ARTICLE 20 - Budgétisation du compte de tiers « tabac »

Commentaire : dans le cadre de la budgétisation du compte de tiers n° 466-123 « remise sur vente au détail des tabacs manufacturés », le présent article tend à clarifier le régime juridique des redevances payées par les débitants de tabac.

I. UNE RÉFORME RENDUE NÉCESSAIRE PAR LA MISE EN oeUVRE DU CONTRAT D'AVENIR POUR LES BURALISTES

A. LES RELATIONS FINANCIÈRES ENTRE L'ETAT ET LES DÉBITANTS DE TABAC RETRACÉES PAR UN COMPTE DE TIERS

En application de l'article 568 du code général des impôts, la gestion du monopole de vente au détail des tabacs manufacturés est confiée, depuis le 1 er janvier 1993, à la direction générale des douanes et droits indirects, qui l'exerce par l'intermédiaire de débitants désignés comme ses préposés , des titulaires du statut d'acheteur-revendeur 134 ( * ) ou par l'intermédiaire de revendeurs qui sont tenus de s'approvisionner en tabacs manufacturés exclusivement chez les débitants de tabacs.

L'article 568 précité précise que les débitants sont « tenus à redevance » , celle-ci venant, en pratique, abonder le compte de tiers n° 466-123 « remise sur vente au détail des tabacs manufacturés ». Cette redevance représente la contrepartie de la garantie du monopole de vente au détail qui leur est accordée.

1. Les recettes du compte de tiers n° 466-123

Le compte de tiers n° 466-123 précité bénéficie de trois ressources , au premier rang desquelles figurent les redevances payées par les débitants.

a) Les redevances payées par les débitants

En pratique, les redevances payées par les débitants de tabac sont déduites de la rémunération qui leur est accordée par les fournisseurs sous la forme de remises.

En effet, l'article 570 du code général des impôts dispose que les fournisseurs de tabacs manufacturés sont tenus de consentir à chaque débitant une remise , qui comprend l'ensemble des avantages directs ou indirects qui lui sont alloués. Le taux de cette remise est fixé par arrêté : il est de 8 % pour la France continentale et de 11,65 % pour les départements de Corse 135 ( * ) .

Ce taux de remise ne correspond toutefois pas à la rémunération perçue par le débitant de tabac. En effet, il s'agit d'une remise brute, sur laquelle vient s'imputer un « précompte » fixé à 2 % pour la France continentale et à 2,91 % pour les départements de Corse.

Ce précompte comprend deux retenues :

- la redevance due par le débitant à l'administration des douanes et droits indirects, en contrepartie de la gérance qui lui est concédée : elle représente 23 % de la remise brute, soit 1,84 % des 2 % du précompte en France continentale ;

- la cotisation au régime d'allocation viagère des gérants de débits de tabac (RAVGDT), qui représente 2 % de la remise brute, soit 0,16 % des 2 % du précompte en France continentale.

Ce précompte , qui vient alimenter le compte de tiers n° 466-123 précité, est directement versé par les fournisseurs à l'administration des douanes et droits indirects, pour le compte du débitant .

La rémunération nette des débitants correspond donc à la remise directe accordée sur facture, à laquelle peut s'ajouter un complément de remise versé par l'administration, lorsque le précompte prélevé à la source s'avère supérieur aux retenues réellement dues, en fonction de la situation de chaque débitant. Cette rémunération nette s'élève donc à 6 % en France continentale et à 8,74 % dans les départements de Corse.

b) Les compléments de redevance éventuellement versés par les adjudicataires

La deuxième ressource du compte de tiers réside dans les compléments de redevance éventuellement versés par les adjudicataires.

En effet, lorsque la gérance d'un débit de tabac est attribuée par adjudication, elle est confiée au candidat offrant de payer annuellement, au titre de la redevance à laquelle est tenu tout gérant de débit de tabac, la somme en euros la plus élevée. Chaque fin d'année, il est vérifié si cette somme est supérieure à celle qu'il devrait régler au titre de la redevance. Si c'est le cas, le débitant doit alors verser la différence à l'administration des douanes et des droits indirects.

c) Les indemnités pour rupture anticipée de contrat

Les indemnités pour rupture anticipée de contrat constituent la troisième ressource du compte de tiers. Ces indemnités sont dues par les adjudicataires qui cessent leur fonction avant une période de 3 ans pour un motif grave (décès d'un proche, agression,...).

2. Les cinq catégories de dépenses du compte de tiers n° 466-123

a) Les compléments de remise versés aux débitants de tabac

Ainsi qu'il a été précédemment indiqué, outre la remise directe accordée par le fournisseur, le débitant peut percevoir un complément de remise versé par l'administration, lorsque le précompte prélevé à la source s'avère supérieur aux retenues réellement dues (redevance et cotisation au régime d'allocation viagère des gérants de débits de tabac).

Par ailleurs, les débitants qui gèrent leur débit depuis plus de trois ans bénéficient d'une exonération de redevance au titre de la première part de chiffre d'affaires (152.500 euros en France continentale et 101.600 euros pour les départements de Corse). La part de redevance qui s'applique à cette somme leur est donc rendue sous forme de complément de remise.

Ces compléments de remise sont versés mensuellement depuis 2004, alors qu'ils étaient auparavant versés chaque trimestre.

b) Les transferts à la Caisse des dépôts et consignations au titre du régime d'allocation viagère des gérants de débits de tabac (RAVGDT)

La deuxième charge de ce compte est constituée par un transfert trimestriel à la Caisse des dépôts et consignations au titre du RAVGDT.

Ce transfert correspond au montant des cotisations des débitants (0,16 % des 2 % du précompte en France continentale) et à la part de l'Etat (qui représente le double de celle des débitants).

c) Les parts de redevance des débits de tabac

Le compte de tiers finance également les parts de redevance des débits de tabac qui, en application des décrets des 28 novembre 1873 et 17 mars 1874, sont attribuées aux « personnes qui justifient de services rendus à l'Etat et dont les moyens d'existence sont insuffisants » (notamment les veufs et veuves de fonctionnaires, sous certaines conditions). Ces parts de redevance représentent une dépense de 28 millions d'euros en 2006.

d) La subvention de sécurité des débits de tabac

A partir de ce compte de tiers, une subvention est également versée aux débitants afin de leur permettre d'améliorer la sécurité des débits de tabac. Cette subvention est égale à 80 % du montant hors taxes des matériels de sécurité. Depuis la mise en oeuvre du contrat d'avenir pour les buralistes annoncé par le gouvernement le 18 décembre 2003, elle est plafonnée à 10.000 euros par période de trois ans , contre 8.000 euros auparavant.

e) Les aides prévues par le contrat d'avenir des buralistes du 18 décembre 2003

Enfin, depuis la mise en place du contrat d'avenir pour les buralistes, le compte de tiers sert également à financer trois nouvelles aides : la « remise additionnelle », la « remise compensatoire » et la « démarche expérimentale » (cf. infra B.).

B. LE COMPTE EN DÉSÉQUILIBRE STRUCTUREL DU FAIT DU CONTRAT D'AVENIR POUR LES BURALISTES

1. La montée en charge des aides prévues par le contrat d'avenir pour les buralistes

Au titre de l'exercice 2004 , les buralistes ont perçu 156,7 millions d'euros d'aides au titre du contrat d'avenir du 18 décembre 2003, dont 144 millions d'euros correspondant aux trois aides précitées.

a) La remise compensatoire

La « remise compensatoire » concerne les débitants dont le chiffre d'affaires a baissé, sur une année pleine, d'au moins 5 % par rapport à 2002, qui constitue l'année de référence pour l'établissement de la compensation . Cette remise vise à compenser une partie de la remise nette que le débitant n'a pas encaissée du fait de cette baisse de chiffre d'affaires.

Le montant de la compensation varie suivant la perte de chiffre d'affaires constatée . Il correspond ainsi à :

- 50 % de la perte de remise nette, pour les débits dont le chiffre d'affaires a diminué de 5 à 10 % ;

- 70 % pour ceux dont le chiffre d'affaires a diminué de plus de 10 % et jusqu'à 25 % ;

- 80 % pour ceux dont le chiffre d'affaires a diminué de plus de 25 %, à l'exception de certains départements où elle atteint 90 % (l'Aude, les Landes, le Pas-de-Calais et les Vosges ainsi que le Gers, la Gironde et l'Hérault à compter du 1 er janvier 2006).

Le coût de cette remise compensatoire s'est élevé à 44,5 millions d'euros pour l'exercice 2004 : 11.000 débitants environ en ont bénéficié.

Au titre des trois premiers trimestres 2005 , son coût atteint 39,7 millions d'euros, qui ont été répartis entre 10.000 débitants environ .

b) La remise additionnelle

La remise additionnelle consiste à accorder à l'ensemble des débitants une subvention ainsi calculée :

- sur les 152.500 premiers euros de chiffre d'affaires, la remise additionnelle représente 2 % de ce chiffre d'affaires annuel ;

- sur la tranche de chiffre d'affaires comprise entre 152.500 euros et 300.000 euros, la remise additionnelle est de 0,70 %.

Cette remise additionnelle est plafonnée à 4.083 euros par an.

Au titre de la gestion 2004, 103,5 millions d'euros de remise additionnelle ont ainsi été versés à l'ensemble des débitants, 53 % d'entre eux ayant atteint le plafond de 4.083 euros.

Au cours des trois premiers trimestres 2005 , plus de 30.000 débitants en auraient bénéficié, pour un coût de 95,3 millions d'euros .

c) La démarche expérimentale

A côté de ces aides a été menée, dans certains départements 136 ( * ) , une « démarche expérimentale » qui consiste à accorder une aide à la cessation d'activité d'un montant équivalent à trois fois le montant de la remise nette 2002.

En 2004, 120 aides ont ainsi été accordées pour un montant global de 9 millions d'euros, soir une moyenne de 75.000 euros par aide.

D'après les informations communiquées à votre rapporteur général, 120 aides auraient déjà été autorisées en 2005, pour un montant de 9 millions d'euros. Au total 140 aides devraient être accordées sur l'ensemble de l'année et 160 aides seraient prévues en 2006.

2. Le compte de tiers en situation structurellement déficitaire

Le compte de tiers n° 466-123 présentait jusqu'à présent un excédent structurel. Son solde était versé au budget général de l'Etat, au titre des recettes non fiscales 137 ( * ) : 94 millions d'euros ont ainsi été perçus en 2002 et 100 millions d'euros en 2003.

D'après les informations communiquées à votre rapporteur général, compte tenu des charges nouvelles résultant du contrat d'avenir pour les buralistes, le compte de tiers deviendrait structurellement déficitaire et ne permettrait plus, à lui seul, d'assurer le financement du contrat d'avenir. Dès lors, il ne serait plus possible de conserver la structure du compte de tiers, ce qui impose la budgétisation de ce compte.

3. Le maintien du compte de tiers critiquable au regard du principe d'universalité budgétaire

Cette budgétisation est également souhaitable, dans la mesure où le mécanisme du compte de tiers contrevient au principe d'universalité budgétaire.

Pour ces deux motifs, le gouvernement a décidé que les dépenses jusqu'à présent financées par le compte de tiers seraient désormais inscrites sur la mission « Développement et régulation économiques » 138 ( * ) .

Les crédits inscrits sur la mission « Développement et régulation économiques »

La justification au premier euro présentée dans le bleu budgétaire correspondant à cette mission fait ainsi apparaître que les crédits inscrits pour faire face à ces dépenses s'élèvent à 374,1 millions d'euros en autorisations d'engagement et crédits de paiement , ainsi répartis :

- 82 millions d'euros au titre du complément de remise ;

- 68,7 millions d'euros correspondant aux transferts à la Caisse des dépôts et consignations au titre du régime d'allocation viagère des gérants de débits de tabac ;

- 16,4 millions d'euros afin de renforcer la sécurité des débits de tabac ;

- 28 millions d'euros pour financer le dispositif des parts de redevance ;

- 179 millions d'euros pour financer les aides prévues par le contrat d'avenir des buralistes.

En contrepartie, le budget général percevrait 310 millions d'euros de recettes correspondant aux redevances payées par les débitants de tabac, que le présent article propose de transformer en « droits de licence ».

Le rapprochement de ces données fait ainsi apparaître, pour l'exercice 2006, un solde négatif pour l'Etat, à hauteur de 64,1 millions d'euros.

II. L'OBJET DU PRÉSENT ARTICLE : CLARIFIER LE RÉGIME JURIDIQUE DES REDEVANCES DUES PAR LES DÉBITANTS DE TABAC

A. LA « REDEVANCE » PAYÉE PAR LES DÉBITANTS TRANSFORMÉE EN UN « DROIT DE LICENCE »

Le 1° du I du présent article tend à modifier l'article 568 du code général des impôts afin de prévoir que les débitants de tabac seront désormais « tenus à droits de licence au-delà d'un seuil de chiffre d'affaires réalisé sur les ventes de tabacs manufacturés fixé à 152.500 euros pour les débits de France continentale et à 101.600 euros pour ceux des départements de Corse », au lieu d'être « tenus à redevance ».

Cette modification permet d'éviter toute référence à un service rendu par l'Etat et affirme le caractère fiscal de ce droit de licence. On relève ainsi que son produit (310 millions d'euros en 2006) apparaît en recettes fiscales 139 ( * ) .

Les seuils de 152.500 euros et 101.600 euros précisés dans le texte proposé pour l'article 568 du code général des impôts correspondent aux seuils actuels.

B. UN RÉGIME JURIDIQUE QUI REPREND LARGEMENT LES RÈGLES ACTUELLES

1. les règles relatives à la liquidation du droit de licence

Le 2° du I du présent article insère un nouvel aliéna au sein de l'article 568 du code général des impôts, afin de préciser les règles relatives à la liquidation du droit de licence. En pratique, ce nouvel alinéa reprend des dispositions existantes :

- le droit de licence correspondra à 23 % de la remise brute;

- il sera exigible à la livraison des tabacs manufacturés au débitant et liquidé par les fournisseurs, au plus tard le 25 de chaque mois, sur la base d'une déclaration des quantités livrées au débitant au cours du mois précédent, qui aura fait l'objet d'une transmission à l'administration des douanes et des droits indirects.

- ce droit sera acquitté, à la date de la liquidation, par les fournisseurs pour le compte des débitants. Une caution garantissant le paiement du prélèvement sera exigée des fournisseurs ;

- l'administration restituera au débitant les sommes encaissées au titre du droit de licence sur la part du chiffre d'affaires inférieure ou égale au seuil de 152.500 euros en France continentale et de 101.600 euros en Corse, sur la base d'une déclaration mensuelle des livraisons effectuées à chaque débitant, adressée par les fournisseurs au plus tard le quinzième jour du mois suivant.

Un décret devrait fixer les modalités ainsi que les conditions d'application de ce nouvel alinéa de l'article 568 du code général des impôts. Il devrait, notamment, prévoir que la caution exigée des fournisseurs sera au moins égale à 0,4 % de la valeur, au prix de détail, des tabacs manufacturés que le fournisseur envisage de livrer en douze mois aux débitants, sans pouvoir être inférieure à 726,25 euros.

Par ailleurs, les 1° du I et II du présent article apportent quelques modifications de coordination avec cette mesure tendant à insérer un nouvel alinéa au sein de l'article 568 du code général des impôts.

2. Les règles relatives à la constatation, au recouvrement et au contrôle de ce droit

Le 3° du I du présent article vise à réécrire l'actuel deuxième alinéa du code général des impôts.

Celui-ci dispose que les redevances payées par les débitants sont recouvrées « selon les règles, conditions et garanties prévues en matière domaniale ».

Le 3° du I du présent article prévoit que le droit de licence sera constaté, recouvré et contrôlé suivant les règles propres aux contributions indirectes.

Cette précision n'avait pas apportée lorsque la compétence relative aux redevances des débitants avait été transférée, en 1993, à la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI). Elle paraît cohérente, dans la mesure où elle permet d'harmoniser les règles applicables aux contributions relevant de la DGDDI.

Il faut toutefois relever que l'effet pratique de cette disposition paraît limité, dans la mesure où un seul fournisseur - Altadis - assure la quasi-totalité de la distribution de tabacs manufacturés, ce qui entraîne un taux de recouvrement de 100 %.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Par elles-mêmes, les mesures contenues dans le présent article n'appellent pas de remarques particulières .

En revanche, dans la mesure où la budgétisation du compte de tiers n° 466-123 « remise sur vente au détail des tabacs manufacturés » n'intervient qu'à compter du 1 er janvier 2006, votre rapporteur général souhaite que des précisions soient apportées sur la situation de ce compte en 2005 et, le cas échéant, sur les mesures envisagées pour combler un éventuel déficit et, ainsi, faire face aux dépenses dues au titre du contrat d'avenir du 18 décembre 2003. Il lui semble en effet nécessaire que des mesures soient prises tout à la fois pour simplifier un dispositif devenu illisible par sa complexité et pour revenir rapidement à l'équilibre du compte.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

* 134 Il s'agit des personnes physiques ou morales, agréées par la direction générale des douanes et des droits indirects, qui exploitent soit des comptoirs de vente dans l'enceinte d'un port, d'un aéroport ou du terminal du tunnel sous la Manche, soit des boutiques à bord de moyens de transports et qui vendent des tabacs manufacturés aux seuls voyageurs titulaires d'un titre de transport mentionnant comme destination soit un autre Etat membre de la Communauté européenne, soit un pays tiers.

* 135 Ces taux sont fixés, respectivement, par les arrêtés du 21 septembre 1976 et du 7 janvier 2003.

* 136 L'Aude, les Landes, les Vosges, le Pas-de-Calais et, à compter du 1 er janvier 2006, le Gers, la Gironde et l'Hérault.

* 137 Ligne 0805 « Recettes accidentelles à différents titres ».

* 138 Action n° 3 « Maîtrise et régulation des flux de marchandises » du programme n° 199 « Régulation et sécurisation des échanges de biens et services ».

* 139 Se reporter au bleu « Evaluation des voies et moyens », Tome I « Les évaluations de recettes », ligne 1758.

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