Article 4 ter B (nouveau)
(Article L. 327-1 [nouveau] du code de l'urbanisme)

Création de sociétés publiques locales d'aménagement

L'Assemblée nationale a introduit, par voie d'amendement , un article additionnel visant à permettre à des sociétés locales placées sous le contrôle exclusif de collectivités locales de réaliser des opérations d'aménagement. Cette disposition est introduite à titre expérimental pendant une durée de trois ans .

1° Le contexte juridique de cette disposition

Cet amendement trouve son origine dans l'adoption récente de la loi n° 2005-809 du 20 juillet 2005 relative aux concessions d'aménagement. Sans revenir sur l'intégralité des enjeux de cette loi 11 ( * ) , votre commission rappelle qu'elle a institué un régime unique de concession d'aménagement mettant sur un pied d'égalité les aménageurs publics et privés et soumettant à des règles de publicité et de mise en concurrence la passation des contrats que nécessite la réalisation des opérations d'aménagement.

En outre, aux termes de l'article L. 300-5-2 du code de l'urbanisme tel qu'introduit par cette loi, sont dispensés de toute obligation de publicité et de mise en concurrence les concessions d'aménagement conclues entre le concédant et un aménageur sur lequel il exerce un contrôle analogue à celui qu'il exerce sur ses propres services et qui réalise l'essentiel de ses activités avec lui ou, le cas échéant, les autres personnes publiques qui le contrôlent .

Cette disposition reprend un principe déjà posé dans le code des marchés publics, issu d'une jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) en matière de contrats de prestations intégrées, dite « in house ». Ainsi dans l'arrêt Teckal, du 18 novembre 1998, la Cour a estimé que la directive sur la passation des marchés publics de fourniture ne s'applique pas dans les cas où l'entité adjudicatrice « exerce sur la personne en cause un contrôle analogue à celui qu'elle exerce sur ses propres services » et où cette personne « réalise l'essentiel de son activité avec la ou les collectivités qui la détiennent ». Ces deux conditions sont cumulatives .

S'agissant de l'interprétation de la condition relative au contrôle, la CJCE a considéré que « la participation, fût-elle minoritaire , d'une entreprise privée dans le capital d'une société à laquelle participe également le pouvoir adjudicateur en cause exclut en tout état de cause que ce pouvoir adjudicateur puisse exercer sur cette société un contrôle analogue à celui qu'il exerce sur ses propres services ». Autrement dit, la relation « in house » implique que la société soit détenue à 100 % par des personnes publiques : les sociétés d'économie mixte locales doivent donc être mises en concurrence pour la passation des concessions d'aménagement.

Au cours de l'examen du projet de loi précité, la question de la création de sociétés dont le capital serait, conformément au principe du « in house », détenu intégralement par des collectivités territoriales, a été soulevée, notamment par le président de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, M. Patrick Ollier. Le Gouvernement s'est alors engagé à trouver une solution rapide à cette question, et à créer un groupe de travail composé de parlementaires et de représentants de l'administration, qui s'est réuni depuis.

2° Le dispositif proposé

L'article 4 ter B permet, pendant trois ans, à titre expérimental, la création de sociétés entièrement détenues par les collectivités territoriales et leurs groupements. Le deuxième alinéa précise, en outre, que l'une des collectivités doit détenir au moins la majorité des droits de vote. En effet, conformément à la jurisprudence précitée, la collectivité qui passera la convention devra exercer sur la société un contrôle analogue à celui qu'elle exerce sur ses propres services. Le troisième alinéa prévoit que ces sociétés sont compétentes pour réaliser, pour le compte de leurs actionnaires, des opérations d'aménagement sur le territoire des communes ou groupements de communes qui en sont membres.

Enfin, l'article renvoie, pour le régime juridique de ces sociétés, au code du commerce et au code général des collectivités territoriales. Les dispositions du livre II du code de commerce, relatives aux sociétés anonymes seront applicables. Aux termes de l'article L. 225-1 du code du commerce, « la société anonyme est la société dont le capital est divisé en actions et qui est constituée entre des associés qui ne supportent les pertes qu'à concurrence de leurs apports. Le nombre des associés ne peut être inférieur à sept . » Par ailleurs, seront également applicables les dispositions du chapitre IV du titre II du livre du CGCT, relatif aux sociétés d'économie mixte.

Propositions de votre commission

Votre commission juge opportune l'introduction de cette disposition, dont la nécessité avait été évoquée dès l'examen du projet de loi sur les concessions d'aménagement. Elle relève que de nombreux pays européens ont d'ores et déjà adopté le principe de la détention à 100 % du capital d'une société par une collectivité publique.

En revanche, votre commission s'interroge sur l'opportunité d'instituer une mesure d'ordre expérimental. En effet, la rédaction retenue pouvait faire peser une incertitude juridique sur le devenir des sociétés et des conventions qu'elles auront passées au terme des trois ans, sans pour autant prévoir d'obligations en matière d'évaluation. Cette durée apparaît, en outre, trop brève pour pouvoir effectuer un bilan intéressant de la mesure. C'est pourquoi elle propose de laisser aux sociétés le temps de se créer et de passer des concessions d'aménagement, tout en prévoyant une évaluation, afin, le cas échéant, d'adapter le dispositif. C'est la raison pour laquelle elle vous propose deux amendements , tendant à supprimer le délai de trois ans d'une part, et à prévoir un rapport d'évaluation d'autre part, dans un délai de cinq ans à compter de la promulgation de la loi.

Par ailleurs, elle vous propose, par un amendement , de permettre à un groupement de collectivités territoriales de détenir la majorité du capital, dans la mesure où un tel groupement peut également être appelé à passer une concession d'aménagement. Enfin, elle vous présente un amendement élargissant des communes à l'ensemble des collectivités territoriales le champ d'intervention des sociétés.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

* 11 Voir le rapport de l'Assemblée nationale n° 2404 de M. Jean-Pierre GRAND, député, fait au nom de la commission des affaires économiques, ainsi que celui du Sénat n° 458 (2004-2005) de M. Jean-Pierre Sueur, sénateur, fait au nom de la commission des lois.

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