Article 18
(art. L. 621-4 et
L. 621-4-1 nouveau du code de commerce)
Désignation des organes
de la procédure -
Application de la procédure sans
administrateur
Régime des incompatibilités
Cet article, modifié par l'Assemblée nationale, a pour objet de définir les conditions de désignation des organes de la procédure dans le cadre du jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde. A cette fin, il proposerait une nouvelle rédaction de l'article L. 621-4 du code de commerce et créerait un article L. 621-4-1, qui reprendraient, en les aménageant, certaines dispositions figurant actuellement à l'article L. 621-8 du même code.
Article L. 621-4 du code de
commerce
Désignation des organes de la
procédure
Application de la procédure simplifiée
Reprenant partiellement les dispositions de l'article L. 621-8 du code de commerce, l'article L. 621-4 déterminerait les conditions dans lesquelles le tribunal désigne, lors du jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde, certains des organes de la procédure : le ou les juges commissaires, le représentant des salariés, ainsi que les mandataires de justice.
1. La désignation du juge commissaire
Reprenant le dispositif prévu par le premier alinéa de l'article L. 621-8 dans sa rédaction actuelle, le texte proposé pour rédiger le premier alinéa de l'article L. 621-4 du code de commerce prévoit que le juge-commissaire serait désigné par le tribunal dans le jugement d'ouverture .
Le juge commissaire constitue l'un des organes essentiels de la procédure puisqu'il suit, pour le compte du tribunal, le dossier du débiteur de manière permanente en veillant, conformément aux dispositions de l'article L. 621-8 dans la rédaction proposée par l'article 20 du présent projet de loi, « au déroulement rapide de la procédure et à la protection des intérêts en présence ». Ne peuvent être désignés en cette qualité par le tribunal que les personnes ayant exercé pendant au moins deux ans des fonctions juridictionnelles au sein d'un tribunal de commerce 102 ( * ) .
Aux termes de la seconde phrase du premier alinéa de l'article L. 621-8, le tribunal pourrait, « en cas de nécessité », désigner plusieurs juges-commissaires . Cette faculté permettrait ainsi d'assurer le suivi des procédures complexes par plusieurs juges, le tribunal décidant, au cas par cas et de manière discrétionnaire, s'il convient de faire usage de cette possibilité nouvelle.
Par souci de lisibilité, l'Assemblée nationale a précisé, à l'initiative de sa commission des Lois, que les fonctions du juge-commissaire seraient désormais fixées par l'article L. 621-8 du code de commerce.
2. L'invitation à désigner un représentant des salariés
Reprenant les dispositions finales du premier alinéa de l'article L. 621-8 dans sa rédaction actuelle, le deuxième alinéa de l'article L. 621-4 du code de commerce préciserait que le tribunal invite le comité d'entreprise, les délégués du personnel ou les représentants du personnel, selon le cas, à désigner un représentant des salariés de l'entreprise . Le principe de l'élection par les salariés de leur représentant serait maintenu , l'Assemblée nationale ayant amélioré, à l'initiative de sa commission des Lois, la cohérence rédactionnelle de cette disposition.
Toutefois, les conditions dans lesquelles cette élection interviendrait ne seraient plus précisées, alors que le texte actuel prévoit un vote secret et un scrutin uninominal à un tour, cette précision relevant du domaine réglementaire.
Ce représentant des salariés n'est compétent que dans le cadre de la procédure collective 103 ( * ) et sa présence au cours de la procédure ne remet, en principe, pas en cause les prérogatives des autres organes de représentation des salariés que sont le comité d'entreprise ou le délégué du personnel. Le texte proposé prévoit cependant, à l'instar de l'actuel article L. 621-8, que le représentant des salariés exercerait les attributions de ces organes si l'entreprise n'en dispose pas.
Reprenant également les dispositions du sixième alinéa de l'article L. 621-8 dans sa rédaction actuelle, le texte proposé imposerait au chef d'entreprise de rédiger un procès-verbal de carence dans l'hypothèse où aucun représentant des salariés n'aurait pu être désigné ou élu.
3. La désignation des mandataires de justice
Le texte proposé pour rédiger les trois derniers alinéas du nouvel article L. 621-4 du code de commerce imposerait au tribunal de nommer, dans le cadre du jugement d'ouverture, deux mandataires de justice : un mandataire judiciaire et un administrateur judiciaire.
Les fonctions du mandataire judiciaire, dont l'appellation se substituerait à celle de « représentant des créanciers » actuellement retenue par le code de commerce, seraient définies par l'article L. 622-18 du code de commerce dans des termes quasi-identiques à ceux figurant actuellement à l'article L. 621-39 du même code. Le mandataire judiciaire aurait ainsi seul qualité pour agir au nom et dans l'intérêt des créanciers du débiteur faisant l'objet de la procédure de sauvegarde.
L'office de l'administrateur judiciaire dans le cadre de la procédure serait désormais défini par l'article L. 622-1 du code de commerce, qui prévoirait notamment que ce dernier ne peut exercer, sur décision du tribunal, qu'une mission d'assistance ou de surveillance du débiteur à l'occasion de la gestion de l'entreprise par ce dernier.
Depuis la loi n° 2003-7 du 3 janvier 2003 modifiant le livre VIII du code de commerce, ces mandataires de justice doivent, pour pouvoir être nommés par le tribunal, figurer sur une liste nationale divisée en sections, établie par une commission nationale d'inscription. En revanche, c'est par une appréciation souveraine que le tribunal désigne, à partir des listes susmentionnées, l'administrateur et le mandataire judiciaire qui exerceront leur mission dans le cadre de la procédure.
Selon la rédaction proposée, le nombre de mandataires susceptibles d'être nommés pourrait varier d'une procédure de sauvegarde à l'autre.
D'une part, le tribunal conserverait la possibilité qui lui est actuellement offerte par le deuxième alinéa de l'article L. 621-8 du code de commerce, de désigner plusieurs administrateurs judiciaires et plusieurs mandataires judiciaires . En revanche, le tribunal ne pourrait plus décider d'office de telles nominations ; il devrait être saisi d'une demande par le ministère public.
D'autre part, la nomination de l'administrateur judiciaire serait facultative , et à la discrétion du tribunal, dans le cas d'une procédure de sauvegarde ouverte au bénéfice d'un débiteur dont le nombre de salariés et le chiffre d'affaires hors taxe seraient inférieurs à des seuils fixés par décret en Conseil d'Etat.
L'intervention d'un administrateur judiciaire ne se justifie réellement que si l'entreprise faisant l'objet de la procédure est d'une certaine dimension. Pour les petites et moyennes entreprises, la nomination d'un administrateur contribue souvent à grever le passif de nouvelles dettes, représentées par les frais et honoraires engendrés par ce mandataire de justice, sans pour autant que son intervention pour sauver l'entreprise soit indispensable. Cette constatation justifie la procédure simplifiée de redressement judiciaire, actuellement prévue par les articles L. 621-133 et suivants du code de commerce, dans laquelle le tribunal ne désigne par d'administrateur, le débiteur exerçant alors, en règle générale, les prérogatives dévolues à celui-ci dans le cadre du régime général.
Le même raisonnement explique la raison d'être du texte proposé par le présent article, qui prévoirait également l'application d'un régime particulier , qui serait défini par les articles L. 627-1 à L. 627-4 dans leur rédaction proposée par les articles 94 à 97 du présent projet de loi, qui serait applicable « en l'absence d'administrateur judiciaire ».
Selon les informations recueillies par votre rapporteur, les seuils fixés par le décret en Conseil d'Etat prévu par le texte proposé devraient être identiques à ceux exigés actuellement : 50 salariés et un chiffre d'affaires hors taxe de 3.100.000 euros 104 ( * ) .
Dans ces conditions, la désignation obligatoire d'un administrateur n'interviendra que rarement en pratique. En effet, comme le montre le tableau ci-après, en 2003, seules 1,2 % des entreprises françaises employaient 50 salariés ou plus.
Répartition du nombre d'entreprises par taille au 1 er janvier 2003
Unité : milliers d'entreprises
0
|
1 à 3 salarié |
4 à 9 salariés |
0 à 9 salariés |
10 à 19 salariés |
0 à 19 salariés |
20 à 49 salariés |
0 à 49 salariés |
50 à 249 salariés |
0 à 249 salariés |
250 salariés
|
ensemble |
|
ENSEMBLE |
1 325 475 |
604 524 |
292 042 |
2 222 041 |
92 023 |
2 314 064 |
58 314 |
2 372 378 |
24 558 |
2 396 936 |
5 017 |
2 401 953 |
Industries agro-alimentaires |
18 441 |
22 037 |
16 240 |
56 718 |
3 999 |
60 717 |
2 032 |
62 749 |
1 222 |
63 971 |
322 |
64 293 |
Industries manufacturées, énergie |
73 925 |
38 135 |
28 637 |
140 697 |
15 198 |
155 895 |
13 329 |
169 224 |
7 281 |
176 505 |
1 851 |
- 170 - 178 356 |
Construction |
147 424 |
98 149 |
47 121 |
292 694 |
14 766 |
307 460 |
7 886 |
315 346 |
2 061 |
317 407 |
238 |
317 645 |
Commerce |
300 103 |
165 139 |
87 107 |
552 349 |
23 558 |
575 907 |
13 933 |
589 840 |
5 542 |
595 382 |
822 |
596 204 |
Transports |
46 778 |
14 449 |
9 955 |
71 182 |
4 751 |
75 933 |
4 041 |
79 974 |
1 943 |
81 917 |
390 |
82 307 |
Services |
493 526 |
207 819 |
93 552 |
794 897 |
26 967 |
821 864 |
15 152 |
837 016 |
5 528 |
842 544 |
1 259 |
843 803 |
Education, santé, action sociale |
245 278 |
58 796 |
9 430 |
313 504 |
2 784 |
316 288 |
1 941 |
318 229 |
981 |
319 210 |
135 |
319 345 |
ENSEMBLE |
55,2 % |
25,2 % |
12,2 % |
92,5 % |
3,8 % |
96,3 % |
2,4 % |
98,8 % |
1,0 % |
99,8 % |
0,2 % |
100 % |
Source : INSEE-SIRENE-deCAS
Toutefois, quand bien même le chiffre d'affaires et le nombre des salariés se situeraient au-dessous de ces seuils, le tribunal conserverait , jusqu'au jugement arrêtant le plan de sauvegarde, la possibilité de nommer un administrateur judiciaire . Il ne pourrait néanmoins prendre une telle décision qu'à la demande du débiteur, du mandataire judiciaire ou du ministère public. Cette possibilité ajouterait une certaine flexibilité au dispositif et permettrait de prendre en considération les situations dans lesquelles la présence d'un administrateur peut sembler souhaitable, car elle serait de nature à favoriser davantage la sauvegarde de l'entreprise.
Ce dispositif a été modifié par l'Assemblée nationale, avec l'accord du gouvernement, afin de :
- préciser, à l'initiative du rapporteur de la commission des Lois, que la désignation des mandataires de justice ne remettait pas en cause la possibilité pour le tribunal de nommer un ou plusieurs experts avec une mission qu'il déterminerait ;
- donner au ministère public la faculté de récuser la personne antérieurement désignée en qualité de mandataire ad hoc ou de conciliateur si la procédure de sauvegarde est ouverte alors qu'une procédure de conciliation ou un mandat ad hoc a déjà été ouvert, dans les 18 mois précédents, à l'encontre du débiteur. Cette nouvelle disposition serait justifiée, selon le rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale, par le souci de permettre au ministère public de sanctionner le mandataire ou le conciliateur qui n'aurait pas su gérer un dossier dans le cadre du mandat ad hoc ou de la conciliation 105 ( * ) .
Votre commission estime justifié que le ministère public se prononce effectivement sur l'opportunité de la nomination en qualité de mandataire judiciaire ou d'administrateur d'une personne ayant été, à l'égard d'un même débiteur, chargé d'un mandat ad hoc ou d'une mission de conciliation. Toutefois, la possibilité ainsi offerte au ministère de récuser une personne que le tribunal vient de désigner par jugement apparaît pour le moins étonnante. En effet, le tribunal en la matière doit rester souverain, après avoir été le cas échéant éclairé par le parquet.
Telle est d'ailleurs la raison pour laquelle le quatrième alinéa de l'article L. 621-1 exige à titre de formalité la présence du ministère public à l'audience d'ouverture d'une procédure à l'encontre d'un débiteur ayant fait l'objet d'un mandat ad hoc ou d'une procédure de conciliation dans les dix-huit mois précédents.
Dans ce contexte, la précision apportée par l'Assemblée nationale semble inutile. Votre commission vous soumet un amendement tendant à la supprimer, la possibilité donnée au ministère public de requérir à l'audience d'ouverture apparaissant suffisante ;
- prévoir, à l'initiative de M. Philippe Houillon et de Mme Arlette Grosskost, avec l'avis favorable du Gouvernement, que le tribunal serait tenu de désigner, dès le jugement d'ouverture, un commissaire-priseur judiciaire, un huissier, un notaire ou un courtier en marchandises assermenté aux fins de réaliser l'inventaire des biens du débiteur , tel qu'il serait organisé par l'article L. 622-6 du code de commerce, dans la rédaction proposée par l'article 25 du présent projet de loi.
L'article L. 621-4 tel qu'il résulte du présent article serait applicable à la procédure de redressement, en vertu de l'article L. 631-9 du code de commerce, dans la rédaction proposée par l'article 100 du présent projet de loi.
* 102 Article L. 412-4 du code de l'organisation judiciaire.
* 103 Cour de cassation, ch. sociale, 4 février 2003, Bull. civ. V, n° 39.
* 104 Voir l'article 1er du décret n° 85-1387 du 27 décembre 1985.
* 105 Débats du 3 mars 2005, 2 ème séance, JOAN du 4 mars 2005, p. 1651.