Article 40
(art. L. 622-24 du code de commerce)
Effets juridiques de l'absence de déclaration - Relevé de forclusion

Cet article détermine les effets juridiques résultant de l'absence de déclaration des créances dans les conditions qui seraient prévues par l'article L. 622-22 du code de commerce. Il prévoit également un mécanisme permettant aux créanciers d'être relevés de la forclusion . A cet effet, l'article L. 622-24 du code de commerce fait l'objet d'une réécriture globale.

1. Le droit en vigueur

Aux termes de l'article L. 621-46, en l'absence de déclaration de leurs créances, les créanciers du débiteur ne sont pas admis aux dividendes et répartitions. Toutefois, la forclusion ainsi instituée n'est pas opposable aux créanciers qui devaient être personnellement avertis de la nécessité de produire au passif et ne l'auraient pas été.

Les créanciers forclos peuvent néanmoins obtenir le relevé de cette forclusion par le juge-commissaire, en établissant que leur défaillance n'est pas due à leur fait. La décision du juge-commissaire est susceptible d'appel devant la cour d'appel.

Le juge-commissaire doit être saisi dans le délai d'un an à compter de la décision d'ouverture. L'AGS peut toutefois agir en ce sens dans un délai d'un an courant à compter de l'expiration de la période pendant laquelle elle garantie les créances résultant du contrat de travail des salariés de l'entreprise.

Si le relevé est accordé, les créanciers concernés ne peuvent alors concourir que pour la distribution des répartitions qui seraient postérieures à la demande de relevé de forclusion.

En l'absence de déclaration et de relevé de forclusion, les créances sont éteintes. Pour le débiteur, cette extinction emporte régularisation de l'incident de paiement ayant conduit à une interdiction d'émettre des chèques en application des dispositions de l'article L. 131-73 du code monétaire et financier.

2. Le dispositif proposé par le projet de loi

? Aux termes du premier alinéa de l'article L. 622-24 dans sa rédaction proposée par le présent article, l'absence de déclaration au passif des créances, dans des délais fixés par décret en Conseil d'Etat, entraînerait , comme à l'heure actuelle, l'impossibilité pour les créanciers concernés de bénéficier des répartitions et des dividendes .

Selon les informations recueillies par votre rapporteur, le délai de deux mois, calculé à compter de la publication du jugement d'ouverture au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales , actuellement prévu par l'article 66 du décret n° 85-1388 du 27 décembre 1985, serait conservé par le décret d'application qui serait pris sur le fondement du présent projet de loi.

Le droit aux répartitions et dividendes du créancier ayant omis de déclarer au passif pourrait néanmoins être rétabli, comme actuellement, grâce à un relevé de forclusion émanant du juge-commissaire. Ce relevé de forclusion pourrait être accordé :

- si le créancier concerné établit que sa défaillance n'est pas due à son fait, le texte proposé reprenant sur ce point les dispositions en vigueur ;

- ou si le créancier prouve que sa défaillance est « due à une omission volontaire du débiteur », ce qui constituerait désormais une cause spécifique de relevé de forclusion . Bien que le texte proposé n'y renvoie pas expressément, il s'agirait de l'hypothèse dans laquelle le débiteur, tenu de remettre à l'administrateur ou au mandataire judiciaire la liste certifiée de ses créances en application du deuxième alinéa de l'article L. 622-6 dans sa rédaction proposée par l'article 25 du présent projet de loi, aurait intentionnellement dissimulé l'existence de l'un de ses créanciers. Ce nouveau cas de relevé de forclusion reprendrait ainsi des solutions jurisprudentielles émanant des juges du fond 133 ( * ) .

Votre commission vous propose de préciser, par amendement, que l'omission du débiteur se rattache à son obligation d'établir la liste de ses créances.

En tout état de cause, les créanciers relevés de leur forclusion ne pourraient, comme à l'heure actuelle, concourir avec les autres créanciers que pour la distribution des répartitions postérieure à leur demande.

Votre commission constate cependant que le sort des éventuelles distributions de dividendes n'est pas défini par le texte proposé, alors même que cette situation peut advenir. Elle vous soumet donc un amendement tendant à prévoir que les créanciers relevés de leur forclusion ne pourraient également concourir que pour la distribution de dividendes postérieurs .

? Le deuxième alinéa de l'article L. 622-24 définirait la durée du délai d'action en relevé de forclusion , en précisant en particulier son point de départ.

Dans sa rédaction initiale, cet alinéa fixait le délai d'action à un an, conformément au droit en vigueur. Toutefois, à l'initiative de sa commission des lois, l'Assemblée nationale a , avec l'avis favorable du Gouvernement, souhaité réduire le délai d'action en relevé de forclusion à six mois afin, selon son rapporteur, « d'éviter que les relevés de forclusion tardifs ne remettent en cause le plan de sauvegarde qui aura déjà été arrêté dans un délai bien inférieur à un an » 134 ( * ) .

La jurisprudence estimant que le délai d'action en relevé de forclusion est un délai préfix qui, de ce fait, ne peut être ni interrompu ni suspendu, devrait continuer à s'appliquer 135 ( * ) .

Le point de départ de ce délai serait le suivant :

- en principe, il courrait, pour l'ensemble des créanciers, à compter de la publication de la « décision » d'ouverture. Votre commission vous soumet un amendement de précision rédactionnelle ;

- pour l'AGS, à l'instar du droit en vigueur, il courrait à compter de l'expiration de la période pendant laquelle elle garantit les créances résultant du contrat de travail des salariés de l'entreprise ;

- pour les créanciers « titulaires d'une sûreté ou liés au débiteur par un contrat publié », il courrait à compter de la réception de l'avis qui leur est donné. Cette précision serait nouvelle et se substituerait à la règle d'inopposabilité actuellement prévue au deuxième alinéa de l'article L. 621-46 du code de commerce, qui a pour conséquence de supprimer purement et simplement, en pratique, le mécanisme du relevé de forclusion à l'égard des personnes qui doivent être personnellement averties d'avoir à déclarer leur créance, sans pour autant supprimer l'obligation de déclaration à leur égard.

Votre commission vous soumet un amendement de précision par coordination avec l'amendement présenté à l'article 39 tendant à préciser que seuls les créanciers titulaires d'une sûreté publiée bénéficient de cette computation particulière du délai.

En pratique, tant qu'ils n'auront pas été avertis personnellement, les créanciers titulaires de sûretés publiées ou liés au débiteur par un contrat publié n'auront pas de délai à respecter pour produire au passif. Une fois avertis, les créanciers devront alors déclarer, en application du premier alinéa de l'article L. 622-22 du code de commerce dans sa rédaction proposée par l'article 39 du projet de loi, dans le délai de deux mois à compter de la notification qui leur serait faite. A défaut, ils disposeraient d'un délai de six mois à compter de cette notification pour solliciter un relevé de forclusion.

Le texte proposé supprimerait par ailleurs la possibilité d'appel actuellement reconnue par l'article L. 621-46 du code de commerce, ce qui impliquerait que la décision du juge-commissaire statuant sur le relevé de forclusion pourrait désormais faire l'objet d'un recours devant le tribunal.

? La rédaction proposée supprimerait , en tout état de cause, la sanction aujourd'hui applicable aux créances n'ayant fait l'objet ni d'une déclaration au passif ni d'un relevé de conclusions : ces créances ne seraient plus éteintes.

La solution actuellement en vigueur apparaît en effet en contradiction avec les dispositions du règlement (CE) n° 1346/2000 du 29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité dont l'article 5 énonce que « l'ouverture de la procédure d'insolvabilité n'affecte pas le droit réel d'un créancier ou d'un tiers sur des biens corporels ou incorporels, meubles ou immeubles (...) appartenant au débiteur, et qui se trouvent, au moment de l'ouverture de la procédure, sur le territoire d'un autre Etat membre ». Or, une créance éteinte pour défaut de déclaration et de relevé de forclusion ne peut être garantie par un droit réel.

Pour permettre la bonne application du règlement communautaire lorsqu'une procédure d'insolvabilité est ouverte, il convenait donc de supprimer le principe de l'extinction de la créance.

Cette suppression aurait deux incidences majeures :

- d'une part, les titulaires de créances non déclarées ou n'ayant pas donné lieu à un relevé de forclusion pourraient désormais exercer, le cas échéant, après clôture d'une procédure de liquidation judiciaire, des recours contre le débiteur en vue d'obtenir le paiement des sommes qui leur resteraient dues 136 ( * ) . Actuellement, l'extinction de la créance fait perdre au créancier toute possibilité d'action ultérieure ;

- d'autre part, la capacité d'agir contre les cautions du débiteur serait recouvrée . En l'état du droit, la jurisprudence refuse en effet toute action du créancier dont la créance est éteinte en raison du caractère accessoire de l'engagement de caution 137 ( * ) .

Les dispositions de l'article L. 622-24, dans la rédaction proposée par le présent article, seraient applicables à la procédure de redressement judiciaire en vertu de l'article L. 631-14, dans sa rédaction issue de l'article 102 du présent projet de loi, ainsi qu'à la liquidation judiciaire, en vertu de l'article L. 641-3 dans la rédaction de l'article 112 du projet de loi.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 40 ainsi modifié .

* 133 Voir, par exemple, cour d'appel de Douai, 30 janvier 1997, Revue des procédures collectives 1999, p.  213.

* 134 Débats du 3 mars 2005, 2 ème séance, JOAN du 4 mars 2005, p. 1663.

* 135 Cour de cassation, ch. commerciale, 1 er juillet 1997, Bull. civ. IV, n° 210.

* 136 L'article L. 641-3 du code de commerce, dans sa rédaction proposée par l'article 112 du présent projet de loi, rendant applicable l'article L. 622-24 à la liquidation judiciaire.

* 137 Cour de cassation, ch. commerciale, 11 juin 1996, Bull. civ. IV, n° 167.

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