Article 154
(art. L. 653-8 nouveau du
code de commerce)
Interdiction de gérer
Le présent article, modifié par l'Assemblée nationale, tend à actualiser le régime de l'interdiction de gérer en cas de mauvaise foi du débiteur.
1. Le droit en vigueur
L'interdiction de gérer définie à l'article L. 625-8 du code de commerce est une mesure plus douce que la faillite personnelle :
- ses effets sont modulables , ce qui permet une individualisation de la sanction. Le tribunal peut prononcer l'interdiction de gérer, de diriger, d'administrer ou de contrôler soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole, soit une ou plusieurs de celles-ci. De même, il peut condamner la personne morale tout en permettant au débiteur ou au dirigeant d'exercer une activité commerciale à titre individuel ou encore limiter l'interdiction à la direction de certaines sociétés ;
- les interdictions qu'elle entraîne sont plus limitées. Cette mesure ne s'accompagne pas de toutes les déchéances et interdictions attachées à la faillite personnelle, mais seulement de certaines interdictions professionnelles (interdiction d'exercer les fonctions d'officier public et ministériel, interdiction d'exercer une fonction publique élective).
Cette mesure, applicable aux mêmes personnes que celles visées par la faillite personnelle, peut être prononcée dans deux hypothèses :
- d'une part, en présence des mêmes cas d'ouverture que ceux de la faillite personnelle 359 ( * ) . Compte tenu de la liberté d'appréciation laissée au tribunal quelle que soit la gravité de la faute, celui-ci dispose toujours du choix de prononcer soit la faillite personnelle, soit l'interdiction de gérer (premier alinéa de l'article L. 625-8) ;
- d'autre part, lorsque le débiteur de mauvaise foi , qui n'aurait pas remis au représentant des créanciers la liste complète et certifiée de ses créanciers et le montant de ses dettes dans les huit jours suivant le jugement d'ouverture (second alinéa de l'article L. 625-8). Il s'agit d'un cas d'ouverture spécifique à cette mesure. Ajoutée par la loi du 10 juin 1994, cette hypothèse constituait, jusqu'à la présente réforme 360 ( * ) , la seule dans laquelle le débiteur pouvait être sanctionné pour des actes postérieurs à l'ouverture du jugement. Elle est destinée à assurer le respect de l'obligation imposée aux débiteurs de déclarer leurs dettes prévue par l'article L. 621-45 du code de commerce complété par l'article 69 du décret n° 85-1388 du 25 janvier 1985.
Une troisième hypothèse d'interdiction de gérer est prévue en cas de banqueroute à l'article L. 626-6 du code de commerce.
2. Les modifications prévues par le projet de loi
Le présent article propose de renuméroter l'article L. 625-8 qui deviendrait l'article L. 653-8 du code de commerce.
Le paragraphe I du présent article dans sa rédaction issue du projet de loi initial modifiait le premier alinéa pour actualiser les renvois aux cas d'ouverture de la faillite personnelle compte tenu de la nouvelle structure du livre VI du code de commerce.
Sur la proposition de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a supprimé ce paragraphe I compte tenu du tableau de concordance joint en annexe du projet de loi ( tableau I ).
Le paragraphe II du présent article, adopté sans modification par les députés, actualise le cas d'ouverture spécifique à l'interdiction de gérer par coordination avec les nouvelles dispositions prévues par le projet de loi.
En effet, le tableau I joint en annexe du projet de loi propose d'abroger l'article L. 621-45. L'obligation de remise de la liste certifiée des créanciers et des dettes ne serait pas supprimée mais reprise à l'article 25 du projet de loi (texte proposé pour l'article L. 622-6) qui impose au débiteur une obligation, plus large, d'apporter son concours à la réalisation de l'inventaire notamment en :
- remettant « à l'administrateur et au mandataire judiciaire la liste certifiée de ses créances, du montant de ses dettes et des principaux contrats en cours » ;
- informant les auxiliaires de justice des instances en cours qui le concerne ;
- complétant l'inventaire de ses biens dressé par les auxiliaires de justice.
Par coordination, le présent article propose donc d'élargir la liste des faits passibles de l'interdiction de gérer pour viser l'absence de communication des renseignements susmentionnés. Les faits sanctionnés au titre de l'interdiction de gérer jusque-là circonscrits au défaut de communication de la liste des créanciers et des dettes seraient donc étendus au défaut de communication de la liste des principaux contrats en cours, de la liste des biens, à l'absence d'indication des instances en cours. En outre, le respect de l'obligation de communication de renseignements s'imposerait comme actuellement à l'égard du représentant des créanciers -rebaptisé mandataire judiciaire- mais également vis à vis de l'administrateur et du liquidateur.
Comme actuellement, seul le débiteur de mauvaise foi pourrait être sanctionné. En revanche, le délai de communication serait assoupli puisqu'il serait porté de huit jours à un mois.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 154 sans modification .
* 359 Avant la réforme du 10 juin 1994, le champ d'application de l'interdiction de gérer était plus limité que celui de la faillite personnelle.
* 360 Voir le commentaire de l'article 152 du projet de loi qui ouvre la faillite personnelle au cas d'entrave au bon déroulement de la procédure.