Article 157
(art. L. 653-11 nouveau du
code de commerce)
Limitation de la durée des sanctions
professionnelles -
Nouveau cas de relèvement
Le présent article, modifié par l'Assemblée nationale, a pour objet de supprimer la durée minimale de la faillite personnelle et de l'incapacité de gérer, fixée à cinq ans, pour instaurer une durée maximale de quinze ans . Il propose également d'ajouter un nouveau cas de relèvement d'une mesure d'interdiction de gérer lorsque le débiteur présente des garanties quant à sa capacité à diriger une société.
1. Le droit en vigueur
Actuellement, le premier alinéa de l'article L. 625-10 du code de commerce confie au tribunal le soin de préciser la durée d'une mesure de faillite personnelle ou d'interdiction de gérer. Il pose cependant une limite au pouvoir du juge en précisant qu'elle ne peut être inférieure à cinq ans. Le tribunal peut ordonner l'exécution provisoire de sa décision. Les déchéances et les interdictions cessent de plein droit au terme de la mesure sans qu'un jugement soit nécessaire.
La Cour de cassation a estimé qu'il n'était pas possible de sanctionner l'intéressé indéfiniment 369 ( * ) . Cependant, certaines juridictions prononcent des sanctions d'une durée très longue (trente ans 370 ( * ) , voire cinquante ans 371 ( * ) ).
Les deuxième à quatrième alinéas précisent les conditions dans lesquelles la durée de ces sanctions peut être réduite.
Le deuxième alinéa prévoit que le jugement de clôture pour extinction du passif permet au chef d'entreprise ou au dirigeant de recouvrer tous ses droits et de le dispenser de toutes les interdictions et déchéances.
Le troisième alinéa ouvre au débiteur la possibilité de demander le relèvement de tout ou partie des déchéances et interdictions sous réserve d'avoir démontré avoir apporté une contribution suffisante au paiement du passif. Cette disposition est appliquée avec pragmatisme par les tribunaux. Il ressort de la jurisprudence qu'il n'est pas nécessaire que l'intéressé ait indemnisé totalement les créanciers 372 ( * ) . Les capacités contributives de l'intéressé peuvent être prises en compte ainsi que la part prise dans la constitution du passif.
Le dernier alinéa dispose que la décision du tribunal qui relève totalement le mis en cause des interdictions et des déchéances emporte réhabilitation sans qu'un nouveau jugement soit nécessaire.
2. Les modifications proposées par le projet de loi
Le tableau I annexé au projet de loi propose l'abrogation de l'article L. 625-10 du code de commerce. Les nouvelles règles relatives à la durée des sanctions personnelles figureraient à l'article L. 653-11 du code de commerce.
Outre l'actualisation du renvoi à l'interdiction de gérer, le droit actuel serait modifié sur quatre points.
D'une part, au premier alinéa, il est proposé de remplacer la durée minimale des sanctions personnelles par une durée maximale de quinze ans . Il s'agit de permettre au tribunal de donner une réponse proportionnée au comportement du débiteur . Les déchéances et interdictions -dont le sort est lié à celui de la sanction personnelle- seraient prononcées pour une durée identique dans la limite de quinze ans.
Par exception au principe posé à l'article 192 du projet de loi qui prévoit une entrée en vigueur différée au premier jour du septième mois suivant la publication de la loi, ce dispositif serait applicable dès la publication du présent projet de loi aux interdictions et déchéances prononcées à compter de la publication de la loi (a) de l'article 192 du projet de loi), aux mesures de faillite personnelle et d'interdictions et les interdictions et déchéances qui en découlent prononcées à titre définitif plus de quinze ans avant la publication de la loi (b) de l'article 192 du projet de loi) et aux procédures en cours en matière de sanctions professionnelles (7° de l'article 193 du projet de loi).
D'autre part, le présent article inverse la règle prévue à l'article 155 du décret du 27 décembre 1985 imposant l'interdiction de rendre les jugements prononçant la faillite personnelle ou l'interdiction de gérer exécutoires de plein droit à titre provisoire. Le tribunal se verrait reconnaître la faculté d'ordonner l'exécution provisoire de sa décision.
En outre, par coordination avec le rétablissement de l'interdiction d'exercer une fonction publique élective (article 156 du projet de loi), le présent article propose de mentionner cette déchéance s'agissant de la durée et du relèvement.
Enfin, le présent article ajoute un nouveau cas permettant le relèvement d'une mesure d'interdiction de gérer au bénéfice du débiteur qui démontre sa capacité à diriger ou contrôler une ou plusieurs entreprises, exploitation agricole ou toute personne morale. Cette formulation très générale laisse un large pouvoir aux magistrats. Les critères permettant d'apprécier cette capacité devraient être définis par un décret. Selon les informations fournies par le ministère de la justice, la participation à des sessions de formation ou l'accomplissement de stages pourraient par exemple être retenus comme des éléments probants.
L'Assemblée nationale a approuvé ce dispositif qu'elle n'a modifié qu'à la marge. Outre des améliorations rédactionnelles, elle a ajouté une précision relative au premier cas de réhabilitation en cas d'extinction du passif pour indiquer clairement que cette disposition s'appliquait à un débiteur condamné à l'obligation des dettes sociales. Cette précision utile permet de lever toute ambiguïté sur la portée du dispositif.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 157 sans modification .
* 369 Cour de cassation, ch. commerciale, 9 janvier 1996.
* 370 Cour de cassation ch. commerciale, 20 juin 1995.
* 371 Cour d'appel de Douai, 3 avril 2001.
* 372 Cour d'appel de Douai, 15 février 2001.