ARTICLE 2 bis (nouveau) - Prorogation de deux ans de l'abattement de 50 % sur les bénéfices agricoles réalisés par les jeunes agriculteurs et les signataires d'un contrat d'agriculture durable

Commentaire : le présent article a pour objet de proroger de deux ans le dispositif fiscal applicable aux jeunes agriculteurs bénéficiaires d'aides à l'installation et aux signataires d'un contrat d'agriculture durable (CAD) leur permettant de bénéficier d'un abattement de 50 % sur leur bénéfice imposable, pendant les soixante premiers mois d'activité suivant, respectivement, leur installation ou leur souscription du contrat.

I. LE DROIT EXISTANT

L'article 73 B du code général des impôts instaure un abattement de 50 % sur les bénéfices agricoles des jeunes exploitants qui, soit bénéficient des aides à l'installation, soit ont souscrit un contrat d'agriculture durable entre le 1 er janvier 2005 et le 31 décembre 2008.

A. L'ABATTEMENT SUR LE BÉNÉFICE IMPOSABLE DES JEUNES AGRICULTEURS BÉNÉFICIANT D'AIDES À L'INSTALLATION

Le I de l'article 73 B précité du code général des impôts dispose que le bénéfice imposable des exploitants soumis au régime réel d'imposition, établis entre le 1 er janvier 1993 et le 31 décembre 2006, qui bénéficient des prêts à moyen terme spéciaux ou de la dotation d'installation aux jeunes agriculteurs, est déterminé, au titre des soixante premiers mois d'activité à compter de la date d'octroi de la première aide, sous déduction d'un abattement de 50 % .

Cette possibilité pour les jeunes agriculteurs qui s'installent de bénéficier d'un abattement sur leur bénéfice imposable a été introduite par la loi de finances rectificative pour 1982 3 ( * ) . La loi de finances initiale pour 1993 4 ( * ) avait prorogé le dispositif initial jusqu'au 31 décembre 1999, en le modifiant partiellement. La loi de finances initiale pour 2000 5 ( * ) l'avait prorogé jusqu'au 31 décembre 2000, tandis que l'article 14 de la loi de finances initiale pour 2001 6 ( * ) avait fixé au 31 décembre 2003 la date limite de l'installation prévue pour bénéficier de l'abattement de 50 % sur les bénéfices des jeunes agriculteurs. Enfin, l'article 102 de la loi de finances initiale pour 2004 7 ( * ) a encore reporté de trois ans, jusqu'au 31 décembre 2006, cette date limite d'installation.

B. L'ABATTEMENT SUR LE BÉNÉFICE IMPOSABLE DES SIGNATAIRES D'UN CONTRAT D'AGRICULTURE DURABLE (CAD)

Le II de l'article 73 B précité du code général des impôts, dans sa rédaction issue de l'article 11 de la loi de finances initiale pour 2005 8 ( * ) , dispose que cet abattement de 50 % des bénéfices agricoles s'applique également aux exploitants agricoles qui, n'ayant pas bénéficié des aides à l'installation précitées, souscrivent, entre le 1 er janvier 2005 et le 31 décembre 2008, un contrat d'agriculture durable dans les conditions définies par le code rural.

L'abattement s'applique aux bénéfices imposables des exploitants agricoles âgés de 21 ans au moins et 38 ans au plus au jour de la souscription du contrat précité, au titre des soixante mois suivants.

Cet abattement n'est applicable que pour la première conclusion d'un contrat d'agriculture durable.

Ce dispositif fiscal avait été introduit par l'article 14 de la loi de finances initiale pour 2001 précitée qui avait étendu le bénéfice de l'abattement fiscal de 50 % aux exploitants agricoles qui, s'installant dans le cadre d'un contrat territorial d'exploitation à compter du 1 er janvier 2001, ne répondaient pas pour autant à l'ensemble des critères d'attribution de la dotation aux jeunes agriculteurs ou des prêts spéciaux d'installation à moyen terme et ne pouvaient donc pas bénéficié de ces aides spécifiques à l'installation.

Il faut rappeler que l'article 11 de la loi de finances initiale pour 2005 précitée avait permis de prendre acte du remplacement des contrats territoriaux d'exploitation (CTE) par les contrats d'agriculture durable 9 ( * ) .

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

A l'initiative du gouvernement et avec l'avis favorable, à titre personnel, de notre collègue député Gilles Carrez, rapporteur général du budget au nom de la commission des finances, l'Assemblée nationale a adopté le présent article visant à proroger de deux ans les deux dispositifs d'abattement précités figurant à l'article 73 B du code général des impôts.

Ainsi, le I du présent article propose de remplacer, dans le premier alinéa du I de l'article 73 B précité du code général des impôts, la date du 31 décembre 2006 par celle du 31 décembre 2008, afin de permettre aux jeunes agriculteurs destinataires d'aides à l'installation, établis entre le 1 er janvier 1993 et le 31 décembre 2008 , de bénéficier, au titre des soixante premiers mois d'activité, de l'abattement de 50 % sur leur bénéfice imposable.

Lors de l'examen du présent article à l'Assemblée nationale, M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat, a indiqué que le gouvernement proposait, non seulement de proroger le dispositif mis en place pour les jeunes agriculteurs jusqu'au 31 décembre 2008, mais aussi de « procéder à une évaluation », cette proposition présentant « l'avantage de fixer un calendrier ».

Dans le même esprit, le II du présent article procède à la modification du premier alinéa du II de l'article 73 B précité afin de prévoir que l'abattement de 50 % sur le bénéfice imposable s'applique aux exploitants agricoles qui, n'ayant pas bénéficié des aides à l'installation précitées, souscrivent entre le 1 er janvier 2005 et le 31 décembre 2010 , au lieu du 31 décembre 2008 dans le droit existant, un contrat d'agriculture durable .

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

A. SUR LA PROROGATION DE L'ABATTEMENT EN FAVEUR DES JEUNES AGRICULTEURS BÉNÉFICIAIRES D'AIDES À L'INSTALLATION

Votre rapporteur général s'interroge sur la méthode retenue qui consiste à proroger sans cesse ce dispositif fiscal d'abattement sur le bénéfice imposable des jeunes agriculteurs. Certes le gouvernement a indiqué qu'il procèderait à une évaluation de ce dispositif, qui a cependant été mis en place par la loi de finances rectificative pour 1982 précitée, c'est-à-dire il y a plus de vingt ans.

Votre rapporteur général reconnaît l'utilité d'une telle mesure fiscale dans le but de favoriser l'installation des jeunes agriculteurs et se demande pourquoi elle n'est pas purement et simplement pérennisée.

Dès lors, votre rapporteur général vous propose de pérenniser cet abattement, sans cesse reconduit depuis le début des années 80.

B. SUR LA PROROGATION DE L'ABATTEMENT EN FAVEUR DES SIGNATAIRES D'UN CONTRAT D'AGRICULTURE DURABLE

Lors de l'examen de l'article 8 ter du projet de loi de finances pour 2005, devenu article 11 précité de la loi de finances initiale pour 2005, qui proposait, dans sa version adoptée par l'Assemblée nationale, d'étendre le bénéfice de l'abattement de 50 % sur les bénéfices agricoles aux signataires d'un CAD sans limitation dans le temps, votre rapporteur général avait proposé « dans un souci de compromis (...) de limiter l'application [de ces] dispositions dans le temps, aux jeunes agriculteurs qui souscrivent un contrat d'agriculture durable entre le 1 er janvier 2005 et le 31 décembre 2008, pendant les soixante mois suivant la souscription du contrat, afin de donner à cette mesure fiscale un effet de levier visant seulement à inciter à la signature de nouveaux contrats et ayant donc vocation à être temporaire ». Cette proposition de modification avait été retenue dans le dispositif finalement adopté.

Votre rapporteur général avait également exprimé sa position de principe selon laquelle « l'extension du bénéfice de cet abattement aux signataires d'un contrat territorial d'exploitation, c'est-à-dire d'un contrat rémunéré, par la loi de finances pour 2001 précitée, avait contribué à créer une niche fiscale injustifiée et à modifier l'esprit du dispositif initialement mis en place ».

Le coût de l'abattement de 50 % sur le bénéfice imposable des signataires d'un contrat d'agriculture durable avait alors été estimé par le gouvernement à 5 millions d'euros par an .

Votre rapporteur général constate, en outre, que les informations qui lui ont été fournies par le ministère de l'agriculture et de la pêche ne permettent pas réellement d'attester de l'efficacité de ce dispositif fiscal . En effet, alors que les crédits demandés en loi de finances initiale pour 2005 sur le chapitre 44-84-10 relatif au paiement des CAD et anciens CTE encore en vigueur, à hauteur de 231,6 millions d'euros auraient du permettre de contractualiser, en 2005, au moins 10.000 nouveaux CAD, les derniers chiffres disponibles font état, pour 2005, de la signature de 9.000 CAD pour une dépense budgétaire de l'ordre de 243 millions d'euros.

Dès lors, votre rapporteur général ne peut que se montrer sceptique quant à la prorogation de deux ans du dispositif d'abattement applicable aux signataires d'un CAD, proposée par le présent article. Il vous propose donc de supprimer cette prorogation et de prévoir que l'abattement de 50 % sur le bénéfice agricole des signataires d'un contrat d'agriculture durable est applicable aux exploitants signataires d'un CAD entre le 1 er janvier 2005 et le 31 décembre 2005 .

Les contrats d'agriculture durable

Les contrats d'agriculture durable ont été créés par décret du 22 juillet 2003. Ce dispositif a pour objectif principal d'orienter les exploitations agricoles vers des modes de gestion plus respectueux de l'environnement et du bien-être animal. Il peut également apporter un soutien aux investissements qui permettent de diversifier l'activité, d'améliorer la qualité des produits ou d'améliorer les conditions de travail.

Les contrats d'une durée de cinq ans sont passés entre un exploitant (ou des associés exploitants dans le cadre d'une personne morale), une fondation, une association sans but lucratif, un établissement d'enseignement ou de recherche agricole ou une personne morale de droit public et l'Etat. Ils prennent effet soit au 1 er mai, soit au 1 er septembre de chaque année. Les collectivités territoriales ou des personnes morales de droit public peuvent également apporter un concours public ; le contrat devient alors multipartite.

Les contrats comprennent obligatoirement un volet environnemental. Ils peuvent également comprendre un volet socio-économique. Les contrats-types sont arrêtés par le Préfet après avis de la Commission départementale d'orientation de l'agriculture (CDOA) qui rassemble notamment les acteurs du monde agricole et de l'environnement.

Outre, les objectifs retenus au niveau départemental, les contrats-types répondent aussi aux objectifs impulsés au niveau national. Ainsi, les actions de conversion à l'agriculture biologique ou celles de préservation des races menacées d'extinction sont-elles obligatoirement reprises dans le contrat-type départemental.

De même, le maintien de la contractualisation des surfaces remarquables qui avaient été soutenues dans le cadre des opérations locales agroenvironnementales et la contractualisation des surfaces en site Natura 2000 sont des priorités affichées au niveau national.

Du point de vue budgétaire, les contrats sont encadrés d'une part par une enveloppe de droits à engager et d'autre part, par une obligation de maintenir une moyenne départementale des montants des contrats signés sur une année civile inférieure à 27.000 euros par contrat, soit 5.400 euros par contrat et par an hormis les actions de conversion à l'agriculture biologique.

Pour l'année 2004, l'enveloppe notifiée a permis l'engagement de 250 millions d'euros et la signature de 10 000 contrats dont 6.100 ont pris effet en 2004 . Les surfaces sous engagement pour ces 10.000 contrats s'élèvent à 400.000 ha, soit 40 ha par exploitation, nombre que l'on peut rapprocher de la surface agricole utilisée moyenne des bénéficiaires de CAD, qui est de 84 ha.

Pour l'année 2005, une enveloppe de droits à engager en mesures agroenvironnementales de 216 millions d'euros, y compris la contrepartie communautaire, a été répartie entre les régions, permettant la réalisation de 8.000 CAD . Les chapitres budgétaires sur lesquels sont financés les contrats territoriaux d'exploitation (CTE) et les CAD et plus largement l'ensemble des mesures agroenvironnementales sont en expérimentation au titre de la LOLF à compter de l'année 2005. Dans ce contexte, il a été possible en 2005 d'utiliser une partie de l'enveloppe allouée pour ouvrir en 2005 la prime herbagère agro-environnementale (PHAE) ou la MAE rotationnelle à de nouveaux demandeurs.

Une deuxième enveloppe d'un montant de 27 millions d'euros, y compris la contrepartie communautaire est susceptible d'être distribuée aux régions, pour des contrats dont la date de prise d'effet serait le 1 er mai 2006, ce qui porterait le nombre de CAD à signer en 2005 à 9.000 .

En ce qui concerne les paiements, le chapitre budgétaire 69-01, en expérimentation LOLF, sur lequel sont financés non seulement les CAD et les CTE mais plus largement l'appui au renouvellement des exploitations et les mesures agroenvironnementales et territoriales est doté pour l'année 2005 de 822,5 millions d'euros. Sur ce montant, les crédits prévus pour les CTE et des CAD s'élèvent à 210,3 millions d'euros, ce qui compte tenu du cofinancement communautaire permet de verser aux exploitants 394 millions d'euros.

Pour 2006, une enveloppe de droits à engager en mesures agroenvironnementales de 162 millions d'euros est prévue pour les dispositifs agroenvironnementaux, soit l'équivalent de 6.000 CAD d'un montant moyen de 27.000 euros .

Le montant des paiements à effectuer au titre des CTE et des CAD en 2006 et s'imputant sur la ligne 69-01-53 est estimé à 147 millions d'euros, hors reports éventuels de charge de l'année 2005, ce qui, compte tenu du cofinancement communautaire permettrait de verser 350 millions d'euros aux bénéficiaires.

Source : ministère de l'agriculture et de la pêche

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

* 3 Loi n° 82-540 du 28 juin 1982.

* 4 Loi n° 92-1376 du 30 décembre 1992.

* 5 Loi n° 99-1172 du 30 décembre 1999.

* 6 Loi n° 2000-1352 du 30 décembre 2000.

* 7 Loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003.

* 8 Loi n° 2004-1484 du 30 décembre 2004.

* 9 Le contrat territorial d'exploitation a été remplacé par le contrat d'agriculture durable défini par le décret n° 2003-675 du 22 juillet 2003 relatif aux contrats d'agriculture durable et modifiant le code rural.

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