Article 77
(art. 626-8 du code de commerce)
Effets du plan sur les coobligés et les personnes
ayant souscrit une caution ou une garantie autonome

Cet article tend à réécrire l'article L. 626-8 du code de commerce afin de déterminer les conditions dans lesquelles les coobligés et les personnes ayant souscrit un engagement de caution ou une garantie autonome peuvent se voir opposer les dispositions du plan de sauvegarde ou se prévaloir de celles-ci . Cette disposition constitue l'une des innovations majeures de la nouvelle procédure de sauvegarde, qui la distingue notamment de la procédure de redressement tant actuelle que future.

1. Le droit en vigueur

Les créanciers d'une société ou d'un entrepreneur individuel sollicitent souvent la constitution de sûretés destinées à garantir le paiement de sommes d'argent dues en contrepartie de prestations qu'ils effectuent au profit du débiteur. Il s'agit, en général, d'une exigence sans laquelle le créancier refuserait de fournir une prestation quelconque à une entreprise. Les sûretés choisies sont souvent des sûretés personnelles , qui ont pour caractéristique de faire garantir le paiement d'une créance par une personne autre que le débiteur. Ces garanties peuvent prendre la forme d'une obligation de solidarité entre un tiers et le débiteur principal, d'un engagement de caution ou de la souscription d'une garantie autonome.

Dans la pratique, dans les petites et moyennes entreprises, ce type d'engagement est souvent exigé du dirigeant ou de l'un de ses proches. Ces engagements sont néanmoins également couramment souscrits par des établissements bancaires ou de crédit.

A l'heure actuelle, l'article L. 621-65 du code de commerce prévoit l'opposabilité des dispositions du plan de redressement à tous. Ce principe emporte comme conséquence le fait que les remises et délais de paiement éventuellement prévus par le plan s'imposent à l'ensemble des créanciers. Toutefois, cette situation n'empêche pas ceux-ci de poursuivre les personnes coobligées ou ayant souscrit un engagement de caution solidaire , l'article L. 621-65 prévoyant que celles-ci ne peuvent se prévaloir des dispositions du plan, par exception au principe, établi par le code civil, selon lequel « la remise ou la décharge conventionnelle accordée au débiteur principal libère les cautions » 155 ( * ) .

Cet état du droit offre une sécurité partielle au créancier. D'une part, seules les cautions simples peuvent se prévaloir des dispositions du plan à l'encontre du créancier poursuivant. D'autre part, ne visant pas les personnes ayant contracté un engagement de garantie autonome, le texte permet à ces dernières d'opposer au créancier qui en est bénéficiaire les dispositions du plan.

Théorie des coobligés, cautions et garanties autonomes

Pour s'assurer du paiement de sa créance, le créancier peut exiger qu'un tiers prenne l'engagement, au lieu et place du débiteur, d'exécuter une obligation de paiement.

Le créancier peut d'abord exiger une solidarité entre le débiteur et une autre personne, tous deux étant alors désignés par le terme de coobligés . Rappelons à cet égard que la solidarité est présumée en matière commerciale, à l'inverse du droit civil. Dans une telle hypothèse, le créancier peut poursuivre le débiteur de son choix en paiement du montant intégral de sa créance, à charge ensuite pour le codébiteur qui a payé d'agir contre le ou les autres coobligés en vue d'obtenir le remboursement des sommes qu'ils auraient dû supporter.

Pour garantir sa créance, le créancier peut également recourir au mécanisme du cautionnement , régi par les articles 2011 et suivants du code civil. Ce contrat unilatéral a pour objet d'engager une personne -appelée caution- à régler au créancier la dette contractée par le débiteur -dit débiteur principal- auprès de ce dernier, au cas où celui-ci n'exécuterait pas son obligation de paiement. Il peut s'agir d'un cautionnement simple ou d'un cautionnement solidaire qui implique alors une solidarité entre les cautions, ou entre ces dernières et le débiteur principal, ou encore entre chacune d'entre elles et celui-ci.

L'engagement de caution se dédouble également en cautionnement personnel et en cautionnement réel . Le cautionnement personnel engage la caution, sur la totalité de son patrimoine, à exécuter l'obligation du débiteur principal en cas de défaillance de ce dernier. Le cautionnement réel, création de la pratique, consiste pour la caution à fournir un droit de préférence sur l'un de ses biens, meuble ou immeuble. En vertu de la jurisprudence la plus récente, le cautionnement réel comporte néanmoins un engagement personnel de la caution, limité à la valeur du bien affecté à la garantie de la dette, ce qui implique que le créancier peut en réalité exercer ses poursuites sur tout le patrimoine de la caution, le bien affecté ne servant en quelque sorte que « d'étalon de mesure » permettant de déterminer l'étendue de l'engagement contracté par la caution.

En tout état de cause, la caractéristique essentielle de l'engagement de caution est son caractère accessoire par rapport à la dette principale . La caution s'engage en effet juridiquement à payer non une dette propre, mais la dette d'autrui. Il en découle qu'elle peut alors opposer au créancier du débiteur principal toutes les exceptions inhérentes à la dette principale, telle que la nullité ou l'extinction de celle-ci.

En contrepartie de son engagement, le créancier peut enfin requérir la constitution d'une garantie autonome , dont la forme la plus courante est la garantie à première demande. Cette sûreté, souvent constituée par un établissement de crédit, tend à garantir le paiement par un tiers d'une somme d'argent déterminée à un créancier à raison d'une dette contractée par le débiteur. Toutefois, à la différence du cautionnement, la garantie autonome n'a pas un caractère accessoire : la personne ayant souscrit la garantie ne s'est pas engagée à payer la dette d'autrui mais une somme déterminée, en vertu d'un engagement juridique qui lui est propre et est indépendant de l'engagement du débiteur. Cette différence majeure implique qu'aucune des exceptions inhérentes à la dette du débiteur principal ne peut alors être opposée au créancier poursuivant : le garant est tenu de payer, ce qui apporte une sécurité renforcée au créancier.

2. Les modifications proposées par le projet de loi

Le texte proposé par le présent article pour rédiger l'article L. 626-8 du code de commerce ouvrirait la possibilité aux personnes physiques coobligées ou qui auraient consenti un engagement de caution personnelle ou une garantie autonome de se prévaloir des dispositions du plan à l'encontre d'un créancier poursuivant.

Par rapport aux dispositions actuelles, trois différences majeures seraient instituées :

- en premier lieu, la distinction entre caution simple et caution solidaire disparaîtrait au profit d'une distinction entre caution personnelle et caution réelle. Ainsi, seules les cautions personnelles pourraient se prévaloir des dispositions du plan, peu important qu'il s'agisse de cautions simples ou de cautions solidaires ;

- en deuxième lieu, le texte proposé instaurerait une distinction entre les personnes physiques et les personnes morales, reprenant ainsi une summa divisio retenue par de nombreux textes législatifs en vigueur. Le bénéfice des dispositions du plan ne profiterait ainsi qu'aux personnes physiques coobligées ou ayant souscrit un engagement de caution personnelle ou une garantie autonome. Il s'agirait en effet de protéger les particuliers, à commencer par les dirigeants de l'entreprise ou leurs proches, auprès desquels le créancier aurait sollicité la conclusion d'un tel engagement ;

- en dernier lieu, les personnes physiques ayant consenti une garantie autonome pourraient désormais se prévaloir du plan.

Votre commission est favorable à cette évolution du droit en vigueur qui n'était guère justifié, tant sur le plan juridique que sur le plan économique. En outre, le changement proposé devrait avoir pour effet de ne pas dissuader les dirigeants d'entreprise ayant souscrit de tels engagements de solliciter l'ouverture d'une procédure de sauvegarde.

Toutefois, elle s'interroge sur la restriction apportée par le texte qui ne permettrait qu'aux personnes ayant souscrit un engagement de caution personnelle de tirer parti des dispositions du plan. Or, les personnes ayant, par exemple, fourni une caution hypothécaire doivent tout autant faire l'objet d'une protection.

Votre commission vous soumet, en conséquence, un amendement de réécriture globale tendant à permettre aux personnes physiques ayant souscrit un engagement de caution réelle de se prévaloir également des dispositions du plan.

La présente disposition marquerait l'une des différences majeures entre la procédure de sauvegarde et la procédure de redressement judiciaire, dans la mesure où, en vertu de l'article L. 631-16 dans sa rédaction proposée par l'article 102 du présent projet de loi, les cautions personnelles, coobligés et les personnes ayant consenti une garantie autonome ne pourraient se prévaloir des dispositions du plan.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 77 ainsi modifié .

* 155 Article 1287 du code civil.

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