Article 185
(art. 1929 quater du code général des impôts
et art. 379 bis du code des douanes)
Publicité des dettes fiscales et douanières

Cet article a pour objet de modifier le code général des impôts ainsi que le code des douanes afin de renforcer la publicité des dettes fiscales et douanières.

1. L'inscription des dettes fiscales des commerçants et personnes morales de droit privé

L'article 1929 quater du code général des impôts met en place un système de publicité des dettes fiscales des commerçants et des personnes morales, même non commerçantes.

Cette publicité, qui consiste en une inscription au registre des privilèges et nantissements 436 ( * ) du montant des dettes contractées par le débiteur auprès du Trésor public, s'applique lorsque ces dettes :

-  sont couvertes par un privilège ;

- sont dues au titre de l'impôt sur le revenu, de l'impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales, de la taxe sur les salaires, de la taxe professionnelle et des taxes annexes, des taxes sur le chiffre d'affaires et des taxes annexes, ou des contributions indirectes 437 ( * ) ;

- et ont donné lieu à une majoration pour défaut de paiement pour les impôts directs recouvrés par les comptables de la direction générale de la comptabilité publique ou à un titre exécutoire, pour les taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées et les contributions indirectes, ainsi que pour les impôts directs et taxes assimilées recouvrés par les comptables de la direction générale des impôts

Le 4 de l'article 1929 quater rend cette publicité obligatoire lorsque les sommes dues à un même poste comptable ou service assimilé et susceptibles d'être inscrites dépassent 12.200 euros au dernier jour d'un trimestre civil. Les sommes qui ne dépassent pas ce montant peuvent néanmoins faire l'objet d'une inscription, à la discrétion de l'administration.

Les inscriptions ainsi prises se prescrivent par quatre ans, sauf renouvellement.

? Dans sa version initiale, le premier paragraphe (I) de cet article tendait à modifier le 4 de l'article 1929 quater précité, afin de laisser au pouvoir réglementaire le soin de fixer le seuil de déclenchement de la publicité des créances fiscales. En outre, il prévoyait que cette inscription n'interviendrait qu'au terme d'un semestre civil .

A l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a souhaité revenir au terme du trimestre civil , prévu par l'actuel article 1929 quater du code général des impôts.

Votre commission souscrit à cette initiative qu'elle souhaiterait cependant renforcer.

Lors de ses auditions, votre rapporteur a pu en effet constater que, dans de nombreux cas, le débiteur en difficulté commençait par ne pas régler ses dettes fiscales ou sociales, privilégiant, en situation de crise, le paiement de ses fournisseurs afin que son activité puisse se poursuivre. Les membres de l'observatoire des entreprises en difficulté, constitué au tribunal de commerce de Melun, rencontrés par votre rapporteur, ont insisté sur le fait que l'existence de créances fiscales ou sociales impayées constituait l'un des principaux indices des difficultés rencontrées par les entreprises, permettant au tribunal, le cas échéant, de convoquer le chef d'entreprise ou de se saisir d'office en vue de l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire.

Dans ces conditions, l'inscription des privilèges du Trésor au registre constitue un élément essentiel de la prévention. Or, la fixation d'un seuil quantitatif déclenchant l'inscription ne paraît pas totalement opérant . Il convient en effet de tenir compte de la grande variété des entreprises. Le seuil pourra sembler dérisoire pour une grande entreprise, alors qu'il se révélera au contraire beaucoup trop élevé pour une petite entreprise. Actuellement, une petite entreprise qui connaît déjà des impayés de plus de 12.000 euros en matière fiscale est souvent en bien mauvaise posture financière, d'autant qu'elle peut également cumuler des impayés d'un montant équivalent en matière de contributions sociales.

De ce point de vue, il peut donc sembler plus judicieux de supprimer toute référence au décret et de rendre obligatoire l'inscription dès que le débiteur n'a pas réglé ses créances fiscales, quel qu'en soit le montant . Votre commission vous soumet donc un amendement en ce sens.

? A l'initiative de sa commission des lois, et avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a introduit un second paragraphe (I bis ) au sein du présent article, insérant un paragraphe 8 bis au sein de l'article 1929 quater du code général des impôts, afin d'imposer au comptable public de demander, dans un délai d'un mois, la radiation totale de l'inscription devenue sans objet, dès lors que le débiteur s'est acquitté de sa dette .

Votre commission se félicite de cette mesure. Les registres des privilèges et nantissements tenus par les greffes comportent en effet, à l'heure actuelle, de très nombreuses inscriptions, notamment effectuées par les services fiscaux, devenues sans objet, car le débiteur concerné a déjà réglé le créancier inscrit. Cette situation paradoxale résulte du fait que la radiation de l'inscription doit actuellement être demandée par le débiteur, sans que ce dernier ait toujours connaissance de la nécessité d'accomplir cette démarche. Ainsi, le crédit de nombreuses entreprises est aujourd'hui affecté par la présence de plusieurs inscriptions qui ne reflètent pas leur situation économique et financière réelle.

La modification apportée par l'Assemblée nationale constituerait donc ainsi une très utile mesure de simplification et de transparence.

2. La publicité des dettes douanières des commerçants et des personnes morales de droit privé

Le troisième paragraphe (II) de cet article créerait un article 379 bis au sein du code des douanes afin d'introduire un dispositif de publicité des créances privilégiées de l'administration des douanes similaire à celui résultant de l'article 1929 quater du code général des impôts.

En vertu de l'article 379 du code des douanes, l'administration des douanes dispose, pour les droits, confiscations, amendes et restitution, d'un privilège et d'un droit de préférence par rapport à tout créancier sur les meubles et effets mobiliers des redevables.

Toutefois, l'effet de ce privilège est limité :

- d'une part, il est primé par le privilège des frais de justice et « les autres frais privilégiés » et cède face à la revendication de propriétaires des marchandises en nature qui sont encore emballées ;

- d'autre part, il ne concerne que les sommes dues pour six mois de loyer.

L'administration dispose par ailleurs d'une hypothèque légale sur les immeubles des redevables pour les droits non acquittés par ceux-ci.

Pour autant, il n'existe pas, actuellement, de dispositif de publicité obligatoire des sommes dues aux douanes par les redevables et qu'ils n'auraient pas acquittées dans les temps impartis. Or, l'inscription de ces sommes au registre des privilèges et nantissements peut se révéler très utile pour détecter les difficultés de paiement rencontrées par les entreprises, notamment lorsqu'elles ont une activité d'exportation ou d'importation qui donne lieu à perception de droits par l'administration des douanes.

Le dispositif proposé par le présent paragraphe imposerait la publicité des sommes garanties par le privilège prévu à l'article 379 du code des douanes, dans des conditions similaires à celles qui résulteraient de l'article 1929 quater du code général des impôts dans sa rédaction issue du présent projet de loi, tel que résultant des amendements présentés par la commission des lois de l'Assemblée nationale et adoptés par celle-ci.

Ainsi, en particulier, l'inscription du privilège ne serait obligatoire que lorsque les sommes dues par un redevable à un même poste comptable ou service assimilé dépassent, au dernier jour d'un trimestre civil, un seuil fixé par décret. En revanche, aucune possibilité d'inscription, à la diligence de l'administration des douanes, pour des sommes inférieures à ce seuil, ne serait prévue.

Par ailleurs, la rédaction proposée rendrait obligatoire la radiation totale, par le comptable concerné et dans le délai d'un mois, de l'inscription prise et devenue sans objet en raison du paiement des sommes dues par le débiteur.

Par coordination avec l'amendement qu'elle vous a présenté au I de cet article concernant l'article 1929 quater du code général des impôts, votre commission vous soumet un amendement tendant à supprimer toute référence à un seuil quantitatif pour l'inscription obligatoire du privilège .

Votre commission vous propose d'adopter l'article 185 ainsi modifié .

* 436 Voir supra, le commentaire de l'article 4 du présent projet de loi.

* 437 Toutefois, n'est pas soumise à la publicité la part de la taxe professionnelle correspondant à la réduction effectuée par le redevable au titre du plafonnement en fonction de la valeur ajoutée, en application des articles 1647 B sexies et 1679 quinquies du code général des impôts.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page