Article 16
(art. L. 621-2 du code de
commerce)
Compétence juridictionnelle - Extension de la
procédure en cas de confusion de patrimoine ou de fictivité de la
personne morale
Cet article, modifié par l'Assemblée nationale, a pour objet de déterminer les règles de compétence juridictionnelle applicables dans le cadre de la procédure de sauvegarde, ainsi que les possibilités d'extension de la procédure au-delà de la personne du débiteur ayant initialement sollicité l'ouverture de la procédure . A cette fin, l'article L. 621-5 actuel du code de commerce deviendrait l'article L. 621-2 du même code.
? Le 1° de cet article supprimerait la règle selon laquelle, en cas d'extension de la procédure à une ou plusieurs autres personnes que le débiteur, le tribunal initialement saisi reste compétent. Néanmoins, cette disposition serait reprise au deuxième alinéa de l'article L. 621-2 dans sa rédaction proposée par le présent article.
En tout état de cause, la compétence du tribunal de commerce à l'égard d'une procédure applicable à un commerçant ou à un artisan inscrit au répertoire des métiers serait préservée. Il en serait de même de la compétence du tribunal de grande instance pour les procédures applicables aux personnes physiques ou morales non commerçantes.
? Le 2° insèrerait un nouvel alinéa au sein de l'article L. 621-2 nouveau du code de commerce afin de consacrer, au niveau législatif, les constructions jurisprudentielles permettant l'extension de la procédure en cas de confusion de patrimoine ou en cas de fictivité de la personne morale faisant l'objet de la procédure .
Les possibilités d'extension pour confusion de patrimoine ou fictivité de la personne morale ont pour but de rétablir le gage des créanciers , ceux-ci pouvant souffrir de simulations du débiteur destinées à protéger certains de ses biens des conséquences de l'ouverture de la procédure. Elles n'étaient pas prévues par le texte de 1985, mais résultent de constructions jurisprudentielles. L'extension prononcée ne rétroagit cependant pas au jour du jugement d'ouverture 101 ( * ) .
La Cour de cassation estime être en présence d'une société fictive lorsque la personne morale à l'encontre de laquelle est ouverte la procédure n'a qu'une existence apparente, mais en aucun cas réelle, faute d'avoir une activité distincte de celle du maître de l'affaire, personne physique ou morale. Ainsi, une société créée dans le but d'assurer le règlement du passif d'une autre société faisant l'objet d'une procédure collective, dont elle a continué l'activité dans les mêmes locaux, avec les mêmes dirigeants, la même clientèle et le même contrat de franchise, constitue, aux yeux de la jurisprudence, une société fictive, justifiant l'extension de la procédure initiale.
La confusion de patrimoine est relevée par la jurisprudence lorsqu'une confusion de comptes entre deux entités juridiques distinctes est telle qu'il est impossible de déterminer à laquelle d'entre elles se rapporte tel ou tel élément d'actif ou de passif. De même, la confusion de patrimoine est caractérisée par l'existence de flux financiers anormaux entre deux personnes juridiques, notamment lorsqu'est constaté l'appauvrissement du débiteur faisant l'objet d'une procédure collective au profit d'une seconde structure juridique in bonis c'est à dire dans laquelle le débiteur est maître des biens. Ces situations peuvent en particulier se rencontrer dans le cadre de groupes de sociétés.
La présente disposition ne définissant pas ces deux hypothèses d'extension de procédure, les critères de définition dégagés par la jurisprudence seraient conservés .
La seconde phrase du texte proposé par ce paragraphe pour rédiger le deuxième alinéa de l'article L. 621-2 reprendrait la règle selon laquelle, en cas d'extension de la procédure, le tribunal initialement saisi reste compétent . Cette compétence ne s'appliquerait plus, cependant, que dans l'hypothèse d'une extension pour fictivité ou confusion de patrimoine. En effet, il convient de rappeler que les autres cas d'extension de procédure, qui visaient avant tout à sanctionner certaines personnes, seraient supprimés par le présent projet de loi.
Votre commission vous soumet un amendement rédactionnel afin de viser la « fictivité » de la personne morale, terme juridiquement plus opérant.
? Le 3° de cet article supprimerait le second alinéa de l'article L. 621-2 du code de commerce. Cette disposition résulte d'un amendement de la commission des lois de l'Assemblée nationale et s'explique par le transfert des dispositions relatives à la compétence juridictionnelle pour l'application des procédures collectives, initialement prévues à l'article L. 621-2, à l'article L. 610-1 du code de commerce, en vertu de l'article 1 er bis du présent projet de loi (cf ci-dessus).
L'article L. 621-2 dans la rédaction proposée par le présent article serait applicable à la procédure de redressement judiciaire en vertu de l'article L. 631-7 du code de commerce, dans la rédaction proposée par l'article 100 du présent projet de loi.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 16 ainsi modifié.
* 101 Cour de cassation, ch. commerciale, 28 septembre 2004, D. 2004, p. 2651, obs. Lienhard.