Article 189
(art. 14-1 de la loi n° 75-1334
du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance)
Obligations du maître d'ouvrage
à l'égard des sous-traitants industriels

Cet article a pour objet de modifier l'article 14-1 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, afin d'étendre aux sous-traitants industriels le bénéfice de la protection que les maîtres d'ouvrage doivent accorder aux sous-traitants employés dans le cadre de contrats de travaux de bâtiment et de travaux publics.

1. Le droit en vigueur

La loi du 31 décembre 1975 comporte plusieurs dispositions destinées à assurer le paiement des sous-traitants .

Son article 6 prévoit que le sous-traitant du titulaire d'un marché passé par l'Etat, une collectivité territoriale, un établissement public ou une entreprise publique doit être payé directement par le maître d'ouvrage pour la part du marché dont il assure l'exécution sous réserve, d'une part, de son acceptation et de l'agrément de ses conditions de paiement par le maître d'ouvrage, d'autre part, que sa créance soit supérieure à un certain montant, fixé à 600 euros par la loi mais susceptible d'être relevé par décret.

La jurisprudence administrative ayant considéré que le bénéfice du paiement direct était ouvert à l'ensemble des sous-traitants, quel que soit leur rang, la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réforme à caractère économique et financier l'a réservé aux sous-traitants de premier rang, afin de simplifier les tâches des maîtres d'ouvrage et de réduire les délais de paiement des sous-traitants.

Dans les autres cas, en particulier pour les marchés privés , l'article 14 de la loi dispose que le paiement du sous-traitant doit être garanti , à peine de nullité du sous-traité, par une caution personnelle et solidaire obtenue par l'entrepreneur principal d'un établissement qualifié ou par une délégation de paiement consentie par le maître d'ouvrage.

Le sous-traitant bénéficie en outre, sous réserve toujours de son acceptation et de l'agrément de ses conditions de paiement par le maître d'ouvrage 454 ( * ) , d'une action directe à l'encontre de ce dernier lui permettant d'être payé en cas de défaillance de l'entrepreneur principal .

La loi ne précise pas les formes que doivent prendre l'acceptation du sous-traitant et l'agrément de ses conditions de paiement. Selon la jurisprudence, ils peuvent être tacites. Ils ne sont toutefois pas souvent admis et rares sont, en pratique, les acceptations et agréments formels.

Aussi, pour améliorer la protection des sous-traitants , la loi n° 86-13 du 6 janvier 1986 relative à diverses simplifications administratives en matière d'urbanisme et à diverses dispositions concernant le bâtiment a-t-elle inséré dans la loi du 31 décembre 1975 un article 14-1, afin de d' obliger le maître d'ouvrage :

- à mettre l'entrepreneur principal en demeure de faire accepter un sous-traitant occulte et de faire agréer ses conditions de paiement s'il a connaissance de sa présence sur le chantier ;

- à exiger de l'entrepreneur principal qu'il justifie avoir fourni une caution au sous-traitant qu'il a accepté et dont il a agréé les conditions de paiement mais auquel il n'a pas consenti une délégation de paiement .

Elle a toutefois limité le champ d'application de ces dispositions aux contrats de travaux de bâtiment et de travaux publics 455 ( * ) dans le secteur privé , en excluant de surcroît les personnes physiques construisant un logement pour l'occuper elles-mêmes ou le faire occuper par leur conjoint, leurs ascendants, leurs descendants ou ceux de leur conjoint.

La loi du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réforme à caractère économique et financier a étendu aux marchés publics les obligations pesant sur les maîtres d'ouvrage et, pour prendre en compte les cas de sous-traitance en cascade, prévu que la mise en demeure pouvait être adressée à un sous-traitant.

Notre collègue M. Pierre Jarlier , rapporteur pour avis au nom de votre commission des Lois, avait proposé d'étendre à l'ensemble des marchés du secteur privé les obligations de protection des sous-traitants pesant sur le maître d'ouvrage et de renforcer la protection des sous-traitants en obligeant chaque entreprise employée dans un marché à joindre à sa première facture les cautions qu'elle a accordées à ses sous-traitants. Ces propositions n'avaient pas été retenues par la majorité de l'Assemblée nationale et le Gouvernement de l'époque, en raison des incertitudes entourant leurs conséquences potentielles.

Sur la base de cet article 14-1, la Cour de cassation a défini un régime de responsabilité quasi-délictuelle sévère à l'encontre des maîtres d'ouvrage négligents , en mettant à leur charge l'indemnisation totale du préjudice subi par les sous-traitants impayés 456 ( * ) .

Divers éléments sont généralement pris en compte pour démontrer qu'un maître d'ouvrage a eu connaissance de l'intervention du sous-traitant sur un chantier : importance des travaux, utilisation de moyens propres du sous-traitant portant la marque de la société (véhicules, tenue des ouvriers), participation aux réunions de chantier. Le sous-traitant peut aussi se dévoiler volontairement au maître d'ouvrage, même s'il n'en a pas l'obligation.

Le juge examine s'il résulte des faits avancés que le maître de l'ouvrage était suffisamment informé de l'intervention du sous-traitant et de ses liens avec l'entrepreneur titulaire pour le déclarer fautif d'avoir laissé le sous-traitant intervenir sans qu'il ait été accepté et que ses conditions de paiement aient été agréées. Si l'ignorance du maître d'ouvrage est établie, sa responsabilité ne peut être engagée.

2. Le dispositif proposé

Cet article a pour objet de compléter l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 afin d' étendre les obligations pesant sur le maître d'ouvrage aux contrats de sous-traitance industrielle , ces derniers ne faisant toutefois l'objet d'aucune définition légale.

En première lecture, sur proposition de sa commission des Lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale a pris en compte les particularités de la sous-traitance industrielle en précisant que les obligations pesant sur le maître d'ouvrage s'appliquaient aux sous-traitants absents du chantier .

La sous-traitance a connu un réel essor dans le secteur de l'industrie et les sous-traitants sont bien souvent connus des maîtres d'ouvrage même s'ils ne leur ont pas été présentés par l'entrepreneur principal aux fins d'acceptation et d'agrément de leurs conditions de paiement.

Le dispositif proposé, qui rejoint en partie les préconisations du Sénat, devrait contribuer à la prévention des défaillances en chaîne d'entreprises .

En application de l'article 192 du présent projet de loi, il entrerait en vigueur six mois après la publication de la loi.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 189 sans modification .

* 454 Cour de cassation, 13 mars 1981.

* 455 La Cour de cassation a jugé que l'expression travaux publics concernait les travaux de génie civil. Doivent ainsi être considérés comme tels des travaux de montage d'équipements destinés au transport de matières premières industrielles et de produits finis (4 juin 1997, Société Grace contre société d'industries générales et d'équipements divers).

* 456 Cour de cassation, 10 janvier 2001, établissements René Bonioni contre Camap.

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