Article 13
(art. L. 620-2 du code de
commerce)
Champ d'application personnel et temporel de la
procédure
Cet article tend à définir le champ d'application personnel et temporel de la procédure de sauvegarde. A cet effet, l'article L. 620-2 du code de commerce serait entièrement réécrit.
1. Le champ d'application personnel de la procédure
Pourraient bénéficier d'une procédure de sauvegarde, à l'instar de ce que prévoit également le présent projet de loi en matière de redressement judiciaire 95 ( * ) et de liquidation judiciaire 96 ( * ) :
- tout commerçant . Tout comme le prévoit l'actuel article L. 620-2 du code de commerce, le commerçant, même non inscrit au registre du commerce et des sociétés, pourrait solliciter l'application de la procédure de sauvegarde. Cette dernière pourrait donc être ouverte à toute personne qui, à titre personnel, exerce des actes de commerce et en fait sa profession habituelle 97 ( * ) , qu'elle ait ou non procédé à son inscription au registre du commerce et des sociétés en application de l'article L. 123-1 du code de commerce ;
- toute personne immatriculée au répertoire des métiers . Dans sa version antérieure à la codification opérée par l'ordonnance n° 2000-912 du 18 septembre 2000 relative à la partie législative du code de commerce, l'article L. 620-2 du code de commerce permettait l'application des procédures de redressement et de liquidation judiciaires à tout « artisan ».
Cette codification, effectuée à droit constant, a substitué à ce terme la notion de « personne immatriculée au répertoire des métiers ». Elle s'explique en réalité par le fait que la qualité d'artisan ne dépend plus seulement, aujourd'hui, de l'inscription d'une personne physique à un registre mais également, en vertu de l'article 16 de la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat, de l'existence d'une qualification particulière. En réalité, la formulation utilisée permet de conserver sans changement le droit antérieur à 1996 ;
- tout agriculteur . A l'instar de l'article L. 620-2 dans sa rédaction actuelle, les agriculteurs pourraient bénéficier de la procédure de sauvegarde.
- toute « personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire, ou dont le titre est protégé ». Il s'agit de l'innovation essentielle de cette disposition puisque, jusqu'alors, les personnes exerçant une profession indépendante ne pouvaient être soumises à une procédure collective , sauf si celles domiciliées dans le Bas-Rhin, le Haut-Rhin ou en Moselle, auquel cas elles bénéficiaient, comme toute personne physique, du régime de la faillite civile 98 ( * ) .
En harmonie avec celle prévue par l'article 5 du présent projet de loi dans le cadre de la procédure de conciliation, cette extension était attendue, car rien ne justifie l'exclusion du droit des procédures collectives de ces professionnels qui exercent, tout comme les commerçants et artisans, une activité de nature économique. La formulation proposée par le présent article permettrait ainsi à tout professionnel indépendant de demander l'ouverture d'une procédure de sauvegarde en présence de difficultés qui pourraient le conduire à la cessation des paiements ;
- ainsi qu'à « toute personne morale de droit privé ». Cette formulation vise donc l'ensemble des personnes morales de droit privé, qu'il s'agisse d'une entité juridique soumise au droit commercial ou au droit civil. De fait, elle exclut les personnes soumises au droit public qui seraient désormais les seules à ne pouvoir faire l'objet d'une telle procédure collective.
2. Le champ d'application temporel de la procédure
Le second alinéa du texte proposé pour rédiger l'article L. 620-2 du code de commerce poserait le principe de l'impossibilité d'ouvrir une procédure de sauvegarde à l'encontre du débiteur qui ferait l'objet d'une procédure collective en cours .
Cette interdiction s'impose en raison de l' unicité du patrimoine du débiteur. En effet, le propre d'une procédure collective est d'appréhender l'ensemble des biens du débiteur qui sont, en cas de liquidation, le gage de l'ensemble des créanciers, l'article 2092 du code civil disposant que « quiconque s'est obligé personnellement, est tenu de remplir son engagement sur tous ses biens mobiliers et immobiliers, présents et à venir ». En outre, le principe de l'égalité des créanciers face au débiteur, induit par la notion même de procédure collective, implique l'impossibilité de procédures concurrentes.
Le texte proposé ne ferait ainsi que reprendre une solution dégagée par la Cour de cassation 99 ( * ) en l'explicitant, puisqu'elle n'interdirait pas que plusieurs procédures de sauvegarde se succèdent, mais simplement qu'une telle procédure :
- se surajoute à une procédure de sauvegarde ou à une procédure de redressement pour laquelle les opérations du plan arrêté par le tribunal n'auraient pas cessé ;
- ou intervienne alors qu'une procédure de liquidation n'est pas encore clôturée.
Toutefois, il convient de souligner que l'ouverture d'une procédure de sauvegarde demeurerait possible, dans le silence du texte proposé, en présence d'une procédure ouverte, dans un autre pays membre de la Communauté européenne, en application des dispositions du règlement n° 1346/2000 du 29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité .
En effet, si ce texte prévoit la compétence des juridictions de l'Etat membre sur le territoire duquel est situé le centre des intérêts principaux du débiteur pour l'ouverture de la procédure d'insolvabilité, en reconnaissant au jugement d'un autre Etat membre la même autorité sur le territoire où il a été reconnu que sur le territoire sur lequel il a été rendu -la loi applicable est alors celle de l'Etat sur le territoire duquel la procédure a été ouverte-, il autorise l'ouverture, en parallèle, et sous certaines conditions :
- d'une procédure « secondaire » d'insolvabilité. Les effets d'une telle procédure se limitent alors aux seuls actifs situés dans l'Etat membre dans lequel elle a été ouverte en parallèle à la procédure principale. Cette procédure ne peut être qu'une procédure de nature liquidative ;
- et d'une procédure « territoriale » d'insolvabilité.
En conséquence, le principe posé par le texte proposé pour rédiger l'article L. 620-2 n'empêcherait pas l'ouverture de procédures collectives concurrentes sur le fondement des dispositions du règlement précité.
Il conviendrait néanmoins que la procédure de sauvegarde, une fois le présent projet de loi promulgué, puisse être mentionnée par l'annexe du règlement précité.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 13 sans modification.
* 95 Voir infra, le commentaire de l'article 99 du présent projet de loi.
* 96 Voir infra, le commentaire de l'article 108 du présent projet de loi.
* 97 Article L. 121-1 du code de commerce : « Sont commerçant ceux qui exercent des actes de commerce et en font leur profession habituelle ».
* 98 Voir supra, le commentaire du texte proposé par l'article 5 du présent projet de loi pour rédiger l'article L. 611-5 du code de commerce.
* 99 Cour de cassation, ch. commerciale, 19 février 2002, Bull. civ. IV, n° 39.