Article L. 611-16 nouveau du code de commerce
Obligation de confidentialité applicable au mandat ad hoc et à la procédure de conciliation

Aux termes du texte proposé pour l'article L. 611-16 du code de commerce, modifié par l'Assemblée nationale à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, une obligation de confidentialité serait instituée dans le cadre de la procédure de conciliation et du mandat ad hoc .

Une disposition similaire figure déjà à l'article L. 611-6 du code de commerce dans sa rédaction issue de la loi précitée du 1 er mars 1984, à l'égard de la procédure de règlement amiable. Toutefois, certaines juridictions du fond ont estimé que les participants à la procédure du mandat ad hoc étaient également soumis à cette obligation de confidentialité, jugeant cependant que cette dernière n'avait pas un caractère absolu et pouvait être levée, notamment à la demande du débiteur 91 ( * ) .

Le nouveau texte ne ferait plus référence au « secret professionnel », mais à la « confidentialité ».

L'obligation du secret professionnel est édictée par l'article 226-13 du code pénal qui punit d'un an d'emprisonnement et de 15.000 euros d'amende la révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire, notamment en raison « d'une mission temporaire » qui lui aurait été confiée. L'obligation de confidentialité est, quant à elle, de nature purement civile. Sa violation ne peut donc donner lieu qu'à l'octroi de dommages et intérêt au profit de la personne à laquelle a causé un préjudice.

Le recours à la notion de confidentialité est lié à une volonté de dépénaliser le droit des affaires, illustrée par les textes les plus récents, tout en assurant une sanction réelle en cas de violation, dans la mesure où les violations du secret professionnel ne sont pas toujours poursuivies. En outre, le recours au secret professionnel dans le cadre de cette procédure est certainement excessif compte tenu des sanctions susceptibles d'être infligées.

Désormais, l'obligation de confidentialité s'appliquerait expressément au mandat ad hoc , ce qui dissipera toute ambiguïté que faisait naître le texte initial du projet de loi.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 10 ainsi modifié .

Article 11
(art. L. 612-1 à L. 612-4 du code de commerce)
Pouvoirs d'information et d'alerte du commissaire aux comptes
et des représentants du personnel

Cet article tend à modifier les articles L. 612-1 à L. 612-4 du code de commerce afin de renforcer les pouvoirs d'information et d'alerte du commissaire aux comptes et des représentants du personnel de l'entreprise en cas de difficultés .

Le premier paragraphe (I) de cet article modifierait l'article L. 612-1 du code de commerce afin de supprimer par coordination des dispositions abrogées par des textes antérieurs .

En effet, les articles L. 225-219 et L. 242-27 du code de commerce, relatifs, pour le premier, à la liste nationale des commissaires aux comptes et, pour le second, à la sanction applicable aux commissaires aux comptes qui donneraient ou confirmeraient des informations de nature mensongère ou qui s'abstiendraient de communiquer au ministère public les faits délictueux dont ils auraient connaissance, ont été respectivement abrogées par la loi n° 2003-706 du 1 er août 2003 de sécurité financière et la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques.

De même, les articles L. 242-25 et L. 242-28 du code de commerce, qui punissaient respectivement le dirigeant social qui n'aurait pas désigné de commissaire aux comptes ou n'aurait pas procédé à sa convocation à l'assemblée générale de la société et le fait pour les dirigeants de faire obstacle aux vérifications ou au contrôle des commissaires aux comptes, ont également été abrogés par la loi précitée du 15 mai 2001.

Votre commission souligne, d'ailleurs, que les dispositions relatives aux commissaires aux comptes devraient prochainement être regroupées au sein du livre VIII du code de commerce, qui ferait lui-même l'objet d'une refonte, dans le cadre d'une ordonnance prise sur le fondement du 2° de l'article 28 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit 92 ( * ) .

Le deuxième paragraphe (II) de cet article tendrait à donner à l'ensemble des représentants du personnel un pouvoir d'information sur la situation économique et financière de l'entreprise en modifiant l'article L. 612-2 du code de commerce.

Aux termes de cette disposition, les entreprises constituées sous forme de personnes morales de droit privé non commerçantes et dépassant un seuil d'effectif salarié ou de chiffre d'affaires défini par décret en Conseil d'Etat sont tenues d'établir certains documents spécifiques : une situation de l'actif réalisable et disponible ainsi que du passif exigible, un compte de résultat prévisionnel, un tableau et un plan de financement 93 ( * ) . Cette obligation, instituée par la loi précitée du 1 er mars 1984, a été motivée par la volonté du législateur de permettre à ces entreprises de disposer d'informations sur leur situation économique et financière qui les mettent à même de s'apercevoir des difficultés éventuellement rencontrées dans le cadre de leur activité.

En effet, le même texte prévoit une communication de ces documents, analysés dans des rapports écrits, à plusieurs organes dont le commissaire aux comptes et le comité d'entreprise. Le commissaire aux comptes est chargé de faire respecter ces obligations. A défaut d'établissement des documents susvisés ou, lorsqu'ils ont été établis, si les informations données par ces derniers appellent des observations de sa part, il doit les signaler dans un rapport adressé au conseil d'administration ou au directoire et communiqué au comité d'entreprise.

Il ressort donc du droit en vigueur que l'information des salariés sur la situation économique et financière des personnes morales de droit privé non commerçantes ne concerne que celles qui sont dotées d'un comité d'entreprise.

L'objet de la modification proposée par le présent article serait de faire bénéficier de cette information tant le comité d'entreprise, s'il en existe un, que les délégués du personnel, dont la désignation est obligatoire dans les entreprises qui comptent entre onze et quarante-neuf salariés . Ainsi, ces délégués obtiendraient également communication du rapport de synthèse des dirigeants sur les données comptables issues des documents établis en vertu de l'article L. 612-2 et sur les observations éventuelles du commissaire aux comptes.

Le troisième paragraphe (III) modifierait l'article L. 612-3 du code de commerce afin de renforcer les pouvoirs d'alerte du commissaire aux comptes et l'information des représentants du personnel en cas de difficultés économiques ou financières rencontrées par l'entreprise.

Issu de la loi précitée du 1 er mars 1984, dans sa rédaction découlant de la loi précitée du 10 juin 1994, l'article L. 612-3 du code de commerce institue un mécanisme d'alerte reposant sur le commissaire aux comptes. Ce dispositif a pour vocation de faire prendre conscience aux organes sociaux des difficultés rencontrées par l'entreprise et de la nécessité de prendre des mesures destinées à les surmonter. Il s'applique aux seules personnes morales de droit privé non commerçantes. Toutefois, une procédure identique est prévue à l'égard des sociétés commerciales par les articles L. 234-1 et L. 234-2 du code de commerce dont les dispositions seraient d'ailleurs modifiées par l'article 182 du présent projet de loi 94 ( * ) .

La procédure d'alerte est déclenchée par le commissaire aux comptes lorsque ce dernier est amené à constater, dans le cadre de sa mission au sein de l'entreprise, « des faits de nature à compromettre la continuité de l'exploitation ». Dans cette hypothèse, le commissaire informe les organes dirigeants de ses constatations afin que ceux-ci, ainsi prévenus, lui communiquent le cas échéant les mesures de redressement qu'ils envisagent de prendre.

Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 612-3, à défaut de réponse dans les quinze jours ou si cette dernière n'est pas satisfaisante dès lors que les mesures proposées n'apparaissent pas de nature à assurer la continuité de l'exploitation, le commissaire aux comptes doit inviter, par écrit, les dirigeants à provoquer une délibération sur ce point de « l'organe collégial de la personne morale », c'est-à-dire du conseil d'administration ou du directoire de la société. Le commissaire aux comptes doit être convoqué à cette assemblée et doit informer de la teneur de la délibération le président du tribunal de grande instance. En outre, la délibération est communiquée au comité d'entreprise.

Cet alinéa serait réécrit par le présent article afin d'apporter trois innovations.

D'une part, le délai de quinze jours serait supprimé au profit d'un délai fixé par décret en Conseil d'Etat. Ce transfert ne paraît pas choquant, la fixation de délais de procédure ressortissant en principe au pouvoir réglementaire.

D'autre part, le président du tribunal de grande instance serait rendu destinataire :

- de la copie du document, rédigé par le commissaire aux comptes, destiné à susciter une délibération de l'organe collégial . Cette mesure devrait renforcer l'information dont dispose le juge et qui lui permettra, le cas échéant, de prendre les mesures qu'il estime les plus efficaces pour le redressement de l'entreprise, comme par exemple l'ouverture d'une procédure de redressement ;

- de la délibération de l'organe collégial intervenue à la suite de l'alerte donnée par le commissaire aux comptes . Désormais, le président du tribunal serait donc informé directement de la réaction des organes dirigeants à l'alerte, le commissaire aux comptes n'étant plus débiteur de cette obligation d'information.

Enfin, l'information des représentants des salariés serait élargie puisque, à défaut de constitution d'un comité d'entreprise, les délégués du personnel pourraient recevoir communication de la délibération de l'organe collégial.

Le quatrième alinéa de l'article L. 612-3 du code de commerce prévoit actuellement que, si l'alerte donnée en vertu de l'alinéa précédent n'a pas conduit à la délibération de l'organe collégial de la personne morale ou si, malgré les décisions prises, la continuité de l'exploitation reste compromise, le commissaire aux comptes doit établir un rapport spécial qui devra être présenté lors de la prochaine assemblée générale. Ce rapport est, en outre, communiqué au comité d'entreprise.

Cette disposition serait modifiée par le présent paragraphe afin de prévoir :

- la convocation spéciale d'une assemblée générale . Cette mesure est destinée à informer au plus vite les associés des difficultés rencontrées par la personne morale afin que ces derniers puissent prendre les mesures qui s'imposent. La détermination des conditions et des délais dans lesquels cette assemblée devrait être convoquée serait renvoyée à un décret en Conseil d'Etat. Selon les informations communiquées à votre rapporteur, le délai devrait en tout état de cause être maintenu à quinze jours ;

- la communication aux délégués du personnel , en l'absence de comité d'entreprise, du rapport spécial du commissaire aux comptes .

Le quatrième paragraphe (IV) du présent article procéderait, à l'instar du paragraphe II, à la suppression de références aux dispositions des articles L. 225-219 et L. 242-27 du code de commerce, tous deux abrogés, dans l'article L. 612-4 du même code.

Cette dernière disposition impose notamment la nomination d'un commissaire aux comptes dans les associations ayant reçu annuellement de l'Etat, de ses établissements publics ou des collectivités territoriales une ou plusieurs subventions dont le montant global excède 150.000 euros, en application du décret n° 2001-379 du 30 avril 2001 fixant le montant en euros de la subvention reçue à partir duquel les associations sont soumises à certaines obligations.

Dans ce cas, le commissaire aux comptes dispose d'un mécanisme d'alerte sur les difficultés éventuellement rencontrées par l'association. Cette procédure se différencie cependant de celle applicable dans le cadre des sociétés dans la mesure où, d'une part, le commissaire aux comptes n'a pas une obligation d'alerte, mais seulement une faculté d'en faire usage, et d'autre part, ne dispose pas d'un droit d'alerte auprès du président du tribunal .

Votre commission estime que cette différence de régime n'apparaît guère justifiée et qu'un alignement des dispositions applicables aux associations subventionnées sur celles qui concernent les sociétés permettrait un renforcement des mécanismes de prévention des difficultés de ces personnes morales.

Elle vous soumet en conséquence un amendement tendant à étendre le bénéfice des dispositions de l'article L. 612-3 du code de commerce aux commissaires aux comptes des associations subventionnées.

Par le même amendement, votre commission vous propose d'adopter une mesure de cohérence avec l'article L. 234-4 nouveau du code de commerce, qui serait créé par l'article 182 du présent projet de loi. En effet, cette disposition exclurait l'obligation d'alerte du commissaire aux comptes, dans le cadre des sociétés commerciales, lorsqu'une procédure de sauvegarde ou de conciliation est engagée. Il s'agirait donc de rendre inapplicable le dispositif d'alerte prévu aux articles L. 612-3 et L. 612-4 du code de commerce, lorsqu'une procédure de conciliation ou une procédure de sauvegarde sont en cours.

Par coordination, votre commission vous soumet un second amendement destiné à supprimer le dispositif actuellement prévu à l'article L. 612-4 pour les associations.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 11 ainsi modifié .

* 91 Cour d'appel de Paris, 14 ème ch. B, 2 avril 1999, Bull. inf. Cour de cassation, 2000, n° 121.

* 92 Article 28 de la loi n° 2004-1343 : « Dans les conditions prévues par l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance les mesures nécessaires pour :

« 1° Inclure dans le code de commerce, en les aménageant, les dispositions législatives instituant des incapacités d'exercer une activité dans le domaine commercial ou industriel ;

« 2° Opérer la refonte des livres II et VIII du code de commerce en ce qu'ils concernent les commissaires aux comptes et intégrer dans le livre VIII du même code les règles applicables aux commissaires aux comptes, en améliorant la formation et le contrôle des commissaires aux comptes ainsi que le fonctionnement du Haut Conseil du commissariat aux comptes et en permettant à celui-ci de négocier et conclure des accords de coopération avec les autorités des autres Etats exerçant des compétences analogues ou similaires ; (...) ».

* 93 Ces seuils sont fixés respectivement à 300 salariés et à 18 millions d'euros par l'article 25 du décret n° 85-295 du 1 er mars 1985.

* 94 Voir infra le commentaire de l'article 182 du présent projet de loi.

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