Article 190
(art. L. 821-4 du code
de l'organisation judiciaire)
Financement du Conseil national
des
greffiers des tribunaux de commerce
Cet article a pour objet de modifier les conditions de détermination des ressources du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce en vue de lui permettre d'assumer une mission nouvelle relative au financement de services d'intérêt collectif.
Les greffiers des tribunaux de commerce , actuellement au nombre de 253 selon le ministère de la justice 457 ( * ) , sont des officiers publics et ministériels . De ce fait, leur statut , défini à l'article L. 821-1 du code de l'organisation judiciaire 458 ( * ) , diffère de celui des greffiers des juridictions judiciaires de droit commun qui sont des fonctionnaires. Comme l'a indiqué à votre rapporteur lors de son audition M. Pascal Daniel, président du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce, « le statut de greffier de tribunal de commerce traduit la conciliation entre la nécessité d'une régulation des activités par l'Etat et le dynamisme que l'on reconnaît aux activités exercées sous forme libérale ».
Les greffiers des tribunaux de commerce dirigent les services du greffe et jouent un rôle pivot à la fois en amont des procédures collectives -grâce aux informations qu'ils centralisent- et en aval de celles-ci par l'assistance qu'ils apportent aux juges consulaires. En effet, ils exercent des missions très variées qui leur confèrent une position stratégique . Ils assistent les membres du tribunal de commerce à l'audience ainsi que le président du tribunal dans l'accomplissement de l'ensemble des tâches administratives. Ils assument l'organisation des audiences ou encore le classement des archives. Parallèlement à ces missions judiciaires, ils collectent un grand nombre d'informations 459 ( * ) .
La mission des greffiers des tribunaux de commerce couvre donc un large champ d'activités . En 2004, ceux-ci ont traité près de 4,5 millions d'actes au service des entreprises dont plus d'un million de décisions de justice, près de 2,5 millions de formalités accomplies pour la tenue du registre du commerce et des sociétés et plus de 0,9 million d'inscriptions aux registres des nantissements et privilèges.
Doté de la personnalité morale et institué par le décret n° 91-743 du 31 juillet 1991 , le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce assure la défense de leurs intérêts collectifs. Il représente la profession auprès des pouvoirs publics et, à ce titre, est chargé de veiller à la défense des intérêts des professionnels (article L. 821-4 du code de l'organisation judiciaire). La loi n° 2004-130 du 11 février 2004 réformant le statut de certaines professions judiciaires ou juridiques, des experts judiciaires, des conseils en propriété industrielle et des experts en ventes aux enchères publiques a étendu ses attributions en lui conférant un pouvoir disciplinaire auparavant exercé uniquement par le tribunal de grande instance 460 ( * ) . Il assume par ailleurs l'organisation des examens professionnels ainsi que la formation permanente des greffiers titulaires de charge et de leur personnel. Il assiste également les candidats stagiaires en assurant la mise en oeuvre et le suivi des stages.
Pour accomplir ses missions, le Conseil national dispose d'un budget destiné à financer les charges du personnel, la formation, des études techniques, le fonctionnement des commissions de travail et les investissements mobiliers et immobiliers. En application de l'article R. 821-25 du code de l'organisation judiciaire, ce budget est établi par le Conseil et alimenté par des cotisations obligatoires versées annuellement par chaque greffier de tribunal de commerce et dont le montant est fixé par le conseil lui-même. Le défaut de paiement des cotisations constitue une faute disciplinaire passible des peines disciplinaires prévues à l'article L. 822-2 du même code.
D'un montant de près de 481.000 euros en 2004, le budget du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce voté en 2005 atteint plus de 603.000 euros.
Aux termes du projet de loi initial, le présent article proposait :
- d'assigner une mission nouvelle au Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce en lui confiant le financement de services d'intérêt collectif dans des domaines fixés par décret. Il pourrait ainsi, selon les informations du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce, prendre en charge la modernisation de l'équipement télématique des greffes notamment ceux situées dans les tribunaux de commerce de taille modeste ;
- de mieux encadrer les modalités de financement du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce . Une redéfinition des règles de financement s'est révélée nécessaire compte tenu de l'entrée en vigueur de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 qui a accru le contrôle du Parlement sur la détermination de l'assiette et du taux de l'ensemble des prélèvements obligatoires. Ainsi, le Gouvernement a estimé que les cotisations sociales versées au Conseil national ne pouvaient plus être définies par voie réglementaire et, partant, échapper au contrôle du Parlement mais méritaient un encadrement plus rigoureux.
Détermination des cotisations affectées
au financement
Les cotisations versées par les greffiers des tribunaux de commerce sont proportionnelles au volume de leur activité mesurée par le nombre de « chronos » traités qui retracent toutes les inscriptions annuelles effectuées par chaque greffe au registre du commerce et des sociétés (immatriculation, modification et radiation). Le taux de cotisation varie de 0,45 à 0,70 euro par chrono :
- 0,45 euro entre 1 et 2.000 chronos
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Source : Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce
Il était donc proposé d'inscrire dans la loi le maintien du principe d'une cotisation annuelle obligatoire et de conserver la compétence du Conseil national pour en déterminer le montant. La référence à chaque greffier de tribunal de commerce disparaissait pour être remplacée par une mention relative à « chaque titulaire d'un office de greffier de tribunal de commerce » pour tenir compte de l'évolution des modes d'exercice au sein de la profession. Le projet de loi initial définissait deux critères pour le calcul du montant de la cotisation en mentionnant « l'activité de l'office, et le cas échéant, le nombre d'associés ».
Il était renvoyé à un décret le soin de préciser le plafond applicable au produit de cette cotisation laquelle ne pouvait excéder une quotité dans la limite de 2 % de l'ensemble des produits dégagés par l'ensemble des offices au cours de l'année précédente.
Enfin, le texte initial permettait le recouvrement de cette cotisation à défaut de paiement dans un délai d'un mois à compter d'une mise en demeure en autorisant le Conseil national à délivrer un titre exécutoire en application du 6° de l'article 3 la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution et à procéder à l'exécution forcée. Comme l'a indiqué M. Xavier de Roux, rapporteur de la commission des lois, il s'agissait de remédier au fait que « les modalités de recouvrement des cotisations et de la sanction de non-paiement n'apparaissent pas adaptées ».
Le rapporteur a fait valoir la nécessité de mieux encadrer les modalités de financement ainsi définies dès lors que « les cotisations obligatoires s'apparentaient à une imposition de toute nature » 461 ( * ) . La nature de cette cotisation imposait, selon lui, de mettre son cadre juridique en conformité avec les exigences constitutionnelles imposées au législateur auquel il revient en application de l'article 34 de la Constitution de déterminer « l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures ».
« Afin d'éviter tout risque d'incompétence négative » 462 ( * ) , l'Assemblée nationale, sur la proposition de son rapporteur avec l'avis favorable du Gouvernement, a inversé la répartition des compétences relatives à la définition des modalités de financement du Conseil national et complété le dispositif par quelques précisions.
Ainsi, elle a renvoyé :
- au pouvoir réglementaire - et non plus au Conseil national - le soin de déterminer le barème retenu pour la détermination du montant de la cotisation tout en conservant les deux critères relatifs à l'activité de l'office et au nombre d'associés. Ce dispositif paraît conforme aux exigences du Conseil constitutionnel qui, dans sa décision n° 2000-442 DC du 28 décembre 2000, a estimé qu'« il ne s'ensuit pas que le législateur doive fixer lui-même le taux de chaque impôt, qu'il lui appartient seulement de déterminer les limites à l'intérieur desquelles le pouvoir réglementaire est habilité à arrêter le taux d'une imposition... ». Après avoir jugé imprécise la référence à un barème individuel, l'Assemblée nationale a ajouté une précision pour en mentionner expressément le caractère progressif ;
- au Conseil national - et non plus au pouvoir réglementaire - le soin de définir le produit des cotisations tout en conservant le plafond de 2 % initialement prévu, les députés ayant précisé qu'il s'agissait des produits « hors taxes » comptabilisés par l'ensemble des offices au titre de l'année précédente. Cet encadrement parait conforme à la jurisprudence du Conseil constitutionnel 463 ( * ) .
Sur la proposition de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a également clarifié la rédaction relative aux modalités de recouvrement forcé des cotisations obligatoires en cas de défaut de paiement.
Votre rapporteur approuve ces modifications. Le Conseil national participe au service public de la justice compte tenu des missions qui lui sont assignées (participation au service public de la justice, mission légale de tenue des registres). Il semble donc logique d'assimiler les cotisations qui l'alimentent à des impositions de toutes natures et, partant, indispensable de respecter les exigences constitutionnelles inhérentes à la nature juridique de ces ressources. L'encadrement plus rigoureux se justifie d'autant plus que bien qu'ayant autorisé des délégations au pouvoir réglementaire sous réserve que celles-ci soient strictement encadrées, le Conseil constitutionnel veille, par une jurisprudence constante, à ce que le législateur exerce la plénitude de sa compétence.
Lors de son audition par votre rapporteur, M. Pascal Daniel, président du Conseil national s'est félicité de l'enrichissement des missions du Conseil, faisant valoir que dans ce cadre seraient mis en oeuvre plusieurs projets de modernisation des greffes. Sans remettre en cause les modifications prévues par le présent article nécessaires compte tenu de l'entrée en vigueur d'un cadre budgétaire rénové, il a néanmoins émis le voeu que le Conseil national soit plus pleinement associé à la détermination du montant des cotisations annuelles obligatoires.
Un tel souhait paraît légitime, le Conseil national se présentant comme le porte-parole de ces professionnels. Telle est la raison pour laquelle votre commission vous soumet un amendement pour renforcer le rôle du Conseil national dans la détermination des modalités de financement de son budget et, à cette fin, prévoir qu'il sera consulté préalablement à l'élaboration du décret . En outre, par coordination avec l'inscription dans la loi des modalités de financement du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce, il convient de reproduire dans la loi que le non-paiement des cotisations constitue une faute disciplinaire . Cet ajout qui se borne à reprendre une disposition énoncée dans la partie réglementaire du code de l'organisation judiciaire se justifie par le souci de garantir l'effectivité du recouvrement des cotisations obligatoires.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 190 ainsi modifié .
* 457 Lesquels exercent dans 190 offices - dont 101 individuels et 89 sociétés.
* 458 Leur rémunération est réglementée par le décret n° 80-307 du 29 avril 1980 qui prévoit un droit pour chaque acte ou formalité. La dernière actualisation du tarif est intervenue en 2004 (décret n° 2004-1462 du 23 décembre 2004). Ce mode de rémunération ne constitue pas la seule ressource des greffiers des tribunaux de commerce qui disposent de revenus complémentaires substantiels provenant des activités télématiques (Infogreffe ou Greftel).
* 459 Voir supra, le commentaire de l'article 4 du présent projet de loi.
* 460 Voir décret n° 2004-1462 du 23 décembre 2004.
* 461 En application de l'article 2 de la LOLF, « les impositions de toute nature ne peuvent être directement affectées à un tiers qu'à raison des missions de service public confiées à lui ».
* 462 Rapport A.N précité - p. 499.
* 463 Notamment dans sa décision n° 87-239 DC « Considérant qu'en vertu de l'article 34, la loi fixe les règles concernant l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures ; que, s'il ne s'ensuit pas que la loi doive fixer elle-même le taux de chaque impôt, il appartient au législateur de déterminer les limites à l'intérieur desquelles un établissement public à caractère administratif est habilité à arrêter le taux d'une imposition établie en vue de pourvoir à ses dépenses. »