EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Le projet de loi relatif aux concessions d'aménagement, adopté par l'Assemblée nationale en première lecture le 27 juin 2005, a pour objet d'assurer la sécurité juridique des opérations d'aménagement.

Les conventions passées pour la réalisation de ces opérations ne font actuellement l'objet d'aucune obligation de publicité ni de mise en concurrence préalables en droit interne. Certaines d'entre elles, appelées conventions publiques d'aménagement, ne peuvent être conclues qu'avec des sociétés d'économie mixte locales, des sociétés d'économie mixte dont le capital est détenu à plus de la moitié par une ou plusieurs collectivités publiques et des établissements publics. Elles permettent à leurs titulaires de bénéficier d'une participation de la collectivité publique et de prérogatives de puissance publique, telles que le droit d'exproprier et de préempter.

Ce régime est aujourd'hui fragilisé.

La Commission européenne a en effet adressé à la France, en 2001, une lettre de mise en demeure puis, le 5 février 2004, un avis motivé contestant sa compatibilité avec le droit communautaire. En outre, suivant en cela la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes selon laquelle, pour respecter les règles fondamentales du traité sur l'Union européenne, tous les contrats publics, y compris ceux qui sont exclus du champ des directives relatives aux marchés publics de travaux, de fournitures et de services ainsi qu'aux concessions, doivent faire l'objet d'une publicité adéquate permettant la présentation d'offres concurrentes ainsi que le contrôle de l'impartialité des procédures d'adjudication, la cour administrative d'appel de Bordeaux a récemment prononcé, dans un arrêt du 9 novembre 2004, la nullité d'une concession d'aménagement conclue sans publicité ni mise en concurrence préalables.

Afin de mettre notre droit interne en conformité avec le droit communautaire, le projet de loi a pour objet d'instituer un régime unique de concessions d'aménagement mettant sur un pied d'égalité les aménageurs publics et privés et soumettant la passation de l'ensemble des contrats que nécessite la réalisation des opérations à des règles de publicité et de mise en concurrence.

De surcroît, pour assurer la sécurité juridique des conventions passées et des opérations d'aménagement réalisées dans leur cadre, l'Assemblée nationale a procédé à leur validation législative.

Deux propositions de loi ayant le même objet ont été déposées au Sénat, respectivement par M. Jean-Pierre Bel et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés 1 ( * ) et par M. Paul Blanc et plusieurs de ses collègues 2 ( * ) .

Cette réforme s'avère à la fois nécessaire et consensuelle.

I. UNE RÉFORME NÉCESSAIRE

Le régime juridique des conventions d'aménagement traduit les spécificités des opérations dont elles constituent le cadre. Il est aujourd'hui contesté en raison des atteintes qu'il porte au droit de la concurrence.

A. UN RÉGIME JURIDIQUE ORIGINAL

Le régime juridique des conventions d'aménagement a pour objet de permettre aux collectivités publiques de disposer des instruments nécessaires à la réalisation d'opérations globales, structurantes et complexes.

1. Un objet largement défini

En application de l'article L. 300-4 du code de l'urbanisme, l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs établissements publics peuvent confier l'étude et la réalisation d'opérations d'aménagement à toute personne publique ou privée y ayant vocation, à moins qu'ils ne décident de s'en charger directement en régie.

Les opérations d'aménagement sont définies à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme par leur objet : mettre en oeuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, favoriser le développement des loisirs et du tourisme, réaliser des équipements collectifs, lutter contre l'insalubrité, permettre le renouvellement urbain, sauvegarder ou mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels.

La loi laisse à la jurisprudence le soin de déterminer leur consistance . Ont ainsi été considérées comme des opérations d'aménagement la création d'un pôle d'attraction industriel et commercial 3 ( * ) , la construction de logements à caractère social et d'un immeuble à usage de bureaux 4 ( * ) mais non des aménagements à objet purement agricole ou se rapportant à des grands travaux d'infrastructure de transport 5 ( * ) .

Il s'agit en général d'opérations globales, complexes et de longue durée . Dans ses conclusions sur l'affaire Commune de Chamonix Mont-Blanc jugée par le Conseil d'Etat le 28 juillet 2003, M. Serge Lasvignes, commissaire du gouvernement, définissait l'aménagement en ces termes : « L'aménagement concerté est une forme de cet urbanisme dit « opérationnel » qui se traduit par une action volontariste. On isole une portion du territoire urbain. On se fixe un objectif d'urbanisation. Pour l'atteindre on « prépare » le terrain, c'est-à-dire qu'on en restructure s'il y a lieu le parcellaire et qu'on le dote des équipements adaptés au but à atteindre. Enfin, on substitue aux normes du plan d'occupation des sols 6 ( * ) , une planification positive qui n'est que l'expression sous la forme d'un règlement du choix d'urbanisme initial. C'est l'ensemble de cette démarche qui fait apparaître un aménagement au sens plein de ce terme, c'est-à-dire un effort d'organisation et d'agencement d'une portion du territoire. On est alors dans une logique d'une nature différente de celle qui préside à une opération de construction même ambitieuse ».

Ces opérations d'aménagement engagent fortement les collectivités locales dans des processus d'urbanisation dont elles sont parties prenantes . En effet, une opération d'aménagement ne se limite pas à la mise à disposition de terrains à bâtir. Elle suppose également une maîtrise foncière qui relève souvent de procédures mises en oeuvre par la collectivité locale, comme le droit de préemption ou l'expropriation. Elle vise enfin une nouvelle organisation de l'espace urbain et la réalisation d'équipements publics. La collectivité territoriale, la commune dans la plupart des cas, doit donc intervenir directement ou indirectement pendant toute la conception et le déroulement de l'opération d'aménagement. La simple évocation de la « ZAC rive gauche », à Paris, suffit à mesurer les enjeux considérables des opérations d'aménagement.

* 1 Proposition de loi n° 278 (Sénat, 2004-2005).

* 2 Proposition de loi n° 279 (Sénat, 2004-2005).

* 3 Conseil d'Etat, 31 mars 1989, Société d'ingénierie et de développement économique.

* 4 Cour administrative d'appel de Paris, 17 février 1995, Pagenel.

* 5 Conseil d'Etat, 3 décembre 1990, ville d'Amiens.

* 6 La loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains a remplacé le plan d'occupation des sols par le plan local d'urbanisme.

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