N° 73

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2005-2006

Annexe au procès-verbal de la séance du 9 novembre 2005

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

Par M. Gérard DÉRIOT,

Sénateur.

Tome V :

Accidents du travail et maladies professionnelles

(1) Cette commission est composée de : M. Nicolas About, président ; MM. Alain Gournac, Louis Souvet, Gérard Dériot, Jean-Pierre Godefroy, Mmes Claire-Lise Campion, Valérie Létard, MM. Roland Muzeau, Bernard Seillier, vice-présidents ; MM. François Autain, Paul Blanc, Jean-Marc Juilhard, Mmes Anne-Marie Payet, Gisèle Printz, secrétaires ; Mme Jacqueline Alquier, MM. Jean-Paul Amoudry, Gilbert Barbier, Daniel Bernardet, Mme Brigitte Bout, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Mmes Isabelle Debré, Christiane Demontès, Sylvie Desmarescaux, M. Claude Domeizel, Mme Bernadette Dupont, MM. Michel Esneu, Jean-Claude Etienne, Guy Fischer, Jacques Gillot, Francis Giraud, Mmes Françoise Henneron, Marie-Thérèse Hermange, Gélita Hoarau, Christiane Kammermann, MM. Serge Larcher, André Lardeux, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Mme Raymonde Le Texier, MM. Roger Madec, Jean-Pierre Michel, Alain Milon, Georges Mouly, Mmes Catherine Procaccia, Janine Rozier, Michèle San Vicente, Patricia Schillinger, M. Jacques Siffre, Mme Esther Sittler, MM. Jean-Marie Vanlerenberghe, Alain Vasselle, François Vendasi, André Vézinhet.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 12 e législ . ) : 2575 , 2609, 2610 et T.A. 496

Sénat : 63 et 71 (2005-2006)

Sécurité sociale.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale propose de fixer l'objectif de dépenses de la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) à 11,1 milliards d'euros en 2006.

A compter de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006, et conformément à la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale du 2 août 2005, le champ de l'objectif intègre désormais l'ensemble des régimes obligatoires, et non plus les seuls régimes comptant plus de 20.000 cotisants. Il prend en compte également le transfert de la branche AT-MP du régime général de la sécurité sociale à la branche maladie au titre de la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles, alors que ce transfert était jusqu'ici déduit de l'objectif de la branche.

L'objectif de dépenses pour 2005, à l'intérieur de ce nouveau périmètre, est désormais de 10,7 milliards d'euros, à comparer avec un objectif de dépenses voté en loi de financement l'année dernière de 10,5 milliards d'euros et une prévision de dépenses effectives de 10,3 milliards.

L'objectif de dépenses pour 2006 est en progression de 3,7 % par rapport à celui de 2005, ce qui est plus rapide que l'évolution de l'Objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam), fixée à 2,5 %. Il n'existe pas encore de prévision sur le montant des dépenses qui devraient être effectivement réalisées en 2005 à l'intérieur du nouveau périmètre.

Objectif de dépenses et dépenses réalisées depuis 2000

(en milliards d'euros)

2000

2001

2002

2003

2004

2005 (p)

Objectif de dépenses (ancien champ LFSS)

8,3

8,8

9

9,4

9,7

10,5

Dépenses réalisées (ancien champ LFSS)

8,1

8,5

9,3

9,8

9,9

10,3

Écart

-0,3

-0,3

0,3

0,4

0,2

-0,2

(p) : prévision

2004

2005 (p)

2006 (p)

Objectif de dépenses (nouveau périmètre)

-

10,7

11,1

Dépenses réalisées (nouveau périmètre)

10,2

-

-

(p) : prévision Source : Direction de la sécurité sociale

Les dépenses de la branche AT-MP représentent moins de 3 % des quelque 380 milliards d'euros de dépenses prévus pour la sécurité sociale en 2006. Elles relèvent pour près de 90 % du régime général : en 2006, le montant prévisionnel des dépenses de la branche AT-MP de la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM) est fixé à 9,9 milliards d'euros.

Les versements de la branche aux deux « fonds de l'amiante » augmentent encore de manière très significative, puisque la dotation au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (Fiva) passe de 200 millions en 2005 à 315 millions en 2006, tandis que celle versée au Fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (Fcaata) est portée de 600 à 700 millions d'euros. La progression des dépenses de prestations de la branche AT-MP devrait être plus modérée : la croissance des dépenses de rentes AT-MP devrait être nulle en volume en 2006 et de 1,8 % en valeur en raison de la revalorisation du point de rente à compter du 1 er janvier 2006 ; les prestations d'incapacité temporaire devraient augmenter de 2,4 %.

En l'absence de mesure nouvelle, le déficit de la branche aurait dû s'accroître pour atteindre 566 millions d'euros en 2006, après un déficit estimé par la commission des comptes de la sécurité sociale à 534 millions d'euros en 2005. Mais le Gouvernement a pris la décision de relever, par décret, de 0,1 point le taux des cotisations AT-MP , apportant ainsi à la branche un surcroît de recettes, qui devrait permettre de ramener l'an prochain le besoin de financement aux alentours de 152 millions d'euros.

Ce prélèvement supplémentaire intervient à la suite de la création, par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2005, d'une nouvelle contribution à la charge des entreprises ayant exposé leurs salariés à l'amiante, qui est venue abonder le Fcaata. La progression des dépenses conduit donc, depuis deux ans, à majorer les prélèvements pour contenir le déficit de la branche. Cette situation incite à envisager des réformes plus structurelles, susceptibles de rétablir les conditions d'un équilibre durable des comptes.

Les partenaires sociaux ont exprimé l'intention d'engager très prochainement des négociations en vue d'une réforme de la branche AT-MP. Ils y sont fortement encouragés par l'article 54 de la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie qui leur faisait, en principe, obligation de formuler, dans un délai d'un an, des propositions de réforme.

De son côté, l'Etat a également pris plusieurs initiatives importantes, surtout axées sur la prévention, avec notamment le lancement du plan santé au travail, la création de l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (Afsset) et la signature d'une convention d'objectifs et de gestion le liant à la branche AT-MP de la CNAM.

I. LES RISQUES PROFESSIONNELS : DES SITUATIONS CONTRASTÉES

Avant d'analyser la situation financière de la branche, il est nécessaire de retracer l'évolution des risques professionnels, dans la mesure où celle-ci pèse directement sur les dépenses de la branche et donc sur les conditions générales de son équilibre financier. Elle est aussi un indice de l'efficacité des mesures de prévention mises en oeuvre dans les entreprises.

Les statistiques disponibles pour 2004 confirment les tendances observées depuis 2000, à savoir une baisse du nombre d'accidents du travail et d'accidents de trajet, mais une progression forte du nombre de maladies professionnelles.

L'interprétation de ces données demeure cependant délicate en raison des incertitudes qui affectent encore notre connaissance des risques professionnels.

A. ACCIDENTS DU TRAVAIL ET MALADIES PROFESSIONNELLES : DES ÉVOLUTIONS DIVERGENTES

Les dernières données statistiques disponibles relatives aux accidents du travail confirment l'évolution à la baisse observée depuis une trentaine d'années. Entre 1970 et 2000, le nombre d'accidents du travail ayant occasionné un arrêt de travail a diminué d'environ un tiers. Ce bon résultat s'explique, pour partie, par les progrès réalisés par les entreprises dans le domaine de la sécurité au travail, mais aussi par la transformation structurelle de la composition de la population active française, moins présente dans les industries lourdes, qui sont aussi les plus dangereuses, et plus présente dans les services. Il doit cependant être relativisé compte tenu de l'augmentation de l'indice de gravité des accidents du travail.

Les données relatives aux maladies professionnelles sont plus préoccupantes. Le nombre de maladies reconnues est en forte progression, notamment en raison du développement des pathologies liées à l'amiante et des troubles musculo-squelettiques (TMS).

1. Des accidents du travail moins nombreux, mais plus graves

a) La diminution du nombre global d'accidents du travail

Les données provisoires pour 2004 font ressortir une diminution de 4,3 % du nombre d'accidents du travail et de 4,9 % du nombre d'accidents de trajet.

Évolution du nombre et de la fréquence des accidents du travail depuis 2000

2000

2001

2002

2003*

2004*

Nombre d'accidents du travail

1.361.259

1.345.608

1.326.355

1.276.732

1.221.185

Nombre d'accidents de trajet

131.886

130.601

127.567

120.074

114.190

Indice de fréquence (1)

79,2

76,6

73,7

71,1

68,4

(1) L'indice de fréquence correspond au nombre d'accidents du travail reconnus par milliers de salariés.
* Données provisoires Source : CNAM

Si les mesures de prévention permettent d'éviter les accidents les plus bénins, il reste cependant un « noyau dur » d'accidents graves difficiles à éradiquer.

b) Un indice de gravité en hausse

L'indice de gravité des accidents du travail se définit comme la somme des taux d'incapacité permanente rapportée au nombre d'heures travaillées (en millions).

Seuls les accidents les plus graves donnent lieu, en effet, à une incapacité permanente. Le taux d'incapacité permanente est évalué par la caisse primaire et détermine le montant de la rente perçue par la victime.

On n'observe pas de tendance franche à la baisse de cet indice de gravité depuis la fin des années 1990. Il progresse même nettement depuis 2001 et gagne encore 1,5 point entre 2003 et 2004, selon les estimations disponibles.

Évolution de la gravité des accidents du travail depuis 2000

2000

2001

2002

2003*

2004*

Nombre d'accidents du travail avec incapacité permanente

48.923

43.875

47.877

49.632

nd.

Indice de gravité

16,1

14,5

16,0

18

19,5

* données provisoires Source : Direction de la sécurité sociale

c) Une forte hétérogénéité sectorielle

La fréquence des accidents du travail, et notamment des accidents graves, varie sensiblement d'un secteur d'activité à l'autre.

Les données recueillies par la CNAM et la Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (CCMSA) montrent ainsi que la fréquence moyenne des accidents du travail ayant entraîné une incapacité permanente ou un décès est, en 2003, de 2,8 o /oo équivalents temps plein pour l'ensemble des secteurs d'activité couverts par le régime général, mais de 7,6 o /oo pour le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP) et de 9,9 o /oo pour l'agriculture.

Les accidents causés par un véhicule représentent une part importante des accidents de travail les plus graves. Ils représentent 3 % des accidents du travail avec arrêt en 2003, mais 5,9 % des accidents avec incapacité permanente et 30,4 % des décès. L'insécurité routière a donc partie liée avec l'insécurité au travail.

Il apparaît également que les salariés jeunes et que les salariés en contrat précaire déclarent plus d'accidents que la moyenne. Le manque d'expérience au poste de travail est un facteur supplémentaire de risque.

2. Une augmentation rapide du nombre de cas de maladies professionnelles reconnues

La tendance la plus préoccupante est certainement la forte progression du nombre de victimes de maladies professionnelles.

a) Une vive progression depuis l'an 2000...

Alors que le nombre de personnes atteintes de maladies professionnelles reconnues était de seulement 3.834 en 1980, il devrait dépasser 43.000 en 2004 . Le nombre de cas reconnus a augmenté de 45 % entre 2000 et 2003 et le nombre de cas mortels a doublé sur la même période.

Évolution du nombre de cas de maladies professionnelles depuis 2000

2000

2001

2002

2003*

2004*

Nombre de maladies professionnelles constatées et reconnues

30.224

34.519

39.919

43.847

43.175

Nombre de maladies professionnelles mortelles

239

365

426

494

n.d.

* données partielles et provisoires Source : CNAM

Cette tendance est inquiétante sur le plan sanitaire comme sur le plan économique. Elle n'est pas sans conséquences financières, en raison notamment de la fréquence des cas d'invalidité permanente occasionnés par des maladies professionnelles. Alors que les accidents du travail ne s'accompagnent d'une incapacité permanente que dans 4 % des cas environ, ce taux est de 35 % en 2003 pour les maladies professionnelles. Comme on le verra, la dégradation de la situation financière de la branche s'explique, en grande partie, par le développement de nombreuses pathologies, souvent cancéreuses, liées à l'amiante.

b) ... liée au développement de quelques affections

Deux grands types d'affections sont en progrès rapide et expliquent l'essentiel de la hausse observée :

les affections périarticulaires : causées par certains gestes ou postures de travail,  elles ont vu leur nombre progresser de 212 % entre 1997 et 2003 et représentent actuellement presque les trois quarts des maladies professionnelles reconnues ;

les affections dues aux poussières d'amiante (tableau 30 des maladies professionnelles) ont augmenté de 262 % sur la même période ; il faut y ajouter les cancers broncho-pulmonaires liés à l'exposition à l'amiante, mentionnés au tableau 30 bis, dont le nombre de cas reconnus est passé de 91 en 1997 à 835 cas en 2003, soit une augmentation de 817 %.

Les autres pathologies les plus fréquentes sont les lombalgies-dorsalgies, les dermatoses, les troubles de l'audition et l'asthme.

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