lesquelles les remises par les créanciers publics pourraient être consenties, l'Assemblée nationale a supprimé le dernier alinéa du texte proposé par la rédaction initiale du projet de loi qui prévoyait l'intervention d'un décret en Conseil d'Etat.
* 151 Article 179 du décret n° 85-1388 du 27 décembre 1985 : « Des remises, modérations ou transactions portant sur les créances fiscales peuvent être accordées aux entreprises soumises à la procédure de redressement ou de liquidation judiciaires dans les limites et conditions fixées par l'article L. 247 du livre des procédures fiscales.
« Dans le régime général du redressement judiciaire, l'administration statue sur les demandes écrites des représentants des créanciers dans le délai de six semaines suivant la date de leur présentation. Ce délai est porté à huit semaines lorsque l'administration doit consulter le comité du contentieux fiscal, douanier ou des changes. Dans la procédure simplifiée, elle statue dans un délai de quatre semaines qui est porté à six semaines en cas de consultation du comité.
« Les délais de trente jours et de quinze jours prévus aux articles R. 247-12 et R. 247-13 du livre des procédures fiscales ne sont pas applicables.
« Le défaut de réponse de l'administration dans les délais impartis vaut rejet des demandes. »
Article 180 : « Les cessions de rang de privilège ou d'hypothèque ou l'abandon de ces sûretés prévus au troisième alinéa de l'article L. 621-60 du code de commerce peuvent, sans extinction préalable de la créance, être accordés après consultation de la commission des chefs des services financiers prévue par le décret n° 78-486 du 31 mars 1978. Les frais afférents à ces opérations sont à la charge du débiteur. »
Article 181 : « Ont compétence pour accorder des remises les comptables du Trésor et le ministre du budget lorsqu'il s'agit de créances de l'Etat mentionnées à l'article 80 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique.
« Ils exercent cette compétence en tant que de besoin dans les conditions prévues par le décret n° 62-1587 du 27 décembre 1962 modifié portant régime général sur la comptabilité publique.
« Les avis que doit recueillir le ministre chargé du budget en application de l'article 91 du décret du 29 décembre 1962 précité sont remplacés par un avis donné par le comité du contentieux siégeant en formation restreinte comprenant les membres suivants :
« 1° Un conseiller maître à la Cour des comptes, président ;
« 2° Un maître des requêtes ou un auditeur au Conseil d'Etat ;
« 3° L'agent judiciaire du Trésor ou son représentant.
« Dans le régime général du redressement judiciaire, il est statué sur les demandes écrites des représentants des créanciers dans les six semaines suivant la date de leur présentation. Ce délai est porté à huit semaines en cas de consultation du comité en formation restreinte. Dans la procédure simplifiée, il est statué sur les demandes dans le délai de quatre semaines qui est porté à six semaines en cas de consultation du comité.
« Le défaut de réponse de l'administration dans les délais impartis vaut rejet des demandes. »
* 152 I de l'article 1740 octies : « I. - En cas de redressement ou de liquidation judiciaires, les frais de poursuite et les pénalités fiscales encourues en matière d'impôts directs et taxes assimilées dus à la date du jugement d'ouverture, de taxes sur le chiffre d'affaires et taxes assimilées dues à la date du jugement d'ouverture, de droits d'enregistrement, taxe de publicité foncière, droits de timbre et autres droits et taxes assimilés dus à la date du jugement d'ouverture sont remis, à l'exception des majorations prévues au 3 de l'article 1728 et aux articles 1729 et 1730 et des amendes fiscales visées aux articles 1740 ter, 1740 quater et 1827. »
* 153 Pour le détail des organismes couverts par cette disposition, voir supra, le commentaire de l'article 6 du présent projet de loi.
* 154 Cour de justice des Communautés européennes, 29 avril 1999, aff. C-342-96, Espagne c. Commission, Rec. CJCE p. I-2459 : « Lorsqu'une dette est annulée ou rééchelonnée par l'Etat, le critère permettant d'établir s'il s'agit ou non d'une aide tient à la question de savoir si, dans des conditions similaires, compte tenu de l'évolution probable du marché et de la situation de l'entreprise, un créancier privé aurait agi de la même façon, et donc si l'entreprise aurait obtenu de ce créancier privé la même annulation ou le même rééchelonnement ».