Rapport n° 343 (2005-2006) de M. Henri de RICHEMONT , fait au nom de la commission des lois, déposé le 10 mai 2006

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N° 343

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2005-2006

Annexe au procès-verbal de la séance du 10 mai 2006

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur :

- le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, portant réforme des successions et des libéralités ;

- et la proposition de loi de MM. Patrice GÉLARD, Philippe LEROY, Daniel GOULET, Jean-Jacques HYEST, François GERBAUD, Jean-René LECERF, Alain MILON, Yannick TEXIER, Mme Paulette BRISEPIERRE, MM. François-Noël BUFFET, José BALARELLO, Bernard FOURNIER, Charles PASQUA, Jean-Luc MIRAUX, René GARREC, Christian COINTAT, Michel ESNEU, Paul NATALI, André FERRAND, Mme Joëlle GARRIAUD-MAYLAM, MM. Louis GRILLOT, Henri de RAINCOURT, Jean-Patrick COURTOIS, Charles GUENÉ, Pierre ANDRÉ, Hugues PORTELLI, Marcel-Pierre CLÉACH, Bernard SAUGEY, Henri de RICHEMONT, Louis DUVERNOIS, Jean-Marc JUILHARD, Mme Janine ROZIER, MM. Michel GUERRY, Roland du LUART, Michel DOUBLET, Jean BIZET, Michel HOUEL et Mme Colette MÉLOT, relative au régime des biens acquis postérieurement à la conclusion d'un pacte civil de solidarité ,

Par M. Henri de RICHEMONT,

Sénateur.

Tome I : Rapport

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Jacques Hyest, président ; MM. Patrice Gélard, Bernard Saugey, Jean-Claude Peyronnet, François Zocchetto, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Georges Othily, vice-présidents ; MM. Christian Cointat, Pierre Jarlier, Jacques Mahéas, Simon Sutour, secrétaires ; M. Nicolas Alfonsi, Mme Michèle André, M. Philippe Arnaud, Mme Eliane Assassi, MM. Robert Badinter, José Balarello, Laurent Béteille, Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. François-Noël Buffet, Christian Cambon, Marcel-Pierre Cléach, Pierre-Yves Collombat, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Yves Détraigne, Michel Dreyfus-Schmidt, Pierre Fauchon, Gaston Flosse, Bernard Frimat, René Garrec, Jean-Claude Gaudin, Charles Gautier, Philippe Goujon, Mme Jacqueline Gourault, MM. Charles Guené, Jean-René Lecerf, Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. Hugues Portelli, Henri de Richemont, Jean-Pierre Sueur, Mme Catherine Troendle, MM. Alex Türk, Jean-Paul Virapoullé, Richard Yung.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 12 ème législ.) : 2427 rectifié, 2850 et T.A. 536

Sénat : 162 (2004-2005), 223 (2005-2006)

Successions et libéralités.

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION

Réunie le mercredi 10 mai 2005 sous la présidence de M. Jean-Jacques Hyest, président, la commission des lois a examiné, sur le rapport de M. Henri de Richemont, le projet de loi n° 223 (2005-2006) adopté par l'Assemblée nationale portant réforme des successions et des libéralités .

Après avoir rappelé qu'aucune réforme d'ensemble n'était intervenue depuis 1804, malgré trois tentatives au cours des vingt dernières années, le rapporteur a mis en exergue la longueur des procédures de règlement des successions et l'inadaptation du droit des libéralités aux évolutions de la société.

S'agissant des dispositions relatives au droit des successions, il a indiqué que le projet de loi adopté par l'Assemblée nationale visait à :

- accélérer et simplifier le règlement des successions, notamment en modernisant le régime de l'acceptation sous bénéfice d'inventaire, profondément remanié et renommé acceptation à concurrence de l'actif net ;

- améliorer la gestion du patrimoine successoral grâce à une réforme du régime de l'indivision et un recours accru à différentes formes de mandats (mandat à effet posthume, mandat conventionnel et mandat judiciaire) ;

- accélérer les opérations de partage en favorisant le recours aux partages amiables et en permettant la représentation de l'héritier inerte en cas de partage judiciaire.

M. Henri de Richemont, rapporteur, a ensuite indiqué que le projet de loi étendait le pouvoir de disposer de ses biens et de ses droits par des libéralités au moyen de diverses dispositions tendant à :

- aménager les règles relatives à la réserve héréditaire , l'Assemblée nationale ayant notamment supprimé la réserve des ascendants tout en prévoyant un droit de retour sur les biens donnés en avancement de part successorale à leur enfant prédécédé ;

- assurer une plus grande sécurité juridique aux libéralités et un meilleur respect des volontés de leur auteur , en posant le principe de la réduction en valeur des libéralités excessives et en réduisant sensiblement le délai de prescription de l'action en réduction des libéralités excessives ;

- permettre à un héritier réservataire de renoncer par anticipation , avec l'accord de celui dont il a vocation à hériter, à exercer son action en réduction contre une libéralité portant atteinte à sa réserve ;

- autoriser plus largement les libéralités graduelles et résiduelles ;

- étendre le champ d'application des donations-partages et des testaments-partages aux héritiers présomptifs, aux petits-enfants, ainsi qu'aux entreprises exploitées en société ;

Il a ajouté que le projet de loi prévoyait de réformer la quotité disponible spéciale entre époux afin de distinguer selon que la succession comporte ou non des enfants non communs, le conjoint survivant ne pouvant, en présence d'enfants non communs, recevoir plus de la moitié des biens en usufruit, contre la totalité actuellement.

Le rapporteur a enfin souligné qu'à l'initiative du Gouvernement, l'Assemblée nationale avait modifié les règles relatives au PACS afin de prévoir sa mention en marge de l'acte de naissance , de modifier son régime patrimonial -actuellement l'indivision- en prévoyant la séparation de biens , et d'étendre au partenaire survivant la jouissance gratuite du logement pendant un an ainsi que l'attribution préférentielle de droit du logement, à charge de verser une soulte le cas échéant.

La commission des lois a adopté 115 amendements ayant pour objet principal :

- d' encadrer le dispositif de mandat à effet posthume , en substituant à la possibilité de conclure un mandat pour une durée indéterminée la faculté de conclure un mandat pour une durée de cinq ans prorogeable par le juge ( articles 812 à 812-8 du code civil - article 1 er du projet de loi ) ;

- de sécuriser le dispositif de renonciation anticipée à exercer l'action en réduction , en prévoyant la présence de deux notaires, le renonçant devant être représenté par un notaire désigné par le président de la chambre des notaires, afin de prévenir des pressions familiales ( articles 929 à 930-5 du code civil -article 14 du projet de loi ) ;

- de supprimer la réforme de la quotité disponible spéciale entre époux, au motif qu'elle constituait une atteinte excessive à la liberté de tester ( articles 1094-1 et 1094-2 du code civil - article 21 du projet de loi ) ;

- de confirmer la validité de la clause de reprise des apports de biens propres en cas de divorce contenue dans un contrat de mariage ou dans un acte modificatif de régime matrimonial, dite « clause alsacienne » ( article 265 du code civil - article additionnel après l'article 26 bis du projet de loi ) ;

- de permettre aux enfants d'un premier lit de renoncer à l'exercice de l'action en retranchement avant le décès de l'époux survivant ( article 1527 du code civil - article additionnel après l'article 26 bis du projet de loi ) ;

- et enfin de déjudiciariser le changement de régime matrimonial ( articles 1396 et 1397 du code civil - article additionnel après l'article 26 bis du projet de loi ).

La commission propose d'adopter le projet de loi ainsi modifié.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Après l'Assemblée nationale les 21 et 22 février derniers 1 ( * ) , le Sénat est appelé à examiner en première lecture le projet de loi portant réforme des successions et des libéralités.

Ce texte est très attendu, tant par les praticiens que par les familles.

En effet, en dépit de plusieurs tentatives, le droit des successions et des libéralités* n'a pas connu de réforme d'ensemble depuis la rédaction du code civil en 1804.

Cette situation a entraîné de graves conséquences.

Les familles se trouvent confrontées à des liquidations de successions parfois extrêmement longues et inutilement conflictuelles. La gestion des patrimoines successoraux s'en trouve compliquée, avec pour conséquence une dépréciation des biens. Le régime de l'indivision*, dans lequel toute décision requiert l'unanimité des indivisaires, est particulièrement critiqué. La transmission harmonieuse des entreprises n'est pas garantie. Quant au droit des libéralités, il s'avère inadapté aux évolutions de la société.

L'élaboration du projet de loi, qui porte sur près de 250 articles du code civil, a été précédée d'une importante concertation. Elle a pu s'appuyer à la fois sur les nombreuses tentatives de réforme entreprises au cours des vingt dernières années, sans jamais aboutir, et sur l'envoi d'un questionnaire à l'ensemble des notaires de France, en 2004, pour permettre d'identifier leurs difficultés et leurs attentes ainsi que celles des familles.

Indispensable et attendue, la réforme proposée s'avère globale et largement consensuelle. Souscrivant aux dispositions adoptées par l'Assemblée nationale, à l'exception notable de la modification de la quotité disponible spéciale entre époux, votre commission vous proposera de les conforter et de les compléter.

I. UNE RÉFORME INDISPENSABLE ET TRÈS ATTENDUE

La réforme des successions et des libéralités, souvent annoncée mais jamais réalisée, répond à des attentes fortes et légitimes.

A. UNE GENÈSE MOUVEMENTÉE

Pendant près de vingt ans, cette réforme a constitué l'Arlésienne législative.

1. Le dépôt et l'absence d'inscription à l'ordre du jour des assemblées de trois projets de loi successifs

Les conclusions d'un groupe de travail sur la réforme du droit des successions, animé par le doyen Jean Carbonnier et le professeur Pierre Catala, ont conduit au dépôt sur le bureau des assemblées de trois projets de loi en sept ans , par des gouvernements appartenant à des majorités politiques différentes :

- le premier projet de loi 2 ( * ) , présenté le 21 décembre 1988 par M. Pierre Arpaillange, tendait à modifier environ 200 articles du code civil consacrés à l'ouverture, à la transmission, à la liquidation et au partage* des successions ;

- le deuxième projet de loi 3 ( * ) , présenté le 23 décembre 1991 par M. Michel Sapin, avait pour objet de compléter et de clarifier les dispositions relatives aux différents ordres* de succession, d'accroître les droits du conjoint survivant et de supprimer les discriminations dont les enfants adultérins faisaient l'objet.

- le troisième projet de loi 4 ( * ) , déposé le 8 février 1995 par M. Pierre Méhaignerie, fusionnait les dispositions des deux textes précédents.

Aucun de ces projets de loi n'a été inscrit à l'ordre du jour de l'une ou l'autre assemblée.

2. Une réforme importante mais ponctuelle en 2001

La seule réforme menée à son terme, avec la loi n° 2001-1135 du 3 décembre 2001 relative aux droits du conjoint survivant et des enfants adultérins et modernisant diverses dispositions de droit successoral, a consisté à étendre les droits du conjoint survivant , à supprimer les discriminations successorales touchant les enfants adultérins et à mettre fin à la théorie des comourants .

Lors de l'examen de ce texte en première lecture, le Sénat avait tenté , à l'initiative de votre commission des lois et de son premier rapporteur notre collègue M. Nicolas About, d'y insérer les principaux éléments d'une réforme d'ensemble du droit des successions : simplification des règles d'ouverture, de transmission, de liquidation et de partage des successions ; possibilité d'une administration temporaire de la succession par un mandataire qualifié ; accélération et assouplissement des règles du partage.

Le Gouvernement de l'époque et l'Assemblée nationale s'y étaient opposés , avec succès, au motif que ces ajouts étendaient excessivement l'objet de la proposition de loi initiale, sans laisser le temps d'en étudier précisément la portée. Seules furent retenues, dans le texte définitivement adopté par le Parlement, les dispositions réécrivant les trois premiers chapitres actuels du titre Ier du livre troisième du code civil, dans lesquels étaient inclus les articles relatifs aux droits du conjoint survivant et des enfants adultérins, ainsi que l'abrogation de la théorie des comourants.

Aussi nos collègues MM. Jean-Jacques Hyest 5 ( * ) et Nicolas About prirent-ils l'initiative de déposer une proposition de loi 6 ( * ) reprenant les dispositions votées par le Sénat mais rejetées par l'Assemblée nationale. Toutefois, cette proposition de loi ne fut jamais inscrite à l'ordre du jour de notre assemblée.

B. UNE SITUATION INTENABLE

1. Des règles peu claires, des blocages récurrents

Les lacunes des dispositions du code civil révélées au fil du temps ont entraîné un développement surabondant et parfois anarchique de la jurisprudence , qui a contribué à accroître la complexité du droit des successions.

Les situations aberrantes sont aujourd'hui légions : indivisions impuissantes en l'absence d'unanimité entraînant la dépréciation des biens, sous-utilisation de l'acceptation sous bénéfice d'inventaire, qui devrait pourtant être la procédure la plus utilisée car la plus protectrice des héritiers*, partages durant des années par la seule faute d'héritiers « taisants ».

Ont été dénombrées en 2003 : 9.214 demandes en partage ou contestations relatives au partage, 16.188 demandes relatives au partage, à l'indivision et aux successions, pour seulement 417 demandes en annulation, en réduction* d'une libéralité ou d'une clause d'une libéralité. Le total des demandes relatives aux libéralités s'est élevé à 1.115.

2. Un droit inadapté aux réalités actuelles

? Chaque année, environ 530.000 décès sont dénombrés et 360.000 successions déclarées .

En 2000, plus d'un million de personnes ont hérité , dont 160.000 conjoints et 725.000 enfants.

Informations concernant les héritiers - Année 2000 7 ( * )

(en euros)

Lien de parenté

Nombre d'héritiers

Héritage moyen

Conjoint

160.627

25.910

Enfants

725.460

33.679

Petits-enfants

14.545

41.441

Frères et soeurs

44.601

36.037

Parents jusqu'au 4 ème degré* inclus

122.905

25.098

Personnes non parentes

47.653

45.393

Non renseignées

189

23.205

Ensemble

1.115.980

32.309

(Source : DGI - bureau M2)

Le montant moyen transmis est proche de 100.000 euros . La moitié des patrimoines transmis ne dépasse pas 50.000 euros, mais 10 % d'entre eux excèdent 550.000 euros. L' héritage moyen pour les conjoints est d'environ 26.000 euros , contre près de 34.000 euros pour les enfants .

Structure des successions
selon le niveau d'actif brut de succession en 2000

Nombre

Liquidités
(en %)

Valeurs mobilières
(en %)

Autres biens meubles
(en %)

Immobilier
(en %)

Exploitations agricoles
(en %)

Passif de succession
(en %)

Moins de 26.526 €

81.300

70,0

5,2

4,50

19,5

0,8

11,7

De 26.526 à 53.052 €

75.487

49,0

5,40

4,30

39,8

0,5

4,8

De 53.052 à 99.396 €

89.850

36,9

7,70

4,00

50,4

0,9

3,8

Supérieur à 99.396  €

114.120

23,1

26,10

5,90

43,7

1,1

4,5

Ensemble

360.757

28,5

21,20

5,50

43,8

1,0

4,7

(Source : DGI - bureau MZ)

Sur ces successions déclarées, 31.039 ont fait l'objet de donations antérieures.

Par ailleurs, on a compté 510.910 donations en 2000 , dont la moitié a pris la forme de dons manuels. Leur montant moyen était de 61.533 euros .

Les 94.048 donations-partages ont bénéficié à 258.272 donataires* pour un montant moyen de 57.418 euros par donataire, tandis que les 139.150 donations simples ont été attribuées à 179.497 donataires pour un montant moyen de 52.799 euros.

(en euros)

Nombre de donations

Montant moyen d'une donation

Donations-partages

94.048

157.683

Donations simples

139.150

68.108

Dons manuels

273.390

25.589

Non renseignées

4.322

31.477

Ensemble

510.910

61.533

(Source : DGI - bureau M2)

(en euros)

Nombre de donataires

Montant moyen par donataire

Donations-partages

258.272

57.418

Donations simples

179.497

52.799

Dons manuels

273.805

25.551

Non renseignées

5.212

26.113

Ensemble

716.786

43.860

(Source : DGI - bureau M2)

Tarif applicable aux droits de mutation à titre gratuit

(en %)

Ligne directe

Entre époux

Entre frères et soeurs

Entre partenaires d'un PACS

Parents jusqu'au 4 e degré

Parents au-delà du 4 e degré et personnes non-parentes

Moins de 7.600 euros

5 %

5 %

35 %

40 %

55 %

60 %

Entre 7.600 et 11.400 euros

10 %

10 %

Entre 11.400 et 15.000 euros

15 %

Entre 15.000 et 23.000 euros

20 %

15 %

50 %

Entre 23.000 et 30.000 euros

45 %

Entre 30.000 et 520.000 euros

20 %

Entre 520.000 et 850.000 euros

30 %

30 %

Entre 850.000 et 1.700.000 euros

35 %

35 %

Au-delà de 1.700.000 euros

40 %

40 %

Source : articles 777 et 777 bis du code général des impôts

Les abattements sur successions

(en euros)

Epoux

76.000

Partenaires à un PACS

57.000

Enfants

50.000

Frères et soeurs

5.000

Frères et soeurs ayant plus de 50 ans et partageant le même domicile depuis plus de 5 ans

57.000

Handicapés physiques

50.000

Parents éloignés ou non-parents

1.500

Source : articles 779 et 788 du code général des impôts

En matière de succession, il convient d'ajouter à ces abattements spécifiques l'abattement global de 50.000 euros institué par l'article 14 de la loi n° 2004-1484 du 30 décembre 2004, partagé, aux termes de l'article 775 ter du code général des impôts, entre les enfants et le conjoint survivant.

Les abattements sur donations en fonction du donataire

(en euros)

Epoux

76.000

Partenaires à un PACS

57.000

Enfants

50.000

Handicapés physiques

50.000

Petits-enfants

30.000

Neveux et nièces, frères et soeurs, arrière-petits enfants

5.000

Source : articles 779 et 790 B du code général des impôts

Les abattements sur donations en fonction de l'âge du donateur

(en %)

Age du donateur

Donations en pleine-propriété

Donations en nue-propriété ou avec réserve du droit d'usage et d'habitation

Donations en usufruit

Moins de 70 ans

50 %

35 %

50 %

Plus de 70 ans et moins de 80 ans

30 %

10 %

30 %

A partir de 80 ans

0 %

0 %

0 %

Source : article 790 du code général des impôts

? La réforme du droit des successions est confrontée à plusieurs défis.

Tout d'abord, l' allongement de la durée de la vie -l'âge moyen au décès étant de 76 ans pour les hommes et de 83 ans pour les femmes- fait que les héritiers sont de plus en plus âgés : 46 ans en moyenne pour les enfants et 52 ans tous héritiers confondus. Les successions ne remplissent donc plus leur rôle traditionnel d'établissement dans la vie .

Ensuite, près de 7.000 entreprises disparaissent à la suite du décès de l'entrepreneur. Or, dans les dix ans à venir, 450.000 entreprises devront être transmises.

Enfin, le mouvement de contractualisation du droit de la famille impose de permettre plus de souplesse pour organiser sa succession ou effectuer des libéralités, notamment afin de mieux prendre en compte des situations particulières comme la présence d'un enfant handicapé , qui concerne 800.000 familles, ou la recomposition de la famille .

II. LE TEXTE ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : UNE RÉFORME GLOBALE ET CONSENSUELLE

? Fruit d'une large concertation et d'une mûre réflexion, le projet de loi a été unanimement salué par les personnes entendues par votre rapporteur pour sa qualité.

Non seulement il apporte une opportune clarification des règles applicables en matière de successions, en codifiant les solutions jurisprudentielles palliant depuis des décennies, voire plus, les lacunes ou l'obsolescence du code de 1804, mais il a également pour objet de simplifier la gestion des indivisions et d'accélérer les procédures de partage.

A la différence des projets de loi précédemment déposés, il tend en outre à adapter le droit des libéralités aux évolutions sociologiques et à l'objectif croissant de contractualisation du droit de la famille.

Enfin, il revient sur les droits du conjoint survivant.

? Tout en approuvant les dispositions qui lui étaient soumises , l'Assemblée nationale leur a apporté un certain nombre de précisions, notamment afin d'encadrer les nouveaux dispositifs de mandat à effet posthume et de renonciation anticipée à exercer l'action en réduction des libéralités excessives.

Elle a en outre procédé à des ajouts plus conséquents en élargissant les possibilités de consentir des libéralités graduelles et en reprenant la majeure partie des propositions du groupe de travail créé par la Chancellerie sur le PACS 8 ( * ) , ainsi qu'un certain nombre de propositions relatives aux droits successoraux du partenaire survivant formulées par la mission d'information de l'Assemblée nationale sur la famille et les droits des enfants 9 ( * ) .

A. L'ACCÉLÉRATION ET LA SIMPLIFICATION DU RÈGLEMENT DES SUCCESSIONS

Le projet de loi reprend largement les dispositions des projets de loi précédents, tout en introduisant une réforme de la gestion de l'indivision et en ouvrant la possibilité de nommer des mandataires successoraux.

1. La modernisation des règles relatives à l'option de l'héritier et aux différents régimes successoraux

a) La facilitation de la détermination des héritiers

Tout d'abord, le projet de loi tend à simplifier la recherche des héritiers :

- en prévoyant la mention en marge de l'acte de naissance de chacun des enfants que le défunt a déclarés ou reconnus ( article 55 du code civil - article 22 du projet de loi) ;

- et en sanctionnant la dissimulation d'un héritier par un cohéritier. L'Assemblée nationale a puni des peines du recel successoral cette dissimulation d'héritier et prévu la possibilité de dommages et intérêts ( article 778 du code civil - article 1 er du projet de loi ).

Les députés ont par ailleurs encadré les opérations de recherche d'héritier , en exigeant que celui qui s'y prête -en pratique un généalogiste- soit titulaire d'un mandat délivré soit par un ou plusieurs autres héritiers, soit par le notaire chargé du règlement de la succession ( article 23 sexies du projet de loi ).

b) L'accélération de la prise de position des héritiers quant à l'acceptation ou non de la succession

Afin de connaître plus rapidement la décision des héritiers, le projet de loi :

- étend l'action interrogatoire aux créanciers, cohéritiers, héritiers de rang subséquent, ainsi qu'à l'Etat, afin de leur permettre de sommer l'héritier inactif de prendre position. A défaut d'option dans un délai d'un mois, celui-ci sera considéré comme ayant accepté la succession purement et simplement. L'Assemblée nationale a porté ce délai à deux mois ( articles 771 et 772 du code civil - article 1 er du projet de loi ) ;

- réduit le délai de prescription de l'option successorale de trente à dix ans, période au-delà de laquelle l'héritier inactif sera tenu pour renonçant. L'Assemblée nationale a compensé la réduction de ce délai de prescription en ne le faisant courir qu'à compter de la connaissance de la filiation ou des droits successoraux sur la succession ouverte ( article 781 du code civil - article 1 er du projet de loi ) ;

- protège l'héritier en lui permettant de demander la nullité de son option pour erreur, dol ou violence, alors que le droit en vigueur ne prévoit que l'hypothèse de la lésion ( article 777 du code civil - article 1 er du projet de loi ).

c) La sécurisation de l'acceptation pure et simple de la succession

Le projet de loi prévoit que :

- l'héritier ayant accepté purement et simplement la succession pourra demander à être déchargé d'une dette qu'il avait de justes raisons d'ignorer et qui obérerait gravement son patrimoine, par dérogation au principe de l'irrévocabilité de l'acceptation pure et simple. En effet, il est tenu sur son patrimoine personnel de la totalité du passif de la succession, ce qui peut avoir des conséquences désastreuses ( article 786-1 du code civil - article 1 er du projet de loi ) ;

- l'héritier ne sera plus tenu des legs* de sommes d'argent qu'à concurrence de l'actif recueilli . Ainsi, le défunt ne pourra plus faire payer ses legs de sommes d'argent sur le patrimoine personnel de l'héritier ( article 786 du code civil - article 1 er du projet de loi ).

d) La révision d'ensemble de l'acceptation sous bénéfice d'inventaire

Cette option est aujourd'hui rarement choisie en raison de sa lourdeur et de l'imprécision de son régime. La modernisation de cette procédure, rebaptisée « acceptation à concurrence de l'actif » (« acceptation à concurrence de l'actif net » dans le texte de l'Assemblée nationale), repose sur :

- une meilleure information des créanciers , qui disposeront d'un délai de deux ans pour se faire connaître , sous peine d'extinction de leur créance ( articles 788 et 792 du code civil - article 1 er du projet de loi ).

L'Assemblée nationale a réduit ce délai à quinze mois et étendu l'obligation de déclaration aux créances munies de sûretés (sans prévoir l'extinction en cas de non déclaration) et aux cautions. Elle a précisé que, pendant ce délai, la déclaration arrêtait ou interdisait toute voie d'exécution et toute nouvelle inscription de sûreté de la part des créanciers de la succession ( articles 792 et 792-1 du code civil - article 1 er du projet de loi ). Elle a en outre précisé qu'il n'y aurait qu'un seul domicile élu, pour permettre aux créanciers de déclarer leurs créances une seule fois, et prévu une publicité nationale , éventuellement par voie électronique ( article 788 du code civil -article 1 er du projet de loi ) ;

- un inventaire , désormais estimatif , établi par un officier ministériel ou public, qui servira de base aux opérations ultérieures ( article 789 du code civil - article 1 er du projet de loi ). L'Assemblée nationale a précisé que l'inventaire ne pourrait être établi que par un commissaire-priseur judiciaire, un huissier ou un notaire, et porté de un à deux mois le délai prévu pour le déposer au tribunal, afin d'éviter des demandes de prorogation systématiques ( articles 789 et 790 du code civil - article 1 er du projet de loi ) ;

- le rôle central dévolu à l'héritier qui pourra, soit décider de conserver des biens à condition d'en acquitter la valeur fixée par l'inventaire, soit décider de les aliéner sans devoir recourir à la vente publique . Dans les deux cas, la décision sera publiée et l'héritier règlera les créanciers au prix de la course 10 ( * ) ( articles 793, 794 et 796 - article 1 er du projet de loi ).

L'Assemblée nationale a en outre précisé le délai (trois mois) dans lequel les créanciers pourraient contester la valeur du bien conservé ou le prix de l'aliénation , indiqué que la déclaration de conservation du bien ne serait opposable aux créanciers qu'après sa publication ( articles 794 et 795 du code civil - article 1 er du projet de loi ), et porté de un à deux mois le délai dans lequel l'héritier doit payer les créanciers après la déclaration de conserver le bien ou son aliénation ( article 797 du code civil - article 1 er du projet de loi ).

Elle a par ailleurs précisé que les créanciers personnels de l'héritier ne pourraient poursuivre le recouvrement de leurs créances avant le désintéressement intégral des créanciers successoraux et des légataires, ni durant le délai de déclaration des créances ( article 798 du code civil - article 1 er du projet de loi ).

Elle a également prévu un délai (de deux mois) à l'issue duquel l'héritier, qui tient le compte de son administration, doit répondre à la sommation de révéler les biens qu'il n'a ni aliénés ni conservés ( article 800 du code civil - article 1 er du projet de loi ).

L'Assemblée nationale a enfin prévu la primauté des règles de l'acceptation à concurrence de l'actif net en cas de cohéritiers mixtes (acceptant purement et simplement et acceptant à concurrence de l'actif net), et autorisé les créanciers de la succession à demander le partage de l'indivision lorsque l'héritier acceptant à concurrence de la valeur de l'actif net est en indivision avec des héritiers acceptant purement et simplement ( article 792-2 du code civil - article 1 er du projet de loi ).

e) La renonciation

Alors que l'héritier renonçant n'est pas tenu au paiement des dettes et charges de la succession, l'Assemblée nationale a consacré la jurisprudence selon laquelle il est tenu à proportion de ses moyens au paiement des frais funéraires de l'ascendant ou du descendant à la succession duquel il renonce ( article 806 du code civil - article 1 er du projet de loi ).

2. L'amélioration de la gestion du patrimoine successoral

Le projet de loi tente de remédier au phénomène trop souvent constaté de dépérissement des biens successoraux, qu'il intervienne en raison d'une option tardive de l'héritier, d'une gestion difficile de l'indivision ou de l'incompétence des héritiers.

a) La protection de l'héritier contre les risques d'acceptation tacite de la succession

Trop d'entreprises disparaissent du fait que les héritiers préfèrent laisser dépérir la succession plutôt que de prendre le risque, en assurant la gestion courante d'une entreprise, d'être tenus pour héritiers acceptant purement et simplement, ce qui les expose à devoir payer l'intégralité du passif. Le projet de loi vise à les protéger contre les risques d'acceptation tacite de la succession en leur permettant d'effectuer l'ensemble des actes nécessaires à la conservation et à l'administration provisoire de la succession et, sur autorisation du juge, de prendre toute mesure dans l'intérêt de la succession.

L'Assemblée nationale a ajouté à cette liste le renouvellement des baux qui, à défaut, donneraient lieu au paiement d'une indemnité, ainsi que la mise en oeuvre de décisions d'administration ou de disposition engagées par le défunt et nécessaires au bon fonctionnement de l'entreprise ( article 785 du code civil - article 1 er du projet de loi ).

b) Le recours aux mandats pour gérer la succession

Afin de faciliter la gestion du patrimoine transmis, le projet de loi développe le recours au mandat. A côté du mandat conventionnel, application classique du droit commun, il met en place deux mécanismes nouveaux, le mandat à effet posthume et le mandat successoral sur désignation judiciaire.

? Le mandat à effet posthume permettra au défunt de désigner de son vivant un mandataire avec la mission d'administrer tout ou partie du patrimoine transmis si les héritiers, en raison de leur âge, de leur handicap ou de la consistance particulière de la succession, ne peuvent le faire eux-mêmes.

L'Assemblée nationale a prévu que le mandat devrait identifier les héritiers bénéficiaires, que le mandataire pourrait être une personne morale et que sa rémunération éventuelle ne pourrait porter atteinte aux droits réservataires des héritiers ( article 812-2 du code civil - article 1 er du projet de loi) .

Elle a également prévu que l'obligation pour le mandataire de rendre des comptes serait annuelle (et non uniquement en fin de mandat), la résolution judiciaire du mandat pouvant être demandée à défaut ( article 812-8 du code civil - article 1 er du projet de loi ).

Ce mandat devrait être particulièrement utile dans le cadre de la gestion d'une entreprise. Il sera subordonné à l'existence d'un intérêt sérieux et légitime . L'Assemblée nationale a prévu que cet intérêt devrait être apprécié au regard de la personne de l'héritier ou du patrimoine successoral ( article 812-1 du code civil - article 1 er du projet de loi ).

Le projet de loi prévoit que la durée du mandat devrait être au maximum de deux ans , un mandat à durée indéterminée étant toutefois possible dans des hypothèses particulières ( articles 812 à 812-8 du code civil - article 1 er du projet de loi ). L'Assemblée nationale a prévu une possibilité de prorogation judiciaire.

Elle a également prévu :

- la possibilité pour le mandant et le mandataire de renoncer au mandat après notification à l'autre partie préalablement à son exécution ( article 812-1 du code civil - article 1 er du projet de loi ) ;

- que les actes réalisés par le mandataire sont sans effet sur l'option héréditaire ( article 812-1-1 du code civil - article 1 er du projet de loi ) ;

- et que, tant qu'aucun héritier n'a accepté la succession, le mandataire ne peut effectuer que des actes conservatoires ( article 812-1-2 du code civil - article 1 er du projet de loi ) ;

? Le projet de loi prévoit la possibilité de demander la désignation d'un mandataire en justice , qui interviendra en cas de mésentente entre héritiers, de carence ou de faute de l'un d'eux dans l'administration de la succession ( articles 813-1 à 814-1 du code civil - article 1 er du projet de loi ).

L'Assemblée nationale a prévu que cette personne qualifiée pourrait être une personne morale et supprimé la possibilité offerte au juge de désigner comme mandataire successoral le notaire commis pour préparer les opérations de partage, en arguant d'un risque de conflit d'intérêts.

Elle a également prévu la possibilité de proroger la mission du mandataire si la durée initiale n'est pas suffisante, ainsi que d'y mettre fin avant son terme si elle est intégralement exécutée ( article 813-9 du code civil - article 1 er du projet de loi ).

? Le projet de loi rappelle ensuite que les héritiers peuvent d'un commun accord confier l'administration de la succession à l'un d'entre eux ou à un tiers ( article 813 du code civil - article 1 er du projet de loi ). L'Assemblée nationale a prévu une désignation par le juge quand au moins un héritier a accepté à concurrence de l'actif net.

? En outre, le projet de loi étend les pouvoirs de l'exécuteur testamentaire* conformément à la jurisprudence ( articles 1025 à 1034 du code civil - article 16 du projet de loi ).

c) L'assouplissement des règles de gestion de l'indivision

Actuellement, l'accord unanime des coindivisaires est requis pour l'ensemble des actes d'administration. Or, il est souvent difficile à obtenir, ce qui entraîne une mauvaise gestion des biens indivis ou un recours fréquent au juge.

Sans bouleverser les règles de l'indivision, le projet de loi substitue à la règle de l'unanimité une majorité des deux tiers pour les actes d'administration ( article 815-3 du code civil - article 2 du projet de loi ).

L'Assemblée nationale a étendu cette possibilité à la conclusion ou au renouvellement des baux d'habitation , et prévu l'information des autres indivisaires , sous peine d'inopposabilité, s'agissant de ces décisions.

Est conservée la règle de l'unanimité pour les actes de disposition, une solution contraire étant de nature à porter atteinte au droit de propriété qui est protégé par la Constitution.

L'Assemblée nationale, tout en prévoyant une entrée en vigueur de la loi au 1 er janvier 2007 pour les successions non ouvertes à ce jour, et non douze mois après sa promulgation comme le prévoyait le projet de loi, a également prévu l'application dès janvier 2007 aux successions déjà ouvertes des règles susceptibles d'accélérer les règlements successoraux et de mettre fin aux blocages.

S'agissant de la gestion des indivisions ( article 2 du projet de loi ), la majorité des deux tiers aura vocation à s'appliquer aux indivisions existant au jour de l'entrée en vigueur de la loi .

3. La recherche d'une accélération des opérations de partage

La phase de partage constitue souvent la principale source de blocage. Le projet de loi tend donc, d'une part, à la déjudiciariser dans la mesure du possible et, d'autre part, à en limiter la durée.

a) La simplification des modalités de composition des lots des copartageants

Tout d'abord, le projet de loi définit la masse* partageable et affirme le principe d'égalité en valeur dans le partage , qui se substitue à l'égalité en nature, parachevant ainsi l'évolution de la loi et de la jurisprudence ( articles 825 et 826 du code civil - article 4 du projet de loi ). Les hypothèses de recours à la licitation* des biens devraient donc devenir moins fréquentes.

L'Assemblée nationale a précisé que l'estimation des biens lors du partage devait tenir compte des éventuelles charges grevant chacun de ces biens ( article 829 du code civil - article 4 du projet de loi ).

b) La préférence donnée au partage amiable

Le projet de loi vise à favoriser le partage amiable et à limiter le recours au partage judiciaire aux seuls cas où il existe un véritable litige.

Ainsi, s'agissant d' héritiers taisants , mais non opposés au partage, il prévoit une procédure de représentation* nécessitant une intervention judiciaire simplifiée et limitée ( article 837 du code civil - article 4 du projet de loi ).

Il en va de même dans l'hypothèse d'un héritier présumé absent ou d'une personne protégée . Le projet de loi prévoit un partage amiable, sur autorisation du conseil de famille ou du juge des tutelles ( article 836 du code civil - article 4 du projet de loi ). Ceci devrait éviter le recours à une procédure lourde et souvent inutile aboutissant principalement à retarder les opérations de partage.

De même, pour éviter des remises en cause du partage lourdes de conséquences, le projet de loi substitue à la nullité d'un partage lésionnaire le versement d'un complément , le délai pour agir étant ramené de cinq à deux ans ( article 889 du code civil - article 8 du projet de loi ).

c) La simplification de la procédure de partage judiciaire

Lorsque le partage judiciaire est inévitable, le projet de loi tend à limiter la durée des procédures en prévoyant un système de représentation de l'héritier inerte déclenché à l'initiative du notaire commis ( article 841-1 du code civil - article 4 du projet de loi ).

L'Assemblée nationale a en outre autorisé un partage judiciaire unique lorsque plusieurs indivisions existent exclusivement entre les mêmes personnes, qu'elles portent sur les mêmes biens ou sur des biens différents ( article 840-1 du code civil - article 4 du projet de loi ).

Les nouvelles dispositions relatives au mandat judiciaire ( articles 813 à 814-1 du code civil ), ainsi que les dispositions relatives aux partages ( articles 116 et 466 du code civil - articles 3 et 4 du projet de loi ) seraient applicables dès le 1 er janvier 2007 à toutes les successions ( article 27 du projet de loi ). Ainsi, les héritiers actuellement bloqués notamment par le fait d'un indivisaire taisant ne seraient pas obligés, même si la succession était ouverte avant l'entrée en vigueur de la loi, de demander un partage judiciaire.

d) Situation des enfants naturels

Enfin, l'Assemblée nationale a aligné les droits des enfants naturels sur ceux des enfants légitimes pour les successions ouvertes avant le 3 janvier 1972 et non encore réglées ( article 26 bis ).

4. L'unification du régime des successions non réclamées, vacantes et en déshérence

Le règlement d'une succession vacante* est actuellement soumis à un double régime , celui des successions non réclamées et celui des successions vacantes . Cette distinction s'avère en pratique inutile et source de complications pour l'administration des domaines qui en assure la gestion.

Le projet de loi tend à unifier leur régime, en l'insérant dans un nouveau chapitre du code civil qui inclut également le régime des successions en déshérence * pour une meilleure lisibilité de l'ensemble des règles applicables ( articles 809 à 811-3 du code civil - article 1 er du projet de loi ).

Il améliore la procédure de la vacance, d'une part, en en prévoyant la publicité ( article 809-1 du code civil ), d'autre part, en permettant une gestion allégée et plus dynamique du patrimoine successoral , notamment en mettant en place une nouvelle procédure de vente des biens afin d'obtenir un règlement plus rapide des créanciers de la succession ( article 810-3 du code civil ). Ces derniers disposeront en outre d'une faculté d'opposition aux ventes réalisées de gré à gré, avec une possibilité de leur substituer une vente par adjudication.

Enfin, il tend à éviter que les héritiers ne laissent l'État gérer la succession vacante avant de la réclamer lorsque, au terme de la procédure, est constaté un actif net une fois le passif réglé ( article 807 du code civil ). Ainsi, une fois l'Etat envoyé en possession, il deviendrait impossible de révoquer la renonciation par une acceptation pure et simple. L'héritier hésitant serait donc légitimement incité à accepter la succession à concurrence de l'actif net et à la liquider, soit lui-même, soit par l'intermédiaire d'un mandataire successoral, à son choix.

B. L'EXTENSION DU POUVOIR DE DISPOSER DE SES BIENS ET DE SES DROITS PAR DES LIBÉRALITÉS

La réforme importante du droit des libéralités prévue par le projet de loi le distingue de ses prédécesseurs. Elle puise sa source dans un ouvrage de MM. Jean Carbonnier, Pierre Catala, Jean de Saint-Affrique et Georges Morin intitulé « Des libéralités - une offre de loi » et paru en 2003.

Les modifications proposées consistent à aménager les règles relatives à la réserve héréditaire, améliorer la sécurité juridique des libéralités et assurer un meilleur respect des volontés du disposant, autoriser plus largement les libéralités résiduelles et graduelles, étendre le champ d'application des donations-partages et des testaments-partages, réformer les libéralités entre époux.

1. Un aménagement des règles relatives à la réserve héréditaire

Tout en maintenant la réserve héréditaire, le projet de loi lui apporte plusieurs aménagements destinés à permettre aux familles de s'organiser à l'avance et de décider de la distribution des biens, sans que la différence de valeur de ces biens puisse constituer un obstacle au partage.

a) Un maintien justifié

La réserve héréditaire* est, selon la définition retenue par l'Assemblée nationale, « la part des biens successoraux dont la loi assure la dévolution libre de charges à certains héritiers dits réservataires, s'ils sont appelés à la succession et s'ils l'acceptent » ( article 912 du code civil - article 12 du projet de loi ).

Ont aujourd'hui la qualité d'héritiers réservataires : les descendants du défunt ; à défaut, ses ascendants ; en l'absence de descendant et d'ascendant, et depuis la loi n° 2001-1135 du 3 décembre 2001, son conjoint survivant.

La quotité disponible* a quant à elle été définie par les députés comme « la part des biens successoraux qui n'est pas réservée par la loi et dont le défunt a pu disposer librement par des libéralités », c'est-à-dire par donation entre vifs ou par testament ( article 912 du code civil - article 12 du projet de loi ).

La réserve héréditaire est une institution ancienne, ignorée dans de nombreux pays et souvent contestée , pour des motifs d'ailleurs contradictoires. D'aucuns dénoncent les restrictions qu'elle apporte à la liberté de disposer de ses biens. D'autres mettent en exergue la facilité avec laquelle elle peut être contournée, notamment par le recours à l'assurance-vie.

Le Gouvernement et l'Assemblée nationale ont fait le choix de la conserver car elle conserve son utilité :

- elle protège la famille car elle permet d'assurer la conservation des biens en son sein ; elle apparaît de ce point de vue comme l'expression d'un devoir d'assistance posthume à l'égard de ses proches parents ;

- elle protège également la liberté individuelle de l'héritier face aux pressions du de cujus qui le menace de le déshériter ;

- enfin, elle garantit une égalité minimale entre les héritiers en empêchant que l'un d'entre eux ne soit avantagé au delà d'une certaine proportion.

b) L'aménagement des effets de la renonciation

En l'état actuel du droit, l'enfant renonçant, bien que devenu étranger à la succession, compte pour la détermination du taux de la réserve. Il est compris dans le nombre des enfants laissés par le défunt.

Cette solution jurisprudentielle, qui résulte du caractère collectif de la réserve, est critiquée dans la mesure où, d'une part, le renonçant est censé n'avoir jamais été héritier, d'autre part, elle altère la liberté testamentaire du défunt.

Le projet de loi prévoit en conséquence que l'enfant qui aura renoncé à la succession et ne sera pas représenté ne sera plus pris en compte pour le calcul de la réserve ( article 913 du code civil - article 10 du projet de loi ).

La quotité disponible est égale à la moitié des biens du défunt lorsqu'il laisse un enfant, au tiers de ses biens lorsqu'il en laisse deux et au quart de ses biens s'il en laisse trois ou plus.

En conséquence, dans l'hypothèse où le défunt laisserait deux enfants, l'un acceptant la succession et l'autre y renonçant sans être représenté, la quotité disponible ne serait plus égale au tiers mais à la moitié des biens.

L'effet de cette disposition devrait toutefois être atténué par la possibilité offerte aux descendants et aux collatéraux* d'un héritier renonçant de le représenter.

c) La représentation des héritiers renonçants

Depuis deux siècles, le code civil exclut expressément la représentation des renonçants vivants, en cantonnant le mécanisme de la représentation au cas des prédécédés.

Ces dispositions s'avèrent contestables et contestées : si l'enfant renonce de son vivant, il prive ses enfants de la part de succession de ses propres parents, alors que s'il décède préalablement, la transmission s'opérera normalement.

Aussi ont-elle supporté une première exception, introduite par la loi n° 2001-1135 du 3 décembre 2001, au bénéfice des héritiers du successible indigne.

La modification proposée par le projet de loi initial consistait à permettre aux seuls descendants du renonçant de le représenter dans la succession , et donc de ne pas être gravement lésés par cette renonciation de leur ascendant direct ( article 754 du code civil - article 22 du projet de loi ).

L'Assemblée nationale a étendu cette faculté de représentation du renonçant de son vivant aux collatéraux privilégiés , déjà prévue dans le cas de l'indigne.

En revanche, la règle selon laquelle la représentation n'a pas lieu en faveur des ascendants serait maintenue.

d) La possibilité offerte au donateur de prévoir dans l'acte de donation une clause obligeant le donataire qui viendrait à renoncer à la succession à verser une indemnité de rapport

Actuellement, l'héritier renonçant, devenu étranger à la succession, n'est pas tenu au rapport* des libéralités reçues : la donation faite en avancement d'hoirie* à un héritier présomptif s'impute, à due concurrence, sur la quotité disponible si cet héritier renonce ensuite à la succession, alors qu'elle aurait dû s'imputer sur sa part de réserve.

Cette règle est à l'origine de la plupart des renonciations à une succession solvable, puisque l'héritier donataire peut avoir intérêt à conserver pour lui seul ce qui lui a été donné et à abandonner aux autres les biens laissés par le de cujus , plutôt que de partager l'ensemble avec eux. Elle peut conduire à la remise en cause des volontés du disposant.

En conséquence, le projet de loi tend à permettre au donateur* de prévoir dans l'acte de donation une clause obligeant le donataire qui viendrait à renoncer à la succession à verser une indemnité de rapport. Le donateur pourrait ainsi conserver intacte la quotité disponible . Le rapport devrait en principe se faire en valeur, au moyen du versement d'une somme d'argent. Toutefois, le donateur pourrait, dans l'acte de donation, exiger le rapport en nature ( article 845 du code civil - article 5 du projet de loi ).

e) La suppression de la réserve des ascendants

L'Assemblée nationale a en outre décidé de supprimer la réserve des ascendants ( articles 914, 914-1 et 916 du code civil - article 12 du projet de loi ).

Cette restriction à la liberté de disposer ne paraît effectivement plus justifiée :

- elle ne favorise pas la transmission des biens aux générations qui consomment le plus ;

- elle est souvent mal vécue par certains conjoints lors des successions, notamment s'agissant de familles au sein desquelles les liens entre le défunt et les ascendants étaient distendus ;

- la situation est encore plus durement ressentie lorsque le patrimoine de l'enfant prédécédé est composé dans une part importante du produit de son industrie.

Toutefois, non seulement les ascendants conserveraient leur qualité d'héritier légal, au rang et taux qui étaient jusqu'à présent les leurs, mais l'Assemblée nationale leur a accordé un droit de retour, en nature ou à défaut en valeur, sur les biens donnés en avancement de part successorale à leur enfant prédécédé ( article 738-2 du code civil - article 22 du projet de loi ).

Ces dispositions semblent de nature à assurer l'objectif de la réserve qui leur est actuellement accordée : assurer le respect de l'obligation alimentaire et éviter que certains biens ne quittent le patrimoine familial.

2. L'amélioration de la sécurité juridique des libéralités et un meilleur respect des volontés de tester

Le projet de loi comporte plusieurs dispositions destinées à assurer une plus grande sécurité juridique aux libéralités et un meilleur respect des volontés de leur auteur.

a) La réduction en valeur des libéralités excessives

La protection de la réserve, lorsqu'elle existe, n'est pas assurée par la nullité des libéralités excédant la quotité disponible mais par leur réduction à cette quotité lors de l'ouverture de la succession.

La réduction doit être demandée par les héritiers réservataires et leurs descendants. Elle peut également l'être par leurs créanciers.

Elle peut être opérée soit en valeur, ce qui permet au gratifié de conserver la propriété du bien donné ou légué moyennant le versement d'une indemnité compensatrice de l'excès, soit en nature, ce qui permet aux héritiers réservataires de récupérer ou de conserver les biens mêmes qui ont été donnés ou légués au-delà de la quotité disponible.

En principe, les legs sont réductibles en nature, ce qui ne pose pas de difficulté dans la mesure où le légataire n'en a pas encore pris possession. Les donations consenties à un successible sont réductibles en valeur tandis que celles qui ont été consenties à un non successible le sont en nature. Ces principes souffrent toutefois de nombreuses exceptions qui rendent les règles applicables extrêmement complexes.

Le projet de loi tend donc à poser le principe de la réduction en valeur des libéralités excessives , tout en laissant à leurs bénéficiaires la faculté de choisir, dans un délai de trois mois à compter de la mise en demeure adressée par l'héritier réservataire lésé, de procéder à la réduction en nature de l'excédent ( articles 924 à 924-4 du code civil - article 13 du projet de loi ).

Cette règle est bienvenue en raison des conséquences économiques néfastes de la réduction en nature des donations : la donation étant une libéralité de biens présents, le donataire a acquis ses droits dès avant le décès et a pu les exercer valablement. La réduction en nature l'oblige à une restitution et menace de résolution les droits qu'il a pu consentir à des tiers. Aussi, entre la donation et le décès, sa perspective crée-t-elle une insécurité, elle-même génératrice d'une gestion négligente et d'une indisponibilité de fait.

b) La réduction du délai de prescription de l'action en réduction des dons et legs

Le délai de prescription de l'action en réduction est en principe de trente ans, mais il est ramené à cinq ans pour les partages d'ascendants* -donations-partages et testaments-partages.

Le projet de loi tend à le ramener à cinq ans à compter de l'ouverture de la succession . Pour les héritiers qui n'auraient pas été informés de l'atteinte portée à leur réserve, ce délai serait de deux ans à compter du jour où ils en auraient eu connaissance, sans jamais pouvoir excéder dix ans à compter du décès ( article 921 du code civil - article 13 du projet de loi ).

c) La possibilité de conclure un pacte successoral

Le projet de loi introduit un mécanisme inspiré des droits allemand et suisse visant à permettre à un héritier réservataire de renoncer par anticipation, avec l'accord de celui dont il a vocation à hériter, à exercer son action en réduction contre une libéralité portant atteinte à sa réserve ( articles 929 à 930-5 du code civil - article 14 du projet de loi ).

Actuellement, une telle renonciation ne peut intervenir qu'à l'ouverture de la succession.

Désormais, cette renonciation pourra porter sur la totalité de la réserve, une partie seulement, ou un bien déterminé. De même, elle visera une ou plusieurs personnes déterminées, sans que celles-ci doivent forcément être héritières.

Il ne s'agit donc pas à proprement parler d'une atteinte à la réserve, mais plutôt d'une nouvelle dérogation au principe de l'interdiction des pactes sur succession future .

Par ailleurs, le futur défunt restera libre de porter atteinte ou non à la réserve du renonçant, le bénéficiaire de la renonciation n'étant investi d'aucun droit à son égard.

Cette renonciation devra se faire devant notaire.

Elle pourra être révoquée si celui dont le renonçant a vocation à hériter ne remplit pas ses obligations alimentaires envers lui ou si le renonçant se trouve au jour de l'ouverture de la succession dans un état de besoin qui disparaîtrait s'il n'avait pas renoncé.

L'Assemblée nationale , tout en reconnaissant l'intérêt de cette procédure, a souhaité l'encadrer en réponse aux inquiétudes manifestées par les personnes entendues par son rapporteur. Elle a donc précisé que :

- la renonciation serait établie par acte authentique spécifique. Elle serait signée séparément par chaque renonçant en présence du seul notaire. Elle mentionnerait précisément ses conséquences juridiques futures pour chaque renonçant. La renonciation serait nulle lorsqu'elle n'aurait pas été établie dans ces conditions ou lorsque le consentement aura été vicié par l'erreur, le dol ou la violence, physique ou morale ( article 930 du code civil ) ;

- elle serait interdite au mineur émancipé ( article 930-1 du code civil ) ;

- le renonçant pourrait également révoquer sa renonciation s'il était établi que le bénéficiaire avait commis à son encontre des faits graves constitutifs d'un crime ou d'un délit ( article 930-3 du code civil ) ;

- les effets de la révocation pour état de besoin du renonçant seraient limités à la seule couverture de ses besoins ( article 930-4 du code civil ).

3. L'assouplissement du régime des substitutions

Le projet de loi assouplit considérablement le régime des libéralités résiduelles et graduelles.

a) L'octroi d'une base légale aux libéralités résiduelles

La libéralité résiduelle* est la disposition par laquelle le disposant consent à un premier gratifié un don ou un legs tout en prévoyant qu'un second gratifié recueillera ce qui subsistera de ce don ou legs au décès du premier gratifié.

Le projet de loi consacre la validité des legs résiduels , qui était déjà admise par la jurisprudence, et prévoit celle des donations résiduelles , qui était soutenue par une partie de la doctrine mais restait incertaine jusqu'à présent ( articles 1057 à 1061 du code civil - article 17 du projet de loi ).

b) La suppression de la prohibition des libéralités graduelles

La substitution fidéicommissaire* , également appelée libéralité graduelle* , est la clause par laquelle le disposant charge la personne gratifiée de conserver toute sa vie durant les biens ou droits qu'il lui a donnés ou légués en vue de les transmettre, à son décès, à une autre personne désignée par lui.

Elle fait aujourd'hui l'objet d'une prohibition de principe , à la fois en raison de son histoire et de ses effets économiques :

- sous l'Ancien Régime, elle fut en effet utilisée comme un instrument de conservation du patrimoine familial et de mise en oeuvre du droit d'aînesse sur certains biens ;

- en plaçant les biens hors du commerce, elle crée des situations de mainmorte -inaliénables, les biens sont exposés au risque d'une exploitation abusive ou négligente ; insaisissables, ils ne peuvent être un instrument de crédit.

La substitution fidéicommissaire est toutefois exceptionnellement admise dans deux hypothèses justifiées par un intérêt familial :

- les père et mère peuvent imposer à l'enfant qu'ils gratifient, dont ils redoutent la prodigalité ou l'impéritie, la charge de conserver et de remettre les biens reçus à ses propres enfants ;

- une personne sans postérité peut grever une libéralité consentie à ses frères ou soeurs d'une charge leur imposant de transmettre les biens reçus à leurs enfants et s'assurer ainsi du maintien des biens dans la famille.

L'Assemblée nationale a décidé de permettre l'octroi d'une telle libéralité non plus seulement au bénéfice de ses petits enfants ou de ses neveux et nièces mais de toute personne , physique ou morale, de son choix, tout en conservant l' obligation d'une conservation en nature des biens donnés ou légués ( articles 1048 à 1056 du code civil - article 17 du projet de loi ).

En conséquence, elle a supprimé le principe de la prohibition des substitutions fidéicommissaires ( article 896 du code civil - article 10 du projet de loi ).

Pour illustrer les perspectives offertes par ces assouplissements, M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, a fait valoir que les parents pourraient recourir :

- à la libéralité graduelle pour accorder à leur enfant handicapé un appartement qui serait rendu à ses frères et soeurs à son décès ;

- et à la libéralité résiduelle pour confier à ce même enfant un portefeuille de valeurs mobilières. Les revenus dégagés par sa gestion lui permettraient de mener une existence normale. Si des frais importants s'avéraient nécessaires, son tuteur pourrait vendre les valeurs mobilières. A son décès, ses frères et soeurs, ou leurs descendants, récupéreraient le portefeuille.

Ces deux solutions combinées permettraient ainsi à un majeur sous tutelle de disposer à la fois d'un logement et de revenus tout en réglant le problème du retour du patrimoine à la famille.

4. L'extension du champ d'application des donations-partages et des testaments-partages

Actuellement, seuls les père et mère et autres ascendants peuvent faire, entre leurs enfants et descendants, la distribution et le partage de leurs biens. Cet acte peut prendre la forme d'une donation-partage ou d'un testament-partage.

Le projet de loi prévoit l'extension du champ d'application des donations-partages et la création de donations-partages trans-générationnelles.

a) Une extension aux héritiers présomptifs

Désormais, toute personne pourrait faire, entre ses héritiers présomptifs, la distribution et le partage de ses biens ( article 1075 du code civil - article 19 du projet de loi ).

Les héritiers présomptifs sont ceux qui, au jour de l'acte et si le disposant décédait à cette date, seraient héritiers légaux. Pour être qualifiés de présomptifs, ils doivent être au jour de l'acte en rang utile : ainsi, les enfants sont des héritiers présomptifs de leurs parents ; en l'absence d'enfants, ce sont les collatéraux ; un petit-fils n'est pas l'héritier présomptif de son grand-père paternel si, au jour de l'acte, son père est vivant et n'a pas renoncé à la succession.

L'objectif recherché est notamment de permettre à une personne sans enfant de distribuer et partager ses biens entre ses frères et soeurs ou ses neveux et nièces.

Le partage d'ascendant, qui s'apparente aujourd'hui à un acte d'autorité parentale, pourrait ainsi devenir, selon l'exposé des motifs du projet de loi, un outil généralisé de règlement anticipé des successions.

b) Une extension aux petits-enfants

En l'état actuel du droit, l'ascendant ne peut procéder à une donation-partage entre ses enfants et petits-enfants sauf en cas de représentation -c'est-à-dire en cas de décès ou d'indignité de leur père ou mère. S'il n'a qu'un enfant, il ne peut procéder à une donation-partage ni entre cet enfant unique et ses petits-enfants ni entre ses seuls petits-enfants. Il ne dispose que de la donation simple pour avantager l'un d'entre eux. Or cette donation s'impute nécessairement sur la quotité disponible -elle revêt un caractère préciputaire*- qu'elle peut absorber en tout ou partie.

Le projet de loi tend à permettre au disposant de faire la distribution et le partage de ses biens entre des descendants de degrés* différents , qu'ils soient ou non ses héritiers présomptifs ( article 1075-1 du code civil - article 19 du projet de loi ). Il s'agirait nécessairement d'une disposition entre vifs puisque l'accord des héritiers réservataires serait nécessaire.

Désormais, le disposant pourrait gratifier, par exemple, un petit enfant n'ayant pas la qualité d'héritier présomptif dans l'hypothèse où son enfant serait encore en vie et aurait renoncé en tout ou partie à ses droits successoraux à son profit. Le droit civil offrirait ainsi les instruments nécessaires au développement de pratiques encouragées par le droit fiscal.

L'exposé des motifs du projet de loi souligne qu'« il s'agit ici de s'adapter à l'évolution démographique de la population . Cet élargissement est le corollaire logique de la création des nouveaux pactes successoraux. En effet, la part dévolue aux petits-enfants lors de la donation-partage sera imputée sur la réserve du descendant direct qui devra intervenir à l'acte afin de consentir à l'atteinte portée à sa part de réserve . »

c) Une extension aux entreprises exploitées en société

Sous certaines conditions, un ascendant peut actuellement faire une donation-partage -mais pas un testament-partage- avec d'autres personnes que ses descendants si cet acte comprend une entreprise individuelle à caractère industriel, commercial, artisanal, agricole ou libéral.

La donation-partage qui fait intervenir un tiers doit comprendre au moins deux enfants. Ce tiers peut être un descendant plus éloigné, un autre parent, le conjoint ou encore un étranger à la famille. Il ne peut recevoir que l'entreprise, c'est-à-dire les biens corporels et incorporels affectés à son exploitation.

Le projet de loi tend à autoriser le partage de droits sociaux représentatifs d'une entreprise ( article 1075-2 du code civil - article 19 du projet de loi ).

Cette réforme est particulièrement bienvenue dans la mesure où un grand nombre d'entreprises, y compris familiales, sont aujourd'hui exploitées en société -à titre d'exemple, 42 % des quelque 870.000 entreprises artisanales sont exploitées sous cette forme. Elle facilitera leur transmission.

5. La réforme des libéralités entre époux

Le projet de loi aborde enfin la question des libéralités entre époux.

Cette question, si elle n'avait pas été prévue par les précédents projets de loi déposés en 1988, 1991 et 1995, avait été examinée par la loi du 26 mai 2004 relative au divorce et celle du 3 décembre 2001 relative aux droits du conjoint survivant.

Le projet de loi réforme, d'une part, les règles relatives à la quotité disponible spéciale entre époux et précise, d'autre part, le régime des donations de biens présents faites entre époux avant le 1 er janvier 2005.

a) L'instauration d'une quotité disponible spéciale entre époux distincte en présence d'enfants non issus des deux époux

Actuellement , l'article 1094-1 du code civil prévoit une quotité disponible spéciale entre époux unique en présence de descendants, qu'ils soient issus ou non des deux époux .

L'époux survivant peut recevoir soit l'usufruit* universel, soit le quart des biens en pleine propriété* et les trois quarts des biens en usufruit, soit la quotité disponible ordinaire, c'est-à-dire ce dont le testateur peut disposer en faveur d'un étranger, à savoir la moitié des biens en présence d'un enfant, le tiers en présence de deux enfants et le quart en présence de trois enfants et plus.

Le projet de loi distingue selon que l'on se trouve en présence d'enfants communs uniquement, ou qu'il existe des enfants non communs ( articles 1094-1 et 1094-2 du code civil - article 21 du projet de loi ).

Lorsque l'époux ne laisse que des enfants issus des deux époux ou les descendants de ces enfants, l'article 1094-1 continue de s'appliquer.

En revanche, lorsque l'époux laisse un ou plusieurs enfants qui ne sont pas issus des deux époux ou les descendants de ces enfants , le nouvel article 1094-2 prévoit qu'il ne pourra disposer en faveur de son conjoint que de la quotité disponible ordinaire, ou du quart de ses biens en propriété et d'un autre quart en usufruit, ou de la moitié de ses biens en usufruit seulement 11 ( * ) .

L'Assemblée nationale a ajouté une quatrième option en prévoyant que l'usufruit du conjoint peut porter sur la totalité de la part successorale des enfants communs aux deux époux et ainsi être supérieur dans certains cas à la moitié des biens inclus dans la succession.

Elle a ajouté que cet usufruit porte prioritairement sur la part de réserve des enfants communs et subsidiairement sur la part de réserve des enfants non communs.

Cette réforme vise à préserver les intérêts des enfants non communs vis-à-vis de leur beau-parent. Elle a vocation à s'appliquer à toutes les successions ouvertes à compter de l'entrée en vigueur de la loi, que des dispositions testamentaires aient été prises antérieurement ou non ( article 27 du projet de loi ).

b) La clarification des dispositions de la loi du 3 décembre 2001

Le projet de loi précise que les libéralités reçues du défunt par le conjoint survivant s'imputent sur les droits de celui-ci dans la succession, sans pouvoir excéder la quotité disponible spéciale entre époux ( article 758-6du code civil - 14° de l'article 22 du projet de loi ), afin de répondre à une controverse doctrinale.

c) La clarification du régime des donations de biens présents entre époux faites avant le 1er janvier 2005

La loi du 26 mai 2004 relative au divorce a posé le principe de l'irrévocabilité des donations de biens présents entre époux, contrairement au droit antérieur.

Afin de pallier l'absence de dispositions transitoires spécifiques, le projet de loi précise à titre interprétatif que les donations de biens présents faites entre époux avant le 1 er janvier 2005 demeurent librement révocables , dans les conditions de l'ancien article 1096 du code civil dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 mai 2004 ( article 27 du projet de loi ).

De même, l'Assemblée nationale a précisé que l'irrévocabilité des donations entre époux de biens présents prévue par la loi du 26 mai 2004 relative au divorce ne s'appliquerait qu'aux donations qui prennent effet au cours du mariage et non aux donations qui s'exécutent au décès de l'un des époux .

d) Le droit à la jouissance gratuite du logement pendant un an

L'Assemblée nationale a étendu le droit temporaire d'usage gratuit d'un an au profit du conjoint survivant au logement appartenant de manière indivise au défunt et dont les autres coindivisaires ne sont pas cohéritiers ( article 763 du code civil - article 22 du projet de loi ).

C. LA RÉFORME DU PACS

Enfin, l'Assemblée nationale a introduit un volet consacré à la réforme du pacte civil de solidarité (PACS).

1. La prise en compte du rapport du groupe de travail portant réflexions et propositions de réforme sur le PACS

A l'initiative du Gouvernement et avec l'avis favorable de sa commission des lois, l'Assemblée nationale a adopté des amendements tendant à mettre en oeuvre une partie des préconisations du rapport du groupe de travail portant réflexions et propositions de réforme sur le pacte civil de solidarité (PACS) remis le 30 novembre 2004 à M. Dominique Perben, alors garde des sceaux.

a) Des mesures de publicité plus efficaces

L'Assemblée nationale a tout d'abord amélioré la publicité du PACS en en prévoyant la mention en marge de l'acte de naissance de chacun des partenaires (sans faire apparaître l'identité du partenaire). En effet, en l'absence de mesure de publicité appropriée, les greffes des tribunaux d'instance doivent actuellement faire face à un million de demandes de certificats de non-PACS par an ( articles 515-3, 515-3-1 et 515-7 du code civil - article 21 bis du projet de loi ).

S'agissant des PACS conclus sous le régime de la loi du 15 novembre 1999, le projet de loi diffère d'une année l'entrée en vigueur de cette publicité, afin de permettre aux partenaires ne souhaitant pas voir figurer cette mention sur leur acte de naissance de dissoudre leur PACS. Néanmoins, les partenaires ayant conclu leur PACS antérieurement pourront demander à ce que cette formalité soit immédiate.

b) L'adoption d'un régime patrimonial plus adapté

L'Assemblée nationale a ensuite adopté à l'unanimité un amendement du Gouvernement tendant à modifier le régime patrimonial du PACS -actuellement l'indivision- pour prévoir un régime de séparation de biens .

? La complexité du régime patrimonial du PACS, qui repose sur deux présomptions d'indivision différentes selon le type de biens, est très critiquée :

- les meubles meublants dont les partenaires feraient l'acquisition à titre onéreux postérieurement à la conclusion du PACS sont présumés indivis par moitié, sauf déclaration contraire dans la convention initiale. Il en est de même lorsque la date d'acquisition de ces biens ne peut être établie ;

- les autres biens dont les partenaires deviennent propriétaires à titre onéreux postérieurement à la conclusion du pacte sont présumés indivis par moitié si l'acte d'acquisition ou de souscription n'en dispose autrement.

En outre, le champ de l'indivision est incertain puisque la formulation du texte ne permet pas de savoir avec certitude s'il comprend les revenus, les deniers, et les biens créés après la signature du PACS.

Or, l'indivision est un régime très critiqué car lourd et par nature temporaire. Il peut s'avérer extrêmement injuste pour les partenaires restés dans l'ignorance de ces effets radicaux, ce qui est le cas pour la plupart.

? Le projet de loi soumet donc le PACS au régime de la séparation des patrimoines, suivant les préconisations du groupe de travail. Il se rapproche par conséquent du régime de séparation de biens prévu par la loi du 13 juillet 1965 pour les époux aux articles 1536 à 1543 du code civil.

Les partenaires pourraient cependant opter pour un régime d'indivision organisé.

Ces dispositions ne s'appliqueraient de plein droit qu'aux PACS conclus après l'entrée en vigueur de la présente loi .

Toutefois, les partenaires ayant conclu un pacte sous l'empire de la loi ancienne auraient la faculté de soumettre celui-ci aux dispositions de la loi nouvelle par convention modificative.

? L'Assemblée nationale a enfin prévu que le principe de solidarité des partenaires à l'égard des dettes contractées pour les besoins de la vie courante ne s'appliquerait plus à l'égard des dettes manifestement excessives ( articles 515-4, 515-5, 515-5-1 à 515-5-3 - article 21 ter du projet de loi ).

2. L'insertion de préconisations issues du rapport de la mission d'information sur la famille de l'Assemblée nationale

En outre, le Gouvernement a présenté des amendements relatifs aux droits successoraux du partenaire survivant issus des travaux de la mission d'information de l'Assemblée nationale sur la famille et les droits des enfants du 25 janvier 2006 12 ( * ) .

a) La reconnaissance de droits successoraux au partenaire survivant

Actuellement, le partenaire ne peut hériter qu'en vertu d'une disposition testamentaire, dans les limites de la quotité disponible ordinaire.

Il peut donc recevoir la moitié des biens successoraux en présence d'un enfant, le tiers en présence de deux enfants et le quart en présence de trois enfants et plus. En l'absence d'enfants, les ascendants bénéficient d'une réserve de la moitié de la succession, du quart si un seul est encore vivant.

Cependant, le partenaire survivant ne bénéficie que d'un abattement de 57.000 euros (contre 76.000 pour le conjoint survivant). Depuis 2005, il bénéficie de l'abattement de 20 % sur la valeur de la résidence principale. Le taux applicable est ensuite de 40 % jusqu'à 15.000 euros et de 50 % au-delà.

Il ne dispose d'aucun des droits accordés au conjoint survivant par la loi du 3 décembre 2001, qu'il s'agisse du droit de jouissance gratuite du logement principal du couple pendant un an, qui est d'ordre public, ou du droit d'habitation du logement s'il appartenait aux époux et/ou du droit d'usage des meubles le garnissant, jusqu'à son décès. Si la valeur de ce droit excède sa part successorale, l'époux n'a pas à récompenser la succession. Le futur de cujus peut toutefois l'en priver par testament.

Le partenaire survivant ne peut qu'obtenir le transfert du bail du logement commun.

? Contrairement au groupe de travail sur le PACS, qui ne préconisait que l'alignement de la fiscalité successorale, la mission d'information de l'Assemblée nationale sur la famille et les droits des enfants a proposé d'étendre les droits nouvellement ouverts en 2001 au conjoint survivant au partenaire de PACS survivant.

L'Assemblée nationale a partiellement suivi ses préconisations et :

- étendu l'attribution préférentielle* au partenaire survivant du PACS aux exploitations agricoles ( article 515-6 du code civil - article 22 du projet de loi ) ;

- permis, à l'initiative du Gouvernement et avec l'avis favorable de sa commission des lois, au partenaire défunt propriétaire du logement de faire bénéficier de plein droit par testament le survivant de l'attribution du logement , sans recours au juge et à charge de verser aux héritiers une soulte* ( article 515-6 du code civil - article 22 du projet de loi ) ;

- ouvert au partenaire survivant, à l'initiative du Gouvernement et avec l'avis favorable de sa commission des lois, le droit à la jouissance gratuite du domicile commun pendant un an -cette disposition pouvant être supprimée par testament- ( article 515-6 du code civil - article 22 du projet de loi ) ;

Ces dispositions s'appliqueraient aux PACS en cours à la date de l'entrée en vigueur de la loi ( article 27 du projet de loi ).

b) La lutte contre les PACS de complaisance

L'Assemblée nationale a enfin prévu l'obligation pour les personnes se prévalant de leur PACS pour obtenir des mutations dans la fonction publique de produire un avis d'imposition commune, afin de lutter contre les PACS de complaisance ( loi du 11 janvier 1984 relative à la fonction publique de l'Etat - article 21 quater du projet de loi ).

Par conséquent, la proposition de loi n° 162 relative au régime des biens acquis postérieurement à la conclusion d'un pacte civil de solidarité, déposée le 27 janvier 2005 par notre collègue M. Patrice Gélard, a été jointe à l'examen de ce texte.

Elle préconise d'étendre au PACS le régime de la communauté réduite aux acquêts -qui est celui de droit commun pour les époux.

III. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION DES LOIS : CONFORTER ET COMPLÉTER LE PROJET DE LOI TOUT EN REJETANT LA RÉFORME DE LA QUOTITÉ DISPONIBLE SPÉCIALE ENTRE ÉPOUX

Le texte soumis au Sénat mérite globalement d'être approuvé. Les réponses qu'il apporte à l'évolution de la société et aux impératifs de rapidité et de simplicité sont en effet à la fois novatrices et utiles.

En revanche, votre commission ne peut souscrire à la réforme de la quotité disponible spéciale entre époux et vous propose donc de la supprimer.

Elle souhaite également apporter divers compléments au projet de loi, notamment déjudiciariser le changement de régime matrimonial.

A. CONFORTER LE PROJET DE LOI

1. En matière de droit des successions

a) S'agissant de l'option successorale et de la procédure d'acceptation à concurrence de l'actif net

Votre commission vous propose tout d'abord de préciser les actes pouvant être accomplis par l'héritier sans emporter acceptation tacite de la succession ( article 785 du code civil - article 1 er du projet de loi ).

S'agissant de l'acceptation à concurrence de l'actif net , elle vous propose :

- d'améliorer la sécurité juridique des transactions, en prévoyant que la contestation du prix de la vente d'un bien successoral par l'héritier n'est pas possible lorsque la vente a été réalisée aux enchères publiques ( article 794 du code civil ) ;

- de porter de huit à quinze jours le délai imparti à l'héritier pour déclarer l'aliénation ou la conservation d'un bien ( article 794 du code civil - article 1 er du projet de loi ).

b) S'agissant des mandats

? Votre commission vous propose de préciser que le mandataire posthume :

- peut être un héritier ;

- doit jouir de la pleine capacité civile et ne pas être frappé d'une interdiction de gérer lorsque des biens professionnels sont compris dans le patrimoine successoral ( article 812 - article 1 er du projet de loi ) ;

- exerce ses pouvoirs même en présence d'un mineur ou d'un majeur protégé parmi les héritiers ( article 812 du code civil ) ;

- perçoit une rémunération qui peut être mixte (fruits*, revenus et capital) et constitue une charge de la succession qui ouvre droit à réduction lorsqu'elle a pour effet de priver les héritiers de tout ou partie de leur réserve ( articles 812-2 et 812-3 du code civil ).

Elle juge en outre nécessaire de supprimer la possibilité de donner un mandat pour une durée indéterminée et de lui substituer un mandat d'une durée de cinq ans prorogeable en raison de l'inaptitude, de l'âge du ou des héritiers ou de la nécessité de gérer des biens professionnels ( article 812-1 du code civil ).

Il vous est également proposé d' étendre les pouvoirs reconnus au mandataire tant qu'aucun héritier n'a accepté la succession . En vertu du projet de loi, une telle situation peut perdurer 10 ans en l'absence de sommation des héritiers. Or, l'Assemblée nationale ne lui reconnaît que la possibilité d'effectuer des actes conservatoires. Votre commission propose de lui permettre d'accomplir en outre des actes de surveillance et d'administration provisoire et de demander au juge l'autorisation d'accomplir tout autre acte que requiert l'intérêt de la succession ( article 812-1-2 du code civil ).

? Elle vous propose de prévoir que le juge fixe la rémunération du mandataire successoral qu'il désigne ( article 813-9 du code civil ).

? Enfin, il vous est demandé de prévoir que la vente d'un immeuble par l'exécuteur testamentaire (possible sans formalité particulière en l'absence d'héritier réservataire) ne peut intervenir qu'après information des héritiers, à peine d'inopposabilité ( article 1030-2 du code civil - article 16 du projet de loi ).

c) S'agissant du partage

Votre commission vous propose :

- d'étendre la possibilité de demander des sursis au partage ( article 820 du code civil - article 4 du projet de loi ) et le maintien dans l'indivision ( article 821 du code civil ) d' entreprises exploitées sous forme sociale , par coordination avec le dispositif prévu en matière d'attributions préférentielles ;

- d' assouplir la condition de participation à l'exploitation transmise requise en matière d'attribution préférentielle, afin qu'elle puisse être également satisfaite par les descendants de l'héritier ( articles 831, 832-1 et 832-2 du code civil - article 4 du projet de loi ) ;

- de prévoir une meilleure prise en compte au moment du partage de la réalité des charges nécessaires à la conservation d'un monument historique ( article L. 621-29-7 du code du patrimoine - article additionnel après l'article 23 sexies ).

2. En matière de libéralités

a) S'agissant de la renonciation anticipée à exercer l'action en réduction

Votre commission vous propose de prévoir que la renonciation doit être reçue par deux notaires , le notaire du renonçant étant désigné par le président de la chambre des notaires, afin de protéger le renonçant de pressions familiales et d'assurer un conseil objectif et indépendant ( article 930 du code civil - article 14 du projet de loi ).

b) S'agissant des libéralités résiduelles et graduelles

Tout en souscrivant aux assouplissements apportés au régime des libéralités résiduelles et graduelles, votre commission vous propose, en premier lieu, de maintenir le principe de leur prohibition en dehors des cas prévus par la loi ( article 896 du code civil - article 10 du projet de loi ).

Elle vous propose, en deuxième lieu, lorsqu'une libéralité résiduelle ou graduelle porte sur un portefeuille de valeurs mobilières, de permettre que la cession et le rachat de valeurs mobilières emportent subrogation* sur les valeurs acquises en remploi . En effet, si elle devait être interprétée comme portant non pas sur le portefeuille mais sur les titres eux-mêmes, l'obligation de conserver le bien en nature pour que la libéralité produise son effet aurait pour conséquence d'empêcher toute gestion du portefeuille ( article 1049 du code civil - article 17 du projet de loi ).

En troisième lieu, elle juge nécessaire de prévoir qu'une donation graduelle peut être acceptée par le second gratifié après le décès du donateur . Il s'agit, par cette dérogation au principe selon lequel une donation doit nécessairement être acceptée du vivant du donateur, de permettre à un grand-père de consentir, par exemple, la donation d'un bien immobilier à son fils, à charge pour lui de le conserver et de le transmettre à l'ensemble de ses enfants nés et à naître. Le texte soumis au Sénat ne permet pas à la libéralité de produire d'effet à l'égard des enfants du grevé qui viendraient à naître après le décès de leur grand-père. La volonté de ce dernier ne pourrait donc être respectée et l'égalité entre ses petits-enfants ne serait pas assurée.

c) S'agissant des donations-partages

Votre commission vous soumet un amendement ayant pour objet principal de limiter la possibilité de réaliser une donation-partage d'une entreprise exploitée en forme de société au cas où le donateur exerce une fonction dirigeante dans la société ( article 1075-2 du code civil - article 19 du projet de loi ). Il s'agit ainsi d'éviter une donation-partage d'un simple portefeuille de valeurs mobilières.

Par ailleurs, la loi du 3 décembre 2001 relative aux droits du conjoint survivant a prévu la dévolution à ce dernier de l'ensemble de la succession ab intestat* de son époux prédécédé dans l'hypothèse où ce dernier ne laisserait ni postérité, ni parents. Toutefois, les biens reçus par le défunt de ses père et mère par succession ou donation et qui se retrouvent en nature dans la succession doivent être partagés pour moitié par le conjoint survivant avec les frères et soeurs du défunt ou leurs descendants . L'objectif de cette disposition est d'assurer le maintien d'une partie de ces biens dans la famille de sang.

Votre commission vous soumet un amendement ayant pour objet de prévoir l'hypothèse où ces biens auraient directement été transmis au défunt par ses ascendants et non par ses parents ( article 757-3 du code civil - article 22 du projet de loi ). Un tel élargissement semble en effet cohérent avec la possibilité prévue par le projet de loi de recourir à des donations-partages trans-générationnelles. La donation partage étant désormais possible au profit des petits-enfants, il est logique que ces biens soient compris dans l'assiette du droit de retour au profit des frères et soeurs du défunt en l'absence de postérité.

d) S'agissant des donations de biens présents qui ne prennent pas effet au cours du mariage consenties entre le 1er janvier 2005 et l'entrée en vigueur de la présente loi

Votre commission vous propose de préciser que ces donations sont librement révocables .

3. En matière de PACS

Votre commission ne peut souscrire aux préconisations de la proposition de loi déposée par M. Patrice Gélard. En effet, l'adoption d'un régime communautaire paraît contraire à l'esprit du PACS, qui se fonde sur la souplesse et l'autonomie des partenaires.

Il vous est donc simplement proposé de préciser les modalités de liquidation des créances entre partenaires ( article 515-5-2 du code civil - article 21 ter du projet de loi ).

B. SUPPRIMER LA RÉFORME DE LA QUOTITÉ DISPONIBLE SPÉCIALE ENTRE ÉPOUX

Votre commission vous propose de supprimer les dispositions tendant à réformer la quotité disponible spéciale entre époux ( articles 1094-1 et 1094-2 du code civil - article 21 du projet de loi ).

Certes, l'attribution à un conjoint beaucoup plus jeune d'un usufruit grevant la totalité des biens du défunt peut, de fait, priver des enfants plus âgés pendant toute leur vie de la jouissance de leurs biens réservataires, alors même que le nu-propriétaire doit prendre en charge les gros travaux concernant le bien.

Certes, ces situations devraient se rencontrer de plus en plus fréquemment du fait de l'augmentation des recompositions familiales.

Néanmoins, votre commission considère que ces difficultés ne justifient pas de priver le testateur de sa liberté testamentaire.

Si la distinction opérée par la loi du 3 décembre 2001 en présence ou non d'enfants non communs était pleinement justifiée dans le cas où le défunt n'avait pas prévu de dispositions particulières, ce raisonnement ne peut être transposé au cas où l'époux choisit délibérément d'avantager son conjoint survivant.

La loi de 2001 se voulait simplement supplétive de cette volonté. Ici, il s'agit de restreindre la liberté des époux. Cette solution paraît pour le moins paradoxale, alors que l'ensemble du projet de loi favorise la liberté du de cujus , qu'il s'agisse de la possibilité de consentir des donations graduelles ou résiduelles, des donations trans-générationnelles, ou même de permettre de renoncer par avance à exercer une action en réduction contre des atteintes portées à sa réserve. Pourquoi la quotité disponible spéciale entre époux serait-elle la seule matière à connaître une évolution inverse ?

Le Conseil supérieur du notariat s'est fait l'écho auprès de votre rapporteur des inquiétudes manifestées par les intéressés devant les notaires.

De plus, cette réforme risque de poser des problèmes d'application de la loi dans le temps inextricables, puisque le projet de loi prévoit que cette disposition s'appliquera aux successions ouvertes à compter de l'entrée en vigueur de la loi (prévue par l'Assemblée nationale au 1 er janvier 2007), que des libéralités aient été prévues antérieurement ou non.

Ceci aura des conséquences qui n'ont sans doute pas été pleinement mesurées par les auteurs de la réforme, alors même que la pratique notariale a encouragé depuis des décennies l'attribution de l'usufruit universel au conjoint survivant. Cette disposition porte donc atteinte aux anticipations des testateurs et de nombreuses personnes qui se croient protégées risqueraient de sévères déconvenues à l'ouverture de la succession.

C. COMPLÉTER LE PROJET DE LOI

Votre commission vous propose en outre de compléter le projet de loi afin de confirmer l'efficacité de la « clause alsacienne », d'aménager l'exercice de l'action en retranchement et de déjudiciariser le changement de régime matrimonial.

1. Confirmer l'efficacité de la « clause alsacienne »

Elle vous propose de confirmer l'efficacité de la clause de reprise des apports de biens propres en cas de divorce contenue dans un contrat de mariage ou un acte modificatif de régime matrimonial, particulièrement utile en cas de changement de régime matrimonial au profit de la communauté universelle avec attribution au dernier vivant ( article 265 du code civil - article additionnel après l'article 26 bis ).

2. Aménager l'exercice de l'action en retranchement

Votre commission vous propose de permettre aux enfants d'un premier lit de renoncer à l'exercice de l'action en retranchement* avant le décès de l'époux survivant ( article 1527 du code civil - article additionnel après l'article 26 bis ).

Cette action est ouverte aux enfants d'un premier lit à l'encontre du beau-parent qui bénéficie d'un avantage matrimonial portant atteinte à leur réserve héréditaire (par exemple l'adoption de la communauté universelle avec clause d'attribution au survivant).

Cet amendement a pour objet de favoriser les pactes de famille permettant au conjoint survivant de rester en possession des biens du défunt jusqu'à son décès, les enfants signataires du pacte ne renonçant pas à leurs droits réservataires, mais acceptant d'y prétendre plus tardivement.

Afin d'assurer leur protection, la renonciation se ferait dans les formes prévues pour la renonciation anticipée à l'action en réduction. Les héritiers pourraient se faire inscrire un privilège sur les immeubles dépendant de la communauté et exiger un inventaire des meubles.

3. Déjudiciariser le changement de régime matrimonial

Votre commission vous propose enfin de déjudiciariser le changement de régime matrimonial ( articles 1396 et 1397 du code civil - article additionnel après l'article 26 bis ).

Actuellement , ce changement requiert un acte notarié soumis à l'homologation du tribunal de grande instance . Or, cette exigence d'homologation paraît peu justifiée :

- elle n'a en pratique souvent pas d'autre effet que d'allonger la procédure et d'en augmenter le coût. Ainsi, en 2003, sur les 21.463 demandes d'homologation, 21.221 ont été totalement acceptées ;

- cette procédure introduit désormais une véritable inégalité entre les époux, puisqu'elle n'est requise que lorsque les deux époux sont Français , la convention de La Haye du 14 mars 1978 sur la loi applicable aux régimes matrimoniaux s'y opposant dès lors que l'un des époux n'a pas la nationalité française.

Votre commission vous propose donc de simplifier cette procédure, conformément à l'esprit du projet de loi, et de prévoir une information des enfants et des créanciers , qui pourraient s'y opposer dans le délai de trois mois. En cas d'opposition, l'acte notarié serait soumis à l'homologation du tribunal de grande instance du domicile des époux .

*

* *

Au bénéfice de l'ensemble de ces observations et sous réserve des amendements qu'elle vous soumet, votre commission vous propose d'adopter le projet de loi.

EXAMEN DES ARTICLES

TITRE IER DISPOSITIONS RELATIVES AUX SUCCESSIONS
Article 1er (art. 768 à 814-1 du code civil)
Option de l'héritier, successions vacantes ou en déshérence et administration de la succession par un mandataire

L'article 1 er du présent projet de loi modifie le titre Ier consacré aux successions du livre III « Des différentes manières dont on acquiert la propriété » du code civil afin de :

- revoir les conditions dans lesquelles l'héritier exerce son option successorale, en prévoyant notamment la possibilité de le sommer de prendre une décision afin de réduire la période d'incertitude ;

- substituer à l'acceptation sous bénéfice d'inventaire une nouvelle acceptation à concurrence de l'actif net plus simple et donc attractive pour l'héritier et plus protectrice des intérêts des créanciers (nouveau chapitre IV) ;

- moderniser les procédures relatives aux successions vacantes et aux successions en déshérence (nouveau chapitre V) ;

- faciliter l'administration des successions complexes (notamment celles comprenant des entreprises) ou sujettes à conflit entre les héritiers, en permettant la désignation d'un mandataire par le futur défunt à titre posthume et en revoyant les compétences des mandataires successoraux désignés judiciairement (nouveau chapitre VI).

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois, adopté un amendement rédactionnel modifiant l'architecture du titre Ier du livre III du code civil, et renumérotant le chapitre consacré à l'option de l'héritier pour prévoir qu'il s'agit du chapitre VII et non du chapitre IV. Votre commission des lois vous propose de corriger par amendement une erreur de numérotation et de viser le chapitre VIII.

CHAPITRE IV DE L'OPTION DE L'HÉRITER
SECTION 1 - Dispositions générales (art. 768 à 782 du code civil)

Les articles 768 à 782 de la section 1 du chapitre IV relatifs à l'option de l'héritier remplacent les articles 774, 775, 777, 781, 782, 783, 785, 788, 789, 791, 792, 795, 797, 798, 800 et 801 actuellement en vigueur.

Si ces dispositions reconduisent largement le droit en vigueur, en en modernisant la rédaction, certaines innovations fondamentales sont apportées afin d'accélérer et de sécuriser les procédures :

- le régime de l'acceptation sous bénéfice d'inventaire est profondément remanié et renommé acceptation à concurrence de l'actif net (art. 769) ;

- les créanciers et cohéritiers disposent d'une action interrogatoire pour sommer l'héritier d'opter à compter d'un délai de quatre mois (art. 771) ;

- l'héritier sommé de prendre position et gardant le silence est réputé acceptant pur et simple (art. 772) ;

- la dissimulation par l'héritier de l'existence d'un cohéritier est sanctionnée d'une partie des peines du recel successoral classique de droits ou de biens (art. 778).

En outre, le projet de loi codifie un certain nombre de règles jurisprudentielles, pour une meilleure lisibilité du droit.

Art. 768 du code civil : Option

? L'article 768 du code civil, dans la rédaction proposée par le projet de loi, énonce les trois options ouvertes à l'héritier, actuellement prévues aux articles 774 et 775 :

- accepter la succession purement et simplement , avec la totalité de son actif net et de son passif ;

- y renoncer entièrement ;

- accepter la succession à concurrence de l'actif net 13 ( * ) , cette procédure remplaçant celle d'acceptation sous bénéfice d'inventaire.

Par rapport à l'actuel article 774, le projet de loi précise que l'acceptation à concurrence de l'actif net est réservée aux héritiers universels ou à titre universel. L'héritier universel est celui qui a vocation à recevoir l'ensemble du patrimoine, tandis que l'héritier à titre universel reçoit une quote-part de l'universalité des biens. Le projet de loi exclut donc les successibles à titre particulier, qui reçoivent un ou plusieurs biens ou droits déterminés. En effet, l'article 1024 non modifié par le projet de loi indique que le légataire à titre particulier n'est pas tenu des dettes successorales, à l'exclusion de la réduction du legs portant atteinte à la réserve et de l'action hypothécaire des créanciers 14 ( * ) . Il s'agit donc d'une simple coordination.

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois, adopté un amendement précisant qu'il s'agit d'une acceptation à concurrence de l'actif net, et non de l'actif net brut.

? L'article 768 modifié précise en outre que l'option conditionnelle ou à terme est nulle .

Il consacre ainsi la jurisprudence 15 ( * ) reposant sur l'article 1172, selon lequel toute condition d'une chose impossible est nulle. Une option héréditaire conditionnelle serait en effet une source d'insécurité juridique.

Le projet de loi va cependant plus loin. Alors que la jurisprudence annule l'option assortie d'une condition, mais requalifie l'option assortie d'un terme en acceptation pure et simple, le projet de loi prévoit la nullité complète de l'option, et non de la condition ou du terme, en considérant que ces deux caractéristiques constituent un élément essentiel de l'engagement de l'héritier. Reconnaître la validité de l'option aurait des conséquences trop graves pour l'héritier.

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois, adopté un amendement rédactionnel tendant à préciser que la nullité de l'option tient à l'existence même de la condition qui peut s'y attacher et non à l'exercice effectif de l'option.

Art. 769 du code civil : Indivisibilité de l'option

Si cet article prévoit que l'option est indivisible , il ajoute cependant que celui qui cumule plusieurs vocations successorales à la même succession a pour chacune d'elles un droit d'option distinct .

Il s'agit d'une consécration de la jurisprudence 16 ( * ) .

Une personne cumulant la qualité d'héritier réservataire et de légataire peut ainsi refuser le legs sans renoncer pour autant à sa part réservataire, ou au contraire renoncer à la succession en acceptant le legs, afin d'éviter d'avoir à le rapporter s'il est important. En effet, l'article 845 prévoit que l'héritier qui renonce à la succession peut cependant retenir le don entre vifs ou réclamer son legs jusqu'à concurrence de la portion disponible. La renonciation transforme donc une libéralité rapportable en libéralité hors part. Cette règle est à l'origine de la plupart des renonciations à une succession solvable : l'héritier donataire peut avoir intérêt à conserver pour lui seul ce qui lui a été donné et à abandonner aux autres les biens laissés par le de cujus , plutôt que de partager l'ensemble avec eux 17 ( * ) .

De même, une personne peut recevoir un legs particulier et un legs universel ou à titre universel. Elle pourra décider d'accepter un legs à titre particulier mais pas le legs universel.

Cette disposition trouvera également à s'appliquer dans l'hypothèse où le bénéficiaire de la nouvelle procédure de renonciation anticipée à exercer l'action en réduction contre une atteinte à la réserve 18 ( * ) refuse l'octroi d'une part supplémentaire.

Art. 770 du code civil : Prohibition de l'option sur succession future

Le projet de loi précise que l'option ne peut être exercée avant l'ouverture de la succession, même par contrat de mariage .

Il s'agirait en effet d'une forme de pacte sur succession future -lequel reste interdit par l'article 1130 du code civil 19 ( * ) , et plus spécifiquement par l'actuel article 791- qui interdit, même par contrat de mariage, de renoncer à une succession ou d'aliéner des droits éventuels sur celle-ci.

Cette interdiction ne vise plus uniquement la renonciation, mais également l'acceptation pure et simple, ou à concurrence de l'actif net.

Elle complète donc les dispositions de l'article 722, non modifié par le projet de loi, qui prévoit que les conventions portant renonciation ou acceptation d'une succession non encore ouverte ne produisent effet que dans les cas où elles sont autorisées par la loi.

Art. 771 du code civil : Action interrogatoire

Le projet de loi procède à une modification substantielle en élargissant les conditions dans lesquelles un héritier peut être sommé d'opter.

En effet, l'absence de décision de sa part paralyse le règlement de la succession et met en péril les intérêts des créanciers.

? L'article 771, dans la rédaction proposée par le projet de loi, prévoit que l'héritier ne peut être contraint d'opter avant l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de l'ouverture de la succession.

Actuellement, l'article 795 prévoit un délai de trois mois et quarante jours pour faire inventaire et délibérer. Le délai sera donc globalement plus court de quelques jours, mais a l'avantage d'être simple et unique.

Une sommation faite avant l'expiration du délai sera sans effet et devra être réitérée à l'expiration du délai de quatre mois. Une autre solution -par exemple que la sommation ne commence à produire ses effets qu'à compter de l'expiration du délai de quatre mois- aurait conduit à systématiser l'envoi de sommations dans les premiers jours de l'ouverture de la succession sans que l'héritier sache forcément très clairement à quel moment elles étaient susceptibles de produire des effets.

A l'initiative de sa commission des lois, l'Assemblée nationale a précisé que cette sommation devrait se faire par acte extrajudiciaire. Le garde des sceaux, tout en approuvant cette disposition, a précisé qu'un acte extra-judiciaire n'était pas nécessairement une signification par acte d'huissier, mais pouvait être une notification, faite par des moyens lui conférant une date certaine, comme une lettre recommandée avec accusé de réception

? Le projet de loi étend surtout la liste des personnes pouvant à l'expiration du délai de quatre mois sommer l'héritier de prendre parti.

Actuellement, seuls les créanciers successoraux peuvent contraindre un héritier à accepter ou à renoncer. L'héritier n'est alors engagé que vis-à-vis d'eux . Les cohéritiers ou les héritiers subséquents ne peuvent le contraindre et sont tenus par le délai de prescription de trente ans (art. 789), ce qui est évidemment très dommageable.

Le projet de loi conserve aux créanciers successoraux cette possibilité et instaure une action interrogatoire au profit :

- d'un cohéritier ;

- d'un héritier de rang subséquent , c'est-à-dire un héritier d'un degré plus éloigné qui, primé par l'héritier de rang plus favorable, ne vient à la succession qu'en cas de renonciation ;

- ou de l'État , qui n'est pas un héritier, mais peut bénéficier de la succession devenue vacante.

La situation des héritiers de rang subséquent est en effet actuellement très précaire, puisqu'ils subissent la prescription trentenaire au même titre que les héritiers de premier rang. Si l'héritier de premier rang garde le silence pendant trente ans, ils se trouvent forclos et sont réputés étrangers à la succession, alors qu'ils ne peuvent le contraindre à prendre position, et ne peuvent opter par avance, ceci constituant une forme d'option conditionnelle prohibée par l'article 768. La jurisprudence leur permet uniquement de faire une acceptation éventuelle et de garantir l'exercice de leurs droits grâce à la saisine* virtuelle, afin de lutter contre toute dépréciation des biens successoraux. En cas d'inaction des héritiers de premier rang, ils peuvent ainsi assurer la conservation des biens héréditaires.

Le projet de loi améliore donc leur protection en permettant de sortir de ces situations d'attente, sources d'insécurité.

En revanche, l'action interrogatoire demeure fermée aux créanciers personnels de l'héritier considéré. En effet, elle vise à accélérer et clarifier le règlement de la succession et non à protéger les créanciers personnels de l'héritier, lesquels peuvent déjà, face au silence de l'héritier, accepter la succession en ses lieu et place par la voie de l'action oblique ou exercer en cas de renonciation faite en fraude de leurs droits l'action paulienne (art. 788).

Art. 772 du code civil : Situation de l'héritier sommé taisant

? L'article 772 modifié accorde un délai d'un mois à l'héritier sommé pour prendre parti ou solliciter un délai supplémentaire auprès du juge lorsqu'il n'a pas été en mesure de clôturer l'inventaire commencé ou lorsqu'il justifie d'autres motifs sérieux et légitimes. Le délai est alors suspendu à compter de la demande de prorogation.

Le juge visé devait être le président du tribunal de grande instance ou son représentant, ceci devant être précisé par décret.

Le projet de loi ne précise par l'étendue du délai supplémentaire pouvant être accordé, laissée à l'appréciation discrétionnaire du juge, en fonction des difficultés rencontrées pour finir l'inventaire, ou de l'existence de motifs « sérieux et légitimes », comme par exemple des contestations sur la consistance de la succession ou un éloignement de l'héritier.

Considérant que ce délai d'un mois était trop court, notamment en période estivale, l'Assemblée nationale l'a porté à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement à deux mois . Votre commission des lois souscrit à cette augmentation. En effet, un mois n'est pas suffisant pour obtenir par exemple le montant de la créance d'aide sociale auprès du conseil général, très fréquente en pratique, et qui peut conditionner le caractère bénéficiaire ou non de la succession. Elle vous propose par amendement de porter ce délai à quatre mois .

Le projet de loi prévoit que ce délai est suspendu à compter de la demande de prorogation. L'Assemblée nationale a souhaité à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement préciser que ce délai est suspendu à compter de la demande de prorogation jusqu'à la décision du juge saisi.

? Le second alinéa proposé pour cet article prévoit enfin qu' à défaut d'avoir pris parti à l'expiration du délai d'un mois (deux mois dans la rédaction issue de l'Assemblée nationale) ou du délai supplémentaire accordé, l'héritier est réputé acceptant pur et simple .

Il s'agit d'une innovation substantielle.

Actuellement , la jurisprudence 20 ( * ) prévoit que l'héritier n'est réputé acceptant pur et simple qu'à l'égard du créancier successoral l'ayant sommé de prendre parti .

Le projet de loi l'étend à l'égard de tous. Cette position parait logique au regard du principe de l'indivisibilité de l'option.

La proposition de loi présentée par MM. Jean-Jacques Hyest et Nicolas About 21 ( * ) préconisait pour sa part que l'héritier soit déclaré renonçant par le tribunal, le dispositif du jugement déclarant l'héritier renonçant étant transcrit sur le registre des déclarations de renonciation.

Votre rapporteur n'a pas souhaité reprendre cette proposition, qui semble difficilement compatible avec les nouvelles orientations du projet de loi :

- le recours au tribunal suppose un alourdissement supplémentaire de la procédure, contraire à l'objectif de simplification recherché ;

- la représentation des héritiers renonçants, désormais autorisée (art. 754 du code civil modifié par le 13° de l'article 22 du projet de loi), impliquerait de rechercher les héritiers subséquents et de les sommer pour connaître leur option ;

- en outre, si la solution du projet de loi parait sévère pour l'héritier du fait des conséquences potentiellement graves de l'acceptation pure et simple (responsabilité de l'ensemble du passif de la succession sur son patrimoine personnel), le projet de loi permet désormais à l'héritier acceptant pur et simple de demander à être déchargé d'une dette qu'il avait de justes raisons d'ignorer lorsqu'elle obérerait gravement son patrimoine personnel (art. 786-1 du code civil modifié par l'article 1 er du projet de loi) ;

- enfin il n'y a plus à craindre que cette solution empêche un partage amiable du fait de la défaillance persistante de l'héritier, le projet de loi prévoyant désormais la possibilité pour le juge de désigner un représentant compétent jusqu'à la réalisation du partage (art. 837 du code civil modifié par l'article 4 du projet de loi).

Il ne semble pas non plus possible de faire de l'héritier sommé taisant un héritier acceptant à concurrence de l'actif net, même si cette procédure est plus protectrice de ses droits, l'héritier se voyant investi de missions trop importantes, comme de désintéresser les créanciers, ce qui suppose un rôle actif qu'il ne semble pas vouloir assumer.

Art. 773 du code civil : Maintien de la faculté d'opter à défaut de sommation

Cet article reprend en les simplifiant les dispositions de l'actuel article 800 et prévoit que l'héritier conserve la faculté d'opter à défaut de sommation jusqu'à la prescription , actuellement de trente ans, mais réduite par le projet de loi à dix ans (art. 781 du code civil) à compter de l'ouverture de la succession à la double condition :

- de ne pas avoir fait par ailleurs acte d'héritier en acceptant tacitement ou expressément la succession purement et simplement ;

- de n'être pas tenu pour héritier acceptant pur et simple à titre de sanction. Ceci est en effet prévu lorsque l'héritier a recelé des biens ou des droits d'une succession ou dissimulé l'existence d'un cohéritier (art. 778), ou n'a pas déposé d'inventaire au tribunal dans le délai prévu lorsqu'il se réclame de l'acceptation à concurrence de l'actif net (art. 790), ou enfin a omis, sciemment et de mauvaise foi, de comprendre dans l'inventaire des éléments d'actif net ou de passif de la succession ou n'a pas affecté au paiement des créanciers successoraux la valeur des biens conservés ou le prix des biens aliénés (art. 800).

L'Assemblée nationale a adopté un amendement rectifiant une erreur de référence, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement.

Art. 774 du code civil : Ouverture aux héritiers subséquents de l'action interrogatoire

Cet article précise que les dispositions des articles 771 à 773 relatives à l'action interrogatoire s'appliquent à l'héritier de rang subséquent appelé à succéder lorsque l'héritier de premier rang renonce à la succession ou est indigne de succéder, ce qui découle déjà des dispositions de l'article 771.

En effet, le 13° de l'article 22 du projet de loi autorise désormais la représentation d'un héritier renonçant 22 ( * ) (art. 754).

Rappelons qu'en vertu de l'article 726 du code civil, sont indignes de succéder les personnes condamnées, comme auteur ou complice, à une peine criminelle pour avoir volontairement donné ou tenté de donner la mort au défunt, ou porté des coups ou commis des violences ou voies de fait ayant entraîné la mort du défunt sans intention de la donner.

Le projet de loi précise que le délai de quatre mois pendant lequel l'héritier ne peut être sommé court alors à compter du jour où l'héritier subséquent a eu connaissance de la renonciation ou de l'indignité . Il devra ensuite opter dans les mêmes conditions. Cette disposition, favorable à l'héritier subséquent, risque cependant de poser des problèmes de preuve.

Comme dans le cas général, l'héritier de rang subséquent devra opter à défaut dans les dix ans de l'ouverture de la succession du premier défunt.

Art. 775 du code civil : Ouverture aux héritiers de la personne décédant avant d'avoir exercé l'option de l'action interrogatoire

Cet article précise que ces dispositions s'appliquent également aux héritiers de celui qui décède sans avoir opté et avant l'expiration du délai de prescription.

Le projet de loi prévoit que le délai de quatre mois pendant lequel il ne peut être sommé d'opter court dans cette hypothèse à compter du décès. L'Assemblée nationale a précisé, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, que ce délai courrait à compter de l'ouverture de la succession, et non du décès, de l'héritier qui décède avant d'avoir opté, afin de tenir compte de l'hypothèse de l'absence déclarée, qui donne également lieu à ouverture d'une succession.

Le projet de loi indique enfin que les héritiers exercent l'action séparément, chacun pour sa part. Il s'agit d'une innovation par rapport au droit en vigueur, puisque l'actuel article 782 prévoit qu'en cas de désaccord entre ces héritiers, la succession sera acceptée sous bénéfice d'inventaire. Cette règle faisait l'objet de critiques car elle imposait les formalités lourdes de l'acceptation bénéficiaire et restreignait la liberté des héritiers, un héritier pouvant avoir intérêt à renoncer s'il est légataire important.

L'Assemblée nationale a en outre adopté, à l'initiative de sa commission des lois, et avec l'avis favorable du Gouvernement, un amendement rédactionnel.

Art. 776 du code civil : Effet rétroactif de l'option

L'article 776 reprend le principe de l'effet rétroactif de l'acceptation au jour de l'ouverture de la succession prévu par l'actuel article 777 en l'élargissant à la renonciation.

Parallèlement, le projet de loi déplace à l'article 805 les dispositions de l'actuel article 785 selon lesquelles l'héritier renonçant est censé n'avoir jamais été héritier.

Art. 777 du code civil : Action en nullité de l'option

L'article 777 prévoit que l'erreur, le dol ou la violence sont des causes de nullité de l'option exercée par l'héritier.

? Le projet de loi étend considérablement le dispositif existant.

Actuellement , l'article 783 prévoit qu'un héritier ne peut contester que son acceptation, et uniquement en cas de dol 23 ( * ) . Il ne peut en outre réclamer sous prétexte de lésion que dans le cas où la succession se trouverait diminuée de plus de moitié par la découverte d'un testament inconnu au moment de l'acceptation 24 ( * ) .

Le projet de loi étend tout d'abord cette possibilité de contestation à tous les cas d'option, y compris la renonciation.

Il prévoit la nullité également en cas de violence 25 ( * ) ou d'erreur 26 ( * ) , confortant ainsi la jurisprudence 27 ( * ) qui a admis l'erreur en cas de renonciation à succession et d'erreur sur la nature ou l'étendue du droit du successible renonçant.

? Cet article prévoit que cette action en nullité se prescrit par cinq ans à compter, soit du jour où l'erreur ou le dol a été découvert, soit de celui où la violence a cessé.

Ce délai correspond à la durée maximale de la prescription des actions en nullité ou en rescision pour lésion en matière contractuelle prévue comme plafond par défaut par l'article 1304 du code civil.

Le projet de loi n'a pas choisi le délai de trois ans préconisé par le rapport présenté par M. Pierre Catala au garde des sceaux le 22 septembre 2005 portant sur la réforme du droit des obligations s'agissant du délai de prescription de droit commun, celui-ci apparaissant trop court.

Les causes de suspension de droit commun s'appliquent, notamment s'agissant d'un héritier mineur ou majeur sous tutelle, ou encore de l'héritier d'un incapable (art. 1304).

Art. 778 du code civil : Sanction du recel de biens ou de cohéritiers

Le projet de loi complète le dispositif de sanction pour recel de droits ou de biens actuellement prévu aux articles 792 (s'agissant du recel dans le cadre d'une renonciation) et 801 du code civil (s'agissant du recel dans le cadre de la procédure d'acceptation sous bénéfice d'inventaire).

? L'article 778 modifié précise donc que l'héritier qui aurait recelé des biens ou des droits d'une succession ou dissimulé l'existence d'un cohéritier est réputé accepter purement et simplement la succession, nonobstant toute renonciation ou acceptation à concurrence de l'actif net, sans pouvoir prétendre à aucune part dans les biens ou les droits divertis ou recelés.

Tout en reprenant la sanction actuelle du recel de biens et droits déjà prévue par le droit en vigueur, le projet de loi l'étend à la dissimulation de l'existence d'un cohéritier .

Cette précision complète celle effectuée par la loi du 3 décembre 2001, qui a inséré l'article 730-5 du code civil et prévu les pénalités du recel en cas d'acte de notoriété inexact utilisé « sciemment et de mauvaise foi ». La jurisprudence avait cependant refusé, en l'absence de texte, de sanctionner la dissimulation d'un cohéritier, ce qui apparaissait peu logique.

La sanction prévue est identique à celle fixée en cas de recel de biens et de droits : l'acceptation pure et simple d'office, quel que soit le montant du passif.

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, ajouté à titre de sanction que les droits revenant à l'héritier dissimulé et qui ont ou auraient pu augmenter ceux de l'auteur lors de la dissimulation sont réputés avoir été recelés par ce dernier.

? Le projet de loi codifie en outre la jurisprudence étendant la sanction de recel à l'héritier ayant dissimulé une donation rapportable 28 ( * ) ou réductible 29 ( * ) , et pas uniquement des biens ou droits issus de la succession. L'héritier doit alors le rapport ou la réduction de cette donation sans pouvoir prétendre à aucune part. Il s'agit d'une précision importante en pratique 30 ( * ) .

A contrario, la dissimulation d'une donation préciputaire 31 ( * ) non réductible ne devrait pas être sanctionnée puisque n'ayant aucune conséquence sur la succession.

? Le projet de loi complète en outre le dispositif de sanction du recel en imposant au receleur de rendre les fruits et revenus des biens recelés dont il a eu la jouissance.

Ce dispositif est analogue à la règle prévue en cas d'indignité successorale par l'article 729.

? L'Assemblée nationale a confirmé, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, la possibilité de demander des dommages et intérêts en cas de recel de biens successoraux et de dissimulation d'un cohéritier.

Votre commission des lois vous propose d' adopter un amendement rédactionnel .

Art. 779 du code civil : Droit au repentir du receleur de biens

? Le projet de loi prévoit que n'encourt pas les sanctions du recel l'héritier qui, avant la découverte des faits, restitue spontanément ce qu'il a diverti ou recélé .

Est donc codifié un droit de repentir d'origine purement prétorienne 32 ( * ) .

? L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, étendu ce droit de repentir :

- à l'hypothèse de dissimulation d'un cohéritier par coordination avec la sanction introduite précédemment à l'article 178 ;

- aux héritiers de l'héritier receleur décédé après l'ouverture de la succession mais avant celle des poursuites, afin de contrer une jurisprudence ancienne 33 ( * ) leur refusant d'en bénéficier, alors même qu'ils ne sont pas responsables du recel.

Votre commission des lois vous propose d' adopter un amendement rédactionnel.

Art. 780 du code civil : Action oblique ou paulienne du créancier de l'héritier

L'article 780 tel que rédigé par le projet de loi prévoit que les créanciers personnels de l'héritier qui s'abstient d'accepter une succession ou y renonce au préjudice de leurs droits peuvent être autorisés en justice à accepter cette succession pour son compte .

L'Assemblée nationale a adopté à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement un amendement rédactionnel afin de préciser que cette acceptation se fait en lieu et place de l'héritier et non pour son compte, puisqu'elle leur profite.

Le projet de loi précise que l'acceptation n'a lieu qu'en faveur de ces créanciers et jusqu'à concurrence de leurs créances. Elle ne produit pas d'autre effet à l'égard de l'héritier, qui ne peut donc être considéré comme acceptant.

Il s'agit de la reprise de l'actuel article 788, qui constitue une déclinaison de l'article 1166 relatif à l'action oblique prévue de manière générale dans le domaine contractuel. L'article 1166 prévoit ainsi que « les créanciers peuvent exercer tous les droits et actions de leur débiteur, à l'exception de ceux qui sont exclusivement attachés à la personne ». Ce mécanisme permet de protéger le créancier d'une personne qui néglige, frauduleusement ou non, de faire valoir ses droits à l'encontre de ses propres débiteurs. Une jurisprudence constante a posé le principe que cette action n'implique pas l'intention de nuire, mais résulte de la seule connaissance que le débiteur et son cocontractant ont du préjudice causé au créancier par l'acte litigieux.

Que la renonciation de l'héritier s'opère avec ou sans intention de nuire et frauduleusement ou non est donc sans incidence.

Le projet de loi élargit ce dispositif de l'action paulienne au cas de l'héritier qui s'abstient d'accepter sans pour autant renoncer expressément.

En effet, en l'absence d'un tel élargissement, le créancier devrait attendre dix ans, puisque les créanciers personnels de l'héritier ne bénéficient pas de la possibilité de déclencher l'action interrogatoire prévue par l'article 772 modifié par le projet de loi, contrairement aux héritiers successoraux.

Art. 781 du code civil : Abaissement de la prescription de la faculté d'opter

? Afin d'accélérer les règlements successoraux, le projet de loi prévoit de réduire la prescription de l'option de l'héritier de trente ans (actuel art. 789) à dix ans à compter de l'ouverture de la succession.

Le projet de loi précise le point de départ du délai, contrairement au droit en vigueur, et consacre la jurisprudence.

Ce délai est conforme à la proposition de loi sénatoriale de 2001 précitée et égal au délai de prescription en matière de responsabilité extra-contractuelle (art. 2270-1).

L'actuel délai trentenaire apparaît en effet excessif, source d'insécurité juridique, et facteur de blocage des indivisions.

Bien évidemment, ce nouveau délai de prescription est sujet aux causes légales d'interruption (qui fait repartir un nouveau délai complet, comme la citation en justice) ou de suspension (qui n'arrête que temporairement le cours de la prescription, comme la minorité) prévues respectivement aux articles 2242 à 2250 et 2251 à 2259 du code civil.

? L'héritier qui n'aurait pas pris parti dans ce délai serait réputé renonçant.

L'Assemblée nationale a adopté, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, un amendement rédactionnel que votre commission des lois vous propose de supprimer .

? Le troisième alinéa du texte proposé prend ensuite en considération la situation relativement fréquente dans laquelle les enfants attendent le décès du second parent pour demander leur part de succession, afin de laisser le conjoint survivant jouir de l'ensemble du patrimoine du défunt.

Afin d'éviter que l'on puisse leur opposer la prescription du droit d'accepter, le projet de loi prévoit que la prescription ne court contre l'héritier qui a laissé le conjoint survivant en jouissance des biens héréditaires qu'à compter du décès de ce dernier.

Cette situation peut en particulier se rencontrer en cas de conflit avec un héritier de rang subséquent, qui pourrait nier l'acceptation de l'héritier de premier rang, à qui il incombera d'apporter la preuve de son acceptation, ce qui sera difficile si elle était tacite. A défaut, l'héritier soucieux de l'intérêt du conjoint survivant se trouverait injustement sanctionné.

L'Assemblée nationale a adopté, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, un amendement de coordination afin de viser comme point de départ du délai l'ouverture de la succession et non le décès, même si cette hypothèse ne devrait a priori pas se rencontrer en cas d'absence déclarée du conjoint survivant.

? Le projet de loi précise en outre que lorsque l'acceptation de l'héritier de premier rang est nulle, la prescription ne court contre l'héritier subséquent qu'à compter de la décision constatant la nullité .

Rappelons que si l'héritier est renonçant tacite à l'issue du délai de prescription, les héritiers subséquents sont également prescrits, même s'ils peuvent venir en représentation du renonçant vivant (art. 754 modifié par le 13° de l'article 22 du projet de loi). Ils doivent donc pour éviter la prescription, sommer l'héritier de rang supérieur en temps voulu (art. 772 modifié par le présent article).

Le texte complète ce dispositif en prévoyant un point de départ de la prescription différé lorsque l'acceptation par l'héritier de premier rang est annulée, par exemple en application de l'article 777 pour erreur, dol ou violence. Ceci peut intervenir de nombreuses années après l'ouverture de la succession, puisque la nullité peut être demandée jusqu'à cinq ans à compter du jour où le dol ou l'erreur ont été découverts ou du jour où la violence a cessé, auxquels s'ajoute la durée de l'action en annulation.

L'Assemblée nationale a adopté, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, un amendement tendant à prendre en compte le cas très hypothétique de l'annulation de l'acceptation du premier héritier subséquent.

? L'Assemblée nationale a enfin, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, codifié la jurisprudence selon laquelle la prescription ne court pas lorsque le successible a une juste raison d'ignorer la naissance de son droit , notamment l'ouverture de la succession (c'est-à-dire la déclaration d'absence ou le décès).

Votre commission vous propose d'adopter un amendement de coordination avec la rédaction retenue à l'article 786-1 et de viser des « motifs légitimes ».

Art. 782 du code civil : Exception à la prescription décennale

Le texte proposé pour l'article 782 précise que lorsque la succession est ouverte depuis plus de dix ans, celui qui se prévaut de sa qualité d'héritier doit justifier que lui-même ou ses auteurs l'ont acceptée avant l'expiration de ce délai.

Est donc codifiée la jurisprudence 34 ( * ) mettant à la charge de l'héritier la preuve de l'acceptation de la succession avant la fin du délai de prescription, en vertu de l'article 1315 du code civil qui prévoit que la charge de la preuve incombe à celui qui réclame l'exécution d'une obligation, alors que celui qui se prétend libéré d'une obligation doit justifier le fait qui a produit l'extinction de son obligation. Cette règle se justifie par la difficulté pour un tiers de prouver l'absence d'acte emportant acceptation par l'héritier.

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, adopté un amendement :

- visant à remplacer le terme « auteurs » par l'expression « ceux dont il tient cette qualité » pour englober les hypothèses où l'héritier hérite par exemple à la place d'un collatéral non privilégié également prédécédé ;

- et visant non plus spécifiquement le délai de prescription de 10 ans à compter de l'ouverture de la succession, mais plus largement les délais prévus à l'article 781, afin d'englober les délais dérogatoires prévus lorsque l'héritier a laissé le conjoint survivant jouir des biens héréditaires ou que l'acceptation de l'héritier de premier rang a été annulée.

L'Assemblée nationale a ensuite, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, précisé le titre de la section 2 du chapitre IV du titre Ier du livre III du code civil.

SECTION 2 - De l'acceptation pure et simple (art. 783 à 786-1 du code civil)

Le projet de loi modifie de manière limitée les dispositions de l'acceptation pure et simple, actuellement prévues aux articles 774 à 783 de la section 1 « De l'acceptation » (art. 774 à 783).

Cette option, la plus courante en pratique , repose sur la fiction de la prolongation patrimoniale de la personne décédée, ce qui suppose une responsabilité illimitée de l'héritier sur l'ensemble du passif de la succession (actuel art. 723), et la confusion des patrimoines du défunt et de son héritier.

Le projet de loi apporte cependant deux modifications importantes.

Tout d'abord, il limite les risques d'acceptation tacite, en précisant opportunément le périmètre des actes entraînant (art. 784 modifié) ou non (art. 785 modifié) acceptation de la succession, afin d'améliorer la sécurité juridique des héritiers et des tiers.

En outre, il renforce la protection de l'héritier au regard de certaines dettes successorales inconnues au moment de l'acceptation (art. 786-1 nouveau), tout en maintenant le caractère irrévocable de l'acceptation.

Art. 783 du code civil : Modalités de l'acceptation pure et simple

L'article 783 modifié par le projet de loi reproduit les dispositions actuellement prévues par l'article 778 du code civil, tout en substituant à la notion jugée ambiguë d'« héritier », qui peut être acceptant ou seulement appelé, celle de « successible », qui implique que l'option n'a pas encore été exercée et qu'il peut encore renoncer à la succession.

Le texte rappelle que l'acceptation peut être expresse ou tacite .

? Elle est expresse quand le successible prend le titre, s'agissant par exemple d'attestations immobilières, ou la qualité d'héritier, ce qui suppose qu'il s'en prévale par simple déclaration, dans un acte authentique ou sous-seing privé.

La jurisprudence considère cependant que si certains actes, comme la déclaration fiscale de succession ou la déclaration d'inventaire, comportent une prise de qualité d'héritier, ils ne valent pas acceptation expresse, puisqu'ils résultent simplement d'une obligation légale. En revanche, constituent des acceptations expresses les attestations immobilières dressées par le notaire sur intervention d'un successible afin de réaliser la publicité foncière et d'informer les tiers.

Le fait de prendre la qualité d'héritier sous-entend ici l'acceptation de la succession par celui-ci, alors que la loi du 3 décembre 2001 a prévu que l'établissement d'un acte de notoriété par un notaire à la demande d'un ou plusieurs ayants droit constituait un élément de preuve de la qualité d'héritier (art. 730-1) mais n'emportait pas par lui-même acceptation de la succession (art. 730-2). L'Assemblée nationale a donc adopté un amendement de précision à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement afin de viser le seul successible acceptant.

? L'acceptation est tacite quand le successible fait un acte qui remplit deux conditions : l'intention d'accepter et l'impossibilité que cet acte soit réalisé par un autre que par un héritier.

La jurisprudence a par exemple considéré que le fait de charger un avocat de régler ses droits dans la succession ou de laisser la jouissance de sa part successorale à la veuve usufruitière emportait acceptation tacite.

Outre un amendement rédactionnel, l'Assemblée nationale a précisé, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, que la faculté d'acceptation tacite ne doit être opposable qu'aux seuls héritiers saisis, dont la reconnaissance du titre ne nécessite aucune formalité particulière (notamment pas d'envoi en possession*, de délivrance de legs...), ce qui exclut le cas des légataires autres qu'universels désignés au moyen d'un testament authentique. En effet, une formalité particulière est incompatible avec la notion même d'acceptation tacite.

? L'acceptation pure et simple peut également résulter d'une sanction par la loi de certains comportements, comme le recel successoral (art. 778 modifié), le défaut de dépôt de l'inventaire dans le délai prescrit par la procédure d'acceptation à concurrence de l'actif net (art. 790 modifié), ou encore l'omission d'éléments d'actif net ou de passif dans l'inventaire et la non-affectation au paiement des créanciers de la valeur des biens conservés ou du prix des biens aliénés (art. 800 modifié).

Art. 784 du code civil : Acceptation pure et simple tacite par cession de biens successoraux

Cet article reprend et complète les dispositions de l'actuel article 780, et précise certains des actes entraînant acceptation pure et simple tacite de la succession.

? Il prévoit tout d'abord que toute cession, à titre gratuit ou onéreux, faite par un héritier de tout ou partie de ses droits dans la succession emporte acceptation pure et simple .

La cession visée ici est au profit d'une personne autre qu'un cohéritier.

Le caractère gratuit de la cession n'est pas considéré comme une renonciation à la succession , la cession exigeant que le successible ait au préalablement acquis la propriété du bien.

? Le texte qualifie également d'acceptation la renonciation, même gratuite, que fait un héritier au profit d'un ou plusieurs de ses cohéritiers .

Cette renonciation pourrait par exemple tendre à favoriser un ou plusieurs cohéritiers précisément identifiés ayant des besoins spécifiques, comme une personne handicapée. Une telle hypothèse, expressément autorisée par l'article 14 du projet de loi dans le cadre d'une renonciation anticipée à exercer l'atteinte en réduction d'une libéralité portant atteinte à sa réserve, est ici refusée, une véritable renonciation ne pouvant au stade de l'option successorale s'exercer qu'au profit de tous les successibles indistinctement.

? Le projet de loi qualifie enfin d'acceptation pure et simple la renonciation faite au profit de tous les cohéritiers indistinctement, lorsqu'elle est à titre onéreux, ce qui revient à vendre la renonciation.

En effet, la véritable renonciation est indifférenciée au profit de tous les successibles et à titre gratuit , sous réserve de la représentation du renonçant.

Afin de prendre en compte cette dernière hypothèse, l'Assemblée nationale a adopté à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, outre un amendement rédactionnel, un amendement de coordination avec la faculté de représentation de l'héritier renonçant vivant introduite par le 13° de l'article 22 du projet de loi. La renonciation faite au profit d'un héritier de rang subséquent à titre gratuit ou indistinctement à tous à titre onéreux constitue donc également un acte d'acceptation tacite de la succession.

Art. 785 du code civil : Actes conservatoires pouvant être accomplis sans entraîner acceptation tacite

Le projet de loi précise et complète substantiellement la liste des actes pouvant être accomplis par l'héritier sans entraîner acceptation tacite de la succession .

Cette réforme vise à éviter des attitudes attentistes des héritiers craignant que leur implication dans l'administration du patrimoine successoral pour éviter sa dépréciation conduise à interpréter leur action comme une acceptation pure et simple, lourde de conséquences puisqu'irrévocable.

? L'article 785 modifié reprend l'actuel article 779 en prévoyant que les actes purement conservatoires ou de surveillance et les actes d'administration provisoire peuvent être accomplis sans emporter acceptation de la succession, si le successible n'y a pas pris le titre ou la qualité d'héritier.

La jurisprudence a notamment qualifié d'acte purement conservatoire le fait de défendre à une action exercée par un créancier successoral ou d'accomplir des actes de procédure dans une instance ouverte du vivant du de cujus . Sont en outre considérés comme des actes de surveillance notamment la surveillance du bon état d'un immeuble ou de l'écoulement d'une prescription.

? Le deuxième alinéa du texte proposé par le projet de loi complète par ailleurs cet article en prévoyant que le successible peut être autorisé par le juge (c'est-à-dire le président du tribunal de grande instance) à accomplir sans prendre la qualité d'héritier tout autre acte que requiert l'intérêt de la succession.

Cette disposition s'inspire de l'actuel article 796, nettement plus restrictif, qui figure à la section consacrée à l'acceptation sous bénéfice d'inventaire, et permet de se faire autoriser en justice à vendre les objets de la succession susceptibles de dépérir ou dispendieux à conserver. Le projet de loi retient donc un critère beaucoup plus général.

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, adopté un amendement de coordination afin de prévoir que l'acte autorisé judiciairement ne peut avoir pour effet de faire prendre le titre d'héritier.

? Enfin, cet article énumère un certain nombre d'actes réputés purement conservatoires , tirés en grande partie de la jurisprudence :

- le paiement de certaines dettes successorales dont le règlement est urgent (frais funéraires et de dernière maladie 35 ( * ) , impôts dus par le défunt, loyers, etc...) ;

- le recouvrement des fruits et revenus des biens successoraux, notamment les loyers, ou la vente des biens périssables . La perception des fruits résulte d'une jurisprudence ancienne, tandis que la vente des biens périssables s'inspire de l'actuel article 796, en supprimant toutefois le recours au juge et à la vente aux enchères publiques. Néanmoins, le successible devra pouvoir justifier que les fonds reçus ont été employés au paiement des dettes successorales urgentes, déposés chez un notaire ou consignés, afin de prévenir tout détournement ;

- la réalisation d' actes destinés à éviter l'aggravation du passif successoral , comme le déménagement du logement loué par le défunt, afin d'interrompre le versement du loyer ;

- l'accomplissement d' opérations courantes nécessaires à la continuation immédiate de l'activité de l'entreprise dépendant de la succession.

Ce dernier cas vise principalement les petites entreprises exploitées sous forme individuelle, dont beaucoup disparaissent au décès de leur dirigeant, les entreprises exploitées sous forme sociétale disposant d'organes statutaires qui demeurent malgré la disparition du dirigeant.

Cette disposition fait partie des mesures du projet de loi tendant à favoriser la transmission des entreprises , au même titre que la renonciation anticipée à exercer l'action en réduction contre une libéralité portant atteinte à sa réserve, et la réforme des dispositifs d'attribution préférentielle et des donations-partages.

Le projet de loi, se référant à la jurisprudence de la Cour de cassation 36 ( * ) , vise à ne pas décourager l'héritier d'accomplir les actes nécessaires à la préservation du patrimoine du défunt et d'éviter de laisser ainsi une entreprise se déprécier de manière importante par crainte de la sanction de l'acceptation pure et simple.

L'imprécision de cette notion d'« opérations courantes nécessaires à la continuation immédiate de l'activité » a été dénoncée par les associations représentatives des entreprises entendues par votre rapporteur.

Il ne paraît pourtant pas possible de faire référence aux actes de gestion et d'administration susceptibles d'être accomplis par les conjoints collaborateurs sans engager leur responsabilité propre, visés par l'article L. 121-7 du code de commerce introduit par la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises, cette référence paraissant trop large.

De même, la référence à l'article L. 225-39 du code de commerce, qui vise les conventions dites libres, portant sur des opérations courantes, c'est-à-dire effectuées par l'entreprise dans le cadre de son activité ordinaire, entre un mandataire social, un actionnaire important ou une société de tête et l'entreprise qu'il dirige, et excluant la procédure d'information, de rapport spécial du commissaire aux comptes et d'approbation des conventions réglementées, ne peut être retenue.

L'amendement de la commission des lois de l'Assemblée nationale y faisant référence a ainsi été retiré en séance à la demande du Gouvernement, celui-ci ayant estimé qu'il n'apportait pas de réelle précision et que son champ, qui recouvre l'ensemble des actes habituellement réalisés par l'entreprise dans le cadre de son activité, était trop large puisqu'il permettrait aux héritiers de procéder à des investissements.

A l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a finalement complété la liste des actes réputés conservatoires en incluant :

- le renouvellement, en tant que bailleur ou preneur à bail, des baux dont le non-renouvellement entraînerait le paiement d'une indemnité d'éviction . Sont ainsi visés principalement les baux commerciaux, artisanaux et certains baux ruraux, ainsi que les baux à construction prévoyant le versement d'une indemnité. Cette disposition vise à éviter à la succession une charge pouvant se révéler importante, l'indemnité pouvant atteindre 80 % du chiffre d'affaires ;

- ainsi que la mise en oeuvre des décisions d'administration ou de disposition engagées par le défunt et nécessaires au bon fonctionnement de l'entreprise . En effet, l'abandon d'un investissement déjà prévu pourrait entraîner une perte de chiffre d'affaires, comme celui d'un prêt destiné à financer un investissement.

Cette liste d'actes conservatoires n'est cependant pas exhaustive. Le successible pourra effectuer sous sa responsabilité un acte ne figurant pas sur cette liste, mais dont il estime qu'il présente un caractère purement conservatoire.

? Votre commission des lois vous propose un amendement étendant le champ des actes pouvant être accomplis par le successible liés à la continuation « à court terme » de l'entreprise et aux actes relevant de l'administration provisoire, en supprimant la condition liée au caractère immédiat de la continuation de l'entreprise.

Art. 786 du code civil : Responsabilité de l'acceptant pur et simple

Le projet de loi introduit une innovation substantielle en atténuant les conséquences pour l'héritier de son acceptation pure et simple.

? Le premier alinéa de l'article 786 modifié prévoit tout d'abord que l'héritier universel ou à titre universel acceptant purement et simplement la succession répond indéfiniment des dettes et charges qui en dépendent. Est donc repris à droit constant le principe posé à l'article actuel 723 d'une responsabilité ultra vires successionis , c'est-à-dire au-delà des forces de la succession.

Par rapport au droit en vigueur, le projet de loi :

- substitue la notion de successible (qui inclut les héritiers par la loi ou par la volonté du défunt) à celle d'héritier, comme dans l'ensemble du projet de loi ;

- limite expressément cette règle à l'acceptation pure et simple ;

- et étend cette responsabilité, qui vise actuellement uniquement les dettes, aux charges dépendant de la succession, par coordination avec l'article 873, non modifié par le projet de loi, qui précise que « les héritiers sont tenus des dettes et charges de la succession ». Les charges se distinguent des dettes en ce qu'elles naissent après la mort du défunt, et en sont la conséquence directe. Elles comprennent notamment les frais funéraires, d'inventaire, de liquidation ou de partage, ainsi que les droits de mutation.

Votre commission des lois vous proposera donc par coordination de supprimer l'article 723 du code civil, désormais totalement redondant, puisqu'il prévoit que « les successeurs universels ou à titre universel sont tenus d'une obligation indéfinie aux dettes de la succession », au 10° de l'article 22 du projet de loi.

Néanmoins, la confusion des patrimoines de l'acceptant pur et simple et du défunt n'est pas totale, puisqu'en vertu de l'article 878 du code civil modifié par l'article 6 du présent projet de loi, les créanciers du défunt bénéficient d'un droit de préférence sur l'actif net successoral et les créanciers personnels de l'héritier d'un droit de préférence sur ses biens non recueillis au titre de la succession.

? Le second alinéa tempère cependant fortement ce principe en désavouant une jurisprudence très contestée par la doctrine consistant à appliquer cette obligation ultra vires aux legs de sommes d'argent.

Certes, le légataire se trouve comme un créancier exposé au risque de dissipation ou de détournement des biens héréditaires. Néanmoins, cette solution revient à autoriser le défunt à disposer des biens de son héritier en procédant à des legs excédant son patrimoine et en transformant le légataire en créancier de la succession, même si les legs particuliers ne sont payés qu'après les créanciers de la succession.

Le projet de loi prévoit donc que l'héritier ne sera plus tenu sur ses biens personnels des legs de biens fongibles, mais uniquement à concurrence des biens recueillis dans la succession .

Les légataires de sommes d'argent seront donc considérés à juste titre comme des héritiers et non plus comme des créanciers de la succession. Ils conservent néanmoins un recours contre le patrimoine personnel de l'héritier chargé de leur délivrer le legs en cas de détournement par celui-ci des biens successoraux.

L'Assemblée nationale a adopté à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement un amendement :

- tendant à rendre plus accessible le vocabulaire employé en remplaçant l'expression de « forces de la succession » par celle d'« actif net successoral net des dettes » ;

- et à substituer à la notion de biens fongibles celle plus restrictive de sommes d'argent. Rappelons que les biens fongibles sont ceux qui, n'étant pas individualisés, ne sont désignées que par leur espèce (par exemple une tonne de charbon). L'Assemblée nationale a en effet considéré que les biens fongibles autres que les sommes d'argent devaient suivre le régime des corps certains, et illustré son propos en estimant que le legs d'une tonne de blé à un voisin exploitant agricole ne différait pas sensiblement du point de vue de la priorité de sa délivrance du legs d'un tracteur.

Art. 786-1 du code civil : Faculté de demander la décharge d'une dette tardivement connue

Le projet de loi tempère une nouvelle fois une caractéristique fondamentale de l'acceptation pure et simple, ici son irrévocabilité, en prévoyant la possibilité de décharger l'acceptant de ses conséquences les plus dommageables.

? Le premier alinéa de l'article 786-1 modifié du code civil confirme ainsi le principe jurisprudentiel de l'irrévocabilité de l'acceptation pure et simple . L'héritier acceptant purement et simplement ne peut plus renoncer à la succession ni l'accepter à concurrence de l'actif net.

Rappelons qu'au contraire, l'acceptation à concurrence de l'actif net peut être convertie en acceptation pure et simple, et la renonciation être révoquée sous certaines conditions avant la fin du délai de prescription.

Une annulation de l'acceptation reste toujours possible pour erreur, dol ou violence (art. 777 modifié), ou en cas d'option conditionnelle ou à terme (art. 768 modifié). Cette faculté d'annulation est étendue par le projet de loi, puisqu'elle n'est actuellement prévue que par le biais de l'action en rescision pour lésion, en cas de découverte d'un testament inconnu représentant plus de la moitié de la succession (actuel art. 783).

L'Assemblée nationale a adopté à l'initiative de sa commission des lois un amendement rédactionnel.

? Le projet de loi tempère néanmoins les conséquences de cette irrévocabilité de principe afin d'éviter que des héritiers ayant accepté la succession purement et simplement sans en connaître véritablement la teneur soient ruinés.

Le texte, reprenant une mesure déjà proposée par le projet de réforme du droit des successions de 1995, prévoit que l'héritier acceptant purement et simplement peut demander à être déchargé en tout ou partie de son obligation à une dette successorale lorsque plusieurs conditions cumulatives sont remplies :

- cette dette doit avoir pour effet d' obérer gravement le patrimoine (et non le revenu) de l'héritier. L'Assemblée nationale a précisé à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement que son importance devait s'apprécier au regard du patrimoine personnel de l'héritier. Ce n'est donc pas le montant de la dette qui constitue un critère d'appréciation en soi, mais le patrimoine de l'héritier acceptant. Cette précision vise à protéger les créanciers, qui ne sont pas forcément responsables de l'ignorance dans laquelle se trouvait l'héritier au moment d'accepter ;

- l'héritier avait de « justes raisons » de l'ignorer au moment de son acceptation . L'Assemblée nationale a adopté à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement un amendement de clarification faisant référence à des « motifs légitimes ». Devraient ainsi être visés les cautionnements donnés par le défunt et découverts tardivement faute de fichier central des cautionnements, ou encore des dommages constatés longtemps après le décès engageant la responsabilité de l'héritier ;

- la demande de décharge ne peut viser qu'une dette nouvelle et non un testament ou un legs découverts tardivement, qui constituent pourtant le seul cas prévu par le droit en vigueur. En effet, la mise en place d'un fichier central des dispositions des dernières volontés a rendu moins fréquente la découverte tardive d'un testament, et l'héritier pourra dans ce cas demander la nullité de son acceptation pour erreur en vertu de l'article 777 modifié par le projet de loi ;

- la décharge doit être prononcée par le juge ;

- la demande de décharge doit être introduite dans un délai relativement court de cinq mois à compter de la découverte de la dette . Ce délai est donc beaucoup plus court que celui de cinq ans à compter de la découverte de l'erreur prévu pour l'introduction d'une demande en nullité de l'acceptation (art. 777 modifié). L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, précisé que ce délai de prescription ne courrait qu'à compter de la connaissance non seulement de l'existence mais également de l'importance de cette dette, qui permet en effet d'apprécier son effet sur le patrimoine de l'héritier.

Ce dispositif laisse donc un pouvoir d'appréciation très important au juge, qu'il s'agisse de l'effet de la dette sur le patrimoine de l'héritier, de la pertinence de son ignorance de la dette ou du niveau de la décharge.

Il remplace la possibilité précitée de rescision pour lésion en cas de découverte d'un legs inconnu au moment de l'acceptation qui porterait sur plus de la moitié de la succession et permet de rapprocher partiellement l'acceptation pure et simple d'une acceptation à concurrence de l'actif net, tout en évitant des actions en nullité pour erreur trop fréquentes, qui ont pour conséquence très gênante de remettre en cause tous les actes déjà réalisés depuis l'acceptation et peut s'avérer très pénalisante pour les tiers, notamment si des ventes de biens sont déjà intervenues.

SECTION 3 - De l'acceptation à concurrence de l'actif net

La section 3 détermine les modalités de la nouvelle procédure d'acceptation à concurrence de l'actif net, qui se substitue à l'actuelle acceptation sous bénéfice d'inventaire , définie aux articles 793 à 810 de la section 3 du chapitre V du titre Ier « Des successions » du livre III du code civil.

? La caractéristique essentielle de cette forme actuelle particulière d'acceptation était de soustraire l'héritier à l'obligation d'acquitter le passif de la succession ultra vires successionis . Il n'est tenu qu'à hauteur de l'actif net recueilli . En outre, les deux patrimoines (personnel et du défunt) demeurent séparés (art. 802).

? Malgré cet avantage indéniable, qui aurait dû conduire à la privilégier systématiquement en cas de doute sur le caractère bénéficiaire ou non d'une succession, cette procédure est très peu utilisée du fait de sa lourdeur.

L'acceptation sous bénéfice d'inventaire doit tout d'abord faire l'objet d'une déclaration au greffe du tribunal de grande instance du lieu d'ouverture de la succession (art. 793). L'héritier doit ensuite faire procéder à un inventaire notarié dans un délai de trois mois à compter de l'ouverture de la succession puis se prononcer en faveur d'une acceptation ou d'une renonciation dans les quarante jours suivant la clôture de l'inventaire (art. 794 et 795). Il peut demander une prorogation de ce délai au tribunal.

La principale contrainte consiste dans le formalisme entourant la vente des biens successoraux :

- les meubles ne peuvent être vendus qu'après autorisation du président du tribunal de grande instance et aux enchères par un officier public (art. 805) ;

- le vente des immeubles nécessite également une autorisation judiciaire intervenant à la suite d'une procédure complexe et au terme de laquelle soit le juge fixe lui-même la mise à prix, soit il s'en remet à un expert. La vente aux enchères publiques se déroule soit devant le tribunal de grande instance en audience des criées, soit devant un notaire commis à cet effet (art. 806).

Cette procédure d'enchères publiques, si elle peut être avantageuse s'agissant de meubles, est beaucoup moins intéressante s'agissant des immeubles, à la notable exception de ceux situés à Paris, ainsi que l'ont souligné les personnes entendues par votre rapporteur.

? L'héritier acceptant sous bénéfice d'inventaire doit en outre administrer et liquider le patrimoine du défunt, même s'il est prévu qu'il peut se décharger du paiement des dettes en abandonnant tous les biens de la succession aux créanciers et légataires, l'éventuel reliquat à l'issue de la liquidation par le curateur nommé par le tribunal lui revenant (art. 802). La jurisprudence a admis que le tribunal, saisi par les créanciers ou légataires de la succession, peut nommer un administrateur judiciaire si la négligence de l'héritier compromet leurs droits.

L'organisation de la liquidation du passif reste très lacunaire.

L'article 991 de l'ancien code de procédure civile précise en premier lieu que les créanciers privilégiés et hypothécaires sont payés en priorité suivant le rang de leur créance.

S'agissement du paiement des créanciers chirographaires, deux modalités sont prévues :

- en l'absence d'opposition du créancier, l'héritier paye les créanciers au fur et à mesure qu'ils se présentent jusqu'à épuisement le cas échéant de l'actif net suivant la méthode dite au prix de la course (art. 808). Les créanciers non payés car moins diligents n'ont de recours que contre les légataires particuliers ayant reçu leur legs avant eux (art. 809) ;

- si un créancier s'y oppose, ce qui est le cas le plus fréquent, l'héritier doit alors payer les créanciers dans l'ordre et de la manière fixés par le juge, selon la procédure de distribution par contribution (art. 808 du code civil et 990 de l'ancien code de procédure civile). Les créanciers chirographaires sont donc payés au marc l'euro, c'est-à-dire au prorata de leur créance, en cas d'insuffisance d'actif net. L'opposition constitue ainsi une forme de procédure collective. Elle n'a toutefois aucun effet rétroactif sur les paiements faits antérieurement.

Les praticiens ne conseillent ainsi de recourir au bénéfice d'inventaire que dans des cas impératifs, en particulier celui de très forte probabilité de passifs occultes ou d'activités mal connues du défunt. Les successibles laissent aujourd'hui trop souvent l'Etat administrer la succession en attendant de voir si elle présente un caractère bénéficiaire pour la revendiquer.

? Afin de bien distinguer le nouveau régime de celui actuellement en vigueur, le projet de loi propose tout d'abord de le renommer « acceptation à concurrence de l'actif net ». L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, précisé que l'actif net visé était l'actif net et non l'actif brut.

Le projet de loi simplifie et réglemente plus précisément le nouveau régime afin de le rendre plus attractif en :

- accroissant la protection des créanciers par l'instauration d'un système de publicité de l'inventaire désormais estimatif ;

- prévoyant un délai de déclaration des créances et un paiement des créanciers chirographaires au prix de la course ;

- en ouvrant la faculté aux héritiers de conserver certains biens ou de vendre de gré à gré, sans autorisation préalable, les biens non conservés, cette décision faisant l'objet d'une publication.

Procédure d'acceptation à concurrence de l'actif net

Projet
de loi

Assemblée nationale

Commission

Délai de dépôt de l'inventaire au tribunal (art. 790)

Sanction : L'héritier est réputé acceptant pur et simple

1 mois

2 mois

2 mois

Délai de déclaration des créances (art. 792)

Sanction : extinction des créances

2 ans

15 mois

15 mois

Délai de déclaration d'aliénation ou de conservation d'un bien (art. 794)

Sanction : l'héritier est engagé sur ses biens personnels à hauteur du prix de l'aliénation (art. 795)

8 jours

8 jours

15 jours

Délai de contestation de la valeur d'un bien conservé ou aliéné (art. 794)

Pas de délai

3 mois

3 mois

La contestation du prix de vente est interdite en cas de vente aux enchères publiques.

Délai de paiement des créanciers après la déclaration de conserver un bien ou le jour où le produit de l'aliénation est disponible (art. 797)

1 mois

2 mois

2 mois

Paragraphe 1 - Des modalités de l'acceptation à concurrence de l'actif net (art. 787 à 790 du code civil)

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, adopté deux amendements de coordination concernant les intitulés de la section 3 du chapitre IV du titre Ier du livre III du code civil et du paragraphe 1 de cette section.

Le paragraphe 1 comprend quatre articles (art. 787 à 790) relatifs aux modalités de l'acceptation à concurrence de l'actif net.

Si la déclaration d'acceptation à concurrence de l'actif net demeure subordonnée aux mêmes conditions de forme que l'acceptation sous bénéfice d'inventaire -une déclaration officielle (art. 788 modifié) et l'établissement d'un inventaire (art. 789 et 790 modifiés), le projet accroît la protection des créanciers en élargissant leur publicité (art. 788 et 790 modifiés) et en donnant à l'inventaire un caractère estimatif (art. 789 modifié).

Art. 787 du code civil : Acceptation à concurrence de l'actif net

L'article 787 modifié prévoit qu'un héritier peut déclarer qu'il n'entend prendre cette qualité qu'à concurrence de l'actif net.

Cette forme d'acceptation ne peut donc résulter que de la seule initiative expresse de l'héritier, contrairement à l'acceptation pure et simple qui peut être tacite ou imposée par la loi à titre de sanction.

L'acceptation à concurrence de l'actif net constitue en outre la seule forme d'acceptation par le tuteur en l'absence de conseil de famille 37 ( * ) autorisée s'agissant d'incapables mineurs non émancipés ou majeurs (art. 461 modifié par le 14° de l'article 22 du projet de loi, auquel renvoie l'article 495 relatif au majeur sous tutelle).

En application de l'article 768 modifié par le projet de loi, la notion d'héritier inclut celle de légataire. Cependant, cette forme d'acceptation n'a vocation à bénéficier qu'aux héritiers susceptibles d'être tenu ultra vires du passif successoral, ce qui exclut les légataires particuliers.

Art. 788 du code civil : Modalités de déclaration de l'acceptation à concurrence de l'actif net

? L'article 788 modifié reprend en les complétant les dispositions de l'actuel article 793, en prévoyant les conditions de la déclaration d'acceptation.

Il indique ainsi qu'elle doit se faire au tribunal dans le ressort duquel la succession est ouverte .

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, estimé indispensable pour la lisibilité de la loi de mentionner dans le code civil des dispositions à caractère certes réglementaire, mais déjà prévues par le droit en vigueur. Elle a donc précisé que cette déclaration doit se faire au greffe du tribunal de grande instance , ainsi que le prévoit actuellement l'article 793.

? Le projet de loi complète le droit en vigueur en indiquant que cette déclaration emporte élection de domicile de l'héritier acceptant dans ce même ressort sans toutefois préciser ses modalités.

Il n'y aura donc qu'un tribunal par succession, quelle que soit l'adresse de l'héritier. Cette disposition évitera aux créanciers de devoir s'adresser aux différents héritiers pris un par un.

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, souhaité préciser que ce domicile unique pourrait être celui de la personne chargée du règlement de la succession, en pratique le plus souvent le notaire, ou celui de l'un des acceptants à concurrence de l'actif net.

Elle a en conséquence supprimé la condition d'élection dans le ressort du tribunal de grande instance, cette condition n'existant pas pour le choix du notaire. Le domicile élu devra toutefois se trouver en France, afin que la déclaration des créances se fasse dans le cadre du droit français.

? Par ailleurs, le même article prévoit, comme aujourd'hui, que la déclaration d'acceptation à concurrence de l'actif net doit être enregistrée et publiée .

Ces règles seront précisées par décret. Ainsi, la mention actuelle du registre des renonciations à l'article 793 n'est pas reprise dans le code civil.

L'Assemblée nationale a ensuite à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement précisé les modalités de publicité de la déclaration, en indiquant que cette publicité serait nationale et pourrait s'effectuer par voie électronique. Les greffes transmettraient la déclaration d'acceptation au BODACC électronique et les créanciers pourraient s'inscrire pour être destinataires des avis de publicité postérieurs portant notamment sur les aliénations et décisions de conservation des biens. Le dépôt de l'inventaire suivrait également la même procédure.

En revanche, la publication dans un journal d'annonces légales a été exclue afin de préserver la vie privée dans les zones géographiques où le quotidien local pallie l'absence de journal d'annonces légales spécifique.

Rappelons enfin que cette obligation d'enregistrement de la déclaration ne concernera pas, en vertu de la jurisprudence, l'acceptation faite par un tuteur au nom d'un incapable mineur ou majeur, les créanciers étant avertis que l'acceptation ne peut être pure et simple dans ce cas. La déclaration au greffe deviendra en revanche nécessaire lorsque le mineur sera émancipé ou aura atteint l'âge de la majorité.

Art. 789 du code civil : Obligation d'inventaire

L'article 789 modifié précise les modalités d'établissement de l'inventaire, qui constitue une formalité obligatoire.

Il reprend et complète les dispositions de l'actuel article 794 du code civil et des articles 941 à 944 du titre IV du livre II de l'ancien code de procédure civile consacrés à l'inventaire.

? La déclaration est accompagnée ou suivie de l 'inventaire de la succession qui comporte une estimation, article par article, des éléments de l'actif net et du passif .

Le projet de loi, en visant expressément le passif de la succession, permet de lever une première ambiguïté puisque l'actuel article 794 ne mentionne que l'inventaire des biens de la succession, même si l'actuel article 943 de l'ancien code de procédure civile 38 ( * ) mentionne la déclaration des titres passifs. Le contenu de l'inventaire sera précisé par décret, l'article 943, sociologiquement daté, devant être abrogé par l'article 25 du projet de loi (ainsi que les articles 941 à 1002 de l'ancien code de procédure civile).

Le délai de déclaration des créances postérieur à l'inventaire devrait cependant réduire le périmètre des dettes identifiées dans l'inventaire, qui devrait essentiellement comprendre les biens successoraux et les dettes déclarées spontanément par l'héritier.

Le projet de loi apporte surtout une innovation substantielle en prévoyant une obligation d'estimation, article par article, de l'actif net comme du passif. Cette obligation permettra à l'héritier désirant conserver un bien, par exemple en raison de sa valeur sentimentale, d'en donner la valeur fixée par l'inventaire.

Ainsi qu'il a été précisé en séance à l'Assemblée nationale, le rédacteur de l'inventaire ne pourra être tenu responsable de l'omission de certaines dettes, les créanciers disposant d'un délai de deux ans dans le projet de loi initial et de quinze mois dans la rédaction proposée par l'Assemblée nationale pour se déclarer.

? Enfin, alors que l'inventaire doit actuellement obligatoirement être établi par un notaire (art. 943 de l'ancien code de procédure civile), le projet de loi prévoit qu'il pourra être établi par un officier public ou ministériel.

Cet élargissement parait excessif. En effet, pourraient donc en vertu de cette nouvelle disposition établir un inventaire notamment les avoués et avocats au conseil, les officiers de l'état civil, les greffiers des cours et des tribunaux, les conservateurs des hypothèques.

L'Assemblée nationale a donc à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement précisé que ne pourraient établir cet inventaire que les commissaires-priseurs judiciaires (qui interviennent pour les prisées de biens mobiliers), les huissiers et les notaires, et que cette intervention devrait répondre aux lois et règlements applicables à ces professions. Ainsi, les huissiers ne pourront intervenir qu'à titre accessoire.

En pratique, dès que la succession comporte un bien immobilier, un notaire est chargé de la succession et c'est lui qui fait appel à un commissaire-priseur ou un huissier pour des opérations spécifiques, comme l'évaluation de certains biens. Cependant, on peut imaginer que dans le cas d'une succession caractérisée par des dettes, l'absence d'immeuble, mais la présence de quelques biens que les héritiers souhaitent conserver, ces derniers s'adressent à un huissier de justice ou un commissaire priseur pour réaliser l'inventaire estimatif.

Le projet de loi a donc exclu de permettre à l'héritier d'établir l'inventaire sous sa propre responsabilité en l'absence d'immeuble, ce dispositif appelant nécessairement un droit de recours des créanciers, alors que le projet de loi vise précisément à éviter la judiciarisation de cette procédure.

Votre commission des lois vous propose d'adopter un amendement rédactionnel.

Art. 790 du code civil : Modalités de dépôt et de consultation de l'inventaire

L'article 790 modifié précise les modalités et les délais de dépôt de l'inventaire, en modifiant les dispositions de l'actuel article 795 du code civil.

? Il prévoit la déchéance de l'acceptation à concurrence de l'actif net à défaut du dépôt de l'inventaire dans un délai d'un mois à compter de la déclaration d'acceptation à concurrence de l'actif net.

Actuellement, ce délai est de trois mois, mais à compter du jour de l'ouverture de la succession (art. 795). Néanmoins, le tribunal peut lui accorder un nouveau délai pour prendre parti (art. 798).

Ce délai d'un mois paraît excessivement court, notamment en période estivale. L'établissement de l'inventaire exige en effet de s'adresser aux banques, aux commissaires priseurs et aux experts comptables.

Certes, le projet de loi prévoit que l'héritier peut solliciter du juge un délai supplémentaire en cas de « motifs sérieux retardant le dépôt ». On peut néanmoins craindre que le souci d'accélérer les procédures de succession et l'information des créanciers aboutisse en fait, compte tenu de la gravité de la sanction du dépassement du délai de dépôt d'inventaire, à savoir la déchéance du bénéfice de l'acceptation à concurrence de l'actif net, à systématiser les demandes de prorogation à titre de précaution, alors même que le projet de loi recherche une déjudiciarisation de ces procédures.

L'Assemblée nationale a donc, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, porté ce délai à deux mois .

Elle a dans les mêmes conditions adopté un amendement de coordination avec l'article 772 modifié relatif aux conditions de prorogation du délai laissé à l'héritier pour opter afin de prévoir que la demande de prorogation doit être justifiée par des motifs « sérieux et légitimes ». La durée de cette prorogation est laissée à l'appréciation souveraine du juge. Le délai de dépôt est alors suspendu à compter de la demande de prorogation.

? L'article 790 modifié définit en outre les modalités de consultation de l'inventaire .

Le texte prévoit que le dépôt de l'inventaire est soumis à une publicité analogue à celle de la déclaration d'acceptation à concurrence de l'actif net, c'est-à-dire l'inscription au greffe du tribunal de grande instance et une publicité nationale par voie électronique dans le cadre du BODACC électronique.

Il ajoute que l'inventaire lui-même n'est consultable que par les créanciers et les légataires de biens fongibles, qui doivent justifier de leur titre. Ils pourront ainsi vérifier leur inscription à l'inventaire et prendre connaissance des autres créances, des privilèges inscrits et du montant de l'actif net permettant d'apurer le passif.

Ils pourront en outre obtenir copie de l'inventaire, et demander à être avisés de toute nouvelle publication. Devra en effet être déposé un complément de l'inventaire en cas de découverte tardive d'un élément d'actif net ou de passif.

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, adopté un amendement de coordination afin de viser les légataires de sommes d'argent.

Ces dispositions apparaissent particulièrement opportunes et tranchent avec le manque de transparence opposé actuellement aux créanciers. L'article 942 de l'ancien de code procédure civile, qui précise les personnes devant être présentes à l'inventaire, à savoir le conjoint survivant, les héritiers présomptifs, l'exécuteur testamentaire, les donataires et légataires universels ou à titre universel et le président du tribunal de grande instance, exclut en effet les créanciers.

Votre commission des lois vous propose de préciser par amendement que seuls les créanciers successoraux, à l'exclusion des créanciers personnels de l'héritier, peuvent bénéficier de ces dispositions. En effet, ce régime a précisément pour but d'éviter la confusion des patrimoines.

Paragraphe 2 - Des effets de l'acceptation à concurrence de l'actif net (art. 791 à 803 du code civil)

Le projet de loi vise surtout à améliorer le déroulement de la procédure d'acceptation à concurrence de l'actif net, notamment en réformant les règles en matière de vente des biens successoraux, sources de lenteur et de ventes à bas prix :

- l'héritier acceptant à concurrence de l'actif net pourra ainsi conserver tout ou partie des biens, à condition de déclarer cette conservation et de verser aux créanciers le prix des biens en fonction de la valeur fixée dans l'inventaire. En outre, il pourra vendre les autres biens de gré à gré, sans autorisation judiciaire préalable (art. 793 modifié).

Les créanciers devront être informés de la conservation ou de l'aliénation du bien et pourront les contester si la valeur de conservation ou d'aliénation est inférieure à la valeur réelle, l'héritier devant alors le complément sur ses biens personnels (art. 794 modifié) ;

- l'héritier est en outre chargé de désintéresser les créanciers dans le mois suivant l'aliénation ou la déclaration de conservation (art. 797 modifié), en payant en premier lieu les créanciers titulaires de sûretés sur les biens vendus ou conservés, puis les créanciers chirographaires dans l'ordre de déclaration des créances (art. 796 modifié).

Art. 791 du code civil : Caractéristiques de l'acceptation à concurrence de l'actif net

? L'article 791 modifié reprend partiellement les dispositions de l'actuel article 802, qui énonce les particularités de l'acceptation à concurrence de l'actif net par rapport à l'acceptation pure et simple.

Cette procédure permet à l'héritier :

- d'éviter la confusion de ses biens personnels avec ceux de la succession et donc de maintenir la séparation des patrimoines ;

- de conserver les droits qu'il avait déjà sur la succession, puisqu'ils ne s'éteignent pas par confusion, ce qui est la conséquence logique du maintien de la séparation des patrimoines ;

- de n'être tenu du paiement des dettes de la succession que jusqu'à concurrence de la valeur des biens qu'il a recueillis , c'est-à-dire de l'actif net, d'où le nom de la nouvelle procédure.

? En revanche, le projet de loi supprime la faculté ouverte par l'actuel article 802 à l'héritier d'abandonner tous les biens de la succession aux créanciers et légataires, afin de se décharger de l'administration et de la liquidation de la succession. L'héritier conservait le bénéfice de la procédure d'acceptation sous bénéfice d'inventaire et recevait le reliquat éventuel à l'issue de la liquidation.

Néanmoins, l'article 814-1 modifié par le projet de loi prévoit que l'héritier pourra demander en toute circonstance au juge de désigner toute personne qualifiée en qualité de mandataire successoral afin de le substituer dans la charge d'administrer et de liquider la succession.

Art. 792 du code civil : Délai de déclaration des créances

L'article 792 introduit une innovation substantielle en instituant une procédure de déclaration des créances obligatoire assortie d'une sanction drastique , alors que les actuels articles 808 et 809 du code civil ne prévoient aucune délai ni déclaration particulière.

? Le premier alinéa de cet article prévoit que les titulaires de créances non assorties de sûretés sur les biens recueillis dans la succession doivent déclarer leur créance en notifiant leur titre au domicile élu de l'héritier.

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, remplacé la mention du « domicile élu de l'héritier » par celle du « domicile élu de la succession », par coordination avec l'élection d'un domicile unique introduite à l'article 788 modifié, et afin d'éviter qu'un créancier ne notifie qu'à un seul héritier en croyant que cette notification vaut pour tous, avec pour conséquence une extinction de sa créance à l'égard de l'ensemble de la succession.

Si l'obligation de déclaration ne pèse pas sur les créances non assorties de sûretés réelles sur les biens de la succession, elle concerne en revanche le cautionnement, qui constitue une sûreté personnelle.

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, étendu l'obligation de déclaration aux créances assorties de sûretés , dans leur propre intérêt.

En effet, même si l'article 792-1 prévoit que la suspension des saisies pendant le délai de déclaration des créances leur fait produire l'effet d'une sûreté inscrite sur le bien et permet donc au créancier poursuivant d'être payé avant les chirographaires qui n'ont pas engagé de poursuites si le bien saisi est conservé ou aliéné, le créancier saisissant ou nanti d'une sûreté sur un bien particulier a toujours intérêt à déclarer sa créance.

En effet, cette déclaration lui permet de prendre rang sur les autres éléments de l'actif net si la valeur du bien sur lequel il bénéficie du privilège n'est pas suffisante pour l'apurement de sa créance. A défaut, il serait considéré à l'égard des autres biens de la succession comme un simple créancier chirographaire et donc payé en dernier.

Bien évidemment, l'absence de déclaration de créances assorties de sûretés ne les éteindra pas à l'égard de la succession.

Le projet de loi prévoit que cette déclaration doit intervenir dans un délai de deux ans à compter de la publicité de la déclaration d'acceptation à concurrence de l'actif net.

Le choix de ce délai, qui excède la durée d'un exercice comptable, doit permettre aux créanciers, à l'occasion de la clôture de chaque exercice, de s'intéresser au recouvrement de leurs créances. Néanmoins, s'il ne suspend pas le paiement des créances, qui intervient au fur et à mesure des déclarations, en vertu de l'article 796 modifié qui prévoit le paiement au prix de la course*, il présente l'inconvénient de laisser l'héritier longtemps dans l'ignorance du caractère excédentaire ou non de la succession.

L'Assemblée nationale a donc à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement réduit ce délai à quinze mois , en rappelant que ce délai s'ajoute à celui de quatre mois pendant lequel l'héritier ne peut être sommé d'opter et d'un mois (deux mois dans le texte issu de l'Assemblée nationale) pour exercer l'option.

? Le projet de loi sanctionne d'extinction les créances non déclarées dans le délai.

Le texte prévoit une sanction très sévère, puisque l'absence de déclaration dans les délais entraîne l'extinction de la créance à l'égard de la succession, et non du seul héritier acceptant à concurrence de l'actif net.

Certes, cette dérogation peut sembler injustifiée.

Néanmoins, elle fonde la procédure d'acceptation à concurrence de l'actif net, qui est de protéger l'héritier et d'inciter les créanciers à la diligence.

La loi de sauvegarde des entreprises, s'agissant des procédures collectives, avait pour sa part retenu la solution inverse, en remplaçant l'extinction de la créance non déclarée dans le délai prévu par une simple exclusion de la répartition des dividendes. Ce choix dicté par le droit communautaire visait à permettre de déclarer la créance oubliée dans une éventuelle deuxième procédure collective en cas d'échec de la première, hypothèse impossible s'agissant de la succession d'une personne physique.

Ce délai de forclusion permettra de clarifier le devenir de la créance et de contraindre les créanciers à procéder à la déclaration rapidement.

L'Assemblée nationale a par ailleurs étendu, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, le principe de l'extinction de la dette déclarée trop tardivement aux cautions, conformément aux principes retenus dans la loi de sauvegarde des entreprises 39 ( * ) et prévus de manière générale par le code civil, qui prévoit que la caution suit le principal 40 ( * ) . La solution contraire n'inciterait pas les créanciers bénéficiant d'un cautionnement à déclarer leur créance.

Le texte vise les cautions et coobligés ainsi que les personnes ayant consenti une garantie autonome portant sur la créance ainsi éteinte. La garantie autonome, également appelée garantie à la première demande, oblige le garant aussitôt qu'il est sollicité, sans pouvoir, hors le cas de fraude manifeste, opposer la moindre exception ou contestation sur la réalisation du risque.

Enfin, l'Assemblée nationale a prévu, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, que les créances non connues de manière définitive pourraient faire l'objet d'une déclaration à titre provisionnel. Ce dispositif vise les créances susceptibles de n'être définitivement connues qu'à l'issue d'un délai supérieur à celui de la déclaration des créances, comme par exemple en présence d'une action en responsabilité engagée contre le défunt avant son décès. Il permettra de ne pas priver celui qui a supporté un dommage de sa légitime réparation sans pour autant retarder la clôture de la procédure d'acceptation.

Votre commission des lois vous propose d'adopter un amendement rédactionnel.

Rappelons enfin que le cours des intérêts ne sera pas suspendu pour les créances pendant le délai de déclaration, contrairement au cas des procédures collectives, ce qui devrait inciter l'héritier à régler rapidement la succession.

Art. 792-1 du code civil : Suspension des mesures d'exécution durant le délai prévu pour la procédure de déclaration

L'article 792-1 nouveau prévoit que toute mesure d'exécution forcée signifiée pendant ce délai de déclaration des créances est dépourvue d'effet attributif, mais produit les effets d'une sûreté inscrite sur le bien .

Le projet de loi n'interdit pas la mesure d'exécution forcée : seul son effet attributif, c'est-à-dire l'effet de transfert de propriété au profit du créancier saisissant (saisie attribution) ou de l'adjudicataire (saisie vente) est suspendu.

Cet article complète l'article 2147 du code civil, qui prévoit que le décès du débiteur arrête le cours des inscriptions hypothécaires dans le cas des successions acceptées sous bénéfice d'inventaire. Ce même article précise toutefois que les privilèges reconnus au vendeur, au prêteur de deniers pour l'acquisition, au copartageant ainsi qu'aux créanciers et légataires du défunt peuvent encore être inscrits. Les créanciers successoraux peuvent encore inscrire utilement les sûretés qui les protègent contre les créanciers personnels à commencer par le privilège de la séparation des patrimoines et l'hypothèque légale du légataire.

Le projet de loi reprend une mesure déjà prévue en cas de procédure collective par l'article L. 621-40 du code de commerce 41 ( * ) .

Elle doit permettre de faciliter le règlement du passif successoral par l'héritier, qui pourra ainsi aliéner ou conserver un bien, à charge d'en verser la valeur, sans que les créanciers puissent faire de saisie attribution sur les fonds de la succession ou le produit de l'aliénation ou de la décision de conservation.

Ce dispositif protège également les créanciers, qui n'auront pas à cumuler les procédures d'exécution et de déclaration, puisqu'il les dispense de l'obligation de déclaration, conformément à la jurisprudence actuelle qui assimile la mesure d'exécution forcée à une opposition au paiement dans le régime actuel du bénéfice d'inventaire. Il écarte donc tout risque d'extinction de la créance non déclarée dans les délais.

Il évite en outre que l'ordre de paiement des créances prévu par l'article 796 modifié soit contourné par l'emploi de mesures d'exécution. La créance est intégrée parmi les créances privilégiées au rang que lui confère sa date de prise d'effet, c'est-à-dire la date à laquelle le bien est devenu inaliénable ou grevé d'une sûreté : par exemple en matière de saisie mobilière à la date de saisie-vente et en matière de saisie immobilière à la date de la publication aux hypothèques du commandement de payer.

Afin d'améliorer l'équité entre les créanciers, l'Assemblée nationale a prévu à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement que l'acceptation arrête non seulement les voies d'exécution mais encore les inscriptions nouvelles de sûretés, afin d'éviter qu'un créancier « ne coupe la file » des déclarations par l'inscription d'une sûreté en cours de liquidation de la succession.

Elle a en outre précisé que ce dispositif supposait que le créancier ait signifié son titre exécutoire aux héritiers en leur dénonçant son titre ou l'acte d'exécution en application de l'article 877.

Art. 792-2 du code civil : Régime applicable en cas d'acceptation mixte

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, adopté un article additionnel ayant pour objet de soumettre l'ensemble des héritiers à la procédure d'acceptation à concurrence de l'actif net lorsque certains des héritiers ont décidé de recourir à cette procédure, tandis que d'autres héritiers ont accepté purement et simplement la succession.

Il s'agit d'une codification de la jurisprudence relative à l'acceptation sous bénéfice d'inventaire.

Il précise en outre que les créanciers d'une succession acceptée par un ou plusieurs héritiers purement et simplement et par d'autres à concurrence de l'actif net peuvent provoquer le partage dès lors qu'ils justifient de difficultés dans le recouvrement de la part de leur créance incombant aux héritiers acceptant à concurrence de l'actif net.

Art. 793 du code civil : Faculté de déclarer conserver un bien

? Afin de rendre l'acceptation à concurrence de l'actif net plus attractive, le projet de loi ouvre la faculté aux héritiers de conserver un ou plusieurs biens de la succession sans devoir s'en porter acquéreur en vente publique s'il s'agit d'un immeuble comme c'est le cas actuellement. Cette disposition permettra ainsi de conserver une maison de famille.

L'héritier pourra exercer cette faculté pendant le délai de déclaration des créances, c'est-à-dire quinze mois dans la rédaction issue de l'Assemblée nationale qu'il s'agisse d'un meuble ou d'un immeuble.

Il devra verser le prix fixé par l'inventaire estimatif établi par le notaire, le commissaire aux comptes ou l'huissier compétent. Le projet ne met ensuite à sa charge aucune interdiction d'aliéner le bien ainsi conservé, celui-ci faisant désormais partie de son patrimoine personnel.

L'héritier devra néanmoins déclarer son intention de conserver le bien dans les conditions fixées par l'article 794 modifié, afin d'informer les créanciers.

? Le projet de loi confie en outre à l'héritier la responsabilité de vendre les biens successoraux qu'il ne souhaite pas conserver .

Il réforme donc substantiellement le droit en vigueur , inutilement complexe et peu protecteur des intérêts des héritiers et des créanciers car aboutissant souvent à des ventes à vil prix.

- Actuellement , les meubles doivent être vendus, après autorisation du président du tribunal de grande instance (art. 986 de l'ancien code de procédure civile), aux enchères par un officier public (art. 805 du code civil), sous peine de déchéance de cette acceptation sous bénéfice d'inventaire en acceptation pure et simple (art. 989 de l'ancien code de procédure civile).

S'agissant des immeubles, l'actuel article 806 du code civil renvoie aux « formes prescrites par les lois sur la procédure ». L'article 987 de l'ancien code de procédure civile (issu d'une loi de 1841) prévoit une procédure complexe : l'héritier présente au président du tribunal de grande instance une requête, sur laquelle conclut le parquet. Le juge peut ensuite soit autoriser la vente et fixer la mise à prix, soit nommer préalablement un expert afin d'estimer l'immeuble. S'agissant des formalités de la vente, l'article 988 du même code renvoie aux règles prescrites par le nouveau code de procédure civile pour la vente des immeubles appartenant à des mineurs (art. 1271 et suivants du nouveau code de procédure civile). La vente aux enchères publiques se déroule soit devant le tribunal de grande instance en audience des criées, soit devant un notaire commis à cet effet (art. 1272).

Enfin, les règles concernant les meubles incorporels demeurent imprécises en dépit de l'importance croissante des fonds de commerce, des marques, des droits de bail, des portefeuilles de valeurs mobilières 42 ( * ) .

- Le projet de loi supprime ces formalités, mais ouvre des recours aux créanciers . Contrairement au droit en vigueur, il n'est pas prévu de verser le prix directement aux créanciers hypothécaires ni de fournir une caution pour la portion du prix des immeubles non déléguée aux créanciers hypothécaires (actuel art. 807).

Il précise en outre que l'héritier devra aux créanciers, non la valeur fixée par l'inventaire, même si elle est supérieure, mais celle de l'aliénation.

La commission des lois de l'Assemblée nationale a retiré en séance un amendement prévoyant l'obligation pour l'héritier aliénant un bien de verser au minimum la valeur fixée par l'inventaire, et réservant au seul cas où le bien a fait l'objet d'une vente par adjudication le versement de la valeur de l'aliénation du bien. Le rapporteur de la commission des lois, M. Sébastien Huyghe, considérait en effet que la valeur fixée dans l'inventaire devait servir de référence, puisqu'elle engageait la responsabilité d'un officier ministériel. Le Gouvernement a toutefois estimé qu'un tel dispositif ne permettait pas de prendre en compte la variation de valeur des biens dans le temps.

Notons que l'héritier n'est pas obligé de vendre tous les biens, ni de déclarer tous les biens conservés si le passif a été totalement acquitté.

Art. 794 du code civil : Modalités de conservation ou d'aliénation des biens successoraux et recours des créanciers

Cet article détermine les modalités de conservation ou d'aliénation des biens successoraux, ainsi que les recours ouverts aux créanciers n'ayant pu être totalement désintéressés et qui incrimineraient le prix trop faible du bien conservé ou aliéné.

? Le premier alinéa de cet article prévoit que l'héritier doit informer le greffe du tribunal de grande instance dans un délai de huit jours , ce qui est extrêmement bref, de chaque aliénation ou décision de conserver le bien. Le greffier est chargé d'en assurer la publicité.

Votre commission vous propose de le porter à 15 jours par amendement .

L'Assemblée nationale a adopté, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, un amendement rédactionnel.

? Le deuxième alinéa ouvre aux créanciers successoraux la faculté de contester devant le président du tribunal de grande instance la valeur du bien conservé ou le prix de l'aliénation , à charge pour eux de prouver que la valeur réelle du bien est supérieure.

Ce recours n'est logiquement ouvert qu'aux créanciers successoraux, ce qui exclut les créanciers personnels de l'héritier, et suppose que les créanciers n'aient pas déjà été désintéressés.

A l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a pallié une lacune du texte en prévoyant que ce recours doit s'exercer dans les trois mois suivant la publicité de la déclaration de conservation ou d'aliénation.

Le recours ne pourra porter que sur le prix de la vente ou la valeur du bien déclaré conservé, et non sur le choix de conserver ou non le bien.

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, supprimé la référence à la valeur « réelle » du bien, jugée trop ambiguë.

Si le bien est aliéné ou conservé à la valeur fixée dans l'inventaire, il sera sans doute difficile pour le créancier de la contester, à moins de prouver une évolution du marché ou du bien, ou de mettre en cause l'estimation du notaire, de l'huissier ou du commissaire-priseur ayant réalisé l'estimation. Si en revanche le bien est vendu à un prix inférieur, l'héritier devra démontrer qu'il ne s'est pas présenté d'acquéreur à ce prix. Il pourrait être plus prudent de recueillir l'accord des créanciers, notamment hypothécaires, en cas de vente amiable.

Le juge aura cependant une liberté souveraine pour apprécier la valeur du bien.

Le projet de loi n'étend pas la faculté reconnue à l'article 810-3 nouveau du code civil en matière de succession vacante au créancier d'exiger que la vente soit faite par adjudication lorsqu'il est envisagé une vente amiable. Elle parait en effet trop lourde, puisqu'elle impliquerait de publier un projet de vente pour chaque bien, meuble ou immeuble. Elle vise surtout à éviter des recours de créanciers contre l'Etat du fait de ventes accomplies par le service des domaines.

Votre commission des lois vous propose cependant par amendement de prévoir que la contestation du prix n'est pas possible lorsque la vente a été réalisée aux enchères publiques.

? Le troisième et dernier alinéa de l'article 794 modifié précise que lorsque la demande du créancier est accueillie par le juge, l'héritier doit :

- s'agissant d'un bien aliéné, compenser la différence de valeur sur ses biens personnels ;

- s'agissant d'un bien conservé, soit y renoncer s'il le souhaite, soit compenser la différence de valeur.

Le projet de loi ne prévoit aucune sanction particulière, seule la compensation de la différence des valeurs étant due . Pour autant, le créancier pourra demander des dommages et intérêts en cas de faute de l'héritier.

Cette action n'a donc normalement aucun effet sur l'acquéreur du bien successoral.

L'Assemblée nationale a cependant précisé à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement que ce recours se cumulerait avec l'action paulienne (art. 1167 du code civil), qui permet à un créancier d'attaquer un acte fait par un débiteur (ici l'héritier) en fraude de ses droits. Cette action est utilisée notamment pour faire réintégrer dans le patrimoine du débiteur des biens aliénés à un tiers généralement complice dans le but d'empêcher le créancier de s'en saisir.

Précisons enfin que la non-affectation du prix de la vente de biens conservés par un héritier en l'absence de déclaration et alors que le passif n'a pas été entièrement apuré expose l'héritier aux sanctions prévues à l'article 800, c'est-à-dire la déchéance de son acceptation à concurrence de l'actif net.

Art. 795 du code civil : Conditions d'opposabilité de la déclaration de conserver un bien

L'article 795 modifié précise les conditions d'opposabilité de la déclaration de conservation d'un bien par l'héritier et la sanction du manquement à l'obligation d'information de l'aliénation.

? Le projet de loi prévoit que la déclaration de conservation d'un bien n'est opposable aux créanciers que lorsqu'elle a été « dénoncée », c'est-à-dire publiée , ainsi que l'a clarifié l'Assemblée nationale, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement.

Les créanciers successoraux et les légataires de sommes d'argent ne pourront poursuivre le recouvrement de leur créance sur les biens déclarés comme conservés (art. 878 modifié). En revanche, les créanciers personnels pourront poursuivre le recouvrement de leur créance sur ces biens.

La publication de cette décision de conservation fait en outre courir le délai d'un mois (deux mois dans la rédaction issue de l'Assemblée nationale) à l'issue duquel l'héritier doit payer les créanciers (art. 798 modifié).

? Le second alinéa de ce texte sanctionne par ailleurs le défaut de déclaration de l'aliénation par l'engagement de la responsabilité de l'héritier sur son patrimoine personnel à hauteur du prix de l'aliénation .

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, précisé que ce défaut de déclaration s'apprécie à l'issue du délai prévu à l'article 794 (huit jours dans la rédaction de l'Assemblée nationale, quinze jours dans la rédaction proposée par votre commission).

Cette sanction s'ajoute à la transformation d'office de l'option en acceptation pure et simple prévue à l'article 800 modifié 43 ( * ) .

Art. 796 du code civil : Ordre de règlement des créanciers et légataires

Le projet de loi de 1995 relatif aux successions avait proposé d'instaurer un juge-commissaire chargé d'assurer la régularité et l'exécution rapide des opérations et prévu de renforcer la protection des créanciers par analogie avec les dispositions des procédures collectives. Il prévoyait enfin de distinguer les modalités de règlement du passif selon qu'il était assuré par l'héritier bénéficiaire lui-même ou par un administrateur nommé en justice.

Le présent projet de loi n'a pas repris ces propositions, par souci d'alléger la procédure, et a au contraire pris l'option de renforcer le rôle de l'héritier dans le règlement du passif de la succession.

Il prévoit ainsi que l'héritier règle le passif de la succession .

Si le droit en vigueur (actuel art. 808 du code civil) prévoit déjà que l'héritier paie des créanciers, l'article 796 modifié pallie désormais l'absence d'organisation de cette procédure.

? Le projet de loi précise expressément l'ordre de paiement des créanciers.

Le deuxième alinéa de l'article 796 modifié indique ainsi que les créanciers privilégiés sont payés selon le rang de leur sûreté respective . Ils exercent leur privilège sur le prix du bien aliéné ou conservé sur lequel porte leur créance. Cette précision ne figure actuellement s'agissant de la procédure d'acceptation sous bénéfice d'inventaire qu'à l'article 991 de l'ancien code de procédure civile.

S'agissement du paiement des autres créanciers -c'est-à-dire les créanciers chirographaires, les créanciers privilégiés ayant une sûreté sur un autre bien que celui aliéné ou conservé, ou n'ayant pas déclaré leur créance, ou dont la créance dépasserait la valeur du bien sur lequel porte leur sûreté-, le troisième alinéa de l'article 796 modifié précise qu'ils sont désintéressés dans l'ordre des déclarations, à condition qu'ils aient déclaré leur créance .

On distingue deux modalités de paiement des créanciers chirographaires :

- le paiement au prix de la course*, qui peut se résumer par l'adage « premier arrivé, premier servi », avec pour conséquence que le créancier moins diligent peut se voir opposer l'épuisement du passif, alors que son prédécesseur plus rapide aura été totalement désintéressé ;

- le paiement au marc l'euro*, qui permet de rémunérer chaque créancier au prorata de sa créance en cas d'insuffisance de l'actif net, quel que soit son ordre d'arrivée. Les risques d'insolvabilité sont donc partagés également.

Actuellement, le paiement au prix de la course n'intervient qu'en l'absence d'opposition des créanciers, donc en pratique très rarement, le paiement au marc l'euro étant de fait généralisé (art. 808 du code civil). La jurisprudence considère d'ailleurs que l'opposition est présumée dès lors que la dette est inscrite à l'inventaire signé par l'héritier bénéficiaire.

Le projet de loi modifie donc profondément le droit en vigueur en le généralisant.

Le dernier alinéa de l'article 796 modifié précise enfin que les légataires de biens fongibles 44 ( * ) reçoivent leur legs après que tous les créanciers ont été payés .

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois, adopté un amendement de coordination afin de viser les legs de sommes d'argent.

? Le paiement des créanciers n'est pas subordonné à l'expiration du délai de déclaration des créances prévu par l'article 792 modifié, qui ne retarde donc pas la liquidation de la succession. L'héritier acceptant doit payer les créanciers au fur et à mesure de leur présentation. Ce délai, qui suspend les voies d'exécution, permet au contraire à l'héritier acceptant de procéder plus facilement à cette liquidation.

? La solution choisie par le projet de loi rompt donc délibérément avec le formalisme actuel et les propositions tant du projet de loi de 1995 que de la proposition sénatoriale de 2001, qui préconisaient un délai de déclaration des créances court au terme duquel serait organisé un paiement des créanciers au marc l'euro .

Pourtant la solution qu'ils avaient proposée pouvait paraître plus équitable entre les créanciers. En effet, les créanciers professionnels, plus coutumiers de la lecture du BODACC, risquent de se manifester plus rapidement que les particuliers, et donc d'avoir plus de chances d'être complètement désintéressés au détriment des derniers à se présenter.

La Chancellerie l'a pourtant écartée, la jugeant incompatible avec la volonté de déjudiciarisation et de simplification de la procédure d'acceptation à concurrence de l'actif net.

En effet, attendre deux ans pour connaître l'ensemble des créances pour pouvoir organiser une mini-procédure collective et commencer à désintéresser les créanciers parait très contraignant pour les personnes dont les créances sont modestes, et en particulier les personnes physiques.

Eviter cet écueil en réduisant drastiquement le délai de déclaration des créances en s'inspirant du délai de déclaration de deux mois prévu pour les procédures collectives pourrait s'avérer défavorable pour ces mêmes personnes, peu familières du BODACC, et qui risquent donc, à l'exception de la famille proche, de rester dans l'ignorance du décès et de voir leurs créances éteintes.

En outre, l'organisation d'une mini-procédure collective obligerait par sa technicité l'héritier à recourir à un professionnel, ce qui alourdirait le coût de la liquidation, et conduirait à recourir au juge pour établir un relevé de forclusion.

Le projet de loi a donc écarté cette solution, en estimant qu'elle aboutirait en fait aux mêmes travers que l'acceptation sous bénéfice d'inventaire et qu'elle limiterait cette nouvelle procédure aux successions importantes comprenant des entreprises à la solvabilité incertaine, tandis que les particuliers continueraient de détourner la loi en renonçant à la succession après avoir détourné discrètement quelques biens de valeur marchande ou sentimentale en espérant éviter la sanction de la déclaration d'acceptation pure et simple. Au contraire, le projet de loi incite à la diligence.

Art. 797 du code civil : Délai de règlement des créances

L'article 797 modifié précise le délai dans lequel doit intervenir le paiement des créanciers.

? Le premier alinéa prévoit que le paiement doit intervenir dans un délai d'un mois , soit à compter de la disponibilité du prix du bien vendu, soit à compter de la déclaration de conservation du bien considéré.

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, porté à deux mois ce délai de paiement, qui parait plus raisonnable en cas de conservation d'un bien immobilier ou de biens mobiliers de valeur, qui requièrent éventuellement l'obtention préalable d'un emprunt.

? Le second alinéa prévoit que lorsque l'héritier ne peut se dessaisir de la somme correspondant à l'aliénation ou la conservation du bien au profit des créanciers dans ce délai, notamment en raison d'une contestation portant sur l'ordre ou la nature des créances, qui détermine la répartition entre créanciers, il doit les consigner.

On peut également envisager l'hypothèse d'une demande d'annulation de la vente.

La consignation se fait en application de l'article L. 518-17 du code monétaire et financier auprès de la Caisse des dépôts et consignations.

Art. 798 du code civil : Limites des poursuites des créanciers

Cet article complète l'article 878 modifié par l'article 7 du projet de loi, qui autorise les créanciers du défunt et les légataires de biens fongibles à demander à être préférés sur l'actif net successoral à tout créancier personnel de l'héritier, et inversement les créanciers de l'héritier à être préférés aux créanciers du défunt sur les biens de l'héritier non recueillis au titre de la succession.

? L'article 798 modifié prévoit que les créanciers successoraux et les légataires de biens fongibles ne peuvent poursuivre le recouvrement que sur les biens de la succession ni conservés (du fait de l'opposabilité de la déclaration de conservation) ni aliénés (afin de garantir la sécurité juridique des acquéreurs).

Il rappelle la priorité des créanciers détenteurs de sûretés, à condition que les créances ne soient pas éteintes. L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, adopté un amendement rédactionnel.

? Le projet de loi précise en outre que les créanciers personnels de l'héritier ne peuvent poursuivre le recouvrement de ces biens .

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, précisé que cette interdiction ne vaut que jusqu'au désintéressement intégral des créanciers successoraux et des légataires et qu'à l'expiration du délai de suspension des poursuites, c'est-à-dire du délai de déclaration des créances prévu à l'article 792 modifié.

Art. 799 du code civil : Recours des créanciers successoraux déclarant leur créance après épuisement de l'actif net

? L'article 799 modifié reprend partiellement les dispositions de l'actuel 809 qui ouvre un recours aux créanciers successoraux qui ne déclarent leur créance qu'après épuisement de l'actif net contre les seuls légataires remplis de leur droit .

Cette disposition traduit l'adage « nemo liberalis nisi liberatus » « qui a des dettes ne peut faire des libéralités ».

Les légataires n'ont pas à être privilégiés par rapport aux autres héritiers et ne doivent comme eux recevoir une part de la succession que s'il reste un actif net après paiement des dettes.

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, précisé que ce recours n'était ouvert qu'aux créanciers ayant déclaré leur créance dans le délai prévu (deux ans dans la rédaction du projet de loi initial, quinze mois dans celle issue de l'Assemblée nationale), puisqu'au-delà leur créance est éteinte à l'égard de la succession.

Ce recours ne devrait pas jouer contre les légataires de sommes d'argent, puisqu'ils ne sont de toute façon payés qu'après tous les créanciers de la succession, privilégiés ou non, en application de l'article 796 modifié.

? Le projet de loi n'a en revanche pas prévu de délai pour ce recours, alors que l'actuel article 809 prévoit un délai de trois ans à compter de l'apurement du compte et du paiement du reliquat.

Il ne semble cependant pas nécessaire de prévoir de délai, les biens de la succession constituant le gage des créanciers successoraux jusqu'à extinction de leur créance par paiement ou prescription.

Votre commission des lois vous propose donc de le rétablir , puis d'adopter un amendement rédactionnel.

Art. 800 du code civil : Responsabilité de l'héritier

Cet article regroupe en les modifiant les dispositions des actuels articles 801, 803 et 804 afin de préciser la responsabilité de l'héritier.

? Le premier alinéa prévoit que l'héritier est chargé d'administrer les biens qu'il recueille dans la succession. Il doit tenir le compte de son administration, des créances qu'il paie et des actes qui engagent les biens recueillis ou qui affectent leur valeur, comme par exemple une mise en location ou l'inscription d'une hypothèque. Ce compte doit être tenu au fur et à mesures des actes effectués. Il est destiné aux seuls créanciers successoraux.

Cet alinéa précise ainsi les dispositions du premier alinéa de l'actuel article 803.

? Le deuxième alinéa reprend les dispositions de l'actuel article 804 qui précise que l'héritier ne répond que des fautes graves.

En effet, l'héritier n'est pas un professionnel et n'est pas rémunéré pour son administration. La jurisprudence relative à l'actuel article 804 a d'ailleurs étendu cette clémence aux actes de liquidation. La faute grave consiste notamment dans la non-affectation des sommes recouvrées au règlement du passif de la succession ou la transformation d'une succession créditrice en succession débitrice.

? Le troisième alinéa reprend les dispositions du deuxième alinéa de l'actuel article 803 et prévoit que l'héritier doit présenter le compte à tout créancier qui le demande et répondre dans un délai d'un mois à la sommation de révéler où se trouvent les biens et droits successoraux ni conservés ni aliénés, et qui ont donc vocation à payer le reste du passif.

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, porté le délai au terme duquel l'héritier doit répondre d'un à deux mois, et précisé que cette sommation doit être notifiée par acte extrajudiciaire pour lui donner date certaine.

Le refus d'accéder à ces demandes contraint l'héritier sur son patrimoine personnel. Le projet de loi n'a pas conservé les dispositions du dernier alinéa de l'actuel article 803, qui prévoient que cette contrainte ne peut s'exercer que dans la limite des sommes restant dues aux créanciers successoraux.

Votre commission des lois vous propose de préciser par amendement que ces facultés sont ouvertes aux seuls créanciers successoraux.

? Le dernier alinéa précise enfin les deux hypothèses dans lesquelles l'héritier peut voir son acceptation à concurrence de l'actif net transformée d'office en acceptation pure et simple . Cette déchéance rétroagit au jour de l'ouverture de la succession.

Le premier cas reprend l'hypothèse de l' omission , sciemment et de mauvaise foi, d'éléments d'actif dans l'inventaire, actuellement visée à l'article 801. Le projet de loi ajoute explicitement l'hypothèse de l'omission d'éléments de passif . Cette sanction devra être articulée avec celle prévue par l'article 778 modifié en cas de recel de biens ou de droits, qui consiste à exclure l'héritier du bénéfice de l'actif net successoral recelé. L'article 778 vise cependant essentiellement la fraude aux droits des cohéritiers et suppose un acte matériel de rétention d'un bien, contrairement à l'omission.

Le second cas de déchéance du bénéfice de l'acceptation à concurrence de l'actif net vise la non-affectation au paiement des créanciers de la valeur des biens conservés ou du prix des biens aliénés . Le projet ne précise pas si un simple retard emportera la même sanction. Il appartiendra au juge d'apprécier la gravité du manquement et d'engager le cas échéant la responsabilité de l'héritier sur la base de l'article 1382 si le retard s'apparente à une faute grave de son administration. De même, l'affectation seulement partielle du prix au paiement des créanciers pourrait conduire le juge à transformer l'acceptation en acceptation pure et simple.

Art. 801 du code civil : Révocation de l'acceptation à concurrence de l'actif net

Contrairement à l'acceptation pure et simple, l'acceptation à concurrence de l'actif net n'est pas irrévocable.

? Cet article prévoit que l'héritier peut révoquer son acceptation à concurrence de l'actif net en acceptant purement et simplement , tant que la prescription du droit d'accepter n'est pas acquise contre lui, c'est-à-dire dorénavant dans un délai de 10 ans à compter de l'ouverture de la succession, sous réserve des reports du point de départ de la prescription prévus lorsque l'héritier a laissé au conjoint survivant la jouissance des biens héréditaires ou qu'il s'agit d'un héritier subséquent (art. 781 modifié).

Cette révocation rétroagit au jour de l'ouverture de la succession.

Il s'agit d'une confirmation de la jurisprudence 45 ( * ) .

Une telle hypothèse devrait en pratique rester peu fréquente, l'acceptation pure et simple exposant l'héritier à des risques de mise en cause sur son patrimoine personnel et étant prévue par ailleurs comme la sanction du manquement à ses obligations. Elle pourrait cependant intervenir lorsqu'il apparaît rapidement que la succession présente un caractère nettement excédentaire et que l'héritier souhaite utiliser une procédure plus simple.

Si le projet de loi ne précise pas si cette révocation peut avoir un caractère tacite, la révocation tacite est d'ores et déjà admise par la jurisprudence, lorsque l'héritier commet des actes dépassant manifestement le périmètre de l'administration de la succession. On peut citer la renonciation à recouvrer une créance sans aucune garantie du débiteur, la cession de biens à titre gratuit. Une telle solution est en outre logique, puisque l'article 789 modifié prévoit que l'acceptation pure et simple peut être expresse ou tacite.

? Le projet de loi précise cependant que l'acceptation à concurrence de l'actif net ne peut en revanche donner lieu à renonciation . Cette disposition tend à éviter que l'héritier ne se décharge sur l'Etat de l'administration de la succession à partir du moment où le caractère déficitaire de la succession apparaît clairement. Le nouveau régime lui garantit en effet une protection suffisante.

Art. 802 du code civil : Conséquences de la déchéance ou de la révocation pour les créanciers successoraux et les légataires de sommes d'argent

Cet article précise les conséquences de la révocation de l'acceptation à concurrence de l'actif net ou de sa déchéance pour non-respect de la procédure pour les créanciers successoraux et les légataires de sommes d'argent 46 ( * ) .

En effet, tant la déchéance que la révocation rétroagissent au jour de l'ouverture de la succession. Ainsi, les patrimoines personnel et successoral sont considérés comme confondus dès ce jour, l'héritier étant tenu indéfiniment des dettes et disposant de pouvoirs illimités sur les biens de la succession.

Afin d'éviter que cette rétroactivité ne fasse disparaître tous les effets de la première acceptation à concurrence de l'actif net, y compris l'avantage de la séparation des patrimoines, qui pourrait avoir des conséquences dramatiques pour les créanciers, alors même que cette situation ne leur est pas imputable, le projet de loi précise que les créanciers successoraux et les légataires de sommes d'argent conservent l'exclusivité des poursuites sur les biens recueillis de la succession ni aliénés ni déclarés conservés qui leur est reconnue par l'article 798 modifié.

Il s'agit d'une confirmation de jurisprudence, qui se base sur la théorie des droits acquis.

Art. 803 du code civil : Paiement des frais de procédure

Enfin, l'article 803 modifié reprend les dispositions de l'actuel Art. 810 et met les frais de scellés (qui n'apparaissent plus dans le projet de loi mais pourront toujours être demandés par un cohéritier ou un créancier en cas de contestation sur le sort de certains biens et du fait d'un risque de détournement), les frais d'inventaire et de compte à la charge de la succession et non de l'héritier acceptant à concurrence de l'actif net, même si c'est lui qui les diligente.

Cette disposition doit permettre de ne pas dissuader l'héritier de recourir à cette procédure.

Le projet de loi introduit en outre une innovation en précisant que ces frais de procédure sont payés en frais privilégiés de partage. L'officier public ou ministériel ayant réglé la succession ou permis la conservation des biens successoraux sera donc payé avant les autres créanciers. Cette précision était nécessaire, ces frais ne pouvant pas être assimilés à des frais de justice puisque c'est l'héritier qui est chargé d'administrer la succession.

SECTION 4 - De la renonciation à la succession (art. 804 à 808 du code civil)

? Des trois options reconnues au successible, la renonciation est la plus rarement choisie, dans moins de 5 % des cas.

Elle présente l'avantage de la simplicité en présence d'une succession manifestement déficitaire, dans laquelle le successible ne souhaite pas particulièrement conserver des biens de famille.

En présence d'une succession solvable, la renonciation peut permettre d'éviter d'avoir à rapporter une libéralité importante. En effet, l'article 845 du code civil prévoit que l'héritier qui renonce à la succession peut cependant retenir le don entre vifs ou réclamer son legs jusqu'à concurrence de la portion disponible. La renonciation transforme donc une libéralité rapportable en libéralité hors part . L'héritier donataire peut avoir intérêt à conserver pour lui seul ce qui lui a été donné et à abandonner aux autres les biens laissés par le de cujus , plutôt que de partager l'ensemble avec eux 47 ( * ) .

Enfin, la renonciation peut viser à favoriser les autres cohéritiers dans le cadre d'un pacte de famille tacite. Cette hypothèse est cependant plus délicate à mettre en oeuvre, puisque la renonciation au profit d'une personne déterminée est qualifiée d'acceptation pure et simple.

Si l'occurrence de la renonciation devrait encore diminuer du fait de la réforme de l'acceptation à concurrence de l'actif net et de la possibilité ouverte par l'article 14 du projet de loi de renoncer par anticipation à exercer des actions en réduction contre des libéralités portant atteinte à sa réserve, le projet de loi apporte quelques précisions opportunes.

? La section 4 comprend les articles 804 à 808 qui reprennent en les adaptant une partie des dispositions des actuels articles 784, 785 et 790 de cette section, en y ajoutant une partie des dispositions de l'article 797 compris dans la section consacrée au bénéfice d'inventaire.

Par ailleurs, les articles 786 et 787, qui prévoient que la part du renonçant s'ajoute à celle des cohéritiers, sont abrogés, l'article 754 modifié par le 13° de l'article 22 du projet de loi autorisant la représentation du renonçant de son vivant, avec pour conséquence que la part du renonçant est répartie entre ses héritiers en ligne directe.

Les dispositions de l'article 788 relatives à l'action paulienne sont déplacées à l'article 778 modifié, celles de l'article 789 relatives au délai de prescription à l'article 781 modifié et celles de l'article 791 interdisant la renonciation à une succession non ouverte à l'article 770 modifié. Enfin, les dispositions de l'article 792 sur le recel successoral sont fusionnées avec celles de l'article 801 à l'article 778 modifié.

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, adopté un amendement rédactionnel dans le titre de la section 4 afin de préciser qu'elle traite de la renonciation à la succession.

Art. 804 du code civil : Modalités de la renonciation

L'article 804 modifié reprend en les modernisant les dispositions de l'actuel article 784.

Il prévoit que la renonciation à une succession ne se présume pas , contrairement à l'acceptation pure et simple.

L'Assemblée nationale a précisé, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, que l'écoulement de la prescription valait présomption de renonciation. Votre commission des lois vous propose de supprimer par amendement cette précision juridiquement incorrecte.

Le projet de loi précise que pour être opposable aux tiers, la renonciation doit être faite au tribunal dans le ressort duquel la succession s'est ouverte.

La publicité est donc requise ad opposabilitatem et non a d validitatem . En son absence, la renonciation restera valable, mais ne sera simplement pas opposable aux créanciers.

Si le projet de loi ne reprend pas la mention du registre des renonciations tenu au tribunal, cette précision étant de caractère réglementaire, il précise en revanche que les formalités au tribunal conditionnent son opposabilité aux créanciers.

Le projet de loi consacre en outre la jurisprudence exemptant l'héritier à titre particulier des formalités de renonciation s'il renonce à son legs.

Au contraire, il étend cette formalité aux légataires universels et à titre universel, en renversant une jurisprudence 48 ( * ) contestée, qui visait à éviter que des arrangements familiaux amiables se traduisant par des renonciations unilatérales à des legs d'universalité ne soient remises en cause pour un simple défaut de déclaration au greffe. En effet, cette jurisprudence empêchait une information complète des créanciers quant à l'étendue de leur droit de gage, et ne permettait en outre pas de s'assurer de la volonté du renonçant.

Art. 805 du code civil : Rétroactivité de la renonciation

L'article 805 modifié reprend les dispositions de l'actuel article 785 et rappelle que l'héritier qui renonce est censé n'avoir jamais été héritier.

Cette disposition rétroagit à la date de l'ouverture de la succession. Cette solution découle déjà de l'article 776 modifié qui prévoit plus généralement que l'option exercée a un effet rétroactif au jour de l'ouverture de la succession.

Par conséquent, si le renonçant est représenté, conformément à la faculté ouverte par le 13° de l'article 22 du projet de loi, les personnes le représentant seront réputées hériter directement du défunt.

Art. 806 du code civil : Décharge de responsabilité du renonçant

? Le projet de loi précise que le renonçant est exonéré du paiement des dettes et charges de la succession , ce qui est logique.

Rappelons que les dettes de la succession sont celles dont le défunt était tenu au jour de son décès, alors que les charges sont des dettes résultant directement du décès du de cujus (frais funéraires, frais de liquidation, droits de mutation...).

? Malgré la renonciation, la jurisprudence reconnaît le droit au renonçant de se faire attribuer des souvenirs de famille. En outre, il demeure titulaire des droits sur les sépultures et les caveaux de famille.

L'Assemblée nationale a donc, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, consacré une jurisprudence récurrente 49 ( * ) imposant au renonçant d'acquitter à proportion de ses moyens le paiement des frais funéraires de son ascendant ou descendant.

Art. 807 du code civil : Révocation de la renonciation

? L'article 807 modifié reprend les dispositions de l'actuel article 790, qui prévoit la possibilité de révoquer la renonciation tant que la prescription du droit d'accepter n'est pas acquise et que la succession n'a pas été acceptée par d'autres héritiers .

Il apporte plusieurs précisions par rapport au droit en vigueur :

- cette révocation ne peut se faire qu'au bénéfice d'une acceptation pure et simple ;

- elle ne peut intervenir que si l'Etat n'a pas déjà été envoyé en possession. L'envoi en possession a pour effet de le rendre propriétaire des biens de la succession en déshérence du fait de la renonciation des héritiers. Le projet de loi contre donc la jurisprudence 50 ( * ) qui se fondait sur la lettre de l'article 790 pour considérer au contraire que l'Etat n'étant pas un héritier 51 ( * ) , mais recueillant la succession vacante en tant que souverain, le renonçant pouvait révoquer sa renonciation même après l'envoi en possession.

Cette disposition empêchera donc à l'avenir l'héritier de renoncer pour laisser l'Administration des domaines se charger de liquider la succession et révoquer ensuite sa renonciation lorsqu'il apparaît que la succession est bénéficiaire . L'acceptation à concurrence de l'actif net, désormais modernisée et simplifiée, doit en effet devenir le principe en cas de doute.

Bien que le projet de loi ne le précise pas, cette rétractation pourra être tacite, ainsi que le reconnaît déjà la jurisprudence. En vertu de l'article 783 modifié, l'acceptation tacite sera reconnue lorsque le successible aura fait un acte qui suppose nécessairement son intention d'accepter et qu'il n'a le droit de faire qu'en qualité d'héritier saisi.

La révocation de la renonciation sera interdite en cas d'acceptation d'autres héritiers, qu'il s'agisse d'une acceptation pure et simple ou à concurrence de l'actif net. En particulier, l'acceptation des représentants du renonçant empêchera cette révocation.

Votre commission des lois vous propose par amendement de préciser qu'il suffit de l'acceptation d'un seul co-héritier pour empêcher la révocation de la renonciation et non comme le dit le projet de loi « d'autres héritiers ».

? Le second alinéa de l'article 807 modifié reprend les dispositions restantes de l'article 790 en prévoyant l'inopposabilité de cette acceptation aux tiers sous certaines conditions.

Il indique que l'acceptation par l'héritier de la succession rétroagit au jour de son ouverture, sans toutefois remettre en cause les droits acquis par les tiers sur les biens de la succession par prescription ou par actes valablement faits avec le curateur à la succession vacante.

La jurisprudence 52 ( * ) semble actuellement limiter la protection des droits acquis par les donataires et légataires à la seule catégorie des donataires et légataires à titre particulier.

Art. 808 du code civil : Mise à la charge de la succession des frais engagés avant la renonciation

L'article 808 modifié prévoit enfin que les frais légitimement engagés par l'héritier avant sa renonciation sont à la charge de la succession, conformément aux dispositions actuelles de l'article 797.

CHAPITRE V - DES SUCCESSIONS VACANTES ET DES SUCCESSIONS EN DÉSHÉRENCE

Le projet de loi a pour objet de simplifier le régime des successions non réclamées, vacantes ou en déshérence.

1. Le droit en vigueur

• Une accumulation de textes

Les règles applicables à ces successions sont anciennes, nombreuses et éparses :

- les articles 539 et 724 du code civil ont trait au transfert à l'Etat de la propriété des biens des personnes qui décèdent sans héritier ou dont les successions sont abandonnées, et à l'exigence de l'envoi en possession de l'État en cas de défaut des héritiers ;

- les articles 768 à 770 et 772, composent le chapitre IV (« Des droits de l'Etat » du titre Ier (« Des successions ») du livre troisième du même code ;

- les articles 811 à 814 du même code, concernent les successions vacantes ;

- les articles 998 à 1002 du code (ancien) de procédure civile composent le titre dixième (« Du curateur à une succession vacante »), du livre II (« Des procédures relatives à l'ouverture d'une succession ») ;

- une loi du 20 novembre 1940 confie à l'administration des domaines -originellement administration de l'enregistrement, des domaines et du timbre- la gestion des successions non réclamées et la curatelle des successions vacantes. Le code civil prévoyait, avant 1940, que les successions abandonnées devaient être gérées par un curateur désigné à la discrétion des tribunaux, et placé sous leur contrôle. Ce régime a perduré jusqu'en 1940, année au cours de laquelle la curatelle des successions vacantes a été confiée au service des domaines, en raison de la négligence et de l'inertie d'un grand nombre de curateurs, mais aussi de la constatation de nombreuses malversations, notamment en matière de perception des honoraires sur les actes d'administration pratiqués ;

- un arrêté interministériel du 2 novembre 1971 relatif à l'administration provisoire et à la curatelle des successions a été pris en application de la loi du 20 novembre 1940.

Les départements d'outre-mer sont soumis à un régime spécifique fixé par un décret du 27 janvier 1855 sur l'administration des successions vacantes dans les colonies de la Martinique, de la Guadeloupe et de la Réunion, qui a été modifié par un arrêté du 20 juin 1864, et un décret du 14 mars 1890 sur le service des successions et biens vacants.

• Une juxtaposition de procédures : les successions non réclamées, vacantes et en déshérence

De cette multiplicité de règles découle une juxtaposition de procédures.

L'héritier dispose aujourd'hui de trois mois pour faire inventaire à compter du jour de l'ouverture de la succession, puis de quarante jours pour accepter celle-ci ou y renoncer.

Tant que ces deux délais ne sont pas expirés, si personne ne se présente pour réclamer une succession et s'il n'existe pas d'héritiers connus, ou encore si les héritiers connus y ont renoncé ou restent dans l'inaction, la succession est réputée non réclamée ; elle est également dite administrée car elle est placée sous administration provisoire.

Une fois ces délais expirés, si personne ne se présente pour appréhender la succession, deux situations peuvent se rencontrer : soit il existe des héritiers connus mais qui restent dans l'inaction, auquel cas la succession est également considérée comme non réclamée ; soit il n'y a pas d'héritiers connus ou les héritiers connus y ont renoncé, auquel cas la succession est cette fois réputée vacante.

L'article 768 du code civil prévoit qu'à défaut d'héritiers, la succession est acquise à l'Etat. Les successions que le service des domaines appréhende ainsi sont dites en déshérence. Pour les appréhender, il doit demander l'envoi en possession. Cet envoi en possession peut intervenir alors même que les délais précités ne sont pas expirés, donc sans recours préalable à la procédure de la vacance.

L'article 770 du code civil, qui se réfère aux successions visées par l'article 768, prévoit également que le service des domaines doit demander au tribunal de grande instance l'envoi en possession desdites successions.

L'article 724 du code civil dispose quant à lui qu'à défaut d'héritiers légaux, de légataires ou de donataires universels, la succession est acquise à l'État, sous réserve pour lui de se faire envoyer en possession.

• Une administration par le service des domaines

Lorsqu'une succession est considérée comme non réclamée ou vacante, il y a lieu de nommer, dans le premier cas un administrateur provisoire, dans le second un curateur, pour gérer ce patrimoine.

Toute personne intéressée au règlement de la succession, notamment un créancier successoral, peut solliciter cette nomination au moyen d'une requête adressée au tribunal de grande instance du lieu d'ouverture de la succession. La nomination du service des domaines peut également s'opérer sur réquisition du ministère public ou à la demande du service lui-même.

En toute hypothèse, l'administration des domaines ne peut pas refuser sa nomination en qualité d'administrateur ou de curateur.

Elle prend alors possession des éléments d'actif et acquitte le passif, à concurrence de la valeur de l'actif qu'elle a recueilli, et peut vendre les biens meubles ou immeubles de la succession, avec des modalités et des conditions qui diffèrent suivant les procédures.

Ainsi, dans le cas des successions non réclamées, la désignation du service des domaines ne l'habilite pas à vendre l'ensemble des biens de la succession pour désintéresser les créanciers. Ses pouvoirs sont en principe limités aux seuls actes d'administration de la succession. Il doit obtenir préalablement l'autorisation du juge pour vendre les biens autres que le mobilier et les objets périssables ou coûteux à conserver.

En revanche, dans le cas des successions vacantes, lorsque le produit de la vente des meubles est insuffisant, le service des domaines peut vendre les biens de toute nature sans autorisation du juge. A l'exception des valeurs mobilières, le service a en outre la faculté, sous certaines conditions de montant, de procéder lui-même à la vente en la forme domaniale.

Si, après règlement complet du passif et paiement des droits de succession, il subsiste un reliquat, celui-ci est consigné à la Caisse des dépôts et consignations.

Le service rend compte de sa gestion à l'autorité judiciaire qui l'a désigné.

Ultérieurement, le reliquat qui a été consigné peut être appréhendé par l'État au titre des successions en déshérence, et donc être traité en recettes non fiscales du budget de l'Etat.

• Un enjeu administratif et financier important

Dans son rapport spécial 53 ( * ) sur les services financiers, établi au nom de votre commission des Finances à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2004, notre collègue M. Bernard Angels a mis en exergue l'enjeu administratif et financier que représentent les successions administrées, vacantes et en déshérence :

- les effectifs affectés à la gestion des successions, dans les départements et en administration centrale s'élevaient à un total de 276 agents, toutes catégories confondues, la masse salariale globale correspondante pouvant être évaluée à 12,5 millions d'euros ;

- au 31 décembre 2002, 22.456 successions étaient gérées par le service des domaines au plan national, soit 9.510 successions administrées, 10.799 successions vacantes et 2.147 successions en déshérence. Dans son rapport au nom de la commission des lois de l'Assemblée nationale sur le présent projet de loi, M. Sébastien Huyghe relève que, de 1995 à 2004, le « flux » annuel est passé de 8.060 dossiers à 10.780 dossiers -soit une hausse de plus d'un quart- dont la moitié de successions vacantes (5.298), 40 % de successions administrées, et 10 % environ de successions en déshérence ;

- la durée moyenne de traitement pouvait être estimée à environ deux ans et six mois pour les successions non réclamées, deux ans et trois mois pour les successions vacantes et un peu moins de deux ans pour les successions en déshérence ;

- le montant des recettes au titre des droits de succession, issues de l'appréhension par l'État des successions en déshérence a varié entre 14 et 23 millions d'euros.

Les éléments statistiques les plus récents des successions gérées par le domaine figurent dans les tableaux ci-après.

Nombre de dossiers gérés

Année

Successions administrées

Successions vacantes

Successions en déshérence

Total

2004

9.123

10.421

1.935

21.479

2005

8.270

9.387

2.028

19.685

Source : Administration des domaines

Nombre de dossiers traités

Année

Successions administrées

Successions vacantes

Successions en déshérence

Total

2004

4.063

5.136

1.085

10.274

2005

3.900

4.832

1.055

9.787

Source : Administration des domaines

En ce qui concerne les successions administrées ou vacantes, les reliquats sur successions restant après apuration du passif dont ces patrimoines sont grevés sont déposés à la Caisse des dépôts et consignations. À l'expiration de la prescription trentenaire, pour les sommes consignées d'un montant supérieur à 77 euros, la Caisse informe les ayants droit de la survenance de la prescription. En l'absence de réclamation, les sommes déchues augmentées des intérêts de consignation sont reversées au budget général. Les encours numéraires en capital s'élevaient à 211 millions d'euros à la fin 2002, à raison de 78 millions d'euros auprès du siège de la Caisse, et d'environ 143 millions d'euros dans le réseau des préposés. Les reversements annuels au Trésor après l'échéance de la prescription sont en revanche modestes, puisqu'ils n'ont varié, ces dernières années, qu'entre 200.000 et 600.000 euros.

Les recouvrements réalisés dans le cadre de la gestion des successions administrées et vacantes sont fréquemment destinés à apurer le passif dont sont grevés ces patrimoines. Ces encaissements ne constituent pas des recettes pour le budget de l'État, mais permettent néanmoins le remboursement de certaines créances publiques. Les données établies par le ministère des Finances montrent que les dépenses annuelles des successions vacantes ou non réclamées (impôts, gaz et électricité, charges de copropriété, téléphone, loyers...) recouvrées grâce à la gestion des successions vacantes, représentent de 110 à 120 millions d'euros.

Sans remettre en cause la pertinence d'une gestion publique des successions vacantes, rendue nécessaire par l'exigence de préservation de manière égale des intérêts de tous les créanciers des successions, notre collègue proposait deux séries de réformes :

- réduire la prescription trentenaire -le projet de loi y procède de manière plus générale en ramenant la prescription du droit de revendication d'une succession de trente à dix ans ;

- unifier les procédures, « la coexistence du régime des successions non réclamées et du régime des successions vacantes se [révélant], à l'expérience, une source d'inutile complexité tant sur le plan pratique que du point de vue juridique, alors qu'il n'existe pas de différence profonde de nature entre ces deux régimes ».

Il évoquait également les pistes d'évolution préconisées par le service des domaines :

- la généralisation de la désignation du service par ordonnance du président du tribunal de grande instance, afin d'accélérer la procédure ;

- la désignation de l'administration des domaines exclusivement en qualité de curateur, afin de permettre au service de prendre à la fois des actes d'administration et des actes de disposition ;

- l'abrogation du régime dit de « la curatelle coloniale », encore actuellement en vigueur dans les départements d'outre-mer, afin que les successions abandonnées y soient gérées selon les mêmes modalités que celles applicables sur l'ensemble du territoire.

Lors de l'examen de la loi n° 2001-1135 du 3 décembre 2001 relative aux droits du conjoint survivant et des enfants adultérins et modernisant diverses dispositions de droit successoral, le Sénat avait proposé, à l'initiative de votre commission des lois, d'unifier le régime des successions non réclamées, vacantes et en déshérence . L'Assemblée nationale s'y était opposée, sans même examiner le bien-fondé des mesures proposées, prétextant de l'encombrement du calendrier parlementaire et exprimant sa crainte de voir retardée la réforme des droits du conjoint survivant.

Le texte adopté par l'Assemblée nationale s'inspire opportunément des propositions du Sénat.

2. La réforme proposée

Sur la forme, il tend à rassembler les règles applicables en un seul chapitre du code civil composé de deux sections respectivement consacrées aux successions vacantes et aux successions en déshérence 54 ( * ) .

L'actuel chapitre IV, consacré aux droits de l'État, et la section 4 du chapitre V, consacrée aux successions vacantes, seraient ainsi unifiés, tandis que seraient codifiées plusieurs dispositions de la loi du 20 novembre 1940 et celles de l'arrêté du 2 novembre 1971 revêtant une valeur législative.

En conséquence, l'article 25 prévoit l'abrogation de la loi du 20 novembre 1940. Les dispositions de nature réglementaire de l'arrêté du 2 novembre 1971 seraient soit reprises dans le décret d'application de la présente loi, soit abrogées. Les articles 998 à 1002 de l'ancien code de procédure civile devraient être abrogés, en application du 2° de l'article 25 du projet de loi, pour être remplacés par des mesures réglementaires prises par décret.

L'article 25 du projet de loi tend également à abroger le régime propre aux départements d'outre-mer, de sorte que ces collectivités territoriales seraient désormais soumises au droit commun.

Sur le fond, le dispositif proposé tend à améliorer la procédure de la vacance, d'une part en prévoyant sa publicité ( article 809-1 ), d'autre part en permettant une gestion allégée et plus dynamique du patrimoine de la succession, notamment au moyen d'une nouvelle procédure de vente des biens successoraux permettant un règlement plus rapide des créanciers de la succession ( article 810-3 ). Ces derniers pourraient en outre s'opposer aux ventes réalisées de gré à gré et demander qu'elles soient remplacées par une vente par adjudication.

Il vise également à éviter, à l'avenir, que les héritiers ne laissent l'État gérer la succession vacante avant de la réclamer lorsque, au terme de la procédure, est constaté un actif net une fois le passif réglé ( article 807 ). Ainsi, une fois l'Etat envoyé en possession, il deviendrait impossible de révoquer la renonciation par une acceptation pure et simple. L'héritier hésitant serait donc légitimement incité à accepter la succession à concurrence de l'actif net et à la liquider, soit lui-même, soit par l'intermédiaire d'un mandataire successoral, à son choix.

SECTION 1 - Des successions vacantes

Consacrée aux successions vacantes, la section 1 est composée de trois paragraphes relatifs respectivement à l'ouverture de la vacance, aux pouvoirs du curateur, ainsi qu'à la reddition des comptes et à la fin de la curatelle.

Paragraphe 1 - De l'ouverture de la vacance
Art. 809 du code civil : Conditions de la vacance

Cet article, qui fusionne les dispositions de l'article 811 du code civil et de l'article premier de l'arrêté du 2 novembre 1971, définit les trois cas dans lesquels la succession est considérée comme vacante :

- l'absence d'héritier connu et de réclamation de la succession -y compris par l'Etat qui demanderait l'envoi en possession d'une succession en déshérence ;

- la renonciation à la succession de tous les héritiers connus, spontanément ou après sommation ;

- l'absence d'option, tacite ou expresse, des héritiers connus dans un délai de six mois à compter de l'ouverture de la succession.

Les successions non réclamées deviendraient ainsi un cas de successions vacantes et la distinction entre la période précédant l'expiration du délai pour faire inventaire et délibérer et celle qui la suit serait supprimée.

L'objectif recherché est d'éviter la dégradation, faute de gestion, des biens faisant partie de la succession mais non de priver les héritiers de leurs droits. Telle est la raison pour laquelle aucun délai n'est prévu dans les deux premiers cas. Bien entendu, si des héritiers venaient à se faire connaître, ils retrouveraient leurs prérogatives héréditaires.

Par coordination avec les délais accordés à l'héritier pour opter lorsqu'il en est sommé, prévus aux articles 771 et 772 55 ( * ) , sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale a porté à six mois, contre cinq dans la rédaction initiale du projet de loi, le délai à l'expiration duquel la succession est considérée comme vacante à défaut d'option des héritiers connus.

De la même manière, elle a supprimé la disposition semblant prévoir la soumission automatique de la succession vacante au régime de la curatelle. En effet, si le juge avait compétence liée pour désigner un curateur en application de l'article 809-1, encore faudrait-il qu'il soit saisi. En l'absence de saisine, la succession demeurerait en déshérence jusqu'à l'envoi éventuel de l'Etat en possession.

Art. 809-1 du code civil : Régime de la vacance

Cet article tend à prévoir la soumission des successions vacantes au régime de la curatelle .

La vacance devrait être constatée par le juge, c'est-à-dire le président du tribunal de grande instance ou son délégué, sur saisine de toute personne intéressée ou du ministère public. Il s'agit d'une mesure de simplification car, actuellement, la décision doit être prise par un jugement du tribunal de grande instance et non par une ordonnance de son président.

Sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale a expressément ouvert ce droit de saisine aux créanciers et à toute personne qui assurait, pour le compte de la personne décédée, l'administration de tout ou partie de son patrimoine.

Constatant la vacance, le juge aurait compétence liée pour placer la succession sous le régime de la curatelle et confier cette dernière à l'autorité administrative chargée du domaine. Sur le fond, la procédure de curatelle de la succession vacante par le service des domaines s'apparenterait beaucoup à l'administration de la succession acceptée à concurrence de l'actif net.

L'ordonnance de curatelle devrait être publiée, cette exigence étant destinée à assurer l'information des créanciers.

Art. 809-2 du code civil : Inventaire de la succession vacante

Cet article conserve l'obligation qui est actuellement faite au curateur par l'article 813 du code civil de faire dresser un inventaire de la succession.

Cet inventaire devrait, comme celui prévu par le nouvel article 789 dans le cadre de la procédure d'acceptation à concurrence de l'actif net, comporter une estimation, article par article, de l'actif et du passif de la succession.

Il pourrait être établi, au choix du curateur :

- soit par un officier public ou ministériel. Sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale a précisé qu'il pourrait s'agir, comme dans la procédure d'acceptation à concurrence de l'actif net, soit d'un commissaire-priseur judiciaire, soit d'un huissier, soit d'un notaire ;

- soit par un fonctionnaire « assermenté » appartenant à l'administration chargée du domaine.

L'arrêté du 2 novembre 1971 actuellement en vigueur précise dans ses articles 3 et 10 relatifs aux successions non réclamées et vacantes que le tribunal peut autoriser un agent « assermenté » de la direction générale des impôts chargé du domaine à dresser l'état des forces actives et passives de la succession. Dans la mesure où les agents de cette direction prêtent serment devant le tribunal de grande instance à leur entrée en fonction dans cette administration et le cas échéant devant le préfet, il n'est pas exigé de serment particulier lorsque ces agents exercent une activité de gestion des successions vacantes.

La réalisation de l'inventaire devrait être entreprise par le curateur dès sa désignation. En revanche aucun délai n'est prévu pour son achèvement. Certes, la procédure d'acceptation à concurrence de l'actif net prévoit le dépôt de l'inventaire dans un délai de deux mois à compter de la déclaration d'acceptation, un délai supplémentaire pouvant toutefois être accordé par le juge. Mais la sanction du non respect de cette obligation -faute d'avoir déposé l'inventaire dans le délai prévu, l'héritier est réputé acceptant pur et simple- ne peut être transposée à l'administration des domaines. Une telle obligation aurait été de nature à engager trop facilement la responsabilité de l'Etat alors qu'il n'intervient qu'en qualité d'administrateur provisoire. La précision selon laquelle l'inventaire doit être dressé par le curateur dès sa désignation semble suffisante pour assurer une certaine célérité aux opérations.

Une fois l'inventaire établi, le curateur devrait en informer le tribunal de grande instance. Cet avis ferait l'objet de la même publicité que l'ordonnance de curatelle. Il résulte de la rédaction retenue dans le projet de loi initial et acceptée par l'Assemblée nationale que l'inventaire ne serait pas déposé au tribunal mais conservé par l'administration des domaines.

Pour être en mesure de faire valoir leurs droits, les créanciers et légataires particuliers de « sommes d'argent » - l'Assemblée nationale a préféré cette expression à celle de « biens fongibles » retenue dans la rédaction initiale du projet de loi- seraient autorisés à consulter l'inventaire et à en obtenir une copie. Ils pourraient en outre demander à être avisés de toute nouvelle publicité, c'est-à-dire non seulement de toute modification de l'inventaire mais également de l'élaboration du projet de règlement, prévu à l'article 810-5, et du dépôt du compte, prévu à l'article 810-7.

Art. 809-3 du code civil : Procédure de déclaration des créances sur la succession vacante

Cet article prévoit que la déclaration de créances doit être faite au curateur.

Dans sa rédaction initiale, il prévoyait l'application des articles 792 et 792-1 qui prévoient respectivement :

- l'extinction des créances non déclarées dans un délai initialement fixé à deux ans et ramené à 15 mois par l'Assemblée nationale ;

- et la suspension des mesures d'exécution forcée pendant ce délai.

Aucun point de départ n'était fixé pour ce délai.

En tout état de cause, l'Assemblée nationale a considéré que l'analogie ainsi faite avec la procédure d'acceptation à concurrence de l'actif net ne se justifiait pas et, sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, a supprimé ces références.

M. Sébastien Huyghe, rapporteur, expose ainsi dans son rapport écrit qu'« Il est de fait illogique d'appliquer le mécanisme d'extinction des créances des articles 792 et 792-1 nouveaux à l'égard de la succession vacante, alors qu'aucun héritier ne doit être protégé contre les déclarations tardives des créanciers. L'administration des Domaines ne dispose d'aucun droit propre sur les biens de la succession, puisqu'elle n'intervient qu'en qualité de gestionnaire et d'administrateur. En outre, si un héritier venait à accepter purement et simplement la succession après un délai de deux ans -cas impossible si un autre héritier a déjà accepté à concurrence de l'actif-, les créances des créanciers déclarant après ce délai seraient éteintes. Ceux-ci ne pourraient plus prétendre à être payés, ce qui serait contradictoire avec le principe de l'acceptation pure et simple et notamment l'obligation ultra vires au passif successoral . »

Ce dispositif d'extinction des créances à l'égard de la succession semble en effet inutile dans le cas des successions vacantes dès lors qu'aucun héritier n'a besoin d'être protégé contre une déclaration tardive de créance, puisque, précisément, la succession n'est pas réclamée.

Dans la mesure où le régime de la succession vacante est un régime d'administration provisoire et non de règlement de la succession, il ne serait pas logique d'enfermer les créanciers dans un délai qu'il faudrait ensuite rouvrir si la succession était finalement acceptée par un héritier révélé.

Paragraphe 2 - Des pouvoirs du curateur

Les articles composant ce paragraphe définissent les pouvoirs du curateur, c'est-à-dire de l'administration des domaines, sur les biens de la succession vacante. Ces pouvoirs s'inscrivent dans la mission consistant à régler les créanciers par le produit de la vente des actifs, en respectant un certain ordre dans les cessions, tout en préservant l'exploitation des biens professionnels qui feraient partie de la succession. Ils s'accompagnent de procédures de cession présentant des garanties de prix pour les créanciers.

L'objectif est d'encadrer la mission de service public confiée au service des domaines, au profit des créanciers, des éventuels héritiers ne se manifestant, volontairement ou non, que tardivement, et, mais seulement in fine , de l'État s'il demeure un actif net dont il demande l'envoi en possession.

Art. 810 du code civil : Maintien de l'obligation de consignation

Cet article autorise l'administration des domaines, dès sa désignation :

- à prendre immédiatement possession des biens et valeurs ;

- à recouvrer les créances de la succession (loyers, prêts consentis...) ;

- et à poursuivre, le cas échéant et si elle le souhaite, l'exploitation de l'entreprise individuelle dépendant de la succession, qu'elle revête un caractère industriel, agricole ou artisanal.

Le projet de loi étend ainsi aux professions artisanales la faculté qui était déjà ouverte par l'article 14 de l'arrêté du 2 novembre 1971 pour ce qui concerne les successions vacantes ou non réclamées mais maintient l'interdiction de la poursuite de l'exploitation d'une entreprise libérale. Il paraît effectivement difficile de permettre au curateur de présenter un repreneur provisoire à la clientèle du fonds libéral. En outre, aucun candidat n'accepterait de gérer sans garantie un tel fonds.

En ce qui concerne les entreprises exploitées sous une forme sociale, leur propriété est détenue par l'intermédiaire d'actions ou de parts, avec des organes statutaires, et leur activité peut être poursuivie en fonction de la volonté des titulaires de ces titres, sans qu'il soit besoin d'une autorisation législative.

Bien que le nouveau texte ne le précise pas, la poursuite de l'exploitation ne sera, en règle générale, pas opérée en régie mais par des tiers mandatés à cet effet, sous le contrôle de l'administration.

Pour assurer la conservation des biens successoraux, l'article 810 maintient l'obligation de consigner les sommes d'argent composant l'actif liquide, ainsi que celles résultant du recouvrement des créances dues et du produit des ventes.

Cette obligation souffrirait deux exceptions, déjà prévues par le droit en vigueur :

- dans le cas de continuation d'une entreprise individuelle, les liquidités finançant le besoin en fonds de roulement peuvent rester dans l'entreprise ;

- la consignation n'est faite qu'après prélèvement des frais d'administration, de gestion et de vente lorsqu'il s'agit du produit des ventes.

Par ailleurs, dans tous les cas, et comme actuellement 56 ( * ) , seul le curateur serait habilité à procéder à la consignation, même si les sommes étaient détenues par des tiers, de façon à garantir que l'ensemble des biens et valeurs de la succession transitent par ses mains.

Art. 810-1 du code civil : Des pouvoirs limités dans les six premiers mois suivant l'ouverture de la succession

Cet article limite les pouvoirs du curateur dans les six mois qui suivent l'ouverture de la succession, c'est-à-dire dans le délai accordé à l'héritier pour opter lorsqu'il en est sommé :

- aux actes purement conservatoires ou de surveillance ;

- aux actes d'administration provisoire ;

- et à la vente des biens périssables.

Ces actes seraient ceux prévus à l'article 785.

A la différence de ce qui est prévu par le droit en vigueur, qui ne fait pas de distinction chronologique, il ne pourrait céder les biens meubles simplement difficiles à conserver, pas plus que les meubles meublants, même pour régler les dettes urgentes.

Sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté un amendement de coordination consistant à porter de cinq à six mois la période au cours de laquelle les pouvoirs de l'administration sont limités.

Art. 810-2 du code civil : Des pouvoirs étendus passé ce délai de six mois

Cet article élargit les pouvoirs du curateur, passé le délai de six mois suivant l'ouverture de la succession.

Il pourrait ainsi prendre l'ensemble des actes conservatoires ou d'administration, étant précisé qu'il existe des actes mixtes, à la fois conservatoires et d'administration, qui ne seraient pas possibles pendant les six premiers mois (action en justice, envoi d'une lettre de licenciement...).

Pour apurer le passif, il aurait la possibilité de céder ou de faire céder des biens, les meubles devant être aliénés avant les immeubles. Cet ordre reprend celui, traditionnel, prévu par l'article 1001 du code de procédure civile, qui devrait être abrogé.

Une exception, déjà prévue par le droit en vigueur 57 ( * ) , est ménagée à cette règle : lorsque la conservation des biens est difficile ou onéreuse, ceux-ci peuvent être vendus, qu'il s'agisse de meubles ou d'immeubles, y compris au-delà du paiement du passif, pour éviter que leur conservation n'induise des frais inutiles, réduisant d'autant l'actif pour les éventuels héritiers comme pour les créanciers et, le cas échéant, in fine , l'État.

Art. 810-3 du code civil : Modalités de cession des biens par le curateur

Cet article définit les modalités de cession, par le curateur, des biens faisant partie de la succession vacante.

Trois options lui sont offertes :

- faire appel à un officier public ou ministériel qui procédera à une vente amiable ou par licitation. Sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale a précisé qu'il devait s'agir soit d'un notaire, soit d'un huissier soit d'un commissaire-priseur judiciaire ;

- procéder à une vente judiciaire, c'est-à-dire ici à la barre du tribunal ;

- recourir aux formes prévues par le code du domaine de l'État.

Modalités de vente des biens dépendant des successions vacantes

Vente des meubles

Vente effectuée :

- soit par un commissaire-priseur judiciaire, (cas le plus fréquemment rencontré) ;

- soit par un huissier ou un notaire.

Les ventes de titre en dépôt dans une banque ou dans un établissement financier sont réalisées par ces établissements.

Vente dans les formes domaniales, c'est à dire par voie d'enchères publiques reçues par un commissaire aux ventes du domaine (art. L. 68 et L. 69 du code du domaine de l'Etat).

A titre exceptionnel, des ventes à l'amiable de gré à gré peuvent être consenties (art. L. 69, troisième alinéa).

Modalités de vente des biens dépendant des successions vacantes

Vente des immeubles

Vente confiée
à un notaire

Vente judiciaire

Vente dans les formes domaniales

Le projet autorise le curateur à confier à un notaire la vente des immeubles, ces ventes pourront être opérées soit aux enchères soit à l'amiable de gré à gré.

Ces ventes judiciaires sont reçues à la barre du tribunal.

Il y sera recouru lorsque les biens immobiliers de la succession sont grevés d'inscriptions de privilèges ou d'hypothèques.

- En règle générale, et en application de l'article R.129 du code du domaine de l'Etat, avec publicité et mise en concurrence, soit sur appel d'offres, soit par adjudication publique ;

- Exceptionnellement, par voie de cession amiable consentie de gré à gré, en application de l'article R. 129-5 du code du domaine de l'Etat.

Les cas dans lesquels ces biens peuvent être cédés de gré à gré sont limitativement énuméré.

Le cas visé à l'article R. 129-5-3 du code du domaine de l'Etat -« la cession d'un immeuble peut également être faite à l'amiable, sans appel à la concurrence lorsque l'adjudication publique a été infructueuse »- est celui qui est susceptible d'être le plus fréquemment rencontré en matière de ventes d'immeubles dépendant des successions vacantes.

Dans tous les cas, la vente donne lieu à publicité, pour informer les créanciers. Les titulaires d'une sûreté réelle inscrite sur le bien cédé étant normalement informés de la vente, cette publicité intéresse surtout les chirographaires, qui à défaut, ne seraient pas informés.

La vente ne serait donc pas nécessairement une vente publique, celle-ci, notamment pour les meubles meublants, n'assurant pas toujours d'obtenir le meilleur prix pour les créanciers. Cependant, pour éviter toute contestation du montant de la cession, les créanciers qui estimeraient que le prix prévu par le projet de vente amiable est trop bas, pourraient obtenir une vente par adjudication . Celle-ci serait toutefois réalisée à leurs risques et périls : si l'adjudication ne devait pas produire au moins le prix prévu par le projet de vente amiable, le créancier demandeur de l'adjudication serait alors tenu vis-à-vis des autres créanciers de la perte qu'ils auraient subie.

Art. 810-4 et 810-5 du code civil : Paiement des créanciers

L'article 810-4 prévoit que seul le curateur est habilité à payer les créanciers de la succession et qu'il n'y est tenu que dans la limite de l'actif.

A cette fin, l'article 810-5 lui fait obligation de dresser un projet de règlement du passif prévoyant le paiement des créanciers dans l'ordre suivant, prévu à l'article 796 :

- d'abord, les créanciers inscrits selon le rang de la sûreté assortissant leur créance ;

- ensuite, les autres créanciers ayant déclaré leur créance, ces derniers étant désintéressés dans l'ordre des déclarations et non au marc l'euro ;

- enfin, délivrance des legs de somme d'argent après paiement des créanciers.

Le projet de règlement devrait être publié. Les créanciers qui ne seraient pas totalement désintéressés auraient ainsi la possibilité, dans le mois de la publicité, de saisir le juge afin de le contester.

L'article 810-4 interdit le paiement des créances avant la publication du projet de règlement, à l'exception des frais nécessaires à la conservation du patrimoine, des frais funéraires et de dernière maladie, des impôts dus par le défunt, des loyers et des autres dettes successorales dont le règlement est urgent 58 ( * ) . La rédaction initiale du projet de loi ne permettait pas de savoir si cette énumération constituait les seuls cas dans lesquels un règlement anticipé serait autorisé. L'Assemblée nationale l'a spécifié sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement.

Aucun délai n'est toutefois imposé au curateur pour élaborer et publier le projet de règlement du passif. Pour des raisons d'efficacité, de gestion du patrimoine et de règlement rapide des dettes de la succession, le moment de l'établissement de ce projet serait laissé à l'appréciation de l'administration, notamment en fonction du nombre de déclarations et de l'actif résiduel estimé.

Art. 810-6 du code civil : Primauté de la procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire

Cet article subordonne les pouvoirs de liquidation de la succession par curatelle aux dispositions applicables à la succession d'une personne faisant l'objet d'une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire.

En effet, ces deux procédures collectives prévoient également une opération propre de déclaration judiciaire des créances auprès d'un mandataire judiciaire, sous le contrôle du tribunal de commerce, et dans un délai très court de deux mois à compter de la publicité de leur ouverture.

Sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale a utilement prévu le cas de la nouvelle procédure de sauvegarde prévue par la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises.

Paragraphe 3 - De la reddition des comptes et de la fin de la curatelle

Les articles 810-7 à 810-12 ont pour objet de déterminer l'issue de la curatelle, pour les créanciers et pour l'État.

Art. 810-7 du code civil : Reddition des comptes

Cet article fait obligation au curateur de rendre compte au juge, c'est-à-dire au président du tribunal de grande instance ou à son délégué, des opérations qu'il a effectuées : le juge ayant décidé la curatelle est ainsi chargé d'en contrôler l'exercice, notamment le désintéressement équitable des créanciers.

Il prévoit que le dépôt du compte doit faire l'objet d'une mesure de publicité et que le curateur doit le présenter à tout créancier ou tout héritier qui, ainsi informé, en fait la demande.

Le compte constitue la liste de l'ensemble des actes effectués par le curateur. Il comprend donc l'état du règlement du passif, mais aussi d'autres opérations situées hors du projet d'acquittement du passif, par exemple des actes conservatoires, des actes d'administration, des ventes de meubles périssables, des actions en justice afin de défendre les intérêts de la succession...

En l'état actuel du droit, l'article 11 de l'arrêté du 2 novembre 1971 prévoit simplement que « le service des domaines rend compte de sa mission aux héritiers, aux créanciers et, après communication au parquet, au président du tribunal . »

Art. 810-8 du code civil : Cession des actifs restants - Recours des héritiers

Cet article prévoit qu'après réception du compte, le juge autorise le curateur à procéder à la réalisation de l'actif subsistant.

En pratique, cette autorisation devrait être automatique car il ne peut être imposé à l'administration des domaines de rester en possession d'immeubles. En effet, elle n'a pas pour mission de conserver des immeubles en gestion qui en outre génèrent des frais inutiles pour la succession mais doit assurer dans des délais convenables le désintéressement des créanciers et ensuite procéder à la liquidation de l'actif subsistant.

Sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale a précisé que cette vente devrait emprunter l'une des formes prévues à l'article 810-3.

Les héritiers n'étant pas privés de la possibilité de revendiquer la succession s'ils n'y ont pas renoncé, du moins tant que l'État n'a pas été envoyé en possession, le projet de réalisation de l'actif subsistant devrait leur être notifié.

Dans l'hypothèse où ils seraient encore « dans le délai pour accepter », c'est-à-dire si la prescription décennale n'était pas atteinte, ils pourraient s'opposer à ce projet. Un recours leur est en effet ouvert, dans un délai court -trois mois à compter de la notification qui leur est faite- pour ne pas allonger inutilement la fin de la procédure, dans la mesure où ce délai suspend la réalisation des cessions envisagées.

Leur opposition au projet de vente de l'actif subsistant ne pourrait se traduire que par la réclamation de la succession.

Art. 810-9 du code civil : Règlement des créances déclarées après la remise du compte

Cet article prévoit que les créanciers qui déclarent leur créance postérieurement à la remise du compte ne peuvent prétendre qu'à l'actif subsistant : ils ne peuvent donc en aucun cas revendiquer le produit de l'actif réalisé dans le cadre du compte et déjà utilisé pour régler les créanciers plus diligents.

Si cet actif était insuffisant, ils n'auraient plus de recours contre la succession mais uniquement contre les légataires ayant été remplis de leurs droits 59 ( * ) , à l'instar de ce qui est prévu pour les créanciers d'une succession acceptée à concurrence de l'actif net, en application de l'article 799.

Ce droit de recours serait prescrit dans un délai de deux ans à compter de la réalisation de l'ensemble de l'actif.

Art. 810-10 du code civil : Consignation du produit net de la réalisation de l'actif subsistant

Cet article prévoit la consignation du produit net de la réalisation de l'actif subsistant, dans l'attente de l'envoi en possession de l'Etat.

En effet, tant que le délai de prescription -ramené par le projet de loi de trente ans à dix ans à compter de l'ouverture de la succession- ne sera pas expiré, les héritiers qui se présenteraient seraient admis à exercer leur droit sur ce seul produit, donc en valeur. Ils ne pourraient remettre en cause les ventes déjà faites, dont la sécurité juridique serait ainsi assurée.

De surcroît, l'article 807 prévoit que l'envoi de l'Etat en possession de l'actif net avant la prescription empêche toute révocation de la renonciation déjà exprimée.

Aussi, l'hypothèse d'une revendication tardive des héritiers devrait-elle devenir plus rare.

Sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté un amendement de précision.

Art. 810-11 du code civil : Frais d'administration, de gestion et de vente

Cet article prévoit que, pour obtenir le paiement des frais d'administration, de gestion et de vente qui n'ont pas pu être prélevés directement sur les sommes d'argent composant l'actif en application de l'article 810, l'administration des domaines bénéficie d'un privilège, équivalent à celui des frais de justice.

Le privilège institué par cet article est nouveau. Il a pour but de trancher définitivement la question de savoir si l'Etat a droit au remboursement de ces frais, comme le soutient une majorité de la doctrine et comme l'ont reconnu quelques arrêts qui ne peuvent être qualifiés de décisifs 60 ( * ) .

Art. 810-12 du code civil : Fin de la curatelle

Cet article, qui reprend et complète les dispositions de l'article 6 de l'arrêté du 2 novembre 1971, précise les quatre modalités différentes selon lesquelles la curatelle peut prendre fin :

- l'actif est épuisé par le règlement des dettes, soit dans le cadre du compte déposé, soit par suite, dans un second temps, du recours des créanciers après le dépôt du compte, ainsi que par le paiement des legs particuliers, qu'il s'agisse de biens identifiés ou fongibles ;

- l'actif a suffi à apurer le passif et à payer les legs, en laissant un solde net positif. La curatelle se poursuit jusqu'à ce que tous les actifs aient été cédés. Le produit net est alors consigné ;

- des héritiers font valoir leurs droits à la succession. La logique voudrait que cette hypothèse corresponde a priori au cas où existerait un actif net consigné, après l'expiration du délai de recours des créanciers. On ne peut cependant exclure qu'un héritier découvert tardivement souhaite accepter la succession purement et simplement, pour assumer les dettes résiduelles de celui dont il hériterait ;

- si aucun héritier n'a revendiqué la succession dans le délai de prescription, et s'il demeure un solde net consigné, l'État peut se faire envoyer en possession. Il n'a pas pour ce faire à attendre systématiquement la prescription, si la vacance résulte d'un décès sans héritier, ou si la succession est abandonnée par ses héritiers connus. Il convient toutefois d'indiquer à cet égard que la jurisprudence a prévu que le délai de prescription contre les héritiers découverts tardivement, après parfois de longues recherches généalogiques, ne court qu'à compter, pour eux, de la découverte de leurs droits, et qu'ils peuvent mettre fin à la déshérence dans ce cas, en application de l'article 811-3.

Dans le cas de l'envoi de l'État en possession, celui-ci aura en revanche pour effet nouveau de priver les héritiers qui ont éventuellement renoncé à la possibilité de révoquer leur renonciation .

SECTION 2 - Des successions en déshérence

Les quatre articles 811 à 811-3 rassemblent les quelques dispositions spécifiques aux successions en déshérence, qui sont maintenues en tant que telles.

Ainsi, comme aujourd'hui, le service des domaines aura la faculté, en l'absence d'héritier connu, soit de faire déclarer la vacance, de liquider la succession en réglant le passif à concurrence de l'actif et de se faire envoyer en possession ensuite uniquement de l'actif résiduel, soit de faire déclarer immédiatement la déshérence par un envoi en possession direct, qui lui transférera a contrario la totalité de l'actif et du passif.

Art. 811 du code civil : Envoi en possession de l'État de la succession en déshérence

Cet article maintient le principe suivant lequel l'attribution à l'État, par droit de souveraineté, d'une succession sans héritier ou abandonnée n'est possible qu'après la procédure d'envoi en possession par le tribunal.

A l'instar du cas prévu par le 1° de l'article 809 pour les successions vacantes, l'absence d'héritier suppose l'absence de tout héritier ab intestat jusqu'au sixième degré non exhérédé, de tout légataire universel, ou d'un ensemble de légataires particuliers ou à titre universel qui recueilleraient la totalité de la succession.

Le tribunal demeurera, comme aujourd'hui, le tribunal de grande instance du ressort du lieu d'ouverture de la succession, même si cette mention, considérée comme de nature réglementaire, n'apparaît plus dans le code civil.

De même, le tribunal ne pourra se prononcer avant un certain délai, renvoyé également au règlement alors qu'il est aujourd'hui fixé à trois mois et quarante jours -c'est-à-dire le délai minimal à partir duquel l'héritier pouvait être contraint de faire inventaire et de délibérer sur son option- par l'actuel article 770.

Seraient ainsi en partie reprises les dispositions, quelque peu redondantes :

- de l'article 768, selon lequel « à défaut d'héritiers, la succession est acquise à l'État » ;

- de l'article 769, à l'exception de ses trois derniers alinéas relatifs à la procédure de saisine du tribunal et de publicité de la demande d'envoi en possession, dont les dispositions revêtent un caractère réglementaire.

Seraient en revanche maintenues celles :

- de l'article 539, laissé inchangé par le projet de loi et aux termes duquel « les biens des personnes qui décèdent sans héritiers ou dont les successions sont abandonnées appartiennent à l'État » ;

- du troisième alinéa de l'article 724, prévoyant qu'à défaut d'héritiers ab intestat ou de légataires ou donataires universels, la succession est acquise à l'État, qui doit se faire envoyer en possession.

Alors que l'article 539 concerne les biens considérés isolément, l'article 724 vise la succession dans son ensemble.

Art. 811-1 du code civil : Obligation de procéder à l'inventaire de la succession en déshérence

Cet article prévoit que l'autorité administrative compétente doit, après l'envoi en possession de l'Etat, faire procéder à l'établissement de l'inventaire prévu à l'article 809-2.

Il reprend les dispositions de l'actuel article 769, à l'exception de la mention de l'obligation d'apposer des scellés. Celle-ci ne sera pas supprimée pour autant, mais sera précisée par un texte réglementaire, de la même manière que les modalités de l'inventaire obligatoire. Les modalités facultatives d'apposition des scellés après l'ouverture d'une succession sont pour leur part actuellement définies par les articles 1304 et suivants du nouveau code de procédure civile.

Le premier alinéa de l'article L. 74 du code du domaine de l'État permet ensuite à l'administration des domaines d'« aliéner, dans la forme ordinaire des ventes des biens de l'État, tous les biens et valeurs provenant des successions en déshérence, immédiatement après l'envoi en possession prononcé par le tribunal de grande instance . »

Sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale a précisé que l'autorité administrative compétente était l'administration chargée des domaines.

Votre commission vous soumet un amendement ayant pour objet de préciser que l'inventaire des biens d'une succession en déshérence doit être réalisé dans les mêmes conditions que celui des biens d'une succession vacante.

Art. 811-2 du code civil : Fin de la déshérence en cas d'acceptation par un héritier

Cet article donne une base légale au principe selon lequel l'envoi de l'État en possession n'empêche pas un héritier de réclamer la succession, s'il l'accepte.

Cette condition impose soit que le délai de prescription -désormais décennal avec le projet de loi- ne soit pas atteint, soit, ainsi qu'il est prévu par le nouvel article 782, que l'héritier se prévalant de cette qualité puisse lui-même apporter la preuve qu'il avait déjà accepté la succession avant la prescription.

Ce principe d'éviction de l'État par un successeur, analogue à celui de l'action en revendication de la propriété d'un bien détenu par un tiers, n'est aujourd'hui posé que par un texte réglementaire 61 ( * ) complété par la jurisprudence, qui admettent la faculté, dans le délai de prescription actuellement en vigueur, soit trente ans, pour l'héritier d'intenter une action en pétition d'hérédité contre l'État.

En revanche, cette faculté d'éviction sera, à l'avenir, plus limitée qu'aujourd'hui :

- l'État pourra engager l'action interrogatoire à l'endroit des héritiers connus, conformément au nouvel article 771, pour obtenir soit une option expresse, soit l'acceptation tacite pure et simple à l'issue du délai pour opter après la sommation ;

- le délai de prescription pour réclamer une succession serait ramené de trente à dix ans ;

- en application du nouvel article 807, l'héritier qui aura renoncé ne pourra plus révoquer cette renonciation en acceptant purement et simplement, si l'État a déjà été envoyé en possession.

Art. 811-3 du code civil : Responsabilité de l'État

Cet article reprend, en actualisant leur rédaction, les dispositions de l'actuel article 772 qui imposent à l'État le paiement de dommages et intérêts en cas d'engagement de sa responsabilité découlant du non-respect des formalités qui s'imposent à lui dans la procédure de déshérence.

Ce dispositif correspond au principe général suivant lequel le possesseur de bonne foi n'est comptable que des choses dont il s'est enrichi, seul le possesseur de mauvaise foi devant rendre l'héritier éventuel indemne et restituer la totalité des fruits indûment perçus.

Dans le cas présent, l'administration des domaines ne sera présumée de mauvaise foi que si elle n'a pas respecté les formalités de l'envoi en possession et de l'inventaire.

Dans le cas contraire, elle sera seulement tenue, ainsi que le prévoit l'article L. 75 du code du domaine de l'État, de restituer les biens qui seraient encore en sa possession, dans l'état où ils se trouvent, et de rembourser le prix de la cession des biens de la succession qu'elle aurait vendus.

CHAPITRE VI - DE L'ADMINISTRATION DE LA SUCCESSION PAR UN MANDATAIRE

Le projet de loi, poursuivant son objectif de simplification et de raccourcissement de la durée des règlements successoraux, insère dans le titre Ier du livre III du code civil un nouveau chapitre VI relatif à l'administration de la succession par un tiers mandaté à cet effet comprenant trois sections, respectivement consacrées :

- au nouveau mandat à effet posthume , le futur de cujus choisissant de son vivant un mandataire chargé de gérer la succession pour le compte de tout ou partie de ses héritiers (art. 812 à 812-8) ;

- au mandat conventionnel , qui permet aux héritiers de désigner un tiers ou l'un d'eux après l'ouverture de la succession, conformément au droit en vigueur (art. 813) ;

- au mandat successoral désigné en justice , qui permet de faire nommer un tiers en justice en présence de successions difficiles (art. 813-1 à 814-1).

Ces différentes dispositions, conjuguées avec celles réformant la gestion de l'indivision, devraient permettre une meilleure administration des indivisions successorales et éviter la perte de valeur des biens successoraux.

Dispositions du projet de loi relatives aux mandataires
et à l'exécuteur testamentaire

Mandat posthume

Mandat judiciaire

Mandat conventionnel

Exécuteur testamentaire

Mandat

Le futur défunt

Le juge peut désigner un mandataire successoral représentant l'ensemble des héritiers dans la limite des pouvoirs qui lui sont conférés.

Les héritiers d'un commun accord.

NB.- Le mandat conventionnel n'est envisageable qu'en cas d'acceptation pure et simple des héritiers.

NB.- Lorsque l'un des héritiers a accepté la succession à concurrence de l'actif, le mandataire est désigné en justice. Le juge nomme alors une personne qualifiée en qualité de mandataire. Il s'agit d'un mandat successoral soumis aux règles des articles.

- 126 -

Le testateur.

Mandataire

Une ou plusieurs personnes

Toute personne qualifiée désignée par le juge à la demande :

- d'un héritier ;

- d'un créancier ;

- de toute personne intéressée ;

- du ministère public.

NB.- Le notaire commis pour préparer les opérations de partage peut également être désigné par le juge comme mandataire successoral. Le juge fixe la durée de cette mission.

NB.- En cas d'acceptation à concurrence de l'actif : à la demande de l'héritier, toute personne qualifiée peut être désignée par le juge, à l'effet de le substituer dans la charge d'administrer et liquider.

Toute personne (héritier ou tiers).

- Une ou plusieurs personnes.

- S'il y a plusieurs exécuteurs testamentaires acceptant, l'un d'eux peut agir à défaut des autres sauf dispositions contraires du défunt.

Forme

Le mandat doit être donné et accepté en la forme authentique . Cette acceptation doit intervenir avant le décès du mandant

Il s'agit d'une « représentation judiciaire ». Ce mandat n'a pas une origine conventionnelle.

C'est le juge qui désigne le mandataire.

La décision désignant le mandataire successoral est enregistrée et publiée.

Régie par le droit commun du mandat.

Nomination de l'exécuteur testamentaire dans le testament.

Pouvoirs

Administrer ou gérer tout ou partie de la succession du mandant pour le compte et dans l'intérêt d'un ou de plusieurs héritiers.

Dispositions générales

Le mandataire :

- administre provisoirement la succession ;

- accomplit des actes

. purement conservatoires

. de surveillance

. d'administration provisoire de la succession.

NB.- Dans la limite des pouvoirs qui lui sont conférés, le mandataire successoral représente l'ensemble des héritiers pour les actes de la vie civile et en justice.

NB.- Le mandataire successoral exerce ses pouvoirs alors même qu'il existe un mineur ou un majeur protégé parmi les héritiers.

NB.- Le paiement fait entre les mains du mandataire successoral est valable.

Cas particuliers

- Tant qu'aucun héritier n'a accepté la succession, le juge peut autoriser tout autre acte que requiert, dans l'urgence, l'intérêt de la succession. Il peut même d'office autoriser le mandataire successoral à dresser un inventaire dans les formes de l'article 789.

- En cas d'acceptation pure et simple par un ou plusieurs héritiers et par d'autres à concurrence de l'actif, le juge peut également autoriser le mandataire à effectuer :

- l'ensemble des actes d'administration de la succession ;

- et à tout moment les actes de disposition rendus nécessaires pour la bonne administration de la succession, aux prix et stipulations qu'il détermine.

Administrer la succession
du défunt.

Pouvoirs généraux

L'exécuteur doit veiller à l'exécution des volontés du testateur. A cet égard :

- il intervient pour soutenir la validité ou exiger l'exécution des dispositions litigieuses ;

- il prend des mesures conservatoires utiles à la bonne exécution du testament ;

- il peut faire procéder à l'inventaire de la succession en présence ou non des héritiers, après les avoir dûment appelés ;

- 127 -

- il peut provoquer la vente du mobilier à défaut de liquidités suffisantes pour acquitter les dettes urgentes de la succession.

Pouvoirs accrus : une saisine spéciale

Le testateur peut charger l'exécuteur testamentaire de procéder lui-même à l'exécution de ses dernières volontés.

Il peut habiliter l'exécuteur testamentaire à prendre possession, en tout ou partie du mobilier de la succession et à le vendre s'il est nécessaire pour acquitter les legs particuliers dans la limite de la quotité disponible.

En l'absence d'héritiers réser-vataires acceptant , l'exécuteur testamentaire peut être habilité à :

- disposer en tout ou partie des immeubles de la succession ;

- recevoir et placer les capitaux ;

- payer les dettes et charges ;

- attribuer ou partager les biens substituant entre les héritiers et les légataires.

Conditions

Le mandat doit être justifié par un intérêt sérieux et légitime, précisément motivé.

Le mandataire est désigné en raison :

- de l'inertie, la carence, la faute d'un ou de plusieurs héritiers dans l'administration de la succession ;

- de la mésentente des héritiers ;

- d'une opposition d'intérêts entre les héritiers ;

- de la complexité de la situation successorale.

NB.- Les actes accomplis par le mandataire successoral dans le cadre de sa mission et visés à l'article 813-4 sont sans effet sur l'option héréditaire.

Droit commun

( le mandat est régi par les articles 1984 à 2010 du Code civil ).

Aucune condition n'est expressément prévue par le texte.

Durée

Principe : Sa durée ne doit pas excéder deux ans.

Exceptions : il peut être à durée indéterminée lorsqu'il est donné en raison, soit :

- de l'incapacité ;

- de l'âge du ou des héritiers ;

- de la nécessité de gérer des biens professionnels ;

- de la nécessité de posséder des compétences spécifiques pour administrer ou gérer le patrimoine.

Fixée par le jugement.

Durée déterminée ou indéterminée.

Mais il ne peut être perpétuel.

- 128 -

Habilitations spécifiques des articles 1030-1 et 1030-2 (saisine spéciale) : pas plus de 2 ans à compter du décès sauf prorogation par le juge.

NB.- Cette prorogation ne peut ex céder un an.

Rémunération

Le mandat est gratuit sauf stipulation contraire figurant dans le mandat.

La rémunération éventuelle correspond à une part des fruits et revenus perçus par l'héritier et résultant de la gestion et de l'administration du mandataire.

A défaut, elle peut prendre la forme d'un capital.

Possibilité de révision judiciaire en cas d'excès ou d'atteinte à la réserve.

Aucune précision dans le texte.

Le mandat est gratuit, sauf convention contraire.

En principe mission gratuite

Sauf libéralité rémunératoire.

NB.- Les fais supportés par l'exécuteur testamentaire dans l'exercice de sa mission sont à la charge de la succession.

Cessation de mandat

Le mandat prend fin :

- à l'arrivée du terme prévu ;

- à la dissolution judiciaire (disparition de l'intérêt sérieux et légitime, mauvaise exécution et mauvaise gestion) ;

- à la conclusion d'un mandat conventionnel entre les héritiers et le mandataire titulaire du mandat à effet posthume ;

- à l'aliénation de tous les biens concernés ;

- au décès ou à la mise sous mesure de protection du mandataire ou de l'héritier concerné ;

- à la renonciation du mandataire.

NB.- Un même mandat donné pour le compte de plusieurs héritiers ne cesse pas entièrement pour une cause d'extinction ne concernant que l'un d'eux.

NB.- La renonciation du mandataire est notifiée aux héritiers ou à leurs représentants. Sauf convention contraire, elle ne prend effet qu'à l'issue d'un délai de trois mois à compter de cette notification.

Le mandat cesse :


De plein droit par l'effet :

- d'une convention d'indivision ;

- de la désignation du notaire pour préparer les opérations de partage .


Par décision du juge en cas de manquement caractérisé du mandataire dans l'exercice de sa mission.

Le mandat prend fin :

- par la révocation du mandataire ;

- par la renonciation de celui-ci au mandat ;

- par la mort, la tutelle des majeurs ou la déconfiture du mandant ou du mandataire.

Le mandant peut révoquer sa procuration dans les conditions des actuels articles 2004 à 2006 du code civil.

Sa mission prend fin :

- au plus part deux ans après l'ouverture du testament sauf prorogation du juge ;

- par le décès de l'exécuteur testamentaire ;

- 129 -

- par décision du tribunal pour motifs graves.

Obligations du mandataire

En fin de mandat, il rend compte aux héritiers concernés ou leurs représentants de l'ensemble des actes accomplis.

En cas de décès, cette obligation incombe à ses héritiers.

Le mandataire a l'obligation de :

- à tout moment, laisser les héritiers qui en font la demande, consulter les documents afférents à l'administration de la succession ;

- chaque année et à la fin de sa mission, remettre au juge et sur demande à chaque héritier un rapport sur l'administration de la succession.

Actuels art. 1991 à 1997 :

Accomplir le mandat et rendre compte de sa gestion.

- Rendre compte de sa mission dans les six mois de son terme.

- Assumer la responsabilité d'un mandataire à titre gratuit.

NB.- S'il accepte la mission, l'exécuteur testamentaire est tenu de l'accomplir.

Hiérarchie des pouvoirs des différents mandataires

Le mandataire posthume agit sous réserve des pouvoirs de l'exécuteur testamentaire.

Son mandat prend fin à la mise sous mesure de protection de l'héritier concerné (et du mandataire).

NB.- Il prend fin également par la conclusion d'un mandat conventionnel entre les héritiers et le mandat à effet posthume.

Le mandataire agit sous réserve des pouvoirs d'un administrateur de l'indivision désigné en application de l'alinéa 3 de l'article 815-6, ou du mandataire posthume ou encore de l'exécuteur testamentaire.

Voir colonne ci-contre.

Voir colonne ci-contre.

SECTION 1 - Du mandat à effet posthume

Le projet de loi procède à une innovation substantielle en introduisant un mécanisme similaire à la fiducie .

La fiducie, définie comme l'acte par lequel une personne (le constituant ou fiduciant) transfère à une autre (le fiduciaire) la propriété temporaire de certains biens avec pour mission d'en faire un usage convenu et d'agir dans un but déterminé, en vue de la restitution de ces biens au profit d'un bénéficiaire ou du constituant lui-même, permettrait par exemple au futur défunt de désigner un « successeur temporaire », en attendant de savoir quel héritier serait le plus apte à reprendre l'entreprise qu'il possède et dirige, ou jusqu'à ce qu'un héritier ait atteint un niveau d'études souhaité.

Cependant, contrairement au fiduciaire, le mandataire posthume n'aura aucun droit de propriété sur les biens et ne pourra pas accomplir d'acte de disposition .

Le mandat à effet posthume se distingue par ailleurs très nettement du mandat classique. Il prend effet lorsque le mandat classique s'interrompt, au décès du mandant (art. 2003), et est passé par ce dernier pour le compte d'un tiers, sans obligation d'information de ce dernier avant le décès du mandant.

Sa portée est considérablement étendue par rapport aux hypothèses très limitées acceptées par la jurisprudence en considération de la nature de la mission depuis le XIX e siècle -comme le mandat de retrait d'argent sur un compte bancaire après le décès. Il trouvera principalement à s'exercer en présence, d'une part, d'un patrimoine successoral complexe ou comprenant une entreprise, d'autre part, d'héritiers trop jeunes ou trop inexpérimentés. Il pourra durer des années.

Il convient donc d'encadrer le recours au mandat à effet posthume, afin de s'assurer qu'il réponde aux intérêts des héritiers et non du mandataire et qu'il n'aboutisse pas à ce que « le défunt continue de gérer la succession depuis sa tombe ».

Il faut toutefois observer qu'il parait plus opportun de prévoir à l'avance la gestion de la succession par une personne compétente et motivée, plutôt que de laisser le juge désigner un mandataire qui ne connaît pas l'entreprise ultérieurement.

Paragraphe 1 - Les conditions du mandat à effet posthume

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, modifié l'intitulé de cette section, relative aux conditions de validité du mandat, mais aussi à ses effets.

Art. 812 du code civil : Définition du mandat à effet posthume

L'article 812 modifié par le projet de loi prévoit que toute personne peut donner à une ou plusieurs personnes mandat d' administrer ou de gérer , sous réserve des pouvoirs confiés à l'exécuteur testamentaire, tout ou partie de sa succession pour le compte et dans l'intérêt d'un ou de plusieurs héritiers .

Son périmètre est donc très souple, puisqu'il peut ne concerner que certains héritiers, par exemple des incapables, mineurs ou majeurs, et une partie seulement de la succession, par exemple une entreprise.

De même, la succession peut être administrée par plusieurs mandataires à effet posthume, en fonction de sa consistance (entreprise, portefeuille de valeurs mobilières, immeubles en location). Cependant, il est précisé qu'en cas de concurrence, la compétence de l'exécuteur testamentaire prime 62 ( * ) .

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, précisé que :

- le mandataire pourrait être une personne physique ou morale. Il serait ainsi possible de confier le mandat posthume à une association ou à une fondation, éventuellement créée à cet effet ;

- le mandat devrait identifier les héritiers dans l'intérêt desquels il serait prévu.

Compte tenu de l'importance de cette innovation, et du risque de dépossession de fait des héritiers qu'elle implique, votre commission vous propose de mieux l'encadrer, en précisant par amendement que le mandataire :

- peut être un héritier ;

- doit jouir de la pleine capacité civile et ne pas être frappé d'une interdiction de gérer lorsque des biens professionnels sont compris dans le patrimoine successoral.

Elle vous propose également d'introduire un article additionnel après l'article 812 afin de préciser, comme c'est le cas s'agissant du mandataire successoral désigné en justice à l'article 813-5, que le mandataire à effet posthume exerce ses pouvoirs même en présence de mineurs ou de majeurs protégés parmi les héritiers.

Le mandat serait ainsi opposable au représentant de l'incapable, le mandataire devant cependant lui rendre compte. Cela présente l'avantage de la continuité immédiate de la gestion lors du décès, sans devoir attendre la mise en place de la mesure de protection (surtout s'il faut ouvrir une tutelle pour un mineur orphelin). Cela évite aussi, en cas de mise en place d'une tutelle d'un majeur, de mettre fin à un mandat satisfaisant pour cette seule raison.

Il serait néanmoins possible de contester le mandat en invoquant l'absence d'intérêt légitime du fait de la protection juridique (par exemple si le parent survivant démontre son aptitude à gérer les biens dans l'intérêt des mineurs dans le cadre de l'administration légale sous contrôle judiciaire) ou l'incompétence du mandataire (auquel cas le juge des tutelles tranchera, ainsi que le prévoit la modification introduite à l'article 812-4 par l'Assemblée nationale).

Art. 812-1 du code civil : Conditions de validité du mandat à effet posthume

Le premier aliéna du texte proposé pour l'article 812-1 par le projet de loi prévoit que le mandat à effet posthume doit être justifié par un intérêt sérieux et légitime précisément motivé .

Cette notion d'intérêt sérieux et légitime a déjà été précisée par la jurisprudence s'agissant de justifier une clause d'inaliénabilité accompagnant une libéralité (art. 901). Répondent ainsi notamment à cette exigence des motifs de prévoyance tenant au jeune âge du gratifié ou au désir de le protéger contre sa prodigalité 63 ( * ) .

Le deuxième alinéa encadre ensuite la durée du mandat à compter du décès du mandant, en prévoyant :

- une durée de droit commun ne pouvant excéder deux ans , sans possibilité de prorogation ni de raccourcissement ;

- une possibilité de durée indéterminée dérogatoire dans quatre hypothèses limitativement énumérées : l'incapacité, l'âge du ou des héritiers, la nécessité de gérer des biens professionnels ou de posséder des compétences spécifiques pour administrer ou gérer le patrimoine (comme un brevet professionnel pour reprendre une entreprise artisanale avec plusieurs salariés par exemple).

Le troisième alinéa prévoit en outre que le mandat à effet posthume doit être donné et accepté sous forme authentique .

Cette solennité se justifie par le fait que le mandat à effet posthume prive les héritiers de la liberté de la gestion de leur héritage. Elle poursuit en outre un double objectif :

- s'assurer que les parties ont reçu un conseil émanant d'un professionnel du droit des successions, pour éviter que le mandat soit recopié à partir d'un modèle ou comporte des dispositions obscures ou hasardeuses susceptibles de devoir être interprétées par le juge ;

- faire bénéficier le mandat posthume de la force juridique attachée aux actes authentiques, notamment en matière d'annulation, afin de mieux respecter les volontés du défunt. En effet, l'acte authentique ne peut être remis en cause que par la procédure de l'inscription de faux, contrairement à l'acte sous seing privé, même enregistré, la formalité de l'enregistrement ne faisant que conférer date certaine sans effet direct sur le contenu de l'acte. Le recours à l'acte authentique permet ainsi d'éviter des actions en nullité.

Enfin, le quatrième et dernier alinéa de cet article précise que le mandat à effet posthume doit être accepté par le mandataire du vivant du mandant . L'objectif de ce mandat est en effet précisément d'éviter des situations « d'incertitude » au décès du mandant.

L'Assemblée nationale a souhaité, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, apporter un certain nombre de précisions afin de mieux encadrer ce nouveau mandat. Quoique très attendu par les représentants des entreprises, il a suscité certaines inquiétudes, exprimées notamment par le professeur Pierre Catala lors de son audition par votre rapporteur.

S'agissant de la notion d' intérêt sérieux et légitime , l'Assemblée nationale a tout d'abord prévu qu'il devrait être motivé au regard de la personne de l'héritier ou du patrimoine successoral, ceci valant pour tous les mandats à effet posthume, qu'ils soient à durée déterminée ou indéterminée.

S'agissant du mandat à durée déterminée, l'Assemblée nationale a ensuite permis à un héritier ou au mandataire de saisir le juge d'une demande de prorogation du mandat , sans limiter le nombre de prorogations. Cet assouplissement paraît opportun.

S'agissant des hypothèses autorisant le mandat à durée indéterminée, elle a visé l'inaptitude , et non l'incapacité des personnes, en estimant trop restrictive la notion d'incapacité, qui renvoie aux régimes de protection prévus par le code civil.

Enfin, l'Assemblée nationale a souhaité préciser que si le mandataire devait avoir accepté le mandat du vivant du mandant, tous deux pourraient renoncer au mandat après avoir notifié leur décision à l'autre partie préalablement au décès du mandant. Cette précision, qui s'inspire de l'article 2004, n'apparaît pas forcément indispensable, puisque l'Assemblée nationale a par ailleurs introduit un article additionnel 812-1-3 afin de soumettre le mandat à effet posthume aux dispositions des articles 1984 à 2010, relatifs au mandat, qui ne sont pas incompatibles avec les dispositions de la présente section. Notons qu'une fois le mandat commencé, le mandataire pourrait également y renoncer sous réserve de notifier cette décision trois mois avant qu'elle ne prenne effet (art. 812-7).

Si votre commission approuve la plupart de ces ajouts, elle vous propose en revanche par amendement de supprimer la mention des compétences spécifiques pour administrer ou gérer le patrimoine, et de remplacer le mandat à durée indéterminée autorisé dans certaines hypothèses par un mandat à durée déterminée de cinq ans prorogeable. En effet, cette durée indéterminée paraît très contestable, même si l'article 812-6 prévoit la possibilité d'y mettre fin en cas de disparition de l'intérêt sérieux et légitime qui le justifiait.

Art. 812-1-1 du code civil : Maintien de l'option héréditaire

L'Assemblée nationale a introduit, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, un article additionnel tendant à préciser que les actes réalisés par le mandataire dans le cadre de sa mission sont sans effet sur l'option successorale.

Cette disposition s'inspire de celle prévue par l'article 813-6 s'agissant du mandataire successoral désigné en justice et constitue une mesure de protection des héritiers, qui ne doivent pas être entraînés dans une acceptation pure et simple par les actes du mandataire posthume.

Art. 812-1-2 du code civil : Pouvoirs du mandataire posthume

L'Assemblée nationale a en outre, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, inséré un article 812-1-2 dans le code civil afin de prévoir que tant qu'aucun héritier n'a accepté la succession, le mandataire ne peut effectuer que les actes conservatoires mentionnés à l'article 785 modifié. Il ne pourrait donc effectuer aucun acte de disposition.

Il semble opportun d'étendre les pouvoirs du mandataire dans cette hypothèse.

En effet, en vertu du projet de loi, une telle situation peut perdurer 10 ans en l'absence de sommation des héritiers, alors même que le mandataire ne peut exercer cette action interrogatoire.

Votre commission vous propose donc d' autoriser par amendement le mandataire à accomplir des actes de surveillance et d'administration provisoire et à demander au juge l'autorisation d'accomplir tout autre acte que requiert l'intérêt de la succession .

Art. 812-1-3 du code civil : Applicabilité des dispositions relatives au mandat

L'Assemblée nationale a enfin introduit, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, un article 812-1-3 dans le code civil précisant que les dispositions de droit commun relatives au mandat (art. 1984 à 2010) s'appliquent au mandat à effet posthume dès lors qu'elles ne sont pas contraires à son régime spécifique.

Paragraphe 2 - De la rémunération du mandataire
Art. 812-2 du code civil : Détermination de la rémunération du mandataire à effet posthume

Cet article pose comme principe que le mandat est gratuit sauf convention contraire , à l'instar du mandat de droit commun (art. 1986).

Le mandat doit déterminer précisément la rémunération éventuelle, qui peut prendre deux formes :

- en principe , il s'agit d'une fraction des fruits et revenus perçus par l'hérédité et résultant de la gestion ou de l'administration du mandataire. Cette modalité présente l'avantage d'être versée régulièrement sans entamer le patrimoine de la succession et donc de ne pas léser les héritiers ;

- à défaut , c'est-à-dire en l'absence de fruits et de revenus suffisants, notamment si le patrimoine est composé principalement d'une entreprise déficitaire, la rémunération peut prendre la forme d'un capital . En effet, si l'on considère que le mandataire doit gérer une entreprise et est choisi en raison de ses compétences professionnelles, il paraît anormal de ne pas permettre sa rémunération en capital alors même que la société, en situation très difficile, ne peut distribuer de dividendes. Son intervention apparaît alors d'autant plus indispensable.

L'Assemblée nationale a, malgré l'avis défavorable de sa commission des lois, adopté un amendement de M. Alain Vidalies et des autres membres du groupe socialiste ayant reçu l'avis favorable du Gouvernement, qui prévoit que « la rémunération ne porte pas atteinte aux droits réservataires des héritiers ».

Votre commission vous propose d'autoriser une rémunération mixte (fruits et capital), comme cela est prévu par l'article 276 pour la prestation compensatoire en cas de divorce, et de supprimer l'ajout apporté par l'Assemblée nationale par coordination avec l'amendement qu'elle vous propose à l'article 812-3.

Art. 812-3 du code civil : Révision de la rémunération du mandataire à effet posthume

L'article 812-3 précise les deux hypothèses dans lesquelles les héritiers visés par le mandat ou leurs représentants peuvent obtenir la révision judiciaire de la rémunération du mandataire :

- lorsque la rémunération est excessive au regard de la durée du mandat ou de la charge en résultant (par exemple si le mandataire, payé sous forme de capital, renonce prématurément à son mandat) ;

- ou lorsque la rémunération porte atteinte à la réserve des héritiers , même si cette rémunération n'est pas excessive au regard de la durée ou de la charge du mandat. Bien que le texte ne le précise pas, il semble logique que tous les héritiers réservataires, qu'ils soient ou non concernés par le mandat, puissent engager cette action.

Votre commission vous propose plus simplement de prévoir par amendement que la rémunération du mandataire est une charge de la succession , afin de ne pas l'assimiler à une libéralité, et en conséquence de supprimer ce dispositif de révision spécifique. Cette charge ouvrirait droit à réduction lorsqu'elle avait pour effet de priver les héritiers de tout ou partie de leur réserve.

Paragraphe 3 - De la fin du mandat à effet posthume

Les articles 812-4 à 812-8 déterminent les modalités par lesquelles il est mis fin au mandat à effet posthume.

Art. 812-4 du code civil  : Fin du mandat à effet posthume

L'article 812-4 tel que rédigé par le projet de loi prévoit que le mandat prend fin :

- à l'arrivée du terme prévu , ce qui paraît évident. Ceci vise les hypothèses dans lesquelles il n'a pas été demandé de prorogation du mandat à durée déterminée ;

- en cas de renonciation du mandataire postérieure au décès du mandant 64 ( * ) ;

- en cas de dissolution judiciaire 65 ( * ) . L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, visé la révocation et non la dissolution judiciaire ;

- en cas de conclusion d'un mandat conventionnel entre les héritiers et le mandataire titulaire du mandat à effet posthume . A contrario, aucun mandat conventionnel ne pourrait être conclu avec une autre personne s'agissant des biens visés par le mandat à effet posthume tant que ce dernier subsisterait ;

- avec l'aliénation des biens mentionnés dans le mandat . En effet, le mandat se trouverait ainsi objet. L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, précisé que cette aliénation devait être le fait des héritiers des biens mentionnés dans le mandat. En effet, eux seuls, et non le mandataire, pourraient procéder à des actes de disposition. Les héritiers pourraient donc mettre fin au mandat à tout moment ;

- enfin, le projet de loi reprend la condition de droit commun d'extinction des mandats, à savoir le décès ou la mise sous mesure de protection du mandataire ou de l'héritier intéressé .

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, ajouté la dissolution du mandataire personne morale , par coordination avec un amendement précédent ouvrant aux personnes morales la fonction de mandataire à effet posthume.

Elle a cependant supprimé l'automaticité de la fin du mandat en cas de placement sous mesure de protection de l'héritier intéressé, en la subordonnant à une décision expresse du juge des tutelles . L'Assemblée nationale l'a en effet jugée contraire à l'esprit de ce dispositif, qui prévoit que l'incapacité de l'héritier justifie le mandat à effet posthume à durée indéterminée.

Votre commission vous propose de reprendre à cet article les dispositions prévues pour l'article 812-5, qui précisent que la révocation judiciaire intervient à la demande des héritiers intéressés en cas de disparition de l'intérêt sérieux et légitime ou de mauvaise exécution par le mandataire de sa mission , en les complétant afin d'autoriser le représentant de l'héritier à demander cette révocation et de préciser qu'il suffit d'un héritier pour faire cette demande, même en cas de pluralité d'héritiers intéressés.

Le projet de loi prévoit enfin qu'un mandat donné pour le compte de plusieurs héritiers ne cesse pas entièrement lorsque la cause d'extinction ne concerne que l'un d'eux.

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, transposé cette solution en cas de pluralité de mandataires .

Art. 812-5 du code civil : Révocation judiciaire du mandat

Cet article prévoit que les héritiers peuvent demander qu'il soit mis fin au mandat en cas de disparition de l'intérêt sérieux et légitime ou de mauvaise exécution par le mandataire de sa mission.

L'Assemblée nationale a précisé, à l'initiative de sa commission des lois avec l'avis favorable du Gouvernement, que la fin du mandat ne peut être demandée que par les héritiers au nom et pour le compte desquels il est prévu.

Votre commission vous soumet un amendement de suppression de cet article, par coordination avec l'amendement proposé à l'article 812-4.

Art. 812-6 du code civil : Conséquences de la révocation judiciaire du mandat

Cet article prévoit que la révocation pour cause de disparition de l'intérêt sérieux et légitime ne donne pas lieu à la restitution par le mandataire de tout ou partie des sommes perçues au titre de sa rémunération, sauf si elles ont été manifestement excessives eu égard à la durée ou à la charge effectivement assumée par le mandataire.

Le mandataire est donc préservé de la restitution des sommes perçues hormis des hypothèses très particulières qu'il appartient aux héritiers intéressés de prouver.

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, supprimé la condition de caractère « manifestement » excessif, par coordination avec la rédaction adoptée en matière d'action en révision.

Le second alinéa prévoit cependant que le mandataire peut être tenu de restituer tout ou partie des sommes perçues au titre de la rémunération lorsque la révocation est intervenue par suite d'une mauvaise gestion . Ceci correspond au droit commun des contrats et des mandats en cas de faute du mandataire.

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois, adopté un amendement de clarification afin de viser comme à l'article 812-5 une « mauvaise exécution de la mission » et non une « mauvaise gestion ».

Le projet de loi précise en outre que le mandataire peut être condamné à verser des dommages et intérêts.

Art. 812-7 du code civil : Renonciation du mandataire

Cet article vise l'hypothèse de la renonciation du mandataire une fois que le mandat a pris effet , et donc après le décès du mandant, contrairement à l'article 812-1.

Alors que le droit commun du mandat (art. 2007) prévoit une notification au mandant, ce qui est ici intrinsèquement impossible, le projet de loi prévoit que la renonciation doit faire l'objet d'une notification à chacun des héritiers ou à leurs représentants.

La renonciation ne prendrait effet qu'après un délai de trois mois , sauf convention contraire entre le mandataire et les héritiers ou leurs représentants. Cette convention permettrait d'augmenter comme de réduire le préavis, en fonction notamment de la nature des biens à gérer.

Le projet de loi précise enfin que le mandataire rémunéré par un capital peut être tenu de restituer tout ou partie des sommes perçues et être, le cas échéant, condamné à verser des dommages et intérêts en réparation d'un éventuel préjudice résultant de la renonciation anticipée au mandat et de son inexécution.

L'Assemblée nationale a une nouvelle fois, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, précisé que cette notification ne devait concerner que les héritiers intéressés par le mandat.

Art. 812-8 du code civil : Obligation de rendre compte du mandataire

Le projet de loi prévoit que le mandataire est tenu de rendre compte aux héritiers ou à leurs représentants de l'ensemble des actes accomplis en fin de mandat .

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, limité cette information aux héritiers intéressés, tout en prévoyant en outre une obligation d'information annuelle .

Elle a également prévu, à l'initiative de M. Alain Vidalies et des membres du groupe socialiste et avec l'avis favorable du Gouvernement, qu'en l'absence d'une telle information tout intéressé serait fondé à demander une résolution judiciaire du mandat.

Votre commission vous propose d'adopter un amendement rédactionnel et de prévoir que cette absence d'information permet de demander une révocation judiciaire et non une résolution judiciaire, qui présente un caractère rétroactif.

Enfin, le projet de loi met cette obligation d'information à la charge des héritiers du mandataire si le mandat prend fin par suite du décès de celui-ci.

SECTION 2 - Du mandataire désigné par la convention

Cette section comporte un article unique 813.

Art. 813 du code civil : Mandat conventionnel

Le premier alinéa de l'article 813 modifié rappelle que les héritiers peuvent, d'un commun accord, confier l'administration de la succession à l'un d'entre eux ou à un tiers. Ce mandat est alors régi par les articles 1984 à 2010 du code civil, relatifs au mandat conventionnel.

Alors que l'unanimité est requise pour conclure un mandat conventionnel, la modification des règles de gestion de l'indivision (art. 815-3) opérée par l'article 2 du projet de loi permettrait désormais de conclure un mandat conventionnel à la majorité des deux tiers.

Le mandat conventionnel subsiste donc en tant que mode d'administration de la succession à côté du mandat à effet posthume et du mandat successoral judiciaire.

Rappelons que ce mandat est l'acte par lequel le mandant donne au mandataire pouvoir de faire quelque chose en son nom. S'il doit être accepté par le mandataire, il peut être exprès ou tacite.

Le mandataire doit exécuter sa mission et répond de ses fautes. Il est tenu d'exécuter les engagements qu'il contracte conformément au pouvoir qui lui a été donné. Le mandant doit rembourser ses avances et frais et l'indemniser des pertes éprouvées dans la gestion.

Le mandat est gratuit sauf convention contraire, ce qui est le plus souvent le cas.

Il prend fin par la révocation du mandataire, par sa renonciation, par la mort, la tutelle des majeurs ou la déconfiture du mandant ou du mandataire. Le mandant peut révoquer sa procuration quand bon lui semble. La révocation ne peut être opposée aux tiers auxquels elle n'a pas été notifiée. Enfin, le mandataire peut renoncer au mandat en notifiant sa décision au mandant et doit le cas échéant l'indemniser du préjudice qu'il lui cause.

Le second alinéa prévoit que lorsque l'héritier a accepté la succession à concurrence de l'actif net , le mandataire est désigné selon les modalités de l'article 814-1, qui prévoit que l'héritier acceptant à concurrence de l'actif net peut demander au juge de désigner un mandataire successoral afin de le substituer dans la charge d'administrer et de liquider la succession. Le mandat est alors régi par les articles 813-1 à 814-1 modifiés relatifs au mandataire successoral désigné en justice.

L'Assemblée nationale a précisé, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, que cette désignation judiciaire était obligatoire, même si tous les héritiers étaient d'accord pour donner un mandat de droit commun. Elle a en outre supprimé la référence à l'article 814-1 afin de permettre à l'héritier acceptant à concurrence de l'actif net d'être le cas échéant désigné par le juge, par exemple s'il s'agit d'une personne qualifiée. En effet, dans cette hypothèse, il n'y a pas forcément de désaccord entre les héritiers.

SECTION 3 - Du mandataire successoral désigné en justice

La section 3 consacre la faculté de nommer en justice un mandataire pour administrer une succession bloquée. Elle comprend douze articles entièrement nouveaux.

Art. 813-1 du code civil : Désignation du mandataire successoral en justice

Cet article prévoit que le juge peut désigner toute personne qualifiée en qualité de mandataire successoral afin d'administrer provisoirement la succession dans certaines hypothèses.

Les motifs de désignation d'un mandataire successoral

Le projet de loi prévoit que la désignation d'un mandataire successoral peut être demandée en raison :

- de l'inertie, de la carence ou de la faute d'un ou plusieurs héritiers. En effet, la simple inertie de certains héritiers peut mettre leurs cohéritiers dans une situation délicate. La carence vise l'hypothèse dans laquelle un héritier dit taisant, sans s'opposer expressément à une décision, ne donne pas non plus son accord ;

- de la mésentente des héritiers entre eux ;

- d'une opposition d'intérêts entre héritiers, qui n'est pas nécessairement conflictuelle, mais exige l'intervention d'un tiers neutre. La jurisprudence admet la nomination d'un administrateur judiciaire lorsque l'héritier bénéficiaire mineur a pour tuteur un créancier de la succession, ou à la demande et pour la protection d'un autre créancier, ou encore en cas de conflit entre les successeurs 66 ( * ) ;

- de la complexité de la succession , notamment en présence de patrimoines importants et très diversifiés, de nombreux héritiers indirects ou de la coexistence d'un héritier acceptant à concurrence de l'actif net et d'un héritier acceptant purement et simplement.

Le projet de loi précise que le mandataire successoral doit être une personne qualifiée .

La qualification de la personne s'apprécie en fonction de la nature des biens successoraux (portefeuilles de valeurs mobilières, immeubles ou entreprise notamment). Aucune condition d'activité n'étant exigée, cette personne pourra être retraitée.

De même, il pourra s'agir d'un tiers ou d'un héritier, à condition que sa désignation soit incontestable vis-à-vis des cohéritiers. S'il appartient au président du tribunal de grande instance de désigner le mandataire, celui-ci pourra être proposé par l'un des héritiers.

L'Assemblée nationale a précisé, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, que cette personne qualifiée pourrait être une personne morale, afin d'inclure un cabinet d'avocats ou une étude notariale organisée en société.

Le deuxième alinéa de l'article 813-1 prévoit que cette désignation peut être demandée :

- par un héritier . Les héritiers subséquents sont exclus, seule l'action interrogatoire des héritiers inactifs leur étant ouverte ;

- par un créancier . En pratique, il s'agira des créanciers successoraux, afin de leur permettre notamment d'être réglés grâce à un partage efficace et rapide ;

- par le ministère public . Il pourra notamment être saisi par le notaire chargé de la succession ou pour toute autre raison d'ordre public ;

- ainsi que par toute autre personne intéressée .

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, complété cette liste en mentionnant les personnes qui assuraient, pour le compte de la personne décédée, l'administration de tout ou partie de son patrimoine de son vivant. Elle a en effet considéré que la réalité de leur intérêt pourrait être contestée, dans la mesure où le mandat qui leur avait été confié a pris fin avec le décès de leur mandant.

Art. 813-2 du code civil : Compatibilité des missions de mandataire successoral, mandataire chargé de l'indivision et mandataire à effet posthume et d'exécuteur testamentaire

Cet article précise les conditions dans lesquelles s'exerce la mission du mandataire successoral désigné en justice.

En effet, la désignation d'un mandataire successoral peut intervenir alors même qu'a déjà été désigné :

- un administrateur judiciaire de la succession indivise, en vertu de l'article 815-6 non modifié par le projet de loi, qui prévoit que le président du tribunal de grande instance peut désigner un indivisaire comme administrateur ;

- un mandataire à effet posthume , désigné par le de cujus pour administrer et gérer la succession pour le compte et dans l'intérêt d'un ou de plusieurs héritiers en vertu de l'article 812 modifié, qui précise uniquement que cette mission s'exerce « sous réserve des pouvoirs confiés à l'exécuteur testamentaire » ;

- un exécuteur testamentaire , désigné par le testateur en application de l'article 1025 modifié par l'article 16 du projet de loi. L'étendue de sa mission dépend de la volonté du testateur (art. 1028 à 1030-2). Il intervient pour soutenir la validité du testament ou exiger l'exécution des dispositions litigieuses et prend les mesures conservatoires utiles à l'exécution du testament. Il peut faire procéder à l'inventaire de la succession et provoquer la vente du mobilier à défaut de liquidités suffisantes pour acquitter les dettes urgentes de la succession. Le testateur peut également le charger de procéder lui-même à l'exécution de ses dernières volontés, l'habiliter à prendre possession en tout ou partie du mobilier de la succession et à le vendre (même à l'amiable) si nécessaire pour acquitter les legs particuliers. En l'absence d'héritier réservataire acceptant, le testateur peut l'habiliter à disposer des immeubles de la succession (toujours à l'amiable et sans contrôle judiciaire), à recevoir et placer les capitaux, à payer les dettes et les charges et à attribuer ou partager les biens subsistants entre héritiers et légataires.

Le projet de loi prévoit que les pouvoirs du mandataire successoral ne sont que subsidiaires . La volonté du défunt prévaut donc sur celle du mandataire nommé en justice après son décès.

L'Assemblée nationale a adopté, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, un amendement rédactionnel.

Art. 813-3 du code civil : Publicité de la décision de nomination

Le projet de loi prévoit que la décision de nomination du mandataire est enregistrée et publiée . Il s'agit d'assurer une publicité pour les tiers, notamment les créanciers de la succession. Il devrait s'agir de la même publicité que celle prévue pour la déclaration d'acceptation à concurrence de l'actif net par les articles 889 et 890 (publicité électronique) puisqu'elle s'adresse aux mêmes personnes.

Art. 813-4 du code civil : Pouvoirs du mandataire successoral

Le projet de loi prévoit que le mandataire ne peut effectuer que les actes conservatoires ou de surveillance et les actes d'administration provisoire , et qu'il procède notamment :

- au paiement des frais funéraires et de dernière maladie, des impôts dus par le défunt, des loyers et autres dettes successorales dont le règlement est urgent ;

- au recouvrement des fruits et revenus des biens successoraux et à la vente des biens périssables, à charge de justifier qu'il a employé les fonds à éteindre les dettes visées précédemment ou qu'il les a consignés ou déposés chez un notaire ;

- aux opérations courantes nécessaires à la continuation immédiate de l'activité de l'entreprise dépendant de la succession ;

- aux actes destinés à éviter l'aggravation du passif successoral.

Ses pouvoirs sont donc alignés sur la liste des actes que l'héritier peut accomplir sans emporter acceptation tacite de la succession, définie à l'article 785 modifié.

Le projet de loi prévoit ensuite que tant qu'aucun héritier n'a accepté la succession, le juge peut autoriser tout autre acte que requiert dans l'urgence l'intérêt de la succession. Il peut, même d'office, autoriser le mandataire successoral à dresser un inventaire dans les formes prescrites à l'article 789.

Par rapport au deuxième alinéa de l'article 785 modifié, la rédaction proposée par le projet de loi paraît poser deux conditions supplémentaires : cette faculté n'est prévue que pour autant qu'aucun héritier n'ait accepté et elle est soumise à une condition d'urgence.

Enfin, le texte prévoit que le juge peut, même d'office, autoriser le mandataire successoral à dresser un inventaire dans les formes prescrites à l'article 789 modifié, c'est-à-dire par l'intermédiaire d'un huissier, d'un notaire ou d'un commissaire-priseur judiciaire.

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, adopté un amendement de rédaction globale afin de :

- viser l'article 785 modifié pour plus de concision s'agissant des actes conservatoires, ce qui permet en outre de prendre en compte l'ajout opéré à cet article s'agissant de la possibilité de renouveler des baux qui, à défaut, donneraient lieu au paiement d'une indemnité et de mettre en oeuvre des décisions d'administration ou de disposition engagées par le défunt et nécessaires au bon fonctionnement de l'entreprise, cette catégorie ayant été ajoutée par l'Assemblée nationale ;

- supprimer la distinction entre les pouvoirs du mandataire en présence d'un héritier acceptant ou non, en prévoyant que ne sont visés que les pouvoirs du mandataire successoral tant qu'aucun héritier n'a accepté la succession ;

- prévoir que le juge peut autoriser tout autre acte que requiert l'intérêt de la succession, en supprimant la condition d'urgence , par coordination avec l'article 785 modifié ;

- préciser que le juge peut autoriser le mandataire successoral à dresser un inventaire ou le demander d'office.

Art. 813-5 du code civil : Représentation des héritiers

Le premier alinéa de cet article reprend les dispositions de la première phrase du premier alinéa de l'actuel article 1873-6 du code civil relatif aux pouvoirs du gérant conventionnel de l'indivision et prévoit que dans la limite des pouvoirs qui lui sont conférés, le mandataire successoral représente l'ensemble des héritiers pour les actes de la vie civile et en justice .

Il peut ainsi signer des contrats au nom de l'entreprise individuelle, déposer des déclarations d'impôts et ester en justice y compris à l'encontre, le cas échéant, de l'un des héritiers.

Le deuxième alinéa précise en outre que le mandataire exerce ses pouvoirs même en ce qui concerne les héritiers incapables mineurs ou majeurs.

Il peut enfin recevoir valablement les paiements au profit de la succession. Cette précision était nécessaire, l'article 1239 du code civil prévoyant que le paiement doit être effectué directement aux créanciers ou à la personne ayant reçu un pouvoir d'eux ou y étant autorisée par la justice ou par la loi.

Art. 813-6 du code civil : Effet sur l'option héréditaire

Cet article prévoit que les actes visés à l'article 813-4 accomplis par le mandataire successoral dans le cadre de sa mission sont sans effet sur l'option héréditaire.

Cette solution est logique, puisqu'il s'agit des actes conservatoires, de surveillance ou d'administration provisoire, ainsi que des autres actes autorisés par le juge dans l'intérêt de la succession, qui ne peuvent entraîner acceptation tacite de la succession lorsqu'ils sont effectués par un héritier.

Art. 813-7 du code civil : Dessaisissement du mandataire

Le projet de loi précise que le juge peut dessaisir le mandataire de sa mission en cas de manquement caractérisé dans l'exercice de celle-ci.

Si ce manquement peut être signalé par tout intéressé, le juge sera de toute façon informé annuellement par le mandataire de l'exécution de sa mission en vertu de l'article 813-8.

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, précisé les modalités de saisine du juge, en prévoyant qu'elle pourrait intervenir à la demande de toute personne intéressée ou du ministère public et que le juge désignerait alors un autre mandataire successoral , pour une durée qu'il définirait.

Art. 813-8 du code civil  : Obligation d'information

Le projet de loi prévoit que le mandataire doit rendre des comptes au juge qui l'a désigné et aux héritiers :

- ainsi, chaque héritier peut exiger du mandataire la consultation à tout moment des documents relatifs à l'administration de la succession, sans justification particulière ;

- chaque année et à la fin de la mission , le mandataire successoral doit remettre au juge et à chaque héritier qui le demande un rapport sur son administration.

Outre un amendement rédactionnel, l'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, précisé que le rapport annuel devait viser l'ensemble de l'exécution de la mission du mandataire et non uniquement l'administration de la succession, la mission du mandataire successoral pouvant excéder le cadre de l'administration de la succession fixé par l'article 814-1 qui prévoit qu'il peut être substitué à l'héritier acceptant à concurrence de l'actif net, à sa demande, pour administrer mais aussi liquider la succession.

Art. 813-9 du code civil : Durée et fin de la mission

Le premier alinéa de cet article prévoit que le jugement désignant le mandataire successoral fixe la durée de sa mission .

Cette durée devrait pouvoir être fixée en semaines ou en mois, mais aussi l'être par référence à l'accomplissement de la mission. Le mandat successoral devrait en effet s'achever en même temps que sa mission.

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, prévu une possibilité de prorogation de la mission du mandataire successoral à la demande de l'un de ceux à qui est ouverte la possibilité de demander la désignation d'un mandataire successoral -c'est-à-dire un héritier, un créancier, toute personne intéressée, toute personne qui assurait pour le compte du défunt l'administration de son patrimoine ou le ministère public.

Le second alinéa prévoit que la mission cesse de plein droit en cas de :

- conclusion d'une convention d'indivision entre les héritiers, ce qui est effectivement le signe d'une bonne entente des héritiers ;

- désignation d'un notaire commis pour préparer les opérations de partage.

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, substitué à cette désignation de notaire l'exigence d'une signature de l'acte de partage , en considérant que seule cette signature révélait la fin des difficultés.

Elle a en outre ajouté un troisième cas de cessation de plein droit de la mission du mandataire successoral en visant l'hypothèse où le juge constate l'exécution complète de la mission . Ce complément doit permettre de mettre fin à la mission du mandataire avant son terme si celle-ci est déjà intégralement exécutée (par exemple lorsque le règlement de la succession s'est révélé plus facile que prévu).

Le projet de loi ne précise pas comment serait rémunéré le mandataire successoral. Votre commission vous propose de remédier à cette lacune en prévoyant par amendement qu'il appartient au juge de fixer cette rémunération.

Art. 813-10 du code civil : Cumul des fonctions exercées par un notaire

Cet article prévoit que lorsqu'un notaire est commis pour préparer les opérations de partage, le juge qui le désigne peut le doter des pouvoirs du mandataire successoral pour faciliter sa mission , pour une durée qu'il fixe.

Le texte ne prévoit pas la possibilité de la proroger ou de la réduire si nécessaire. Cette possibilité est indépendante de la nature de l'acceptation du ou des héritiers.

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de M. Emile Blessig et malgré les avis défavorables du rapporteur de la commission des lois et du Gouvernement, supprimé cet article , en arguant d'une situation de conflit d'intérêts pour le notaire exerçant les deux fonctions.

En séance, M. Sébastien Huyghe, rapporteur de la commission des lois, a douté de ce risque et rappelé que le notaire, travaillant sous le contrôle du juge, pourrait le cas échant être dessaisi. Il a en outre souligné que la suppression de cette possibilité conduirait à nommer deux auxiliaires de justice et serait source de dépenses inutiles, notamment pour des successions à faible valeur d'actif.

Il a enfin indiqué que cet article n'empêchait pas d'autres professions d'être désignées mandataire successoral, la désignation du notaire ne constituant qu'une faculté pour le juge.

Art. 814 du code civil : Pluralité d'héritiers acceptants purs et simples et à concurrence de l'actif net

Le premier alinéa de cet article précise que lorsque la succession a été acceptée par un ou plusieurs héritiers purement et simplement et par d'autres à concurrence de l'actif net, le juge qui désigne le mandataire successoral peut autoriser celui-ci à effectuer l'ensemble des actes d'administration de la succession.

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, inclut le cas où le mandataire successoral est désigné par le juge en application de l'article 841-1, c'est-à-dire lorsque l'un des héritiers a accepté à concurrence de l'actif net et a lui-même demandé la désignation d'un mandataire successoral même en l'absence de blocage de la succession. Dans ce cas, le mandataire successoral doit disposer des mêmes pouvoirs que celui désigné à la demande d'un héritier, d'un créancier ou du ministère public en l'application de l'article 813-1 et en particulier pouvoir être autorisé par le juge à effectuer l'ensemble des actes d'administration de la succession ainsi que sous son contrôle des actes de disposition nécessaires à la bonne administration de la succession.

Le second alinéa prévoit que le juge peut également l'autoriser, à tout moment, à réaliser des actes de disposition rendus nécessaires pour la bonne administration de la succession, aux prix et stipulations qu'il détermine.

La mission confiée au mandataire excède alors la simple administration provisoire effectuée au lendemain du décès. A tout moment, le mandataire pourra donc demander à faire procéder à la vente de l'actif pour régler le passif. Le juge indiquera accepter ou non les conditions proposées par le mandataire.

Art. 814-1 du code civil : Cas particulier de l'héritier acceptant à concurrence de l'actif net

Le projet de loi prévoit en outre que l'héritier acceptant à concurrence de l'actif net peut en toute circonstance demander au juge de désigner toute personne qualifiée en qualité de mandataire successoral à l'effet de le substituer dans la charge d'administrer et de liquider la succession .

Le mandataire désigné disposera alors de pouvoirs étendus. Il recevra les déclarations de créances et règlera les créanciers, au besoin en procédant à la vente des actifs. Il administrera et liquidera la succession en lieu et place de l'héritier sans qu'il lui soit demandé de saisir le juge à chaque acte de disposition puisqu'il s'agit d'une acceptation à concurrence de l'actif net.

Cette disposition vise à remplacer la possibilité actuellement ouverte par l'article 802 à l'héritier bénéficiaire « d'abandonner tous les biens de la succession aux créanciers et aux légataires », qui doivent administrer la succession. En pratique, ce dispositif aboutit déjà à la désignation d'un administrateur judiciaire, notamment en cas de pluralité de créanciers.

Un créancier ou toute autre personne intéressée pourra demander la désignation d'un mandataire successoral sur le fondement de l'article 813 lorsque l'héritier à concurrence de la valeur de l'actif net commet des fautes dans son administration, mais n'a pas lui-même demandé la désignation d'un mandataire.

Votre commission vous propose d' adopter l'article premier ainsi modifié.

Article 2 (art. 815, 815-1 à 815-3 et 815-10 du code civil) - Dispositions relatives à l'indivision

L'article 2 du projet de loi introduit au sein du titre Ier relatif aux successions du livre III du code civil un nouveau chapitre consacré au régime légal de l'indivision, par opposition au régime conventionnel régi par le titre IX bis .

Le nouveau chapitre VII « Du régime légal de l'indivision » comprenant les articles 815 à 815-18 est divisé en quatre sections :

- la section 1 consacrée aux actes relatifs aux biens indivis comprend deux paragraphes relatifs respectivement aux actes accomplis par les indivisaires (art. 815-2 et 815-3) et aux actes autorisés en justice (art. 815-4 à 815-7) ;

- la section 2 consacrée aux droits et obligations des indivisaires comprend les articles 815-8 à 815-16 ;

- la section 3 consacrée au droit de poursuite des créanciers comprend l'article 815-17 ;

- et la section 4 consacrée à l'indivision en usufruit comprend l'article 815-18.

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, adopté un amendement rédactionnel concernant l'intitulé de ce chapitre.

Cette réforme était particulièrement attendue . En effet, les dispositions actuelles relatives à l'indivision font l'objet de critiques virulentes en raison de leur inadaptation et des blocages qu'elles entraînent fréquemment dans l'administration des successions.

L'indivision se caractérise en effet par la concurrence de droits de même nature exercée sur un même bien ou un ensemble de biens, qu'il s'agisse d'en user, d'en jouir ou d'en disposer. A l'ouverture de la succession, chaque héritier est propriétaire indivis des biens du défunt pour sa quote-part uniquement sans pouvoir exercer de droit privatif sur une partie déterminée (actuel art. 815-9).

Ce régime, conçu pour être provisoire en attendant le partage, n'est que peu encadré par le code civil, même si la loi n° 76-1286 du 31 décembre 1976 relative à l'organisation de l'indivision s'est efforcée de l'organiser.

Or, la multiplication des facultés d'obtenir le maintien de l'indivision, en particulier pour éviter le démembrement des exploitations 67 ( * ) , et la persistance de la pratique des indivisions, ont entraîné une mauvaise gestion des biens indivis, du fait de conflits et des blocages. Il est en effet difficile en pratique de recueillir l'accord de tous les indivisaires.

Le projet de loi tente donc de remédier à ces difficultés tout en respectant le droit de propriété de chaque indivisaire.

Art. 815 du code civil : Possibilité de mettre fin à l'indivision par partage

L'article 815 modifié reprend intégralement le premier alinéa de l'actuel article 815 qui affirme le droit au partage pour tout indivisaire . Ce droit permet de faire cesser l'indivision à tout instant sans avoir à le motiver.

Néanmoins, l'adage « Nul ne peut être contraint à demeurer dans l'indivision... », extrait de l'article 815, n'est pas absolu , puisqu'il peut y être sursis par jugement ou par convention 68 ( * ) .

Ainsi, l'article 820 modifié par l'article 4 du projet de loi prévoit que ce sursis peut être prononcé par le juge pour une durée maximale de deux ans si un partage immédiat risque de porter atteinte à la valeur des biens indivis ou si l'un des indivisaires ne peut reprendre une exploitation agricole, une entreprise commerciale, industrielle, artisanale ou libérale qu'à l'expiration de ce délai. De même, les coindivisaires peuvent conclure une convention d'indivision interdisant le partage.

En outre, le maintien dans l'indivision peut être décidé par le juge ou par un accord entre les indivisaires.

Les articles 821 à 824 modifiés par l'article 4 du projet de loi précisent ces modalités qui concernent l'exploitation agricole, toute entreprise commerciale, industrielle, artisanale ou libérale, ainsi que le local d'habitation ou à usage professionnel. Le maintien dans l'indivision peut être prescrit pour une durée maximale de cinq ans et renouvelé en présence de descendants mineurs jusqu'à la majorité du plus jeune des descendants et en absence de descendants mineurs jusqu'au décès du conjoint survivant.

L'article 1873-2 non modifié par le projet de loi prévoit que les coindivisaires peuvent convenir de demeurer dans l'indivision.

Les deuxième et troisième alinéas actuels de l'article 815 relatifs aux facultés de maintien judiciaire et de partage partiel sont déplacés aux articles 820 et 824 modifiés par l'article 4 du projet de loi.

Art. 815-1 du code civil : Possibilité de passer des conventions d'indivision

L'article 815-1 modifié fait référence dans le chapitre consacré au régime légal de l'indivision au régime conventionnel de l'indivision, et précise que les indivisaires peuvent passer des conventions afin de déterminer l'exercice de leurs biens indivis conformément aux articles 1873-1 à 1873-18 du code civil.

Ces articles prévoient notamment que :

- des conventions de maintien dans l'indivision peuvent être signées pour une durée déterminée de cinq ans maximum renouvelable ou pour une durée indéterminée, le partage pouvant dans ce dernier cas être demandé à tout moment, pourvu que ce ne soit pas de mauvaise foi ou à contretemps (art. 1873-2 et 1873-3) ;

- les coindivisiaires peuvent nommer un gérant (art. 1873-5 à 1873-10) ;

- les indivisaires peuvent prévoir, en l'absence d'incapables, que certaines catégories de décisions seront prises autrement qu'à l'unanimité. Toutefois, aucun immeuble indivis ne peut être aliéné sans l'accord de tous les indivisaires (art. 1873-8) ;

- en cas d'aliénation de tout ou partie des droits d'un indivisaire dans les biens indivis, les coindivisaires bénéficient de droits de préemption et de substitution (art. 1873-12).

Les dispositions de l'actuel article 815-1 relatives au maintien de l'indivision sont déplacées à l'article 821 modifié par l'article 4 du projet de loi.

Art. 815-2 du code civil : Mesures conservatoires

L'actuel article 815-2 du code civil permet à un seul indivisaire de prendre les mesures nécessaires à la conservation des biens indivis .

La jurisprudence a précisé que ces mesures devaient être nécessaires et urgentes, et en particulier justifiées par un péril imminent, et ne pas compromettre sérieusement le droit des indivisaires.

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois, adopté un amendement tendant à modifier l'article 815-2 afin de préciser que ces mesures conservatoires peuvent être prises même si elles ne présentent pas un caractère d'urgence, cette exigence risquant de nuire à l'objectif de conservation des biens. En effet, un entretien régulier des biens indivis est préférable à la réparation de dommages causés par l'inaction.

Art. 815-3 du code civil : Gestion des biens indivis

En revanche, l'actuel article 815-3 impose le consentement unanime des indivisaires pour les actes d'administration 69 ( * ) et de disposition 70 ( * ) .

Il impose également l'unanimité pour donner à l'un ou à plusieurs d'entre eux un mandat général d'administration. Un mandat spécial est requis pour tout acte qui ne ressortit pas à l'exploitation normale des biens indivis ainsi que pour la conclusion et le renouvellement des baux.

Afin d'atténuer cette rigidité, la loi du 31 décembre 1976 a prévu un certain nombre de palliatifs, qui présentent cependant l'inconvénient de nécessiter un recours au juge. L'actuel article 515-5 prévoit ainsi qu'un indivisaire peut être autorisé en justice à passer seul un acte pour lequel le consentement d'un coindivisaire serait nécessaire si le refus de celui-ci met en péril l'intérêt commun. De même, l'actuel article 815-6 prévoit que le président du tribunal de grande instance peut prescrire ou autoriser toutes les mesures urgentes que requiert l'intérêt commun

Le projet de loi tend à assouplir la règle de l'unanimité , très protectrice du droit de chaque indivisaire, mais qui conduit souvent à une mauvaise gestion des biens ou à un recours fréquent au juge pour surmonter la paralysie, en prévoyant que certains actes pourront être accomplis à la majorité des deux tiers .

Cette majorité qualifiée permettra désormais en l'absence de convention d'indivision :

- d'effectuer les actes d'administration relatifs aux biens indivis ;

- de donner un mandat général d'administration à l'un ou plusieurs des indivisaires ou à un tiers ;

- de vendre les meubles indivis pour payer les dettes et charges de l'indivision . Contrairement à l'actuel article 826 qui ouvre déjà à la majorité des cohéritiers cette faculté, la vente pourra être faite de gré à gré et non publiquement, ce qui constitue une mesure de simplification appréciable.

Le projet de loi maintient en revanche la règle de l'unanimité pour tout acte qui ne ressortit pas à l'exploitation normale des biens indivis, pour conclure et renouveler les baux ainsi que pour effectuer tout acte de disposition autre que la vente des meubles indivis pour payer les dettes et charges de l'indivision.

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, considéré que le maintien de l'exigence d'unanimité s'agissant des baux était contradictoire avec l'objectif d'assouplissement du projet de loi.

Elle a considéré que la conclusion ou le renouvellement d'un bail d'habitation était un acte de gestion courante qui ne présentait pas de risques tels qu'il justifierait de conserver l'unanimité. En effet, le bail est conclu pour une durée de trois ans et le bailleur peut donner un congé pour vente sans acquitter d'indemnité. L'Assemblée nationale a en outre observé que l'article 1425 du code civil autorisait un seul époux à conclure des baux d'habitation sur des biens communs des époux.

L'Assemblée nationale a donc complété la liste des actes pouvant être accomplis à la majorité des deux tiers en ajoutant la conclusion et le renouvellement des baux autres que ceux portant sur un immeuble à usage agricole, commercial, industriel ou artisanal .

Afin de sauvegarder le sort des indivisaires minoritaires qui ne participent pas à la décision, l'Assemblée nationale a en outre, dans les mêmes conditions, prévu une obligation d'information à leur égard.

Votre commission est bien consciente que cette réforme, très attendue, peut paraître encore trop timorée à certains, qui estiment que le maintien de l'exigence d'unanimité pour la vente d'un immeuble indivis ne répondra pas aux principales difficultés rencontrées en pratique.

Cependant, il paraît très difficile d'aller au-delà en raison du risque d'atteinte à la propriété et donc d'inconstitutionnalité. En effet, la vente contre l'avis d'un indivisaire pourrait être assimilée à une expropriation pour cause d'utilité privée, encore jamais admise dans notre droit.

En vertu de l'article 27 du projet de loi, ces dispositions s'appliqueront aux indivisions dès l'entrée en vigueur de la loi.

Art. 815-10 du code civil : Subrogation

Le 3° de l'article 2 du projet de loi complète l'actuel article 815-10 qui inclut dans la masse indivise les fruits et revenus des biens indivis et fixe le régime des plus-values et pertes dans une indivision .

Il crée un nouvel alinéa qui prévoit que sont de plein droit indivis, par l'effet d'une subrogation réelle, les créances et indemnités qui remplacent des biens indivis ainsi que les biens acquis avec le consentement de l'ensemble des indivisaires en emploi ou remploi des biens indivis 71 ( * ) .

Le projet de loi consacre donc le principe de la subrogation réelle de plein droit dégagé par la jurisprudence de la Cour de cassation.

Depuis l'arrêt Chollet contre Dumoulin du 5 décembre 1907, la Cour de cassation considère qu'en cas d'aliénation d'un bien indivis, la créance qui remplace l'immeuble aliéné dans la masse indivise devient elle-même un effet de succession, le prix de la vente étant ainsi subrogé aux biens ayant appartenu au défunt. Cette jurisprudence a été confirmée pour une indemnité d'assurance ou un bien acquis en remploi. Il peut également s'agir d'une créance indemnitaire en réparation, par exemple en cas de construction au mépris d'une servitude ou du produit de la vente en cas de non acquisition d'un nouveau bien.

Toutefois, la subrogation requiert la volonté d'agir pour le compte de l'indivision et donc le consentement des indivisaires en plus du fait que le bien a été acquis par l'indivisaire avec des deniers indivis. Les indivisaires peuvent cependant décider de répartir immédiatement entre eux le produit de la vente, réalisant ainsi un partage partiel.

Coordinations

Enfin le 4° de l'article 2 du projet de loi procède à une coordination liée à la nouvelle numérotation des articles consacrés au partage. L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, rectifié une erreur de numérotation.

Elle a en outre adopté, dans les mêmes conditions, un amendement de coordination modifiant le code rural.

Votre commission vous propose d' adopter l'article 2 ainsi modifié .

Article 3 - Organisation du chapitre relatif au partage

L'article 3 du projet de loi insère un chapitre VIII « Du partage » au sein du titre Ier du livre III du code civil. Ce nouveau chapitre est composé de cinq sections consacrées respectivement aux opérations de partage (section 1, art. 816 à 842), au rapport de libéralités (section 2, art. 843 à 863), au paiement des dettes (section 3, art. 864 à 882), aux effets du partage et à la garantie des lots (section 4, art. 883 à 886) et aux actions en nullité du partage ou en complément de part (section 5, art. 887 à 892).

Leurs dispositions sont traitées aux articles 4 à 8 du projet de loi.

Votre commission vous propose d' adopter l'article 3 sans modification .

Article 4 (art. 816 à 842 du code civil) - Dispositions relatives au partage

L'article 4 du projet de loi rédige entièrement la section 1 du nouveau chapitre VIII relatif aux opérations de partage, amiable ou judiciaire.

Cependant, il ne reprend pas les dispositions des actuels articles 820, 824, 825, 827, 828, 835, 837 et 842. De nature réglementaire, ces dispositions seront intégrées dans le décret annoncé par le ministère de la justice.

SECTION 1 - Des opérations de partage

SOUS-SECTION 1 - Dispositions communes

Le partage, qu'il soit amiable ou judiciaire, vise à mettre fin à l'indivision et consiste principalement en la composition et l'attribution de lots .

Si le Code Napoléon prévoyait la possibilité de partages forcés, cette faculté connaît à présent de larges tempéraments. Les mécanismes de sursis au partage, de maintien de l'indivision ou encore d'attribution éliminatoire -qui revêt toutefois le caractère de partage partiel- peuvent empêcher le partage, au moins temporairement. De plus, même en cas de partage, le mécanisme de l'attribution préférentielle peut influer sur la composition des lots.

Paragraphe 1 - Des demandes en partage

L'action en partage est reconnue aux héritiers ab intestat , comme aux légataires universels ou à titre universel et aux institués contractuels, en vertu de l'article 815.

Art. 816 du code civil : Demande en partage

Cet article reprend sous réserve d'une adaptation du vocabulaire - il n'est plus fait mention de cohéritiers ni de succession mais d'indivisaires et de biens indivis- le texte de l'actuel article 816, qui prévoit que le partage peut être demandé même quand l'un des cohéritiers a joui séparément d'une partie des biens de la succession.

Il reprend également les deux causes d'extinction de l'action en partage :

- l'existence d'un acte de partage antérieur , ce qui vise toute convention mettant fin à l'indivision, sans qu'il soit prévu de formalisme particulier ;

- ou une possession suffisante pour acquérir la prescription . Cette prescription acquisitive doit répondre aux critères de l'article 2229 : une possession continue et ininterrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire et non de simple usufruitier -en effet, il arrive que les indivisaires s'entendent pour que chacun se saisisse privativement d'une partie de la succession. Elle doit en outre être d'une durée de 30 ans.

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois, adopté un amendement rédactionnel.

Art. 817 du code civil : Partage de l'usufruit indivis

Cet article prévoit que chaque usufruitier peut demander le partage de l'usufruit indivis :

- par voie de cantonnement sur un bien, lorsque cela est possible. Le partage se fait alors en nature ;

- à défaut, par licitation du seul usufruit . La licitation, amiable ou judiciaire, se définit comme une variété de vente lorsque les biens indivis ne peuvent être commodément partagés.

Le projet de loi prévoit en outre que lorsqu'elle apparaît seule protectrice de l'intérêt de tous les titulaires de droits sur le bien indivis, la licitation peut porter sur la pleine propriété .

Il s'agit là d'une exception au principe selon lequel seuls des droits de même nature peuvent être affectés par l'indivision , avec pour corollaire que si un bien n'est indivis qu'en usufruit, seul son usufruit peut être licité. En effet, des biens peuvent se trouver à la fois indivis et démembrés : ils peuvent n'être indivis que pour l'usufruit ou la nue-propriété, ou encore faire l'objet de deux indivisions distinctes, l'une en usufruit, l'une en nue-propriété. En l'état du droit, le partage ou la licitation de l'usufruit ou de la nue-propriété ne peuvent être réalisés que séparément, le bien devant faire l'objet d'autant de partages séparés qu'il est le siège d'indivisions distinctes.

Cela peut s'avérer dissuasif pour un acquéreur potentiel, pour lequel le seul usufruit ne présenterait que peu d'intérêt.

Le projet de loi consacre donc la faculté de licitation en pleine propriété de biens démembrés à la demande d'un usufruitier déjà admise par la Cour de cassation depuis 1932 si « elle est nécessaire à la détermination de l'assiette de l'usufruit et à la protection de l'intérêt de toutes les parties ». Pareille licitation suppose donc qu'il ne soit possible ni de partager en nature l'usufruit indivis, ni de procéder à la licitation du seul usufruit dans des conditions satisfaisantes.

Le prix de la licitation doit être alors réparti entre l'usufruitier et le nu-propriétaire.

Art. 818 du code civil : Partage de la nue-propriété indivise

Cet article transpose la solution retenue à l'article 817 pour l'indivisaire usufruitier au nu-propriétaire indivis, sous réserve de la possibilité d'une licitation en pleine propriété.

En effet, le deuxième alinéa de l'article 815-5 dispose que « le juge ne peut, à la demande d'un nu-propriétaire, ordonner la vente de la pleine propriété d'un bien grevé d'usufruit contre la volonté de l'usufruitier ».

L'indivisaire en nue-propriété pourra donc demander le cantonnement de la nue-propriété et à défaut la licitation de la seule nue-propriété. En revanche la licitation de la pleine propriété ne pourra être réalisée qu'après avoir recueilli l'assentiment de l'usufruitier universel.

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois, adopté un amendement de clarification.

Art. 819 du code civil : Partage demandé par un plein-propriétaire

Cet article précise la situation du plein-propriétaire se trouvant en indivision avec des usufruitiers et des nus-propriétaires .

Il pourra utiliser la faculté de cantonnement ou de licitation offerte respectivement par l'article 817 pour l'usufruit et par l'article 818 pour la nue-propriété.

En revanche, il ne pourra se voir imposer le cantonnement ou la licitation en usufruit ou en nue-propriété.

Le projet de loi précise qu'en cas de licitation de la pleine propriété, l'article 815-5 n'est pas applicable, puisqu'il ne peut concerner qu'un usufruitier universel.

Art. 820 du code civil : Sursis au partage

Cet article 820 reprend et étend le dispositif prévu par le deuxième alinéa de l'actuel article 815 du code civil relatif au sursis au partage.

L'actuel article 815 prévoit que le tribunal, peut, à la demande d'un indivisaire, prononcer le sursis au partage (pour tout ou partie des biens indivis) pour une durée maximale de deux ans :

- si un partage immédiat risque de porter atteinte à la valeur des biens indivis (loi du 10 juin 1978) ;

- ou si l'un des indivisaires ne peut s'installer sur une exploitation agricole dépendant de la succession qu'à l'expiration de ce délai (loi du 4 juillet 1980).

Le projet de loi étend cette hypothèse à la reprise de l'entreprise commerciale, industrielle, artisanale ou libérale , afin de faciliter la transmission d'entreprise et d'adapter le droit des successions à la réalité économique actuelle dans laquelle l'agriculture n'occupe plus une position prépondérante.

Votre commission vous propose par amendement d' étendre ce dispositif au partage des droits sociaux , par coordination avec l'article 831 modifié qui prévoit la possibilité d'attributions préférentielles portant sur des entreprises exploitées sous forme de société.

Le maintien dans l'indivision

Actuellement , le maintien judiciaire dans l'indivision est prévu par l'article 815-1 pour trois catégories de biens :

- les exploitations agricoles constituant une unité économique et dont la mise en valeur était assurée par le défunt ou son conjoint, ce qui vise donc les exploitations présentant un caractère familial ;

- le local professionnel et les objets mobiliers servant à l'exercice de la profession, à condition que ce local et ces objets aient été à l'époque du décès utilisés par le défunt ou son conjoint ;

- le local d'habitation qu'habitait effectivement à l'époque du décès le défunt ou son conjoint.

L'actuel article 815-1 prévoit que ce maintien dans l'indivision ne peut être prescrit pour une durée supérieure à cinq ans, mais peut être renouvelé jusqu'à la majorité du plus jeune des descendants ou jusqu'au décès du conjoint survivant à défaut de descendants mineurs.

Le projet de loi procède à quelques ajustements et consacre quatre articles distincts à ces questions (art. 821 à 824).

Art. 821 du code civil : Maintien de l'indivision de l'entreprise

Cet article reprend les dispositions du premier alinéa de l'actuel article 815-1 relatif aux conditions du maintien de l'indivision de l'exploitation agricole , introduit par le décret-loi du 17 juin 1938, en l'étendant à toute entreprise commerciale, industrielle, artisanale ou libérale à l'instar du sursis au partage et de l'attribution préférentielle.

Votre commission vous propose d'adopter un amendement de coordination afin d'étendre cette possibilité aux entreprises exploitées sous forme sociale .

L'article 821 modifié prévoit deux conditions à ce maintien :

- l'entreprise doit constituer une unité économique ;

- son exploitation devait être assurée par le défunt ou son conjoint.

Votre commission vous propose de supprimer par amendement la condition d'unité économique qui ne parait pas pertinente, toute entreprise constituant de fait une unité économique.

Cette demande peut être adressée, en présence d'enfants mineurs , par le conjoint survivant , tout héritier ou le représentant légal des mineurs . A défaut de descendant mineur, seul le conjoint survivant le peut, dans les conditions prévues par l'article 822 modifié (voir infra ).

Le tribunal de grande instance statue en fonction des intérêts en présence et des moyens d'existence que la famille peut tirer des biens indivis (alors que le droit en vigueur vise les « possibilités d'existence »). La jurisprudence se fonde sur la perte de revenus qui résulterait pour la famille d'un partage immédiat.

Le maintien de l'indivision demeure possible même si l'héritier ou le conjoint était déjà propriétaire ou copropriétaire d'éléments de l'entreprise avant l'ouverture de la succession.

Art. 821-1 du code civil : Maintien de l'indivision du local d'habitation ou à usage professionnel

Cet article relatif au maintien de l'indivision de la propriété du local d'habitation ou à usage professionnel et des objets mobiliers qu'il renferme reprend les dispositions du deuxième alinéa de l'actuel article 815-1, en comblant une lacune du droit en vigueur, qui avait omis de prévoir le maintien dans l'indivision des meubles garnissant le local d'habitation.

Ce local doit avoir été effectivement utilisé à l'époque du décès par le défunt ou son conjoint.

Art. 822 du code civil : Titulaires de la demande de maintien de l'indivision

Cet article reprend les dispositions des troisième et quatrième alinéas de l'actuel article 815-1 et précise les personnes susceptibles de demander le maintien de l'indivision.

En présence de descendants mineurs , il s'agit du conjoint survivant, de tout héritier (comme notamment les frères et soeurs du mineur) et du représentant légal des mineurs.

En l'absence de descendants mineurs , seul le conjoint survivant peut demander le maintien de l'indivision, à condition d'avoir été avant le décès ou d'être devenu du fait du décès copropriétaire de l'entreprise ou des locaux d'habitation ou à usage professionnel. S'agissant du local d'habitation, le conjoint survivant doit en outre avoir résidé dans les lieux à l'époque du décès.

Art. 823 du code civil : Durée du maintien de l'indivision

Cet article reprend les dispositions du dernier alinéa de l'actuel article 815-1 relatif à la durée du maintien de l'indivision et prévoit que ce maintien peut être prescrit pour une durée maximale de cinq ans , renouvelable en présence de descendants mineurs jusqu'à la majorité du plus jeune et en l'absence de descendants mineurs jusqu'au décès du conjoint survivant.

Art. 824 du code civil : Attribution éliminatoire

Cet article reprend les dispositions du troisième alinéa de l'actuel article 815 relatives à l'attribution éliminatoire , qui permet d'attribuer à un indivisaire qui en fait la demande sa part tout en laissant les indivisaires qui le souhaitent rester dans l'indivision .

Actuellement , après une mesure d'instruction, le tribunal saisi par les indivisaires désirant demeurer en indivision peut décider d'attribuer sa part à celui qui a demandé le partage, en se fondant sur les intérêts en présence. Les dispositions relatives à l'attribution préférentielle restent applicables.

La part est attribuée soit en nature, si elle est aisément détachable du reste des biens indivis, soit en numéraire dans le cas contraire ou si le demandeur le préfère. Si les biens ne sont pas partageables en nature ou si les ressources financières de l'indivision sont insuffisantes, les coindivisaires souhaitant demeurer dans l'indivision doivent verser une soulte à l'indivisaire demandant le partage. Les autres indivisaires peuvent également contribuer au versement de la soulte, la part de chacun dans l'indivision étant augmentée en proportion de son versement.

Le projet de loi reprend ces dispositions tout en supprimant les précisions relatives aux modalités de versement de la part. En effet, par cohérence avec le principe d'égalité en valeur dans le partage affirmé par l'article 826 modifié, ce versement doit désormais intervenir en numéraire. Le projet de loi reprend uniquement les dispositions relatives à la soulte.

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois, et avec l'avis favorable du Gouvernement, supprimé la mention d'une instruction préalable à la décision du tribunal, l'estimant redondante dans la mesure où doivent déjà être analysés les intérêts en présence.

Paragraphe 2 - Des parts et des lots

Ce paragraphe relatif à la constitution des parts et des lots en vue du partage comporte six articles (art. 825 à 830 modifiés).

Art. 825 du code civil : Définition de la masse partageable

Le projet de loi comble une lacune du droit en vigueur en définissant la masse partageable , qui comprend l'ensemble des biens à répartir. Cette masse constitue un élément essentiel du partage, puisqu'elle est un préalable indispensable à la composition des lots de chaque copartageant, en retraçant ses éventuelles dettes et créances envers la masse.

La masse partageable comprend :

- les biens existants à l'ouverture de la succession ou ceux subrogés 72 ( * ) , dont le défunt n'a pas disposé à cause de mort (sont donc exclus les legs particuliers) ;

- les fruits y afférents. Il s'agit d'une application du principe général selon lequel les fruits accroissent à l'indivision inscrit par la loi de 1976 à l'article 815-10 du code civil. Il n'y a pas lieu de distinguer entre les fruits des biens laissés par le de cujus ou des biens restitués au titre du rapport ou de la réduction, ni entre les fruits naturels (récoltes) et civils (intérêts de sommes prêtées ou placées, revenus de parts sociales, loyers...). La prescription est de cinq ans. Néanmoins, en cas de partage provisionnel, chaque indivisaire conserve les fruits et biens dont il a été alloti en jouissance ;

- les valeurs soumises à rapport 73 ( * ) ou à réduction 74 ( * ) ;

- les dettes des copartageants envers le défunt ou envers l'indivision . S'agissant des créances sur les tiers, la jurisprudence a concilié l'article 832, qui les compte parmi les biens susceptibles de composer des lots et l'article 1220, qui prévoit qu'elles se divisent de plein droit entre les héritiers. Elles sont comprises dans la masse, soit comme telles si elles n'ont pas été encaissées, soit comme des créances contre les héritiers qui les ont encaissées.

Cette masse est bien évidemment déterminée après acquittement, le cas échant, du passif successoral.

Cette masse partageable se distingue de la masse de calcul de la quotité disponible définie par l'article 922 relatif à la réduction des libéralités, qui réunit tous les biens existants au décès, en en soustrayant les dettes et en y ajoutant les donations entre vifs. La masse de calcul comprend la valeur des biens aliénés et celle des nouveaux biens en cas de subrogation, mais non les donations non rapportables et les legs n'excédant pas la quotité disponible.

Art. 826 du code civil : Égalité en valeur dans le partage

Cet article relatif à la composition des lots consacre l'égalité en valeur dans le partage .

Si l'égalité en valeur exige simplement que chacun des héritiers reçoive un lot de valeur égale à celle de ses droits dans la masse, l'égalité en nature est beaucoup plus exigeante puisqu'elle implique que l'on retrouve dans le lot de chacun la même proportion d'immeubles, de meubles et de créances de même nature, ce qui aboutit en pratique à un morcellement des biens et peut conduire à la vente des biens indivisibles.

Le code civil a essayé de ménager ces deux objectifs d'égalité et de préservation des biens. Dans sa rédaction originaire, l'article 832 du code civil prévoyait une égalité en nature, tout en invitant à ménager l'intégrité des biens. En outre, l'actuel article 826 prévoit que chaque héritier peut demander sa part en nature des meubles et immeubles de la succession, même si l'actuel article 833 prévoit que l'inégalité des lots en nature se compense par un retour soit en rente soit en argent.

Afin de lutter contre la jurisprudence qui faisait prévaloir l'exigence d'égalité en nature en l'absence de hiérarchie clairement définie par la loi, le décret-loi du 17 juin 1938 a modifié l'article 832, afin de prescrire d'éviter de morceler les héritages et de diviser les exploitations, tout en indiquant que dans la mesure où le morcellement des héritages et la division des exploitations pouvaient être évités, chaque lot devait, autant que possible, être composé soit en totalité soit en partie de meubles ou d'immeubles, de droits ou de créances de valeur équivalente.

Depuis lors, l'exigence d'une égalité en nature n'est plus que subsidiaire par rapport à celle du maintien de l'intégrité des exploitations .

Le projet de loi marque l'aboutissement d'une évolution déjà largement entamée avec la reconnaissance de la faculté de demander l'attribution éliminatoire (actuel art. 815) et l'attribution préférentielle (actuel art. 815-1).

Le premier alinéa de l'article 826 modifié affirme donc l'égalité en valeur dans le partage, tandis que le deuxième alinéa précise que chaque copartageant reçoit des biens pour une valeur égale à celle de ses droits dans l'indivision.

Cette réforme devrait permettre de simplifier les opérations de partage et d'éviter les licitations qui seules assuraient l'égalité en nature.

Les dispositions de l'actuel article 834, qui prévoient en cas de désaccord entre les copartageants un tirage au sort des lots, devraient être reprises dans le décret annoncé par la Chancellerie.

L'article 826 modifié précise d'ores et déjà dans son troisième alinéa qu'en cas de tirage au sort, il devra être constitué autant de lots que nécessaire. Lorsque les indivisaires ont des droits inégaux, il faudra donc multiplier les lots sur la base du plus petit dénominateur commun 75 ( * ) .

Reprenant les dispositions de l'actuel article 833, cet article prévoit enfin la compensation par une soulte de l'inégalité des lots lorsque la consistance de la masse ne permet pas de former des lots d'égale valeur.

Art. 827 du code civil : Détermination du nombre de lots

Cet article précise les modalités de répartition de la masse partageable, actuellement prévues par les articles 831 et 836 prévoyant respectivement qu'il y a autant de lots que d'héritiers copartageants ou de souches* copartageantes, et que les modalités de répartition entre les souches sont les mêmes que pour la division des masses à partager.

Il indique tout d'abord que le partage s'opère par tête ou par souche.

Le partage par tête constitue le principe . Chaque copartageant venant à la succession de son chef reçoit un lot correspondant à sa propre vocation, c'est-à-dire la part qui lui est personnellement dévolue. En présence de trois enfants, on divise donc par trois la succession.

Le projet de loi rappelle ensuite la règle posée à l'actuel article 753 selon laquelle la représentation implique un partage par souche . Il s'agit de l'unique circonstance dans laquelle un tel partage intervient. Les représentants du successible prédécédé, ne venant pas de leur chef, ne sont pas comptés par tête, mais reçoivent ensemble pour lot la part dévolue à celui qu'ils représentent. Par exemple, en présence de trois enfants ayant chacun deux enfants, les deux enfants acceptant la succession recevront chacun 1/3, tandis que les propres enfants de l'héritier renonçant ne recevront chacun qu'1/6.

Il est enfin précisé qu'une fois opéré le partage par souche, une deuxième répartition se fait ensuite le cas échéant entre les héritiers de chaque souche.

Votre commission vous propose d'adopter un amendement rédactionnel .

Art. 828 du code civil : Révision de la soulte

Cet article reprend les dispositions de l'actuel article 833-1 relatives à la révision de la soulte lorsque son débiteur a obtenu des délais de paiement et que, par suite des circonstances économiques, la valeur des biens reçus a augmenté ou diminué de plus du quart depuis le partage .

Il prévoit alors une variation identique du montant de la soulte , à moins qu'elle n'ait été expressément exclue par les parties.

Un tel cas de figure peut se présenter en cas d'inégalité des lots ou d'attributions préférentielles.

Art. 829 du code civil : Estimation des biens

Cet article pallie une lacune du code civil en prévoyant la date d'estimation de la valeur des biens en vue du partage.

Il codifie la jurisprudence, qui depuis l'arrêt Mulle de la Cour de cassation du 11 janvier 1937, retient comme date pour l'estimation des biens non plus le décès, mais le jour du partage ou de la jouissance divise, afin de réaliser le partage sur une évaluation la plus proche possible de celle du paiement effectif.

Cette jurisprudence a déjà été codifiée en matière de rapport et de réduction des libéralités par la loi du 3 juillet 1971 76 ( * ) , respectivement aux articles 860 et 868 du code civil. En outre, la lésion, qui permet de contester l'égalité du partage, s'apprécie également au jour du partage.

Le projet de loi transpose donc cette règle en matière d'estimation des biens lors de la composition des lots. Il retient la date de la jouissance divise telle qu'elle est fixée par l'acte de partage, en précisant que celle-ci doit être la plus proche possible du partage.

Contrairement aux dispositions relatives au rapport et à la réduction qui ne mentionnent que l'époque du partage, le choix de la date de la jouissance divise consacre la pratique notariale qui arrête à cette date les comptes de la liquidation successorale, l'estimation des biens étant nécessairement antérieure au partage puisqu'elle en constitue l'une des opérations.

Enfin, le projet de loi indique que le juge peut fixer la jouissance divise à une date plus ancienne que celle du partage si cette date favorise l'égalité du partage, ainsi que le prévoit déjà la jurisprudence.

A l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a précisé que l'estimation des biens devant prendre en compte les éventuelles charges qui les grèvent. Ceci vise notamment à prendre en compte l'obligation d'entretien d'un bâtiment classé ou inscrit à l'inventaire des monuments historiques.

Votre commission vous proposera d'insérer par amendement un article additionnel après l'article 23 sexies afin de préciser plus explicitement les modalités de cette prise en compte dans le code du patrimoine.

Art. 830 du code civil : Composition des lots

Cet article reprend les dispositions du premier alinéa de l'actuel article 832, qui prescrit dans la formation et la composition des lots d'éviter de morceler les héritages et de diviser les exploitations .

Dans un souci de modernisation, il fait désormais référence aux unités économiques et autres ensembles de biens dont le fractionnement entraînerait la dépréciation.

A l'initiative de sa commission des lois, l'Assemblée nationale a adopté un amendement rédactionnel.

Paragraphe 3 - Des attributions préférentielles

L'attribution préférentielle est un mécanisme dérogatoire aux règles ordinaires du partage (égalité en nature, tirage au sort) qui permet d'attribuer un bien à un indivisaire déterminé, sous le contrôle du tribunal, et à charge pour lui d'indemniser ses copartageants sous forme de soulte si la valeur du bien excède sa part.

Ce mécanisme introduit par le décret-loi de 1938 pour les seules exploitations agricoles modestes a été considérablement élargi par la loi du 19 décembre 1961 , puisqu'il concerne désormais toutes les exploitations agricoles ainsi que les entreprises commerciales, artisanales et industrielles à caractère familial et le local d'habitation. Il vise ainsi à préserver les exploitations en évitant leur morcellement, mais aussi à garantir à certains copartageants le maintien de leurs conditions de vie.

Par ailleurs, les réformes les plus récentes ont cherché à lever l'obstacle économique que peut constituer le paiement de la soulte. La loi du 3 juillet 1971 a notamment encouragé les soultes payables à terme.

Le projet de loi, sans bouleverser le régime des attributions préférentielles, l'actualise et le restructure afin de favoriser la transmission des entreprises.

Les articles 831 à 834 modifiés reprennent donc les différents cas d'attribution préférentielle -de l'entreprise, du local d'habitation et du local à usage professionnel et de l'exploitation agricole- avant d'envisager les dispositions communes.

Art. 831 du code civil : Attribution préférentielle de l'entreprise

Cet article reprend en les adaptant les dispositions des troisième et quatrième alinéas de l'actuel article 832 afin de permettre de placer une entreprise dans le lot du copartageant le plus apte à la gérer.

Le projet de loi prévoit ainsi la possibilité de demander l'attribution préférentielle, à charge de soulte s'il y a lieu, de toute entreprise, ou partie d'entreprise, agricole, commerciale, industrielle, artisanale ou libérale , constituant une unité économique ou quote-part indivise d'une telle entreprise.

La demande peut également porter sur des droits sociaux , sans préjudice de l'application des dispositions légales ou des clauses statutaires sur la continuation d'une société avec le conjoint survivant ou un ou plusieurs héritiers.

Par rapport au droit en vigueur, le projet de loi :

- inclut l'entreprise libérale ;

- supprime l'exigence du caractère familial qui s'appliquait aux entreprises commerciales, industrielles ou artisanales ;

- substitue la notion de droits sociaux à celle de parts sociales afin d'inclure non seulement les sociétés de personnes mais aussi celles de capitaux.

Votre commission vous propose d'adopter un amendement de coordination et de supprimer l'exigence redondante selon laquelle l'entreprise doit constituer une unité économique.

Cette demande peut émaner du conjoint survivant ou de tout héritier copropriétaire , à condition que le demandeur :

- participe ou ait participé effectivement à l'exploitation . Il est précisé que s'agissant de l'héritier, cette condition peut être ou avoir été remplie par son conjoint ;

- en ait déjà été propriétaire ou copropriétaire avant le décès .

Votre commission vous propose d' assouplir par amendement cette condition de participation à l'exploitation transmise afin qu'elle puisse également être satisfaite par les descendants de l'héritier .

Art. 831-1 du code civil : Attribution préférentielle en vue de consentir un bail à un cohéritier

Cet article reprend le cinquième alinéa de l'article 832, sous réserve de nécessaires coordinations, et prévoit une modalité particulière et subsidiaire d'attribution préférentielle en matière agricole . Elle ne s'applique en effet qu'à défaut de demandes d'attribution préférentielle de droit commun, d'attribution préférentielle de droit relative aux petites exploitations ou d'attribution préférentielle en vue de constituer un groupement foncier agricole.

L'attribution préférentielle peut ainsi être accordée à tout copartageant sans condition de propriété ni d'exploitation antérieure à condition qu'il s'oblige à donner à bail dans un délai de six mois à un cohéritier ou un de ses descendants remplissant ces conditions.

Ce mécanisme, instauré par la loi d'orientation agricole du 4 juillet 1980, vise à décharger du poids de la soulte l'héritier exploitant, la propriété de la terre étant attribuée à un autre héritier plus fortuné qui s'engage à l'y maintenir.

Art. 831-2 du code civil : Attribution préférentielle du local d'habitation et du local à usage professionnel

Cet article, qui reproduit les sixième à neuvième alinéas de l'actuel article 832, détermine les modalités de l'attribution préférentielle du local d'habitation, du local à usage professionnel et des objets mobiliers les garnissant.

Le conjoint survivant ou tout héritier copropriétaire peut ainsi demander :

- la propriété ou le droit au bail du local d'habitation ainsi que du mobilier le garnissant, à la double condition que celui-ci serve effectivement à cet usage et que le demandeur y ait résidé à l'époque du décès ;

- la propriété ou le droit au bail du local et des objets mobiliers le garnissant à usage professionnel , à condition qu'il serve effectivement à l'exercice de la profession du demandeur ;

- l'ensemble des éléments mobiliers nécessaires à l'exploitation d'un bien rural cultivé par le défunt à titre de fermier ou de métayer, lorsque le bail continue au profit du demandeur ou qu'un nouveau bail lui est consenti.

Art. 831-3 du code civil : Attribution préférentielle de droit pour le conjoint survivant

Cet article reprend les dispositions des dixième et treizième alinéas de l'actuel article 832, qui précisent respectivement que l'attribution préférentielle de la propriété du local à usage d'habitation et du mobilier le garnissant est de droit pour le conjoint survivant et que les droits résultant de l'attribution préférentielle ne préjudicient pas aux droits viagers d'habitation et d'usage que le conjoint peut exercer en vertu de l'article 764.

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois, adopté un amendement de précision.

Art. 832 du code civil : Attribution préférentielle de l'exploitation agricole de petite superficie

Cet article reprend en les simplifiant les dispositions de l'actuel article 832-1 qui prévoit l'attribution préférentielle de droit pour toute exploitation agricole d'une surface inférieure à des seuils fixés par décret en Conseil d'État, à condition que le maintien de l'indivision n'ait pas été ordonné.

Les dispositions communes à toute attribution préférentielle contenues dans l'actuel article 832-1 sont déplacées aux articles 832-4 à 834 modifiés.

Art. 832-1 du code civil : Attribution préférentielle en vue de constituer un groupement foncier agricole

Cet article relatif à l'attribution préférentielle en vue de constituer un groupement foncier agricole reprend les dispositions de l'actuel article 832-2, hormis une disposition commune à l'ensemble des mécanismes d'attribution préférentielle et des coordinations de numérotation.

Il prévoit que l'attributaire apporte les biens reçus à un groupement foncier agricole qui les exploitera ou les donnera à bail à long terme . Ce groupement est constitué en réunissant des cohéritiers et éventuellement des tiers.

La demande peut émaner du conjoint survivant ou de tout héritier copropriétaire, sans condition de participation à l'exploitation , et vise tout ou partie des biens et droits immobiliers de nature agricole dépendant de la succession, sans référence à la notion d'unité économique.

Cette modalité d'attribution préférentielle n'est que subsidiaire , à défaut de maintien de l'indivision ou d'attribution préférentielle en propriété en vertu des articles 831 et 832 modifiés.

Elle est de droit lorsque le conjoint survivant ou un ou plusieurs cohéritiers remplissant la condition de participation à l'exploitation exigent que tout ou partie des biens du groupement foncier agricole leur soit donné à bail à long terme .

En cas de pluralité de demandes, plusieurs baux peuvent être donnés à des cohéritiers différents. Si les clauses et conditions de ce bail ou des baux n'ont pas fait l'objet d'un accord, elles sont fixées par le tribunal.

La disposition précisant que le tribunal désigne le demandeur le plus apte à gérer les biens si leur nature s'oppose à la constitution d'un groupement foncier agricole est supprimée, puisque reprise en tant que dénominateur commun à l'article 832-3 modifié.

Une soulte doit être versée lorsque les biens de la succession ne faisant pas l'objet de cette attribution préférentielle ne suffisent pas à remplir de leurs droits les indivisaires n'ayant pas consenti à la formation du groupement. Cette soulte est payable dans l'année suivant le partage, sauf accord amiable entre les copartageants. Elle peut faire l'objet d'une dation en paiement sous la forme de parts du groupement foncier agricole, sauf si les intéressés s'y opposent dans le mois suivant la proposition qui leur en est faite.

Le partage ne peut intervenir tant que n'ont pas été signés l'acte de constitution du groupement foncier agricole et les éventuels baux à long terme.

Votre commission vous propose d'adopter un amendement de coordination pour assouplir la condition de participation à l'exploitation ouvrant l'attribution préférentielle de droit, afin de viser également les descendants des cohéritiers.

Art. 832-2 du code civil : Attribution préférentielle en vue de poursuivre l'exploitation agricole

Cet article, qui reprend les dispositions de l'actuel article 832-3, prévoit une forme d'attribution préférentielle particulière pour tout ou partie d'une exploitation agricole constituant une unité économique non exploitée sous forme sociale, à condition qu'elle n'ait fait l'objet ni d'un maintien en indivision ni d'une autre attribution préférentielle . L'unité économique peut être formée, pour une part, de biens dont le conjoint survivant ou l'héritier était déjà propriétaire ou copropriétaire avant le décès.

Le conjoint survivant ou tout héritier copropriétaire désirant poursuivre personnellement l'exploitation peut exiger que le partage soit conclu sous la condition que les copartageants lui consentent un bail à long terme . Dans le cas de l'héritier, la condition de participation peut avoir été remplie par son conjoint.

Le partage a lieu en nature et est réalisé sous réserve de la conclusion des baux, dont il est tenu compte pour apprécier la dépréciation des lots. Sauf accord amiable entre les parties, le demandeur reçoit par priorité dans sa part les bâtiments d'exploitation et d'habitation.

Le tribunal peut refuser cette demande en raison de l'inaptitude manifeste du ou des demandeurs à gérer tout ou partie de l'exploitation.

Votre commission vous propose d'adopter un amendement de rédaction globale de cet article afin d'en clarifier la structure et d' assouplir la condition de participation à l'exploitation en l'étendant aux descendants de l'héritier.

Les articles 832-3 à 834 modifiés du code civil sont ensuite consacrés aux dispositions communes à toutes les demandes d'attribution préférentielle.

Art. 832-3 du code civil : Rôle du tribunal

L'article 832-3 modifié reproduit les dispositions de divers alinéas des actuels articles 832, 832-1, 832-2 et 832-3, afin de préciser le rôle du tribunal de grande instance.

Il prévoit tout d'abord qu'à défaut d'accord amiable entre les copartageants, la demande d'attribution préférentielle est portée devant le tribunal qui se prononce en fonction des intérêts en présence lorsque cette attribution n'est pas de droit. L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, supprimé la précision relative à l'attribution préférentielle de droit, la considérant superfétatoire.

Cet article rappelle en outre que l'attribution préférentielle peut être demandée conjointement par plusieurs héritiers afin de conserver ensemble le bien indivis, cette possibilité ayant été ouverte par la loi du 19 décembre 1961.

En cas de demandes concurrentes, le tribunal tient compte de l'aptitude des différents postulants à gérer les biens en cause et à s'y maintenir. S'agissant d'une entreprise, le tribunal tient compte en particulier de la durée de la participation personnelle à l'activité, ce qui correspond à l'esprit de l'attribution préférentielle.

Art. 832-4 du code civil : Estimation des biens et modalités de la soulte

Cet article 832-4 détermine la date d'évaluation de la valeur des biens faisant l'objet de l'attribution et précise les modalités de la soulte, en rassemblant des dispositions éparses des actuels articles 832, 832-1, 832-2 et 832-3.

Il prévoit tout d'abord que les biens sont estimés à leur valeur à la date de la jouissance divise , comme en matière de détermination de la masse partageable.

Il prévoit en outre que, sauf accord amiable entre les copartageants, la soulte éventuellement due est payable comptant .

Toutefois, dans les hypothèses d'attribution préférentielle de droit du local d'habitation pour le conjoint survivant (art. 831-3) et de l'exploitation agricole de petite superficie (art. 832), l'attributaire bénéficie de délais allant jusqu'à dix ans et portant jusqu'à la moitié de la soulte. Sauf convention contraire, les sommes restant dues portent intérêt au taux égal.

En revanche, en cas de vente de la totalité des biens attribués, la fraction de la soulte y afférente devient immédiatement exigible. En cas de ventes partielles, le produit de ces ventes est versé aux copartageants et imputé sur la fraction de la soulte encore due.

Art. 833 du code civil : Bénéficiaires de l'attribution préférentielle

Cet article relatif aux personnes susceptibles de bénéficier des différentes formes d'attributions préférentielles reprend les dispositions de l'actuel article 832-4 en opérant les coordinations nécessaires.

Il rappelle que le conjoint 77 ( * ) ou tout héritier appelé à succéder en vertu de la loi peut prétendre à l'attribution préférentielle, qu'il soit copropriétaire en pleine propriété ou en nue-propriété.

Le projet de loi, contrairement au droit en vigueur, ne vise plus que l'héritier légal, le terme d'héritier désignant désormais tant celui qui hérite en vertu de la loi que celui qui hérite en vertu d'un testament ou d'une institution contractuelle*.

Le second alinéa précise que les dispositions des articles 831 à 832-4 s'appliquent à l'héritier ayant une vocation universelle ou à titre universel à la succession en vertu d'un testament ou d'une institution contractuelle , à l'exception de l'attribution préférentielle de droit concernant les exploitations agricoles de petite superficie.

Rappelons que l'institution contractuelle, qui n'est définie par aucun texte, désigne l'acte par lequel l'instituant dispose pour après son décès de tout ou partie de ses biens en faveur de l'institué qui l'accepte. En principe prohibée, elle ne peut être consentie que par contrat de mariage ou entre époux au cours du mariage. Elle est révocable dans cette dernière hypothèse.

Art. 834 du code civil : Propriété du bien attribué et faculté de renonciation

Cet article consacre d'une part la jurisprudence relative à la date d'accès à la propriété du bien faisant l'objet de l'attribution préférentielle, et précise d'autre part les modalités de renonciation à l'attribution préférentielle .

Il prévoit tout d'abord que le bénéficiaire de l'attribution préférentielle ne devient propriétaire privatif du bien qu'au jour du partage .

Cette solution a été retenue par la jurisprudence 78 ( * ) en s'appuyant sur l'actuel troisième alinéa de l'article 832, qui prévoit que l'attribution se fait par voie de partage. Le juge ne fait donc qu'ordonner l'attribution préférentielle dans le partage à venir qui seul rendra l'attributaire propriétaire privatif.

Il s'ensuit plusieurs conséquences :

- jusqu'au partage, le bien reste indivis et donc soumis au régime de l'indivision. Ses fruits accroissent l'indivision 79 ( * ) , qui supporte la charge des travaux dont il fait l'objet 80 ( * ) . L'attributaire qui l'occupe privativement est redevable d'une indemnité d'occupation 81 ( * ) . S'il le gère, il répond de ses fautes de gestion. Il ne peut l'administrer contre le gré de ses coindivisaires ;

- le bien doit être évalué au jour du partage et non du jugement relatif à l'attribution préférentielle ;

- la soulte éventuellement due ne devient exigible et ne produit d'intérêts qu'à compter du partage 82 ( * ) .

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois, adopté un amendement rédactionnel afin de substituer au terme « privatif » celui d'« exclusif ».

Le second alinéa de l'article 834 modifié prévoit que l'attributaire peut renoncer à l'attribution préférentielle avant le partage, à condition que la valeur du bien ait augmenté de plus du quart entre le jour de l'attribution et celui du partage indépendamment de son fait.

Cette dernière condition dissuasive n'était pas retenue par la jurisprudence, mais répond aux critiques de la doctrine, qui contestait la souplesse de la possibilité de renonciation, qui nie l'autorité de la chose jugée.

SOUS-SECTION 2
Du partage amiable

Le projet de loi crée deux sous-sections consacrées respectivement au partage amiable et au partage judiciaire, afin de remédier à l'éparpillement actuel des articles relatifs à la procédure de partage.

Poursuivant son objectif de simplification et de rapidité, il tend en outre à faire du partage amiable la règle en introduisant une procédure permettant de passer outre l'inertie d'un indivisaire, et à simplifier la procédure en présence d'un présumé absent ou d'une personne protégée .

Art. 835 du code civil : Définition du partage amiable

Cet article reprend les dispositions de l'actuel article 819, sous réserve de modifications rédactionnelles, afin de prévoir que le partage peut intervenir dans la forme et selon les modalités choisies par les parties, à condition que tous les indivisaires soient présents et capables .

Répondant au principe du consensualisme, le partage peut être constaté par un acte sous seing privé ou même être verbal, ce qui peut toutefois s'avérer dangereux pour en apporter la preuve.

L'incapacité ou l'absence d'un indivisaire ne s'opposent cependant pas à la réalisation d'un partage amiable, mais imposent des formalités particulières en vertu des actuels articles 466 et 495 (voir infra ).

Le second alinéa de cet article prescrit toutefois un partage par acte authentique lorsque les biens indivis faisant l'objet du partage sont soumis à la publicité foncière . Il s'agit d'une codification de l'obligation prévue par l'article 4 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière selon lequel « tout acte sujet à publicité dans un bureau des hypothèques doit être dressé en la forme authentique ».

Art. 836 du code civil : Partage amiable en présence d'un présumé absent ou hors d'état de manifester sa volonté

Cet article réforme le droit en vigueur afin de faire du partage amiable le principe et non plus l'exception lorsqu'un indivisaire est présumé absent ou hors d'état de manifester sa volonté ou fait l'objet d'un régime de protection , et d'en simplifier la procédure.

Le droit en vigueur

L'actuel article 838 pose comme principe que le partage doit être judiciaire lorsque parmi les copartageants se trouve un incapable ou un présumé absent .

Toutefois, d'autres dispositions autorisent à titre dérogatoire le partage amiable sous certaines conditions :

- ainsi, le deuxième alinéa de l'actuel article 466 prévoit que le conseil de famille peut autoriser un partage amiable en présence d'un mineur non émancipé, l'état liquidatif devant être soumis à l'homologation du tribunal de grande instance. Ces dispositions sont également applicables aux majeurs en tutelle en vertu du renvoi opéré par l'actuel article 495 ;

- le deuxième alinéa de l'actuel article 116 précise en outre que le juge des tutelles peut autoriser le partage, même partiel, et désigner un notaire pour y procéder en présence du représentant du présumé absent 83 ( * ) , ou de son remplaçant si le représentant est lui-même intéressé au partage, l'état liquidatif étant soumis à l'homologation du tribunal de grande instance. Ces dispositions sont également applicables aux personnes qui, par suite d' éloignement , se trouvent malgré elles hors d'état de manifester leur volonté, en vertu du renvoi opéré par l'actuel article 120.

S'il fait référence à l'article 466 qui permet un partage amiable en présence de mineurs, l'actuel article 838 omet de mentionner les autres dispositions concernant les présumés absents et les personnes qui, par suite d'éloignement, se trouvent malgré elles hors d'état de manifester leur volonté.

Le projet de loi pallie donc les lacunes de l'actuel article 838.

Le premier alinéa de cet article renverse le principe et renvoie à l'article 116 tel que modifié par l'article 22 du projet de loi lorsqu'un indivisaire est présumé absent ou, par suite d'éloignement, se trouve hors d'état de manifester sa volonté . L'article 116 modifié fait désormais du partage amiable la règle lorsqu'un présumé absent est appelé à un partage et substitue à l'homologation de l'état liquidatif par le tribunal de grande instance une simple approbation du juge des tutelles .

Le recours à un juge unique et non plus à une formation collégiale devrait permettre de gagner un temps précieux. En effet, l'incertitude du devenir des biens pendant l'instance pose problème, notamment s'agissant de l'indemnité d'occupation.

Le second alinéa prévoit en outre qu'un partage amiable peut également intervenir dans les conditions prévues aux titres X (relatif à la minorité, la tutelle et l'émancipation) et XI (relatif à la majorité et aux majeurs protégés par la loi) du livre Ier en présence d'un indivisaire protégé , c'est-à-dire d'un mineur non émancipé ou d'un majeur sous tutelle . Il renvoie donc notamment aux articles 389-5 (administration légale pure et simple), 389-6 (administration légale sous contrôle judiciaire), 468 (suppléance du conseil de famille par le juge des tutelles), 497 (administration légale par un parent ou allié pour les majeurs sous tutelle) et 510 (pouvoirs du majeur sous curatelle).

Précisons en outre que l'article 22 du projet de loi modifie l'actuel article 466 afin de préciser plus explicitement que le partage à l'égard d'un mineur peut être fait à l'amiable. Il substitue en outre à l'homologation de l'état liquidatif par le tribunal de grande instance une simple approbation du conseil de famille, ce qui devrait permettre d'accélérer la procédure 84 ( * ) .

Ces dispositions sont étendues aux majeurs sous tutelle en vertu de l'article 495.

Art. 837 du code civil : Représentation de l'indivisaire défaillant

Cet article vise à passer outre l'inertie d'un indivisaire et constitue l'une des avancées majeures du projet de loi pour accélérer les procédures de partage.

Actuellement , si un héritier ne répond pas aux propositions de partage faites par ses cohéritiers, le recours au partage judiciaire s'impose , alors même qu'il n'existe pas de véritable contentieux, et qu'il n'est pas certain que cet héritier soit opposé au partage.

Le projet de loi prévoit que tout copartageant peut mettre en demeure de se faire représenter au partage amiable un indivisaire défaillant , à condition qu'il ne s'agisse ni d'un mineur non émancipé, ni d'un majeur sous tutelle, ni d'un présumé absent ou d'une personne hors d'état de manifester sa volonté.

L'héritier a trois mois à compter de la mise en demeure pour constituer mandataire.

À défaut , un copartageant peut demander au juge de désigner toute personne qualifiée qui représentera le défaillant jusqu'à la réalisation complète du partage . Cette personne ne peut consentir au partage qu'avec l'autorisation du juge.

Cette procédure de représentation permet d'éviter le partage judiciaire tout en apportant des garanties. Il n'est plus nécessaire d'avoir recours à une formation collégiale, ce qui du fait de l'encombrement des juridictions aboutissait à retarder inconsidérément le règlement des successions.

L'Assemblée nationale a précisé, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, que la mise en demeure d'un indivisaire défaillant lors d'un partage amiable devait être réalisée par acte extrajudiciaire, en soulignant l'importance de cet acte, qui peut conduire en l'absence de réponse à la désignation d'un représentant de cet indivisaire.

Art. 838 du code civil : Partage partiel

Cet article reconnaît la possibilité de partages partiels amiables , qu'il définit comme laissant subsister l'indivision à l'égard de certains biens ou de certaines personnes.

Cette possibilité est déjà reconnue par les articles 466 et 116 s'agissant de partages auxquels intervient un mineur ou un présumé absent.

Le projet de loi confirme cette possibilité pour tout partage amiable afin de conforter la jurisprudence et de simplifier de nouveau la procédure de partage.

Rappelons que la jurisprudence reconnaît le caractère de partage partiel à l'attribution éliminatoire qui permet d'allotir certains indivisaires seulement 85 ( * ) .

Le partage partiel suppose l'accord de tous les indivisaires 86 ( * ) . Il est définitif et produit entre les indivisaires les mêmes effets qu'un partage total.

Art. 839 du code civil : Partage amiable unique

Cet article consacre la jurisprudence qui tend à permettre un partage amiable unique lorsque plusieurs indivisions existent entre les mêmes personnes . Ce partage unique peut intervenir que ces indivisions portent sur les mêmes biens ou sur des biens différents.

Rappelons qu'une même succession peut faire l'objet de deux indivisions : l'une en usufruit, l'autre en nue-propriété. Cette situation se rencontre notamment en cas de concours entre des enfants et le conjoint usufruitier. Il faut normalement procéder à deux partages distincts, l'un de l'usufruit et l'autre de la nue-propriété.

Cependant, il se peut que plusieurs successions fassent l'objet d'un partage unique : les enfants communs attendent souvent le décès du survivant de leurs père et mère pour procéder au partage des deux successions confondues. De même, il est usuel, lorsque le de cujus était commun en biens, de partager ensemble la communauté et sa succession. Ces partages confondus forment un partage que l'on dit cumulatif.

La jurisprudence prévoit que les indivisaires peuvent décider de déroger au principe de la séparation des indivisions 87 ( * ) .

SOUS-SECTION 3
Du partage judiciaire

Une grande partie des dispositions consacrées au partage judiciaire ont été retirées de l'avant-projet de loi en raison de leur caractère réglementaire. Elles devraient figurer dans un prochain décret, qui consacrera notamment le rôle accru du notaire.

Art. 840 du code civil : Définition du partage judiciaire

Cet article définit le partage judiciaire à partir des dispositions des actuels articles 823 et 838.

Il intervient :

- si l'un des indivisaires refuse le partage amiable ;

- ou s'il s'élève des contestations sur la manière d'y procéder ou de le terminer ;

- ou lorsque le partage amiable n'a pas été autorisé ou approuvé en présence d'un indivisaire défaillant (art. 837 modifié), protégé, présumé absent ou hors d'état de manifester sa volonté (art. 836 modifié).

Les deux premières hypothèses constituent la reprise des dispositions de l'actuel article 823, tandis que la dernière constitue une coordination avec la modification de l'actuel article 838 et la création de la procédure relative à l'indivisaire défaillant. En effet, le partage amiable devient la règle, le partage judiciaire n'intervenant qu'en cas de refus d'autorisation ou d'approbation.

Art. 840-1 du code civil : Partage judiciaire unique

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, introduit un article 840-1 afin de transposer en matière de partage judiciaire la possibilité prévue par l'article 839 modifié en matière de partage amiable de réaliser un partage unique lorsque plusieurs indivisions existent entre les mêmes personnes, qu'elles portent sur les mêmes biens ou sur des biens différents.

Actuellement, on considère que si le partage est judiciaire, chaque masse indivise appelle un partage distinct, ceci constituant le corollaire du droit de chaque indivisaire à recevoir dans chacune des indivisions une part en nature des biens qui la composent 88 ( * ) .

Art. 841 du code civil : Compétence du tribunal de grande instance

Cet article reprend en les actualisant les dispositions du premier alinéa de l'actuel article 822 qui prévoit la compétence exclusive du tribunal du lieu d'ouverture de la succession :

- pour connaître de l'action en partage et des contestations qui s'élèvent, soit à l'occasion du maintien de l'indivision, soit au cours des opérations de partage ;

- pour ordonner les licitations , qui peuvent être demandées par l'indivisaire usufruitier, nu-propriétaire ou plein propriétaire (voir supra ) ;

- pour statuer sur les demandes relatives à la garantie des lots entre les copartageants (voir infra article 7 du projet de loi) et sur celles en nullité de partage ou en complément de part (voir infra article 8 du projet de loi), postérieurement au partage.

Par rapport au droit en vigueur, le projet de loi :

- substitue la référence aux nullités de partage ou en complément de part à celle de l'action en rescision du partage, conformément à son article 8 ;

- et ne reprend pas la référence à une tentative de conciliation, cette procédure ayant été abrogée par la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991.

Art. 841-1 du code civil : Représentation de l'indivisaire inerte

Cet article prévoit, à l'instar de l'article 837 relatif à la représentation de l'indivisaire défaillant en matière de partage amiable, une représentation de l'indivisaire inerte en matière de partage judiciaire .

Actuellement, le notaire commis n'a aucun pouvoir propre face à l'héritier inerte qui bloque l'ensemble des opérations et ne répond pas à la convocation qui lui est faite. Le notaire doit alors dresser un procès-verbal de difficultés qu'il adresse au juge, ce qui inaugure une procédure longue et coûteuse pour les parties.

Le projet de loi confie un rôle actif au notaire , afin d'en faire un véritable liquidateur de la succession.

Il prévoit ainsi que le notaire commis pour établir l'état liquidatif peut mettre en demeure l'indivisaire inerte de se faire représenter .

Faute pour l'indivisaire d'avoir constitué mandataire dans les trois mois de la mise en demeure, le notaire peut demander au juge de désigner une personne qualifiée qui représentera le défaillant jusqu'à la réalisation complète des opérations.

Par coordination avec la procédure prévue face à un indivisaire défaillant en matière de partage amiable, l'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, prévu que la mise en demeure de l'indivisaire inerte devrait se faire par acte extra-judiciaire.

Votre commission vous propose d'adopter un amendement rédactionnel .

Art. 842 du code civil : Abandon de la voie judiciaire

Cet article reprend sous réserve d'adaptations rédactionnelles les dispositions de l'article 985 de l'ancien code de procédure civile et rappelle que la voie judiciaire peut être abandonnée à tout moment pour poursuivre le partage à l'amiable, sous réserve que les conditions prévues pour un partage de cette nature soient réunies.

Coordinations

L'Assemblée nationale a ensuite, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, adopté un amendement afin d'opérer les coordinations nécessaires en matière d'attributions préférentielles dans le code rural, le code général des impôts et le code civil.

Votre commission vous propose d'adopter un amendement de coordination puis d' adopter l'article 4 ainsi modifié.

Article 5 (art. 843, 844, 845, 846, 851, 852, 856, 858 et 860 du code civil) - Rapport des libéralités

Cet article apporte quelques aménagements au régime du rapport des libéralités prévu par la section 2 du chapitre VIII du titre Ier du Livre III du code civil, qui constitue une institution du droit français des successions, afin notamment de :

- moderniser le vocabulaire du droit des successions ;

- modifier les règles concernant le rapport des libéralités consenties à un héritier renonçant ;

- mieux respecter la volonté du disposant, en excluant le rapport du donataire devenu successible postérieurement à la donation ;

- renforcer les garanties en faveur de l'égalité entre héritiers en prévoyant le rapport des donations de fruits ou revenus ;

- préciser les modalités d'estimation des biens rapportés.

Art. 843 du code civil : Définition des libéralités rapportables

Cet article vise à définir le rapport et n'est modifié qu'à la marge par le projet de loi afin de procéder à une modernisation du vocabulaire utilisé .

Rappelons que le rapport vise à reconstituer la masse successorale, qui se partagera entre tous les héritiers à proportion de la vocation héréditaire de chacun. En effet, les libéralités ne doivent pas rendre illusoires les vocations héréditaires des héritiers.

Ainsi, l'actuel article 843 du code civil prévoit que tout héritier, même bénéficiaire, venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu'il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement.

Il distingue entre les donations entre vifs, en principe rapportables, et les legs, réputés faits par préciput et hors part.

Une donation rapportable constitue une avance sur la succession : on dit qu'elle est faite en avancement d'hoirie . Cependant, si le donataire n'est redevable que d'un rapport en valeur, il pourra conserver le bien donné et la donation réalise alors un allotissement anticipé.

Toutefois, le rapport n'est pas d'ordre public et l'article 843 précise que le disposant peut affranchir la libéralité du rapport, que l'on dit alors préciputaire ou faite par préciput et hors part . De même, le testateur peut prévoir que le legs sera rapportable,

Le projet de loi substitue au terme « préciput » celui de « hors part successorale », de même qu'est supprimée la mention « ou avec dispense de rapport » en raison de sa redondance avec l'expression « hors part successorale », qui traduit déjà l'idée de dispense de rapport émanant de la volonté du de cujus .

Art. 844 du code civil : Imputation des libéralités non rapportables

Le 2° du I de l'article 5 du projet de loi se borne à opérer les mêmes adaptations rédactionnelles qu'à l'article 844, qui prévoit que les donations non rapportables et les legs réclamés par l'héritier venant au partage ne peuvent être retenus que jusqu'à concurrence de la quotité disponible, l'excédent étant sujet à réduction.

On rappellera que la quotité disponible est la part de la succession dont le de cujus peut disposer, par opposition à la réserve. Elle varie en fonction du nombre d'enfants laissés par le défunt : la moitié, en présence d'un enfant, le tiers, en présence de deux enfants et un quart au-delà (art. 913).

En revanche, les donations en avancement d'hoirie s'imputent sur la réserve héréditaire, l'excédent étant reporté sur la quotité disponible.

Art. 845 du code civil : Situation de l'héritier renonçant

Cet article procède à une innovation plus substantielle en renversant le principe de non rapport des donations consenties en avancement de part successorale à un héritier renonçant .

Actuellement, le rapport n'est pas dû par l'héritier renonçant, devenu étranger à la succession . L'article 843 prévoit en effet que seuls les héritiers venant à la succession sont tenus du rapport.

L'actuel article 845 prévoit que l'héritier qui renonce à la succession peut cependant retenir le don entre vifs ou réclamer son legs jusqu'à concurrence de la portion disponible. La renonciation transforme donc une libéralité rapportable en libéralité hors part .

Cette règle est à l'origine de la plupart des renonciations à une succession solvable : l'héritier donataire peut avoir intérêt à conserver pour lui seul ce qui lui a été donné et à abandonner aux autres les biens laissés par le de cujus , plutôt que de partager l'ensemble avec eux 89 ( * ) .

Ce procédé peut altérer les prévisions transmissives du donateur et il n'apparaît pas logique que celui qui renonce à une succession puisse conserver ce qu'il n'a reçu qu'à titre d'avance sur celle-ci.

Suivant l'avis d'une partie de la doctrine, le 3° du I de l'article 5 du projet de loi complète l'article 845 en indiquant que le disposant pourra exiger expressément le rapport en cas de renonciation. Ce rapport ne sera donc pas automatique.

Il ajoute que le rapport s'effectuera alors en valeur .

Conformément au premier alinéa de l'article 858 modifié par le 8° de cet article, le rapport ne pourra se faire en moins prenant , technique qui constitue pourtant la règle en matière de rapport des libéralités.

Le rapport en moins prenant concerne le règlement des dettes dont un héritier se trouve tenu envers la succession. Au lieu de verser dans la masse partageable la somme qu'il doit, l'héritier débiteur prend moins que ses cohéritiers sur les autres biens. Le règlement est intégré au partage : l'héritier débiteur est alloti de la créance qu'a sur lui l'hérédité, qui s'éteint donc par confusion. Cette technique permet de simplifier les opérations de partage et évite aux cohéritiers de faire face à un héritier insolvable.

Il existe deux techniques de moins prenant : le prélèvement et l'imputation.

Le prélèvement est la seule technique prévue par la loi (actuel art. 830). Chacun des cohéritiers du gratifié prélève sur l'actif existant des biens représentant une valeur égale à celle dont le rapport est dû. Le reliquat se partage ensuite également entre tous. Les prélèvements doivent porter de préférence sur les biens de même nature que ceux qui ont été donnés. L'inconvénient de cette technique est d'aboutir comme tout partage partiel à l'apparition d'une masse résiduelle difficilement partageable en nature, d'où un risque de licitation. L'article 4 du projet de loi, en rerédigeant complètement l'article 830, a supprimé toute préférence en faveur de cette technique.

La pratique notariale a privilégié la technique de l' imputation , qui consiste à procéder à un partage unique, l'indemnité de rapport étant placée dans le lot du donataire, qui la recueille en imputation* de sa part. Tous les biens étant partagés en une fois, le risque de licitation est moindre.

L'article 845 modifié prévoit cependant le rapport en nature dans deux hypothèses :

- en cas de stipulation de l'acte de donation. Les aliénations et constitutions de droits réels consenties par le donataire s'éteindront alors par l'effet du rapport à moins que le donateur n'y ait consenti (art. 858 modifié) ;

- l'héritier peut rapporter en nature le bien donné qui lui appartient encore, à condition que ce bien soit libre de toute charge ou occupation dont il n'aurait pas déjà été grevé à l'époque de la donation (art. 859).

Rappelons en outre qu'en vertu de l'article 857, le rapport n'est dû que par le cohéritier à son cohéritier (et non aux légataires ou aux créanciers de la succession).

Votre commission souscrit aux objectifs recherchés par le projet de loi. Elle constate néanmoins que ce dispositif présente une lacune s'agissant de la définition du secteur d'imputation de la libéralité ainsi consentie, qui rendra très difficile, voire impossible, la prise en compte de cette libéralité dans le cadre des opérations préalables au partage.

Afin de clarifier cette situation, votre commission vous propose par amendement de traiter fictivement l'héritier réservataire renonçant astreint à l'obligation de rapport comme un héritier réservataire acceptant, en ce qui concerne la réunion fictive, l'imputation et la réduction de la libéralité en cause 90 ( * ) .

Votre commission vous proposera également d'adopter des amendements de coordination à l'article 919-1 modifié par l'article 13 du projet de loi ainsi qu'à l'article 919-3.

Art. 846 du code civil : Présomption de donation en avancement de part successorale

Le 4° du I de l'article 5 du projet de loi tend à renverser le principe de présomption de rapport des libéralités consenties au donataire devenant successible postérieurement à la donation.

Actuellement , alors que l'article 843 prévoit que les donations faites aux héritiers sont présumées rapportables, le donateur pouvant en dispenser le gratifié, l'article 846 prévoit un principe inverse en énonçant que le donataire qui n'était pas héritier présomptif lors de la donation mais qui se trouve successible au jour de l'ouverture de la succession doit le rapport, à moins que le donateur ne l'en ait dispensé .

Ainsi, la donation reçue par un petit-fils du vivant de son père devra être rapportée lors du décès du grand-père si son propre père est décédé entre-temps.

Le projet de loi inverse cette présomption . Ce donataire ne devra pas le rapport sauf si le donateur l'a exigé expressément.

Ceci devrait permettre de mieux respecter la volonté du défunt, afin de ne pas pénaliser le donataire du seul fait de l'ordre illogique des décès dans la famille.

Cette solution paraît cohérente avec celle retenue par les articles 847 et 848 qui prévoient respectivement la dispense de rapport des dons et legs faits au fils de celui qui se trouve successible lors de l'ouverture de la succession, et le rapport dû par le fils venant en représentation de son père à la succession du donateur des libéralités consenties à son père.

Art. 851 du code civil : Donation de fruits ou de revenus

Le 5° du I de l'article 5 du projet de loi complète l'article 851, qui indique actuellement que ce qui a été employé pour l'établissement d'un des cohéritiers ou pour le paiement de ses dettes doit être rapporté.

Le projet de loi prévoit que sont également rapportables les donations de fruits ou de revenus , à moins que la libéralité n'ait été expressément faite hors part successorale.

Cette question était très controversée.

Pour certains, l'article 856, qui précise que le donataire d'un bien frugifère ne doit pas le rapport des fruits, aurait pour corollaire que celui qui n'a reçu que des fruits ne doit rien rapporter.

Cependant, après avoir décidé qu'une donation de fruits ou de revenus n'était pas soumise au rapport 91 ( * ) , la jurisprudence consacre à présent le principe contraire 92 ( * ) et estime que l'article 843 « n'opère aucune distinction selon que le défunt a donné un bien ou seulement les fruits de celui-ci » pour refuser la dispense de rapport de donation de fruits et de revenus.

Par cette consécration de la jurisprudence, le projet de loi vise une nouvelle fois à préserver l'égalité entre héritiers.

Ce rapport ne devrait cependant pas intervenir s'agissant de donations modiques, qui échappent au statut complexe des libéralités. Cependant, une libéralité peut, quoique prélevée sur les revenus, ne pas être modique et donner lieu à rapport, tout comme une libéralité peut, quoique prélevée sur le capital, rester modique et ne pas être rapportable.

Art. 852 du code civil : Caractère non rapportable de certains frais

Le 6° du I de l'article 5 du projet de loi réécrit l'article 852, qui dresse la liste de certains frais non sujets à rapport .

Actuellement , il prévoit que les frais de nourriture, d'entretien, d'éducation, d'apprentissage, les frais ordinaires d'équipement 93 ( * ) , ceux de noces et les présents d'usage n'ont pas à être rapportés.

Cette faveur de la loi se fonde sur leur cause, qui reflète l'expression d'un devoir familial ou social.

Le projet de loi ne modifie pas cette liste, qui a donné lieu à une construction jurisprudentielle abondante.

Néanmoins, il consacre la jurisprudence, qui affirme le caractère supplétif de cet article 94 ( * ) , en précisant que le disposant peut prévoir le rapport de ces frais .

Il consacre enfin la règle retenue par la jurisprudence 95 ( * ) en matière de présent d'usage , qui a donné lieu à un contentieux important, en précisant que son caractère s'apprécie à la date où il est consenti et compte tenu de la fortune du disposant.

Art. 856 du code civil : Date d'exigibilité des fruits et intérêts de choses sujettes à rapport

Le 7° du I de l'article 5 du projet de loi modifie l'article 856 afin de prévoir les règles applicables aux fruits et intérêts des choses sujettes à rapport.

Actuellement , les fruits et intérêts des choses sujettes à rapport ne sont dus qu'à compter du jour de l'ouverture de la succession.

La règle établit ainsi un parallélisme rigoureux entre le rapport en nature et le rapport en valeur. Celui qui doit restituer le bien est comptable des fruits échus à compter de l'ouverture de la succession. Celui qui n'en doit que la valeur est redevable, à compter de la même date, des intérêts de l'indemnité dont il est débiteur.

Des difficultés sont apparues depuis que la loi du 3 juillet 1971 a repoussé au partage l'évaluation de l'indemnité de rapport, sans pour autant modifier l'article 856. Comment calculer en effet à compter du décès les intérêts d'une dette dont le montant n'est connu qu'au moment du partage ?

Depuis 1987, la Cour de cassation 96 ( * ) prévoit que lorsque le rapport se fait en valeur sous forme d'une indemnité, celle-ci ne produit d'intérêts qu'à compter du jour où elle est déterminée. Cette solution a également été retenue s'agissant de l'indemnité de réduction pour atteinte à la réserve, et la loi du 23 décembre 1986 a consacré ce principe en matière de récompense et de créances entre époux (art. 1473 et 1479).

Le projet de loi consacre donc le principe que les dettes de valeur ne produisent d'intérêts qu'à compter de leur liquidation .

Les fruits restent dus à compter du jour de l'ouverture de la succession 97 ( * ) .

Art. 858 du code civil : Rapport en moins-prenant

Le 8° du I de l'article 5 du projet de loi procède dans l'article 858 à une coordination avec l'article 845.

Actuellement , l'article 858 prévoit que le rapport se fait en moins-prenant et ne peut être exigé en nature sauf stipulation contraire de l'acte de donation.

Le projet de loi tire les conséquences de ce que cette technique ne peut s'appliquer à un héritier renonçant puisqu'il ne reçoit pas de part successorale. La modification vise donc à exclure le règlement en moins-prenant dans ce cas. Le rapport sera exécuté par un versement, sauf dans les hypothèses où un rapport en nature est prévu.

Art. 860 du code civil : Évaluation d'un bien nouveau subrogé au bien aliéné

Le 9° du I de l'article 5 du projet de loi modifie l'article 860 qui précise les modalités d'évaluation du bien rapporté, s'agissant d'un bien subrogé au bien aliéné .

Actuellement , et ce depuis la loi du 3 juillet 1971, l'article 860 prévoit que le rapport est dû de la valeur du bien donné à l'époque du partage, d'après son état à l'époque de la donation .

En fait , la pratique notariale évalue les biens au jour dit de la jouissance divise . C'est en effet à compter de ce jour que les fruits cessent d'accroître l'indivision pour appartenir exclusivement à ceux qui ont été allotis des biens qui les produisent.

La prise en compte de l'état du bien à l'époque de la donation est un correctif nécessaire à l'évaluation au jour du paiement. Il ne doit cependant être retenu que si le changement intervenu est imputable à l'activité du donataire. Si, au contraire, le changement est dû à une cause étrangère à son activité, c'est l'état du bien à l'époque du partage qu'il faut retenir.

Par ailleurs, sauf stipulation contraire :

- si le bien a été aliéné avant le partage, il est tenu compte de la valeur qu'il avait à l'époque de l'aliénation ;

- si un nouveau bien a été subrogé au bien aliéné, il est tenu compte de la valeur de ce nouveau bien à l'époque du partage .

Le projet de loi , après avoir procédé à des modifications rédactionnelles, apporte deux précisions s'agissant d'un nouveau bien subrogé au bien aliéné.

Tout d'abord, il indique qu'il est tenu compte de la valeur de ce nouveau bien à l'époque du partage d'après son état à l'époque de l'acquisition .

Le donataire conserve donc les plus ou moins-values qui lui sont imputables, conformément à la jurisprudence 98 ( * ) . Le projet de loi transpose logiquement le principe général posé pour l'évaluation des biens par le premier alinéa de l'article 860.

Ensuite, il prévoit que la subrogation n'a pas lieu lorsque la dépréciation du bien subrogé était inéluctable au jour de son acquisition .

A défaut, un donataire qui achèterait un bien de consommation (automobile, matériel de haute technologie) promis à une obsolescence rapide qui ne lui serait pas imputable pourrait se libérer ainsi de son obligation au rapport. Cette solution était préconisée par la doctrine qui considérait qu'il y avait alors dépense et non remploi.

Cette nouvelle règle est également prévue par l'article 13 du projet de loi s'agissant du calcul de la réserve et de la quotité disponible (art. 922 modifié du code civil).

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, adopté un amendement rédactionnel afin de préciser le caractère inéluctable de la dépréciation, qui découle de la nature du bien, et d'indiquer qu'il est alors tenu compte de la valeur du bien à l'époque de la subrogation.

Votre commission vous propose d'adopter un amendement rédactionnel.

Art. 869 du code civil : Rapport d'une somme d'argent

Le 10° du I de l'article 5 déplace enfin les dispositions de l'article 869 relatif au rapport de sommes d'agent au nouvel article 860-1.

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, adopté un amendement rédactionnel.

Votre commission vous propose d' adopter l'article 5 ainsi modifié .

Article 6 (art. 864, 865 à 867, 875 et 877 à 881 du code civil) - Paiement des dettes

Cet article crée deux paragraphes au sein de la section 3 « Du paiement des dettes » du chapitre VIII « Du partage », le premier relatif aux dettes des copartageants (art. 864 à 869 99 ( * ) ) et le second aux autres dettes (art. 870 à 882).

Paragraphe 1 - Des dettes des copartageants

Ce premier paragraphe, composé des articles 864 à 867, traite du rapport des dettes entre copartageants .

Actuellement, le code civil se limite à une allusion à l'article 829, relatif au rapport des dons reçus et des sommes dont l'héritier est débiteur.

Or, le rapport des dettes est très différent de celui des libéralités. Il consiste à allotir l'héritier débiteur de la succession de la créance que la succession détient à son égard et constitue donc une opération de partage, tandis que le rapport des libéralités est une opération préparatoire au partage relative à la composition de la masse partageable.

Le projet de loi précise donc utilement le régime de ce rapport des dettes entre copartageants, très utilisé en pratique.

Art. 864 du code civil : Définition

Cet article prévoit que lorsque la masse partageable comprend une créance à l'encontre de l'un des copartageants, ce dernier en est alloti dans le partage à hauteur de ses droits dans la masse .

Il est précisé que cette dette ne doit pas forcément être exigible, ainsi que le prévoit déjà la jurisprudence 100 ( * ) .

A due concurrence, la dette s'éteint par confusion. Si son montant excède les droits du débiteur dans cette masse, il doit le paiement du solde.

Ce mécanisme permet une simplification des opérations, la dette s'éteignant par confusion, et une égalité effective du partage en plaçant les cohéritiers du débiteur à l'abri du risque d'insolvabilité de ce dernier : l'égalité serait rompue si l'un de ces cohéritiers était alloti de la créance et ne pouvait ensuite en obtenir le paiement. En revanche, les autres débiteurs de l'héritier débiteur souffrent d'une rupture d'égalité au bénéfice de ses cohéritiers.

Ce rapport porte tant sur les dettes envers le défunt, sur les dettes envers l'indivision elle-même, c'est-à-dire nées au cours de l'indivision et résultant de celle-ci, que sur les dettes envers la succession (indemnités consécutives au rapport ou à la réduction des libéralités), même si la dette n'est pas immédiatement exigible. L'héritier, le légataire et l'institué contractuel sont pareillement tenus au rapport de leurs dettes.

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois, adopté un amendement rédactionnel afin de remplacer le mot « hauteur » par le mot « concurrence ».

Art. 865 du code civil : Date d'exigibilité de la créance

Cet article détermine la date d'exigibilité de la créance.

Il prévoit que la créance ne peut être exigible avant la clôture des opérations de partage , sauf si elle porte sur des biens indivis. L'héritier débiteur peut cependant décider à tout moment de s'acquitter de sa créance.

Il s'agit d'une codification de la jurisprudence, qui prévoit déjà que le rapport des dettes constitue un droit pour l'héritier, et qu'il peut donc imposer à ses cohéritiers un paiement par voie d'attribution lors du partage futur. L'exigibilité de sa dette est donc suspendue jusqu'à ce moment 101 ( * ) .

En revanche, le rapport n'est pas pour l'héritier une obligation et il peut régler sa dette avant le partage par paiement, notamment pour arrêter le cours des intérêts 102 ( * ) .

Art. 866 du code civil : Intérêts

Cet article prévoit que les sommes rapportables portent intérêt au taux légal , sauf stipulation contraire. Il s'agit de la conséquence logique du fait que le paiement des dettes ne peut être exigé avant le partage.

Cet article indique en outre que les intérêts courent depuis l'ouverture de la succession lorsque l'héritier en était débiteur envers le défunt et, à compter du jour où la dette est exigible, lorsque celle-ci est survenue durant l'indivision .

Art. 867 du code civil : Compensation avec les créances du copartageant sur la masse partageable

Cet article vise l'hypothèse d'un copartageant à la fois créancier et débiteur à l'égard de la masse partageable.

Il prévoit qu'il ne sera alloti de sa créance envers la masse partageable que si le solde de son compte, calculé à partir de ses droits dans la masse, auxquels est additionnée sa créance et soustraite sa dette, est positif.

Paragraphe 2
Des autres dettes

Le second paragraphe, relatif aux autres dettes, comprend les articles 870 à 882. Il conserve les actuels articles 870 à 876 et 882, sous réserve de quelques modifications rédactionnelles, mais réécrit entièrement les articles 877 à 881.

Votre commission vous propose d'adopter un amendement de rectification d'erreur matérielle afin de rétablir l'intitulé de ce paragraphe.

Art.s 873 à 876 du code civil : Coordinations rédactionnelles

A l'initiative de sa commission des lois, l'Assemblée nationale a :

- à l'article 873 du code civil, substitué à l'expression « portion virile » celle de « part successorale » ;

- aux articles 874, 875 et 876, supprimé la mention de « successeurs à titre universel », par coordination avec les dispositions du projet de loi qui substituent la notion d'héritier à celle de successeur.

Par ailleurs, le projet de loi remplace le terme de bénéfice d'inventaire par celui d'acceptation à concurrence de l'actif net à l'article 875 par coordination avec l'article 1 er du projet de loi.

Art. 877 du code civil : Titre exécutoire

Le projet de loi modernise la rédaction de l'article 877 sans en modifier la teneur et prévoit que le titre exécutoire contre le défunt l'est aussi contre l'héritier, huit jours après que la signification lui en a été faite.

Art. 878 du code civil : Bilatéralisation du privilège des créanciers

Le projet de loi modifie cette fois substantiellement l'article 878 relatif à la protection des créanciers par le mécanisme de la séparation des patrimoines .

Actuellement , la confusion du patrimoine du défunt et de celui de l'héritier en vertu du principe de continuation de la personne peut s'avérer préjudiciable pour les créanciers d'un défunt solvable, lorsque l'héritier est insolvable. Ils se retrouvent en effet en concurrence avec les créanciers personnels de l'héritier.

L'actuel article 878 prévoit donc que les créanciers successoraux peuvent demander , dans tous les cas, et contre tout créancier, la séparation du patrimoine du défunt d'avec le patrimoine de l'héritier . Ceci leur permet d'être préférés aux créanciers personnels sur les biens successoraux, tout en conservant le droit de saisir les biens personnels du successeur. Plutôt qu'une véritable séparation des patrimoines (comme dans le cas de la procédure de l'acceptation à concurrence de l'actif net), ce mécanisme traduit une préférence accordée aux créanciers successoraux sur les biens successoraux.

Ce mécanisme ne peut être utilisé que par les créanciers successoraux, qu'il s'agisse des créanciers du de cujus , des créanciers des charges de la succession ou des légataires de sommes d'argent 103 ( * ) (déjà protégés par leur hypothèque légale). L'actuel article 881 interdit en revanche expressément aux créanciers personnels de l'héritier de demander la séparation des patrimoines . On considère en effet que la séparation protège contre un successeur insolvable et non contre une succession déficitaire. Le créancier peut uniquement exercer contre l'acceptation pure et simple de son débiteur l'action paulienne.

Afin d'améliorer la protection des créanciers personnels de l'héritier et de promouvoir l'égalité entre créanciers, le projet de loi bilatéralise ce privilège .

Il rappelle tout d'abord le privilège des créanciers successoraux, en incluant expressément les légataires de biens fongibles , déjà admis par la jurisprudence, et en visant plus justement le privilège et non la séparation des patrimoines.

Votre commission vous propose d'adopter un amendement de coordination afin de viser les légataires de sommes d'argent et non de biens fongibles.

Le projet de loi prévoit ensuite une bilatéralisation de ce droit de préférence au bénéfice des créanciers personnels de l'héritier , qui pourront réciproquement demander à être préférés à tout créancier du défunt sur les biens de l'héritier non recueillis au titre de la succession. Ils se prémuniront ainsi contre l'insolvabilité du défunt. L'actif successoral reste le gage préférentiel des créanciers successoraux, tandis que l'actif du patrimoine personnel de l'héritier devient ainsi le gage prioritaire des créanciers personnels. Une telle réforme était notamment appelée de ses voeux par le professeur Grimaldi.

Enfin, le dernier alinéa précise que le privilège spécial sur les immeubles prévu au 6° de l'article 2103, qui dresse la liste des créanciers privilégiés sur les immeubles, est bilatéralisé . Il prévoit en outre que ce droit est sujet à l'inscription hypothécaire prévue par l'article 2111 pour chaque immeuble grevé de ce privilège. Cette inscription doit intervenir dans les quatre mois de l'ouverture de la succession.

Art. 879 du code civil : Modalités du droit de préférence

Cet article prévoit les modalités d'exercice de ce droit de préférence.

Il codifie la jurisprudence de la Cour de cassation, qui précise que la demande résulte de « tout acte par lequel un créancier héréditaire fait connaître aux créanciers personnels de l'héritier son intention de leur être préférés sur les biens successoraux » 104 ( * ) , en l'adaptant à la bilatéralisation opérée par l'article précédent.

Elle doit ainsi viser un bien déterminé et être adressée à un créancier concurrent .

Art. 880 du code civil : Possibilité d'y renoncer

Cet article prévoit que le droit de préférence ne peut plus être exercé lorsque le créancier demandeur y a renoncé.

Il s'agit de la reprise modernisée des dispositions de l'actuel article 879.

L'acceptation de l'héritier pour seul et unique débiteur est ainsi incompatible avec la séparation des patrimoines et constitue un cas de renonciation tacite à la séparation. En revanche, la renonciation tacite ne saurait résulter de ce que le créancier a poursuivi le successeur sur ses biens personnels 105 ( * ) .

Art. 881 du code civil : Prescription du droit de préférence

L'article 881 modifie les dispositions de l'actuel article 880 relatif à la prescription du droit de préférence.

Actuellement , cet article prévoit la possibilité de demander la séparation des patrimoines :

- pendant trois ans pour les meubles ;

- tant que les immeubles existent dans la main de l'héritier . Néanmoins, pour assurer la pleine efficacité de la séparation des patrimoines en présence d'immeubles, les créanciers successoraux et les légataires doivent prendre une inscription dans les quatre mois du décès.

Le projet de loi :

- ramène ce délai à deux ans à compter de l'ouverture de la succession s'agissant des meubles, tant pour les créanciers personnels que successoraux ;

- ne modifie pas le droit actuel s'agissant des immeubles.

Ce mécanisme ne devrait pas être très utilisé, la réforme de la procédure d'acceptation à concurrence de l'actif net devant permettre d'éviter ces situations de succession déficitaire.

Votre commission vous propose d' adopter l'article 6 ainsi modifié .

Article 7 (art. 884, 885 et 886 du code civil) - Garantie des lots

L'article 7 du projet modifie la section 4 relative aux effets du partage et à la garantie des lots, consacrée aux garanties découlant de l'effet déclaratif du partage affirmé par l'article 883, qui prévoit que chaque cohéritier est censé avoir succédé seul et immédiatement à tous les effets compris dans son lot comme si l'indivision n'avait pas existé.

Il renforce les garanties des cohéritiers afin d'assurer une égalité effective entre eux.

Art. 884 du code civil : Principe de la garantie

? Actuellement , l'article 884 prévoit que les cohéritiers demeurent garants, les uns envers les autres, des troubles et évictions provoqués par une cause antérieure au partage .

Néanmoins, cette garantie ne joue pas :

- si ce type d'éviction a été prévu par une clause de l'acte de partage visant expressément le bien susceptible d'éviction et la cause d'éviction exonérant de garantie ;

- ou lorsque l'éviction résulte d'une faute du cohéritier .

L'éviction s'entend de la reprise par un tiers d'un bien que l'on a cru à tort dépendre de la succession, tandis que le trouble s'entend comme une simple menace d'éviction (par exemple en raison de l'exercice d'une action en revendication). L'éviction peut être partielle, et suppose un préjudice qui diminue la valeur d'un lot.

? Le projet de loi complète cette garantie en prévoyant que les cohéritiers doivent garantir l'insolvabilité du débiteur d'une dette mise dans le lot d'un copartageant, si elle était connue avant le partage .

Il consacre donc la jurisprudence 106 ( * ) qui avait déjà étendu la garantie reconnue par l'article 886 au débiteur d'une rente.

Art. 885 du code civil : Étendue de la garantie

? Actuellement , l'article 885 prévoit que chacun des cohéritiers est personnellement obligé, en proportion de sa part héréditaire, d'indemniser son cohéritier de la perte que lui a causée l'éviction . En cas d'insolvabilité de l'un d'eux, sa portion est répartie entre le garanti et tous les cohéritiers solvables.

? Le projet de loi précise que cette perte est évaluée au jour de l'éviction et confirme ainsi la jurisprudence 107 ( * ) .

En outre, il substitue au terme de « part héréditaire » celui d'« émolument » pour désigner la valeur du lot. Par conséquent, il se réfère dorénavant non plus à ce que chaque copartageant avait vocation à recueillir, mais à ce qu'il a effectivement perçu.

Art. 886 du code civil : Prescription de l'insolvabilité du débiteur d'une dette

? En l'absence de disposition expresse, la garantie de l'éviction ou du trouble se prescrit actuellement par 30 ans , en vertu du droit commun.

Néanmoins, l'actuel article 886 prévoit un délai spécifique de cinq ans à compter du partage s'agissant de la garantie de la solvabilité du débiteur d'une rente .

? Le projet de loi prévoit désormais un délai de prescription unique et raccourci de deux ans à compter de l'éviction ou de la découverte du trouble.

Cette réduction drastique va dans le sens de l'accroissement de la sécurité juridique du partage recherché par le projet de loi.

Votre commission vous propose d' adopter l'article 7 sans modification .

Article 8 (art. 887 à 892 du code civil) - Actions en nullité du partage et en complément de part
SECTION 5 - Des actions en nullité du partage ou en complément de part

L'article 8 du projet de loi apporte des modifications substantielles à la section 5 de ce nouveau chapitre VIII relatif au partage, qui traite actuellement de la rescision en matière de partage, afin de lui substituer des actions en nullité du partage et en complément de part .

Le projet de loi prétend ainsi éviter des remises en cause intempestives du partage et le sécuriser.

Les articles 887 à 892 modifiés distinguent deux types d'actions, relatives respectivement aux vices de consentement et à la lésion.

Paragraphe 1 - Des actions en nullité du partage

Le projet de loi consacre deux règles jurisprudentielles, en reconnaissant l'erreur, dans certaines conditions, et l'omission d'un héritier comme causes de nullité.

Art. 887 du code civil : Reconnaissance de l'erreur comme cause de nullité

Actuellement, le premier alinéa de l'article 887 prévoit que le partage peut être rescindé pour cause de violence ou de dol , tandis que le second alinéa ajoute qu'une lésion de plus du quart d'un des cohéritiers donne également lieu à rescision.

L'article 887 indique enfin que la simple omission d'un objet de la succession ne donne pas lieu à ouverture à l'action en rescision mais seulement à un supplément à l'acte de partage.

Cette omission de l'erreur comme cause de rescision se justifie par l'existence d'autres règles permettant de corriger ou de sanctionner l'erreur :

- l'erreur sur la valeur des biens relève de la rescision pour lésion ;

- l'erreur sur la consistance de la masse partageable peut être résolue par le partage complémentaire des biens omis prévu par cet article ou par la garantie d'éviction due à celui qui a été évincé de biens abusivement inclus dans son lot  ;

- l'erreur sur la personne d'un copartageant admis à tort au partage relève d'une pétition d'hérédité.

La Cour de cassation a cependant admis une action en nullité pour erreur dans des « cas spéciaux et très exceptionnels » 108 ( * ) tels que :

- l'inclusion dans la masse d'un bien appartenant privativement à l'un des copartageants, lequel se trouve empêché d'évincer l'attributaire par l'adage « qui doit garantie ne peut évincer » ;

- la fausse appréciation des droits des indivisaires dans la masse, en raison de l'ignorance de l'existence d'un testament instituant l'un d'eux légataire universel.

La jurisprudence admet donc l'erreur sur l'existence ou la quotité des droits des copartageants 109 ( * ) ainsi que l'erreur sur la propriété des biens compris dans la masse partageable 110 ( * ) .

Le projet de loi admet en premier lieu l'action en nullité sur le fondement de l'erreur, mais uniquement si celle-ci a porté sur l'existence ou la quotité des droits des copartageants ou sur la propriété des biens compris dans la masse partageable , reprenant ainsi les limites fixées par la jurisprudence.

En l'absence de disposition spécifique dérogatoire, la prescription de l'action en nullité est de cinq ans, conformément à l'article 1304.

En outre, le projet de loi cherche à préserver le partage, même vicié, en indiquant que dès lors que les conséquences de la violence, du dol ou de l'erreur peuvent être réparées autrement, un partage complémentaire ou rectificatif peut être ordonné par le tribunal à la demande de l'une des parties. Une telle solution est actuellement prévue en cas d'omission d'un objet de la succession ou en cas de lésion (art. 891).

En effet, la nullité anéantit le partage, ce qui a des effets extrêmement graves. Les copartageants sont réputés n'être jamais sortis de l'indivision. Les fruits doivent donc être restitués à la masse (sauf application des articles 466 et 840 lorsque la nullité a pour cause l'inobservation des règles protectrices des incapables ou des absents).

Le projet de loi déplace enfin les dispositions relatives au partage complémentaire en cas d'omission d'un bien indivis et à la rescision pour lésion respectivement aux articles 892 et 889 modifiés.

Art. 887-1 du code civil : Omission d'un héritier

Le projet de loi consacre ensuite la jurisprudence qui prévoit l'annulation du partage auquel l'un des copartageants n'a pas participé, en considérant que la présence et le concours de tous les indivisaires est une condition substantielle de la validité du partage 111 ( * ) .

Il prévoit toutefois que l'annulation du partage peut être évitée si l'héritier demande à recevoir sa part en nature ou en valeur.

Dans ce cas, une nouvelle évaluation des biens est effectuée pour déterminer la part de l'héritier omis, comme s'il s'agissait d'un nouveau partage.

Art. 888 du code civil : Irrecevabilité de l'action en nullité

Le projet de loi reprend les dispositions de l'actuel article 892, qui prévoit une présomption irréfragable de confirmation du partage du fait de l'aliénation par un copartageant de tout ou partie de son lot après la découverte du dol ou la cessation de la violence.

Il le complète en prenant en compte l'hypothèse de l'erreur

Paragraphe 2 - De l'action en complément de part

Le projet de loi maintient le principe d'une sanction de la lésion de plus du quart dans le partage, mais substitue à l'action en rescision une action en complément de part afin de limiter les hypothèses d'annulation du partage .

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois, adopté un amendement rédactionnel afin de préciser l'unicité de l'action en complément de part.

Art. 889 du code civil : Action en complément de part

La lésion est le préjudice subi par un copartageant lors du partage, dont la part en propriété divise est inférieure à sa part indivise. Elle résulte d'une évaluation inexacte des biens ou d'une erreur dans l'estimation de la masse partageable.

En principe, la lésion ne vicie pas les conventions entre majeurs non protégés. Font cependant exception à ce principe les ventes d'immeubles (art. 1674) et le partage.

Actuellement , le deuxième alinéa de l'article 887 précise qu'un copartageant lésé de plus du quart peut agir en rescision pour lésion. Selon la jurisprudence, le demandeur doit établir qu'il a reçu un lot inférieur aux ¾ de ce qu'il aurait dû recevoir et non que l'un de ses cohéritiers a reçu un lot excédant de plus du quart ce à quoi il pouvait prétendre. L'actuel article 890 précise que les biens pris en compte sont estimés à leur valeur à l'époque du partage, ce qui vise en fait la date de la jouissance divise .

Cette action, soumise au régime des nullités relatives, se prescrit par cinq ans (actuel art. 1304). Le délai court à compter du jour du partage lésionnaire, et non de la découverte de la lésion ou de son ampleur 112 ( * ) . Cette solution est sévère mais découle du fait que la lésion est un vice objectif.

La rescision pour lésion anéantit le partage, avec toutes les conséquences que cela emporte : nécessité d'un nouveau partage, restitution des fruits, sauf s'ils ont été perçus de bonne foi avant la demande en rescision.

Néanmoins, le défendeur peut « racheter la lésion » en fournissant au demandeur un complément de part héréditaire soit en numéraire, soit en nature (actuel art. 891). Cette faculté n'appartient qu'à lui et le lésé ne peut choisir entre rescision et rachat.

L'indemnité doit être calculée non pas au jour du partage lésionnaire mais à celui où elle est payée 113 ( * ) , la technique de la dette de valeur permettant de protéger le créancier contre l'érosion monétaire. Il y a donc une double évaluation : au jour du partage pour savoir s'il y a lésion et au jour du rachat pour liquider l'indemnité. Si le complément est fourni en nature, il faut également l'évaluer au jour de sa remise.

Le projet de loi prévoit que l'action en complément de part de l'actuel article 891 devient le principe et non plus une solution alternative dépendant de la volonté du seul défendeur. Il ne sera donc plus possible d'obtenir la rescision du partage pour lésion.

Le défendeur conserve le choix de fournir le complément de part en numéraire ou en nature.

La règle selon laquelle l'évaluation des biens pour apprécier la réalité de la lésion est faite au jour du partage est confirmée.

Enfin, le projet de loi ramène le délai de prescription de cinq à deux ans à compter du partage afin de sécuriser le partage. En effet, un délai de prescription de cinq ans posait problème en cas de vente des biens en raison de l'évolution du marché.

Art. 890 du code civil : Champ d'application

Le projet de loi reprend tout d'abord les dispositions du premier alinéa de l'actuel article 888 et prévoit que l'action en complément de part est admise contre tout acte, quelle que soit sa dénomination, dont l'objet est de faire cesser l'indivision entre copartageants. Peu importe que le partage soit partiel ou total, amiable ou judiciaire .

Il précise ensuite que cette action n'est plus admise lorsqu'une transaction est intervenue sur les difficultés nées du partage postérieurement à celui-ci, en reprenant en les simplifiant les dispositions du deuxième alinéa de l'article 888 en vigueur.

Le dernier alinéa prévoit qu' en cas de partages partiels successifs, la lésion s'apprécie sans tenir compte, ni du partage partiel déjà intervenu lorsque celui-ci a rempli les parties de leurs droits par parts égales, ni des biens non encore partagés .

Cette disposition consacre la jurisprudence, qui s'est prononcée sur le point de savoir si la lésion doit être évaluée en considérant chaque partage séparément ou s'il faut les réunir dans une masse globale fictive. Elle considère qu'il n'y pas lieu de tenir compte des biens non encore partagés 114 ( * ) , ce qui permet de ne pas attendre le partage de l'ensemble des biens pour apprécier la lésion. En revanche, il faut tenir compte des autres partages partiels déjà réalisés dès lors qu'ils ont constitué des lots inégaux 115 ( * ) .

Art. 891 du code civil : Exclusion des actes aléatoires

Le projet de loi reprend en les adaptant à l'action en complément de part les dispositions de l'actuel article 889.

Il prévoit, par exception à l'article 890 modifié, que l'action en complément de part n'est pas admise contre une vente de droits indivis :

- lorsqu'elle a été faite sans fraude ;

- et comporte un aléa réel (le projet de loi substitue cette notion d'aléa à l'expression « aux risques et périls du cessionnaire » en vigueur) défini dans l'acte et expressément accepté par le cessionnaire. Il s'agit d'une application de la règle selon laquelle l'aléa chasse la lésion.

Art. 892 du code civil : Omission d'un bien indivis

Cet article reprend les dispositions du troisième alinéa de l'actuel article 887 afin de préciser que la simple omission d'un bien indivis ne donne pas lieu à une action en complément de part, mais à un partage complémentaire portant sur ce bien .

Votre commission vous propose d' adopter l'article 8 sans modification .

TITRE II - DISPOSITIONS RELATIVES AUX LIBÉRALITÉS

Article 9 - Intitulé du titre II du Livre III du code civil

Cet article, adopté sans modification par l'Assemblée nationale en première lecture, a pour objet d'intituler le titre II du livre III (« Des différentes manières dont on acquiert la propriété ») du code civil : « Des libéralités », et non plus : « Des donations entre vifs et des testaments », afin de substituer le terme générique à l'énumération des deux catégories d'actes qu'il recouvre.

Ce terme est en effet à la fois unanimement reconnu par la doctrine et déjà largement utilisé dans le code civil. L'article 10 du projet de loi prévoit d'en donner une définition à l'article 893 dudit code.

Votre commission vous propose d' adopter l'article 9 sans modification .

Article 10 (art. 893, 896, 897, 901, 910 et 911 du code civil)
Définition des libéralités - Suppression de la prohibition des substitutions fidéicommissaires - Actualisation des règles relatives aux interpositions

Cet article a pour objet de donner une définition légale des libéralités, de mettre fin à l'interdiction de principe des substitutions fidéicommissaires et d'actualiser les règles relatives aux interpositions.

1. La définition des libéralités

Le , auquel l'Assemblée nationale n'a apporté qu'une modification formelle, tend à réécrire l'article 893 du code civil afin :

- dans un premier alinéa, de définir la libéralité comme « l'acte par lequel une personne dispose à titre gratuit de tout ou partie de ses biens ou de ses droits au profit d'une autre personne » ;

- dans un second alinéa, de préciser qu'une libéralité ne peut prendre la forme que de deux catégories d'actes -la donation entre vifs ou le testament.

Les articles 894 et 895, laissés inchangés par le projet de loi, définissent respectivement :

- la donation entre vifs , comme « l'acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée, en faveur du donataire qui l'accepte » ;

- le testament , comme « l'acte par lequel le testateur dispose, pour le temps où il n'existera plus, de tout ou partie de ses biens, et qu'il peut révoquer . »

La donation entre vifs doit en principe revêtir la forme d'un acte notarié , en application de l'article 931 du code civil. Toutefois, les dispositions de cet article ont simplement pour effet d'interdire, à peine de nullité, la passation sous seing privé d'un acte ayant expressément cet objet. En effet, la loi n'interdit pas et la jurisprudence admet en conséquence les donations tacites.

Pour contourner la prohibition de l'article 931, il suffit de ne pas matérialiser l'accord des volontés par un écrit ( don manuel ) ou bien de couvrir d'un voile pudique la gratuité de l'opération ( donation déguisée 116 ( * ) ou donation indirecte 117 ( * ) ). Le désir des particuliers d'éluder les règles civiles (capacité, rapport, réduction...) et surtout fiscales normalement applicables aux libéralités explique le succès de ces donations non notariées. Pourtant, si elles échappent aux règles de forme édictées par le code civil, elles continuent d'obéir aux règles de fond et sont requalifiées lorsque le juge en est saisi. Bien évidemment, elles donnent alors lieu à un redressement fiscal.

Quant au testament , il doit nécessairement être écrit . L'article 969 du code civil ne prévoit en effet que trois formes pour tester, toutes trois écrites :

- le testament olographe qui, aux termes de l'article 970, n'est assujetti à aucune autre forme que l'obligation d'être écrit en entier, daté et signé de la main du testateur 118 ( * ) ;

- le testament fait par acte public qui, aux termes de l'article 971, doit être reçu par deux notaires ou par un notaire assisté de deux témoins ;

- le testament fait dans la forme mystique qui, aux termes de l'article 976, doit être présenté au notaire et à deux témoins, dans un papier clos, cacheté et scellé au préalable ou en leur présence, et doit faire l'objet d'un acte de suscription dressé en brevet par le notaire.

Entrée en vigueur le 1 er décembre 1994, la convention de Washington du 28 octobre 1973 propose une nouvelle forme de testament admise et valable dans tous les Etats qui y ont adhéré, et dont la France fait partie : le testament international .

La loi uniforme -tel est le nom donné à la convention- laisse cependant subsister toutes les autres formes de testament connues dans chaque législation nationale.

Le testament international n'est pas sans rappeler le testament mystique.

Comme lui, il n'est pas nécessairement écrit par le testateur lui-même et peut être rédigé en une langue quelconque, à la main ou par un autre procédé, une rédaction dactylographiée étant possible -les personnes illettrées ou infirmes peuvent ainsi faire écrire leur testament par une autre personne.

En présence de deux témoins et d'une personne habilitée à instrumenter à cet effet 119 ( * ) , le testateur déclare d'abord que le document est son testament et qu'il en connaît le contenu -qu'il n'est pas tenu de leur révéler. Puis, il signe le testament ou, s'il l'a signé précédemment, reconnaît et confirme sa signature. Les témoins et la personne habilitée y apposent aussitôt la leur en présence du testateur. La personne habilitée joint au testament « une attestation établissant que les obligations prescrites par la loi uniforme ont été respectées » rédigée suivant un modèle imposé.

Les principales distinctions entre la donation entre vifs et le testament sont les suivantes :

Donation entre vif

Testament

Contrat

Acte unilatéral 120 ( * )

Irrévocabilité
sauf dans l'hypothèse
d'une inexécution par le donataire
des charges grevant la libéralité

Révocabilité

Imputation, sauf stipulation contraire,
sur la réserve éventuelle du donataire

Imputation du legs, sauf stipulation contraire,
sur la quotité disponible du légataire

Possibilité d'un paiement des droits de mutation par le donateur sans qu'il en résulte, fiscalement, une donation supplémentaire

Paiement des droits de mutation
par le légataire

Absence de déduction des dettes
dans le calcul des droits de mutation

Déduction des dettes
dans le calcul des droits de mutation

Les dispositions actuelles de l'article 893 du code civil, aux termes desquelles il n'est possible de disposer de ses biens, à titre gratuit, que par donation entre vifs ou par testament, ne seraient donc pas remises en cause mais précisées sur trois points.

Serait ainsi plus clairement mis en exergue le fait que les libéralités :

- présentent la caractéristique commune d'être des actes effectués à titre gratuit, c'est-à-dire entraînant un appauvrissement de leur auteur ;

- peuvent porter non seulement sur des biens mais également sur des droits, qu'il s'agisse de droits réels -usufruit 121 ( * ) , servitude de passage 122 ( * ) , droit d'usage et d'habitation 123 ( * ) - ou de droits personnels -remise de dette, bail ne comportant pas de loyer, cession de créance à titre gratuit 124 ( * ) . En revanche, les services ne sont pas l'objet de donation. En d'autres termes, celui qui rend un service à autrui sans être rémunéré ne consent pas une libéralité parce que, à proprement parler, il ne s'appauvrit pas 125 ( * ) ;

- peuvent ne concerner qu'une partie des biens ou des droits de leur auteur.

L'emploi du terme de « personne », sans autre précision, vise aussi bien les personnes physiques que les personnes morales. Encore convient-il d'observer que ces dernières n'ont pas toutes la capacité de consentir ni de recevoir une libéralité. A titre d'exemple, sans préjudice des dispositions de la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat, une libéralité consentie par une société commerciale a de grandes chances d'être qualifiée d'abus de bien social. Depuis le 1 er janvier 2006 et en application d'une ordonnance n° 2005-856 du 28 juillet 2005 prise sur le fondement de l'article 10 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit, les dispositions entre vifs ou par testament, au profit des fondations, des congrégations et des associations ayant la capacité à recevoir des libéralités, à l'exception de celles considérées comme des sectes, ne sont plus soumises à un régime d'autorisation préalable mais à une obligation de déclaration auprès de la préfecture, qui peut s'y opposer sur le fondement de l'inaptitude de l'organisme légataire ou donataire à utiliser la libéralité conformément à son objet statutaire.

Souscrivant aux modifications proposées, votre commission vous soumet un amendement rédactionnel au texte proposé pour l'article 893 du code civil, ainsi qu'un amendement tendant à modifier l'article 895 afin de prévoir, par coordination avec la nouvelle rédaction de l'article 893, que le testament est un acte par lequel le testateur dispose de tout ou partie de ses biens « ou de ses droits ».

Votre rapporteur n'a pas jugé nécessaire d'opérer une modification similaire à l'article 894 en raison du caractère général de la notion de « chose donnée » et de sa reprise dans de nombreux articles du code civil, notamment dans la partie relative aux contrats (art. 1126 et suivants).

2. La suppression de la prohibition des substitutions fidéicommissaires

Le , entièrement réécrit par l'Assemblée nationale sur proposition de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, tend à abroger les articles 896 et 897 du code civil : le premier pose le principe de la prohibition des substitutions mais ne prohibe véritablement, à peine de nullité, que les substitutions dites fidéicommissaires, tandis que le second ménage à ce principe une dérogation justifiée par un intérêt familial.

• Le droit en vigueur

La substitution fidéicommissaire, également appelée libéralité graduelle, est la clause par laquelle le disposant charge la personne gratifiée de conserver toute sa vie durant les biens ou droits qu'il lui a donnés ou légués en vue de les transmettre, à son décès, à une autre personne désignée par lui.

Elle se caractérise ainsi par la conjonction de trois éléments :

- l'existence de deux libéralités successives ;

- la charge, pour le premier gratifié, également appelé le grevé, de conserver et de transmettre ;

- le report de l'exécution de la seconde libéralité au décès du premier gratifié.

Elle se distingue :

- de la substitution dite « vulgaire » qui constitue une clause, autorisée par l'article 898 du code civil, par laquelle l'auteur de la libéralité prend la précaution de désigner un bénéficiaire de second rang pour le cas où le bénéficiaire désigné en premier lieu serait prédécédé ou, en cas de survie, refuserait la libéralité ;

- de la double libéralité en usufruit et en nue-propriété , autorisée par l'article 899 du code civil et qui permet d'obtenir un résultat très proche.

Par dérogation à la règle posée par l'article 900 du code civil, la nullité qui sanctionne la substitution prohibée atteint la disposition dans son entier et pas seulement la clause de substitution : les deux libéralités prévues par le disposant sont anéanties. Elle se prescrit par trente ans et la libéralité n'est pas susceptible de confirmation.

Sous l'Ancien Régime, la substitution fidéicommissaire fut utilisée comme un instrument de conservation du patrimoine familial et de mise en oeuvre du droit d'aînesse sur certains biens. M. Michel Grimaldi rappelle ainsi que : « Par des substitutions graduelles, c'est-à-dire à plusieurs degrés, voire perpétuelles, la noblesse assurait tout à la fois l'accroissement progressif de la fortune familiale, essentiellement foncière, et sa concentration entre les mains de l'aîné de chaque génération. Cet usage de l'institution explique son histoire : le pouvoir royal, qui redoutait les trop fortes puissances familiales, prohiba la substitution au-delà de deux générations ; la Révolution, tout à la fois hostile à la famille comme aux institutions nobiliaires, l'abolit purement et simplement ; le code civil, soucieux de restaurer la famille mais non de ressusciter les privilèges successoraux, maintint la prohibition tout en y apportant certaines exceptions au profit de la proche famille et à la condition que l'égalité fût respectée 126 ( * ) . »

L'article 897 du code civil admet ainsi la validité des substitutions fidéicommissaires établies au profit des petits enfants ou des neveux et nièces :

- les père et mère peuvent imposer à l'enfant qu'ils gratifient, dont ils redoutent la prodigalité ou l'impéritie, la charge de conserver et de remettre les biens reçus à ses propres enfants 127 ( * ) ;

- une personne sans postérité peut grever une libéralité consentie à ses frères ou soeurs d'une charge leur imposant de transmettre les biens reçus à leurs enfants et s'assurer ainsi du maintien des biens dans la famille 128 ( * ) .

Ces deux substitutions exceptionnellement autorisées sont par ailleurs soumises à des conditions rigoureuses définies par les articles 1048 à 1074 du code civil :

- la substitution ne peut porter que sur la quotité disponible ;

- elle n'est autorisée que sur un seul degré ;

- toute distinction fondée sur l'âge ou le sexe est interdite ;

- la substitution ne peut concerner que les biens disponibles, à peine de réduction.

La jurisprudence a par ailleurs admis un certain nombre d'opérations voisines de la substitution fidéicommissaire qui, techniquement, ne se confondent pas avec elle :

- le double legs alternatif et conditionnel 129 ( * ). Dans cette opération, deux personnes sont gratifiées sous une condition inverse. Le même événement à venir vaut à la fois comme condition résolutoire de la libéralité consentie à la première et comme condition suspensive de la libéralité adressée à la seconde. Si l'événement se réalise -par exemple le prédécès sans postérité de son bénéficiaire-, la première libéralité est rétroactivement anéantie tandis que la seconde est censée avoir toujours existé ; si l'événement ne se réalise pas, la première sera définitivement consolidée alors que la seconde ne produira jamais aucun effet. Ainsi conçu, le mécanisme diffère de la substitution fidéicommissaire en ce qu'il écarte la succession de deux libéralités. La différence ne tient pas aux réalités économiques comme dans la double libéralité en usufruit et en nue-propriété mais à une fiction juridique ;

- le legs de residuo , encore appelé fidéicommis sans inaliénabilité 130 ( * ) , disposition par laquelle le testateur lègue ses biens à une première personne en stipulant qu'elle devra transmettre à une seconde personne précisément désignée ce qui restera du legs à sa mort . L'opération se rapproche de la substitution fidéicommissaire en ce que le résidu, s'il y en a un, fera de plein droit l'objet d'une double transmission successive. Elle en diffère fondamentalement en ce que le premier bénéficiaire n'a pas l'obligation de conserver ; il peut librement disposer de l'ensemble des biens légués et ne rien laisser au second bénéficiaire laissé après lui. La jurisprudence a admis, tout d'abord, que le testateur pouvait interdire au premier gratifié de disposer de ses biens par donation ou par testament 131 ( * ) , ensuite, que la cession de valeurs mobilières anciennes suivie de l'achat de titres nouveaux n'était pas un acte de disposition réduisant le résidu mais un acte de gestion normale de portefeuille, le résidu comprenant en conséquence l'ensemble du portefeuille tel qu'il était constitué au décès du premier bénéficiaire 132 ( * ) , enfin, que le legs de residuo , à la différence d'une substitution permise, pouvait porter sur la réserve héréditaire aussi bien que sur la quotité disponible 133 ( * ) .

• Le dispositif proposé

Dans sa rédaction initiale , le du présent article tendait à insérer un article 897-1 dans le code civil afin d' autoriser expressément les libéralités résiduelles , tout en maintenant le principe de l'interdiction des substitutions posé par l'article 896.

Ce faisant, il donnait une base légale à la jurisprudence relative au legs de residuo et levait les incertitudes entourant les donations entre vifs revêtant les mêmes caractéristiques. En l'absence d'une position claire de la Cour de cassation, la doctrine était en effet divisée sur la licéité de telles libéralités.

Sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale a réécrit l'article 17 du projet de loi, qui avait initialement pour seul objet de définir le régime légal des libéralités résiduelles, afin d'autoriser également, en les encadrant, les libéralités graduelles , expression préférée à celle de substitutions fidéicommissaires.

En conséquence, jugeant inutile de maintenir le principe de la prohibition des substitutions, elle a réécrit le 2° du présent article afin de prévoir l'abrogation des articles 896 et 897 du code civil.

• La position de la commission

Les substitutions s'avèrent aujourd'hui faciles à contourner quand elles sont prohibées et difficiles à analyser quand elles sont permises. Une réforme des règles applicables semble donc nécessaire.

Tout en souscrivant à l'assouplissement prévu par l'article 17 du projet de loi, votre commission vous soumet un amendement tendant à maintenir le principe de la prohibition des substitutions en dehors des cas prévus par la loi .

Certes, la justification politique de ce principe s'estompe alors qu'il contrarie la volonté du disposant et empêche des opérations parfois éminemment conformes à l'intérêt de la famille. La substitution fidéicommissaire permet en effet de protéger à la fois celui que sa prodigalité ou son incompétence menace de réduire à la misère et ses descendants, donc l'ensemble de la famille du disposant.

Elle présente en revanche, selon le professeur Michel Grimaldi « l'inconvénient économique très sérieux de placer des biens hors du commerce et de créer ainsi des situations de mainmorte. Incessibles, les biens sont exposés au risque d'une exploitation abusive ou négligente ; insaisissables, ils ne peuvent être un instrument de crédit. Or la circulation des richesses et le crédit sont indispensables à l'économie libérale 134 ( * ) ». Certes, cet inconvénient est atténué par la possibilité offerte par les articles 900-2 à 900-7 du code civil d'obtenir la révision en justice des conditions et charges grevant les donations ou legs reçus lorsque, par suite d'un changement de circonstances, l'exécution en est devenue pour leur bénéficiaire soit extrêmement difficile, soit sérieusement dommageable.

Mais la restriction importante apportée par les substitutions au principe de libre circulation des biens justifie, comme l'a fait valoir le professeur Pierre Catala lors de son audition par votre rapporteur, que la prohibition reste le principe et la validité l'exception.

3. Les conditions de validité du consentement de l'auteur de la libéralité

Le bis , inséré par l'Assemblée nationale sur proposition de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, tend à réécrire l'article 901 du code civil, aux termes duquel il faut être sain d'esprit pour faire une donation entre vifs ou un testament, afin :

- d'une part, de substituer le terme générique de « libéralité » à la mention de ces deux catégories d'actes ;

- d'autre part, de préciser les vices du consentement pouvant être invoqués, en indiquant qu'« une libéralité est nulle lorsque le consentement a été vicié par l'erreur, le dol ou la violence, physique ou morale ».

L'article 489 du code civil dispose déjà qu'il faut être sain d'esprit pour faire un acte juridique. L'article 901 ne constitue donc que la répétition de cette règle générale 135 ( * ) .

L' insanité d'esprit s'apprécie de la même façon dans les actes gratuits et onéreux. Elle est largement entendue. Selon la Cour de cassation, elle inclut « toutes les variétés d'affection mentale par l'effet desquelles l'intelligence du disposant aurait été obnubilée, ou sa faculté de discernement déréglée 136 ( * ) . » Peu importe donc que l'altération des facultés mentales soit durable ou seulement momentanée, qu'elle procède d'un état psychique, d'une maladie physique ou même de l'absorption d'alcool ou de drogue. Il suffit d'établir qu'au moment de la libéralité, son auteur ne jouissait pas d'une lucidité suffisante pour comprendre la portée et les conséquences de ses actes. La preuve de l'insanité d'esprit est à la charge de celui qui se prévaut de la nullité.

Quant aux vices du consentement mentionnés par l'Assemblée nationale, ils étaient déjà admis par la jurisprudence, qui appliquait les règles générales posées par les articles 1109 et suivants du code civil :

- l' erreur peut ainsi porter tant sur l'objet de la libéralité que sur la personne de son bénéficiaire. En matière de libéralité, elle porte souvent sur le droit applicable ;

- le dol peut être le fait non seulement du gratifié mais également d'un tiers 137 ( * ) , alors qu'en règle générale il n'est une cause de nullité que s'il est le fait de l'une des parties au contrat. Il est, de tous les vices du consentement, celui qui est le plus souvent invoqué à l'encontre des donations et celui qui suscite le contentieux le plus abondant. Conformément à l'article 1116 du code civil, la nullité n'est encourue que s'il y a eu de véritables manoeuvres frauduleuses, « des pratiques artificieuses ou des insinuations mensongères 138 ( * ) » et que ces manoeuvres ont eu un caractère déterminant sur la décision du disposant. Le dol englobe aujourd'hui la suggestion et la captation qui constituaient selon l'ordonnance d'août 1735 des causes distinctes d'annulation des libéralités ;

- la violence peut être à la fois physique mais également -et le plus souvent- morale. Elle résulte alors de menaces ou de chantage telle la menace de laisser sans soin une personne âgée et affaiblie par la maladie 139 ( * ) ou celle d'exercer abusivement des poursuites judiciaires.

La mention de ces causes de nullité dans les dispositions relatives aux libéralités n'est pas inutile dans la mesure où l'article 1109 du code civil, selon lequel « il n'y a point de consentement valable, si le consentement n'a été donné que par erreur, ou s'il a été extorqué par violence ou surpris par dol », ne concerne que les conditions requises pour la validité des conventions. Or un testament est un acte unilatéral.

Votre commission vous soumet toutefois un amendement ayant pour objet de supprimer la précision selon laquelle la violence peut être physique ou morale pour une double raison :

- la jurisprudence admet déjà la violence morale comme une cause de nullité d'une libéralité ;

- nombre d'articles du code civil et du projet de loi lui-même faisant référence à la violence en général, il convient de maintenir une rédaction uniforme sous peine de créer des ambiguïtés.

4. La suppression de références obsolètes

Le ter , inséré par l'Assemblée nationale sur proposition de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, tend à modifier le premier alinéa de l'article 910 du code civil, qui subordonne les libéralités consenties au profit des hospices, des pauvres d'une commune, ou d'établissements d'utilité publique à une autorisation par une ordonnance royale, afin de substituer à cette exigence obsolète celle d'un décret.

Quitte à actualiser des dispositions obsolètes, votre commission vous soumet un amendement ayant pour objet de ne plus faire référence aux « hospices » mais aux établissements de santé et aux établissements sociaux et médico-sociaux.

5° L'actualisation des règles limitant les interpositions

Le a pour objet de modifier l'article 911 du code civil afin d'actualiser les règles relatives aux interpositions. Sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale a procédé à une réécriture d'ensemble de cet article pour clarifier ses dispositions.

La liberté de disposer et de recevoir à titre gratuit n'est entravée que par certaines incapacités légales, souvent fondées sur une présomption de captation.

Dans cinq hypothèses, la loi interdit à une personne de recevoir une libéralité d'une autre personne parce qu'elle craint que la première soit à même d'abuser de son influence sur la seconde :

- le tuteur ne peut rien recevoir de son pupille , même après la cessation de la tutelle, jusqu'à ce que le compte définitif de tutelle ait été rendu et apuré, sauf s'il est son ascendant (art. 907 du code civil). La règle est propre à la tutelle des mineurs ; elle ne s'applique pas à la tutelle des majeurs qui sont soumis à un régime spécifique ;

- les médecins et pharmaciens ne peuvent être gratifiés par leurs malades , lorsque cette maladie est la cause du décès 140 ( * ) , sauf s'il s'agit d'une libéralité rémunératoire tenant lieu d'honoraires ou si le disposant et le gratifié sont proches parents, c'est-à-dire jusqu'au quatrième degré (art. 909 du code civil) ;

- les ministres du culte sont assimilés aux médecins et pharmaciens (art. 909 du code civil) ;

- les personnels des établissements sociaux et médico-sociaux ne peuvent bénéficier de libéralités des personnes hébergées dans l'établissement, sous réserve des exceptions prévues par l'article 909 du code civil (art. L. 331-4 du code de l'action sociale et des familles) ;

- il en va de même du couple ou de la personne accueillant familial et, s'il y a lieu, de son conjoint, de la personne avec laquelle elle a conclu un pacte civil de solidarité ou son concubin, de ses ascendants ou descendants en ligne directe (art. L. 443-6 du code de l'action sociale et des familles).

Tirant les conséquences de la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l'homme le 1 er février 2000 dans l'affaire Mazureck, la loi n° 2001-1135 du 3 décembre 2001 a supprimé les discriminations subies par les enfants adultérins dans la succession de leur auteur engagé dans les liens du mariage au jour de leur conception et abrogé les articles 908 et 908-1 du code civil limitant leurs droit en matière de libéralités.

La sanction de ces incapacités relatives ne soulève aucune difficulté quand la libéralité est consentie ouvertement. Le disposant peut toutefois s'efforcer de tourner l'interdiction légale au moyen d'un déguisement de la libéralité ou d'une interposition de personne :

- en dissimulant une donation sous le voile d'un acte à titre onéreux, on empêche les tiers d'en percevoir la véritable nature et d'en demander la nullité. A titre d'exemple, un malade n'a pas le droit de donner un bien à son médecin mais peut le lui vendre ;

- de même, en adressant une donation à un bénéficiaire apparent qui joue le rôle d'une personne interposée, on interdit aux tiers de connaître le nom du donataire véritable, par hypothèse incapable de recevoir.

L'article 911 du code civil sanctionne rigoureusement ces deux cas de fraude en prévoyant la nullité absolue de la libéralité alors qu'elle n'aurait encourue qu'une nullité relative si elle avait été directement consentie à son bénéficiaire .

La charge de la preuve de la fraude pèse sur celui qui conteste la libéralité. Comme elle est difficile à établir, l'article 911 dispose que les plus proches parents de l'incapable sont réputés être des personnes interposées : ses père et mère, ses enfants et descendants, et son époux. La preuve contraire ne pouvant en conséquence être rapportée, ils sont également frappés d'une incapacité de recevoir .

Les principales modifications proposées par le projet de loi consistent :

- d'une part, à préciser que l'interposition peut être le fait d'une personne physique ou morale . Cette précision paraît utile pour éviter la constitution de sociétés écrans, par exemple une société civile immobilière ;

- d'autre part, à établir une simple présomption d'interposition au profit des proches parents de l'incapable afin de rendre possible la levée de l'incapacité de recevoir qui les frappe. La rédaction proposée ne semble toutefois pas permettre d'atteindre cet objectif car l'article 1352 du code civil dispose que toute présomption légale est irréfragable lorsqu'elle a pour effet de provoquer la nullité d'un acte juridique, sauf si la loi a réservé la preuve contraire. Tel n'étant pas le cas, votre commission vous soumet un amendement tendant à réparer cette omission, ainsi qu'un amendement rédactionnel.

Elle vous propose d' adopter l'article 10 ainsi modifié .

Article 11 - Organisation du chapitre III du titre II du Livre III du code civil, relatif à la réserve héréditaire, à la quotité disponible et à la réduction des libéralités excessives

Cet article, entièrement réécrit par l'Assemblée nationale en première lecture à l'initiative de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, a pour objet de réorganiser la structure interne du chapitre III (« De la portion de biens disponible, et de la réduction ») du titre II du livre III du code civil, qui traite des modalités de détermination de la quotité disponible et des conditions dans lesquelles les libéralités excessives peuvent être réduites.

Dans sa rédaction initiale, les intitulés actuels de ce chapitre et des deux sections qui le composent étaient conservés, la première restant consacrée à la « portion de biens disponible », la seconde à la « réduction des donations et legs ».

L'Assemblée nationale a souhaité les modifier.

Le chapitre serait désormais intitulé : « De la réserve héréditaire, de la quotité disponible et de la réduction ».

La section 1 , intitulée « De la réserve héréditaire et de la quotité disponible », comprendrait les articles 912 à 917, consacrés essentiellement aux règles de calcul de la quotité disponible en fonction de la situation familiale du défunt, alors qu'elle s'étend actuellement de l'article 913 à l'article 919.

Les références à la réserve héréditaire et à l'article 912 tirent la conséquence du rétablissement de cet article prévu par l'Assemblée nationale à l'article 12 du projet de loi afin de définir les notions de réserve héréditaire et de quotité disponible.

Les articles 918 et 919, qui traitent des règles selon lesquelles les biens légués ou donnés par le défunt doivent être imputés et rapportés à la succession, seraient logiquement rattachés à la section 2 .

Intitulée « De la réduction des libéralités excessives », celle-ci serait désormais divisée en trois paragraphes :

- le paragraphe 1 serait consacré aux opérations préliminaires à la réduction et comprendrait les articles 918 à 920 ;

- le paragraphe 2 serait consacré à l'exercice de la réduction et comprendrait les articles 921 à 928, qui précisent les modalités selon lesquelles les héritiers réservataires peuvent obtenir la réduction des libéralités portant atteinte à leur réserve ;

- le paragraphe 3 serait consacré à la renonciation anticipée à l'action en réduction et comprendrait les articles 929 à 930-5, qui font l'objet de l'article 14 du projet de loi.

L'essentiel du contenu des actuels articles 929 et 930 serait intégré, en application de l'article 13 du projet de loi, dans un nouvel article 924-4 au sein du paragraphe 2.

Votre commission vous propose d' adopter l'article 11 sans modification .

Article 12 (art. 912, 913, 914, 914-1 et 916 du code civil, art. L. 123-6 du code de la propriété intellectuelle)
Définition de la réserve héréditaire et de la quotité disponible - Conséquences de la renonciation d'un héritier réservataire à la succession sur le calcul de la quotité disponible - Suppression de la réserve des ascendants

Cet article a pour triple objet de définir les notions de réserve héréditaire et de quotité disponible, de modifier les conséquences de la renonciation d'un héritier réservataire à la succession sur le calcul de la quotité disponible et de supprimer la réserve héréditaire des ascendants du défunt.

1. La définition de la réserve héréditaire et de la quotité disponible.

Le 1° A du premier paragraphe (I) , inséré par l'Assemblée nationale à l'initiative de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, tend à rétablir un article 912 dans le code civil afin de définir :

- la réserve héréditaire comme « la part des biens successoraux dont la loi assure la dévolution libre de charges à certains héritiers dits réservataires, s'ils sont appelés à la succession et s'ils l'acceptent » ;

- et la quotité disponible comme « la part des biens successoraux qui n'est pas réservée par la loi et dont le défunt a pu disposer librement par des libéralités ».

Les définitions proposées, que votre commission vous propose de préciser par un amendement de coordination, reprennent une suggestion faite par MM. Jean Carbonnier, Pierre Catala, Jean de Saint-Affrique et Georges Morin dans l'ouvrage « Des libéralités - Une offre de loi » paru en 2003. En indiquant que la loi seule assure la dévolution de la réserve, à qui elle veut et dans la mesure qu'elle prescrit, elles confirment « la ligne de partage qui continue de délimiter les territoires respectifs de l'ordre public successoral et de la liberté de disposer par libéralité . Il est également confirmé que le de cujus , inhabile à modifier la surface de la réserve, ne saurait davantage la grever de charges : les seules charges pouvant obérer la propriété des réservataires sont celles que la loi impose ou autorise 141 ( * ) . »

Dans sa rédaction actuelle, le code civil définit en effet en creux la réserve et la quotité disponible en déterminant la proportion des biens dont il est possible de disposer par des libéralités.

Celle-ci dépend du nombre et de la qualité des héritiers réservataires que laisse le défunt et varie selon que celui-ci a gratifié son conjoint ou une autre personne.

Lorsque le défunt laisse des descendants, la quotité disponible est égale :

- à la moitié de ses biens, en présence d'un enfant ;

- à un tiers de ses biens, en présence de deux enfants ;

- à un quart de ses biens, en présence de trois enfants ou plus 142 ( * ) .

Les petits-enfants ne sont comptés que pour l'enfant dont ils sont issus 143 ( * ) .

Lorsque le défunt ne laisse pas de descendants ou que tous ont renoncé, la quotité disponible est égale :

- à la moitié de ses biens s'il y a des ascendants dans les deux branches maternelle et paternelle ;

- aux trois quarts de ses biens s'il n'y a des ascendants que dans une branche.

Peu importe le nombre des ascendants dans chaque branche.

Enfin, depuis la loi n° 2001-1135 du 3 décembre 2001, lorsque le défunt ne laisse ni descendants ni ascendants mais un conjoint survivant, non divorcé, contre lequel n'existe pas de jugement de séparation de corps passé en force de chose jugée et qui n'est pas engagé dans une instance en divorce ou séparation de corps, la quotité disponible est égale aux trois quarts de ses biens.

A défaut de descendant, d'ascendant et de conjoint survivant non divorcé, contre lequel n'existe pas de jugement de séparation de corps passé en force de chose jugée et qui n'est pas engagé dans une instance en divorce ou séparation de corps, les libéralités par actes entre vifs ou testamentaires peuvent épuiser la totalité des biens 144 ( * ) .

Les bénéficiaires de la réserve sont ainsi :

- les descendants du défunt c'est-à-dire les enfants, les petits-enfants, les arrières petits-enfants ;

- en l'absence de descendant, les ascendants du défunt c'est-à-dire les père et mère, les grands-parents, les arrières grands-parents ;

- le conjoint survivant, en l'absence de descendants et d'ascendants, pour toute succession ouverte à compter du 1 er juillet 2002.

Une fois calculé le montant de la réserve globale, celle-ci doit être répartie dans le respect de la double égalité des souches et des personnes entre les héritiers réservataires appelés à la succession et l'ayant acceptée.

Ainsi, les enfants ou leurs descendants succèdent à leurs père et mère ou autres ascendants, sans distinction de sexe, ni de primogéniture, même s'ils sont issus d'unions différentes 145 ( * ) .

Ils se répartissent à parts égales le montant global de la réserve. Celle-ci représente les deux tiers des biens lorsque le défunt laisse deux enfants et les trois quarts des biens lorsqu'il en laisse trois ou plus.

Alors que cette égalité doit également être assurée en nature, les articles 1 er et 13 du projet de loi prévoient utilement, dans un but de simplification et d'accélération du règlement des successions, l'égalité en valeur dans le partage (art. 826 du code civil) et la réduction en valeur des libéralités excédant la quotité disponible (art. 924 du code civil).

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, a ainsi souligné devant l'Assemblée nationale que : « L'abandon de la réserve héréditaire en nature entraîne deux conséquences : d'une part, il permettra aux bénéficiaires de libéralités excessives de conserver les biens donnés, à charge pour eux de verser une indemnité à la succession ; d'autre part, le partage, désormais gouverné par une égalité en valeur, s'en trouvera facilité. Cette mesure permettra de mieux respecter la volonté de celui qui aura décidé de disposer en faveur d'une personne déterminée. Elle sera également un gage de sécurité juridique, dans la mesure où la propriété du bien donné ne pourra être remise en cause 146 ( * ) . »

Si le défunt laisse un conjoint survivant, les droits successoraux de ses enfants peuvent toutefois être amputés. Ainsi, en l'absence de testament, le conjoint survivant recueille, à son choix, l'usufruit de la totalité des biens existants ou la propriété du quart des biens lorsque tous les enfants sont issus des deux époux et la propriété du quart en présence d'un ou plusieurs enfants qui ne sont pas issus des deux époux 147 ( * ) . Le de cujus a la possibilité, par testament, de le priver de ces droits 148 ( * ) , puisqu'il n'est pas réservataire, ou, à l'inverse, de lui accorder soit la propriété de ce dont il pourrait disposer en faveur d'un étranger (c'est-à-dire la quotité disponible ordinaire), soit le quart de ses biens en propriété et les trois autres quarts en usufruit, soit encore la totalité de ses biens en usufruit seulement 149 ( * ) . L'article 21 du projet de loi tend à revenir sur cette dernière possibilité en présence d'enfants non communs. Quant au 15° de l'article 22, il prévoit que le conjoint survivant a vocation à hériter de son époux décédé même en cas jugement de séparation de corps passé en force de chose jugée ou d'instance en divorce ou séparation de corps.

Si le défunt ne laisse pas de descendant, chacun de ses parents est assuré de recevoir au moins un quart de ses biens. En l'absence de testament :

- l'article 736 du code civil prévoit que, lorsque le défunt ne laisse ni conjoint successible, ni postérité, ni frère, ni soeur, ni descendants de ces derniers, ses père et mère lui succèdent, chacun pour moitié ;

- l'article 738 prévoit que, lorsque les père et mère survivent au défunt et que celui-ci n'a ni postérité ni conjoint successible, mais des frères et soeurs ou des descendants de ces derniers, la succession est dévolue, pour un quart, à chacun des père et mère et, pour la moitié restante, aux frères et soeurs ou à leurs descendants. Lorsqu'un seul des père et mère survit, la succession est dévolue pour un quart à celui-ci et pour trois quarts aux frères et soeurs ou à leurs descendants ;

- l'article 757-1 prévoit qu'en l'absence de postérité mais en présence d'un conjoint survivant, ce dernier recueille la moitié des biens, l'autre moitié étant dévolue pour un quart au père et pour un quart à la mère. Quand le père ou la mère est prédécédé, la part qui lui serait revenue échoit au conjoint survivant.

Enfin, la réserve héréditaire du conjoint survivant est limitée au quart des biens du défunt et n'existe que pour autant que ce dernier ne laisse ni descendant ni ascendant.

Les frères et soeurs sont en principe totalement écartés de la succession par le conjoint survivant qui vient seul à la succession. Cependant, il existe une exception à cette règle : lorsque le conjoint a vocation à hériter de l'intégralité de la succession, parce que le défunt ne laisse ni descendant ni père ni mère, les biens de famille sont dévolus pour moitié aux frères et soeurs du défunt ou à leurs descendants 150 ( * ) . Les biens concernés par le droit de retour sont ceux que le défunt a reçus de ses parents par donation ou héritage et qui se retrouvent en nature dans sa propre succession. Toutefois, on ne peut pas parler de réserve, car il est possible de priver les frères et soeurs de ce droit de retour par testament ou donation entre époux.

La réserve héréditaire est une institution ancienne qui puise ses racines dans le dispositif de la « légitime » des pays de droit écrit et de la réserve coutumière.

C'est une institution d'ordre public . Aucune charge ne peut être imposée sur elle et les héritiers ne peuvent renoncer à leurs droits avant le décès du de cujus . Toutefois, l'article 14 du projet de loi tend à remettre en cause cette prohibition des pactes sur succession future.

C'est également une institution critiquée que de nombreux droits étrangers, notamment anglo-saxons, ignorent. Il lui est ainsi reproché d'entraver la liberté du disposant, qui ne peut donner ou léguer que la quotité disponible, et de rendre plus complexe la transmission de la petite et moyenne entreprise.

C'est enfin une institution contournée . De nombreux procédés, plus ou moins avouables, permettent en effet de contourner l'ordre public réservataire : assurance-vie, à la condition que les primes ne soient pas manifestement excessives ; salaire différé prévu dans le cadre d'une donation-partage ; dons manuels occultes ; reconnaissance de dettes fictives.

Pour autant, le projet de loi n'entend pas la supprimer mais simplement l'aménager .

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, a ainsi souligné devant les députés que : « La réserve conserve aujourd'hui toute son utilité. Au-delà, elle poursuit un triple objectif. D'abord, elle garantit la solidarité familiale : elle prolonge, dans la succession, l'obligation alimentaire. À l'heure où l'on déplore le recul des solidarités familiales, la réserve est donc essentielle : ceux qui ne bénéficieraient plus de cette solidarité viendraient grossir les rangs de ceux qui en appellent à la solidarité nationale. Ensuite, la réserve héréditaire protège les enfants contre les risques d'un abus d'autorité de leurs ascendants. La liberté de déshériter peut constituer une menace terrible, en permettant aux parents de décider, au-delà du raisonnable, des orientations de vie de leurs enfants. Enfin, la réserve peut permettre de garantir le maintien de certains biens dans la famille. Tous ces arguments justifient pleinement le maintien du principe de la réserve héréditaire. Nos concitoyens y sont très attachés 151 ( * ) . » Ajoutons que la réserve garantit une égalité minimale entre les héritiers en empêchant que l'un d'entre eux ne soit avantagé au-delà d'un certain montant.

Deux de ces aménagements sont prévus par le présent article.

2. Les conséquences de la renonciation à la succession

En l'état actuel du droit, la renonciation d'un enfant à la succession 152 ( * ) laisse la quotité disponible inchangée, l'article 913 du code civil ne faisant référence qu'au nombre d'enfants laissés par le défunt -qu'ils renoncent ou non à la succession. L'importance de la part de réserve garantie à chacun des enfants acceptant s'en trouve mécaniquement accrue.

Partant de l'hypothèse que l'esprit d'une telle renonciation est d'accroître la liberté du disposant et non pas d'augmenter la part de réserve dont pourront disposer les autres héritiers réservataires, le du premier paragraphe (I) , adopté sans modification par l'Assemblée nationale, tend à compléter l'article 913 du code civil afin de prévoir que l'enfant renonçant à la succession n'est pas pris en compte pour le calcul de la quotité disponible, sauf s'il est représenté .

En l'état actuel du droit, le principe veut que l'on ne représente pas les héritiers qui ont renoncé à la succession. Seuls sont représentés l'héritier prédécédé et, depuis la loi du 3 décembre 2001, l'héritier indigne. Le 13° de l'article 22 du projet de loi tend à revenir sur ce principe et à modifier l'article 754 du code civil afin de prévoir la représentation du renonçant par ses descendants. Cette modification tout à fait justifiée vient donc atténuer les conséquences de la modification proposée sur le montant global de la réserve.

Exemples

La possibilité de représenter un héritier renonçant en ligne directe

M. X décède en laissant deux enfants A et B.

A a un fils.

A renonce à la succession.

Situation actuelle

C ne peut pas venir en représentation de son père A renonçant.

B, cohéritier, reçoit la totalité de la succession.

Situation nouvelle

C peut représenter son père A.

Il hérite de la moitié de la succession. B hérite de l'autre moitié.

Le taux de la réserve en présence de descendants

Exemple 1 : présence d'un renonçant sans descendant

M. X. décède en laissant deux enfants : A et B.

A qui n'a pas de descendant renonce à la succession.

B l'accepte.

M. X a désigné Z légataire universel.

Situation actuelle

La réserve globale reste fixée aux 2/3. Elle est attribuée à B.

Le légataire universel reçoit la quotité disponible d'un montant de 1/3.

Situation nouvelle

A renonçant ne peut pas être représenté.

La part de B est donc égale à la 1/2 (c'est-à-dire à la réserve).

Le légataire universel reçoit la quotité disponible d'un montant de la 1/2.

Exemple 2 : présence d'un renonçant avec descendants

M. X décède laissant deux enfants A et B.

A a un descendant C.

A renonce à la succession.

B l'accepte.

M. X a désigné Z légataire universel.

Situation actuelle

C ne peut pas venir en représentation de A. La réserve globale reste fixée aux 2/3. Elle est attribuée à B.

Le légataire universel reçoit la quotité disponible d'un montant de 1/3.

Situation nouvelle

C peut venir en représentation de A et appréhender la part réservataire de son père, soit 1/3.

B reçoit sa part réservataire égale à 1/3.

Le légataire universel reçoit la quotité disponible d'un montant de 1/3.

Une disposition similaire était prévue par le projet de loi initial à l'article 914 du code civil, relatif à la réserve des ascendants. Il s'agissait en particulier d'éviter, dans l'hypothèse où il subsiste un ascendant dans chaque branche, que la renonciation de l'une des deux branches conduise mécaniquement, en raison du maintien d'une quotité disponible égale à la moitié des biens, à doubler la réserve de la branche acceptante, alors que le défunt a pu souhaiter léguer ses biens à un tiers. Ayant décidé de supprimer la réserve des ascendants, l'Assemblée nationale n'a pas conservé cette disposition.

Votre commission vous soumet un amendement de coordination afin de lever les difficultés de liquidation qui pourraient surgir en cas de donation faite à un héritier renonçant astreint au rapport en vertu des dispositions de l'article 845 du code civil. Cet héritier doit être traité comme un héritier réservataire acceptant uniquement pour ce qui concerne la réunion fictive, l'imputation et la réduction de la libéralité en cause.

3. La suppression de la réserve des ascendants

Le du premier paragraphe (I) tend à abroger l'article 914 du code civil, qui établit la réserve des ascendants.

Le du premier paragraphe (I) tend à supprimer la référence à la réserve des ascendants à l'article 914-1 du code civil, qui établit celle du conjoint survivant en l'absence de descendant ou d'ascendant.

Le du premier paragraphe (I) tend à opérer la même modification à l'article 916 du code civil, qui prévoit qu'à défaut de descendant, d'ascendant et de conjoint survivant non divorcé, contre lequel n'existe pas de jugement de séparation de corps passé en force de chose jugée et qui n'est pas engagé dans une instance en divorce ou séparation de corps, les libéralités peuvent épuiser la totalité des biens.

Enfin, le second paragraphe (II) tend à modifier l'article L. 123-6 du code de la propriété intellectuelle, aux termes duquel le conjoint survivant bénéficie de l'usufruit du droit d'exploitation dont l'auteur n'aura pas disposé dans la limite des droits des héritiers réservataires.

Pour justifier la suppression de la réserve des ascendants, votée par les députés sur proposition de leur commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, M. Sébastien Huyghe, rapporteur, a fait valoir :

- d'une part, que ces derniers « sont de toute façon protégés par l'obligation alimentaire prévue par le code civil » ;

- d'autre part, que « ce mécanisme est souvent mal vécu par certains conjoints lors des successions, notamment s'agissant de familles au sein desquelles les liens entre le défunt et les ascendants étaient distendus. Je pense notamment aux familles recomposées où le lien avec l'enfant a été rompu dès le plus jeune âge, les conjoints considérant qu'il n'est pas normal qu'un parent qu'ils n'ont jamais connu puisse hériter obligatoirement d'un quart de leur patrimoine 153 ( * ) . »

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, a indiqué que le Gouvernement était favorable à cet amendement « car l'idée nouvelle qu'il introduit permettra de moderniser le code en termes de successions, en proposant d'autres voies que la remontée vers les parents de la moitié du patrimoine. C'est une liberté plus grande donnée à la personne . »

Cette suppression de la réserve des ascendants ne jouerait toutefois que pour les biens acquis par le défunt . En contrepartie, l'Assemblée nationale a en effet inséré un 12° bis à l'article 22 du projet de loi afin d'accorder aux ascendants un droit de retour automatique, en nature ou à défaut en valeur, des biens qu'ils ont donnés en avancement de part successorale à leur enfant prédécédé.

Plutôt que de supprimer la réserve des ascendants, d'aucuns avaient suggéré de réduire son quantum, par exemple en la fixant à un quart de la succession.

Toutefois, la question porte moins sur le quantum de cette réserve que sur son principe même et l'opportunité de son maintien.

Cette restriction à la liberté de disposer ne paraît plus justifiée. En sus des arguments invoqués par le rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale et le garde des sceaux, il est possible de relever que l'application de cette règle conduit à des situations choquantes dans les cas où le patrimoine de l'enfant prédécédé est composé dans une part importante du produit de son industrie. En outre, quand bien même la réserve des ascendants serait supprimée, ces derniers conserveraient leur qualité d'héritier légal, aux rang et taux qui étaient jusqu'à présent les leurs. Enfin, la réforme proposée prévoit un mécanisme de droit de retour légal sur les biens donnés par les ascendants susceptible de satisfaire l'objectif de l'actuelle réserve : assurer le respect de l'obligation alimentaire et éviter que certains biens ne quittent le patrimoine familial.

Votre commission vous propose d' adopter l'article 12 ainsi modifié .

Article 13 (art. 868, 918, 919, art. 919-1 et 919-2 nouveaux, art. 920, 921, 922, 924, art. 924-1 à 924-4 nouveaux, art. 928 du code civil, art. L. 321-17 du code rural)
Délais et modalités d'exercice de l'action en réduction des libéralités excessives

Cet article a pour objet de regrouper les règles d'imputation et de réduction des libéralités, aujourd'hui dispersées dans le code civil, et de moderniser les conditions d'exercice de l'action en réduction des libéralités excessives, notamment en raccourcissant les délais de prescription et en permettant une réduction en valeur plutôt qu'en nature.

1. Le principe de la réduction des libéralités excessives

La protection de la réserve, lorsqu'elle existe, n'est pas assurée par la nullité des libéralités excédant la quotité disponible mais par leur réduction.

L'article 920 du code civil énonce ainsi que : « Les dispositions soit entre vifs, soit à cause de mort, qui excéderont la quotité disponible, seront réductibles à cette quotité lors de l'ouverture de la succession . »

Le bis du premier paragraphe (I) , inséré par l'Assemblée nationale à l'initiative de sa commission de Lois et avec l'accord du Gouvernement, tend à le réécrire afin de faire référence aux libéralités, plutôt qu'aux dispositions entre vifs ou à cause de mort, en précisant qu'elles peuvent être directes ou indirectes ainsi que l'admet la jurisprudence.

Les règles régissant la détection des libéralités réductibles et les modalités de la réduction sont d'ordre public : le de cujus ne saurait y déroger. Toutefois, la réserve bornant la seule volonté de ce dernier et non celle de ses héritiers, les libéralités excessives ne sont pas réduites de plein droit : la réduction doit être demandée.

2. La détection des libéralités réductibles

Il n'est possible de savoir si des libéralités sont ou non attentatoires à la réserve que lors de l'ouverture de la succession. A cet effet, il convient :

- d'abord de rechercher le taux de la réserve et de la quotité disponible, eu égard au nombre et à la qualité des héritiers ;

- ensuite, de liquider la réserve et la quotité disponible, c'est-à-dire de les chiffrer ;

- enfin, d'imputer les libéralités.

• La liquidation de la réserve et de la quotité disponible

La réserve et la quotité disponible sont calculées sur une masse dont l'article 922 du code civil détermine la composition et l'évaluation.

Pour que la réserve borne non seulement les legs mais également les donations, conformément à l'article 913 du code civil, cette masse est calculée sur le patrimoine que le de cujus aurait laissé à sa mort s'il n'avait rien donné , donc sur un patrimoine fictivement reconstitué 154 ( * ) .

Ce calcul est opéré de la manière suivante :

- on rassemble les biens existants ;

- on en déduit les dettes 155 ( * ) , le solde devant être tenu pour nul si le passif est supérieur à l'actif 156 ( * ) ;

- on y réunit fictivement les biens donnés, opération purement comptable qui n'oblige le ou les donataires à aucune restitution.

* En l'état actuel du droit, les biens ayant fait l'objet d'une donation entre vifs sont évalués :

- d'après leur état à l'époque de la donation, de sorte qu'il n'est tenu compte ni des améliorations ni des dégradations imputables au donataire ;

- et d'après leur valeur à l'ouverture de la succession ou, s'ils ont fait l'objet d'une aliénation, leur valeur à la date de celle-ci et, s'il y a eu subrogation (c'est-à-dire acquisition de nouveaux biens avec le produit de l'aliénation des biens donnés), de la valeur des biens subrogés au jour de l'ouverture de la succession.

Cette règle souffre une exception, prévue par l'article 1078 du code civil : sauf volonté contraire du disposant, les biens ayant fait l'objet d'une donation-partage sont évalués au jour de la donation-partage si tous les enfants vivants ou représentés au décès de l'ascendant ont reçu un lot dans le partage anticipé et s'il n'a pas été prévu de réserve d'usufruit portant sur une somme d'argent.

Les modifications proposées par le du premier paragraphe (I ) pour l'article 922 du code civil consistent à prévoir :

- en premier lieu, que les dettes ou charges grevant les biens donnés sont déduites de la valeur de ceux-ci lors de la réunion fictive de l'ensemble des biens du défunt . Cette disposition a été introduite par l'Assemblée nationale, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement. Les dettes sont les sommes dues par le défunt afférentes directement au bien (par exemple le reliquat d'un prêt pour l'acquisition d'un bien), tandis que les charges sont les obligations imposées au donataire par le donateur, dont la méconnaissance peut justifier la révocation de la libéralité (par exemple l'obligation de maintien en bon état, l'inaliénabilité, l'obligation d'héberger une personne) ;

- en deuxième lieu, qu' en cas de subrogation , les nouveaux biens du donataire doivent être évalués d'après leur état à l'époque de leur acquisition . La jurisprudence le prévoyait déjà dans le silence de la loi. L'objectif recherché est d'éviter que la valeur totale de la masse successorale ne soit augmentée, au profit de l'ensemble des héritiers, du seul fait des travaux et investissements effectués par le donataire sur les biens subrogés avant le décès du disposant ;

- en dernier lieu, qu' il est cependant tenu compte de la valeur des biens reçus par donation à l'époque de la subrogation, si la dépréciation des nouveaux biens était inéluctable, en raison de leur nature, au jour de leur acquisition . Il ne serait en effet pas équitable, à l'égard des autres héritiers, de retenir la valeur, très réduite au jour de la succession, de biens non durables ayant été substitués plusieurs années plus tôt par le donataire aux biens qu'il avait reçus. La rédaction initiale du projet de loi ne précisait pas de quelle manière le caractère inéluctable de cette dépréciation serait apprécié. En introduisant le critère de la « nature » des biens, sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale a exclu la prise en compte des dépréciations pouvant résulter de l'évolution du marché. « Serait, dès lors, considérée comme inéluctable la dépréciation de biens peu durables, tels que des automobiles, matériels informatiques, téléviseurs ou appareils ménagers ; à l'inverse, un appartement n'entrerait pas dans cette catégorie même s'il a été acheté dans les plus mauvaises conditions du marché immobilier 157 ( * ) . » Toutefois, en disposant qu'il est tenu compte de la valeur des biens reçus par donation à l'époque de la subrogation, l'Assemblée nationale a fait supporter au donataire qui aurait éventuellement aliéné un bien donné pour le remployer dans l'acquisition d'un bien de consommation la variation de la valeur du bien donné entre l'aliénation et le remploi 158 ( * ) .

En conséquence, votre commission vous soumet, outre deux amendements rédactionnels, un amendement ayant pour objet de prévoir que, lors de la réunion fictive des biens effectuée pour le calcul de la quotité disponible et de la réserve et en cas de subrogation de biens ayant fait l'objet d'une donation, il n'est pas tenu compte de la subrogation lorsque la dépréciation des nouveaux biens était, en raison de leur nature, inéluctable au jour de leur acquisition. Les biens donnés seront estimés à leur valeur au moment de leur aliénation.

* Tous les biens donnés par le de cujus sont en principe soumis à la réunion fictive . Peu importe la personne du donataire, la forme de la donation ou encore qu'il s'agisse d'une donation ordinaire, d'une donation-partage ou d'une donation par contrat de mariage.

Cette règle souffre cependant quelques exceptions :

- les primes d'une assurance sur la vie souscrite au bénéfice d'un tiers déterminé , sauf si elles s'avèrent manifestement exagérées eu égard aux facultés de l'assuré ( art. L. 132-13 du code des assurances ) ou que l'opération n'était que de pur placement ;

- les frais de nourriture, d'entretien, d'éducation, d'apprentissage, les frais ordinaires d'équipement, ceux de noces et les présents d'usage, qui ne doivent pas être rapportés sauf, prévoit désormais l'article 5 du projet de loi, volonté contraire du disposant ( art. 852 du code civil ) ;

- les fruits et revenus échus entre le jour de la donation et le décès ( art. 928 du code civil ).

* En cas de contestation sur l'existence d'une donation, c'est aux héritiers réservataires d'en rapporter la preuve , par tous moyens. Cette preuve ne fait aucune difficulté si la donation est authentique. Elle peut être très difficile à établir s'il s'agit d'une donation déguisée, d'une donation indirecte ou d'un don manuel.

Dans un cas cependant, prévu par l'article 918 du code civil, la loi dispense celui qui l'invoque de prouver l'existence de la libéralité . Elle présume qu'une donation se dissimule sous l'apparence d'un acte onéreux en cas de vente consentie à un successible en ligne directe 159 ( * ) avec réserve d'usufruit 160 ( * ) ou à fonds perdus , c'est-à-dire moyennant un avantage viager pour le disposant (rente viagère, bail à nourriture).

Cette présomption repose sur la crainte que, pour faire échapper à la réduction la libéralité qu'il adresse à l'un de ses successibles, le de cujus ne la déguise en une vente et que, le moment venu, les réservataires ne soient pas en mesure de démontrer la nature gratuite de l'opération.

Seules sont concernées les ventes particulièrement suspectes en raison de leurs conditions, de la personne de l'acquéreur et de l'absence d'intervention des autres réservataires. La présomption est en effet écartée par le consentement à l'acte des cohéritiers du successible acquéreur, qui vaut reconnaissance par eux de la sincérité de l'acte et les disqualifie donc pour en demander ensuite la réunion fictive.

Les effets de cette présomption , qui est irréfragable, sont doubles :

- le prix stipulé est réputé fictif et la vente receler une donation déguisée, la donation n'est donc pas nulle mais donne lieu à la réunion fictive et se trouve exposée au risque de réduction ;

- la libéralité est réputée être consentie à titre de préciput, c'est-à-dire imputable sur la quotité disponible et exemptée de l'obligation du rapport, le de cujus étant soupçonné d'avoir voulu frauduleusement avantager le successible.

Le du premier paragraphe (I) , qui a fait l'objet d'amendements de coordination de l'Assemblée nationale, tend à réécrire l'article 918 du code civil afin d'actualiser ses dispositions.

Les modifications proposées sont de pure forme . Elles consistent à prévoir :

- en premier lieu, que la valeur des biens est imputée sur la « quotité disponible » et non sur la « portion disponible » 161 ( * ) ;

- en deuxième lieu, que l'éventuel excédent est « sujet à réduction » et non pas « rapporté à la masse » de partage ;

- en dernier lieu, que cette imputation et cette réduction ne peuvent être demandées que par les autres successibles en ligne directe qui n'ont pas consenti aux aliénations, la mention actuelle des collatéraux -frères, soeurs, cousins et cousines du défunt étant en effet inopérante puisqu'ils n'ont pas la qualité d'héritiers réservataires.

La réécriture à laquelle l'Assemblée nationale a procédé comporte une erreur matérielle que votre commission vous propose de réparer par un amendement . En effet, la seconde phrase du texte proposé pour l'article 918 du code civil réserve la possibilité d'exercer l'action en réduction aux successibles en ligne directe 162 ( * ) qui ont consenti à la libéralité alors que l'objectif recherché est à l'inverse, comme dans le droit en vigueur, de les en priver, seuls les autres héritiers réservataires pouvant introduire une action en réduction.

• L'imputation des libéralités

L'imputation est décisive pour le sort des libéralités. Elle consiste, une fois toutes les évaluations faites, à prendre les libéralités une à une afin de savoir de chacune d'elles si elle est ou non attentatoire à la réserve. Elle permet de constater et de mesurer l'excédent éventuel.

Ce n'est pas parce que le total des libéralités excède le montant de la quotité disponible que la réduction est inéluctable. Cela ne serait vrai que si toutes les libéralités étaient nécessairement prélevées sur le disponible. Or tel n'est pas le cas. Certaines d'entre elles tendent à composer la part de réserve du gratifié, de sorte qu'il n'y a pas lieu de les prélever sur le disponible. Il importe donc de connaître le secteur d'imputation des libéralités .

Les libéralités adressées à un gratifié dépourvu de droit dans la réserve , qu'il s'agisse d'une personne n'étant pas appelée à la succession, d'un héritier n'ayant pas la qualité de réservataire ou d'un héritier réservataire renonçant, sont nécessairement imputées sur la quotité disponible .

Les libéralités consenties au bénéfice d'un héritier réservataire acceptant, tout particulièrement un enfant, sont les plus fréquentes.

Elles n'ont généralement pas pour objet de l'avantager au détriment des autres mais de répondre à un besoin conjoncturel (donation) ou d'allotir les biens (legs, partage d'ascendant). Elles constituent donc seulement, pour les donations, une avance sur la part successorale du donataire, aujourd'hui appelée un avancement d'hoirie.

Toutefois, l'auteur de la libéralité a la possibilité, s'il le souhaite, d'avantager l'un de ses héritiers réservataires en prévoyant une imputation sur la quotité disponible, la libéralité étant alors consentie à titre de préciput et hors part successorale.

Il résulte ainsi de l'article 919 du code civil que la libéralité consentie à un successible :

- constitue en principe un avancement d'hoirie, rapportable au moment de la succession 163 ( * ) ,

- mais peut s'imputer sur tout ou partie de la quotité disponible et être dispensée du rapport à la condition que son auteur lui ait expressément donné un caractère préciputaire, soit dans l'acte lui-même soit ultérieurement.

Les modifications proposées par le du premier paragraphe (I) sont rédactionnelles . Guidées par l'objectif à valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité du droit, elles consistent à ne plus faire référence aux donations « à titre de préciput et hors part » mais aux donations « hors part successorale ».

L'article 864 du code civil dispose quant à lui :

- d'une part, que la donation faite en avancement d'hoirie à un héritier réservataire qui accepte la succession s'impute sur sa part de réserve et, subsidiairement, sur la quotité disponible, s'il n'en a pas été autrement convenu dans l'acte de donation 164 ( * ) , l'excédent étant sujet à réduction ;

- d'autre part, que la donation faite en avancement d'hoirie à un héritier réservataire qui renonce à la succession est traitée comme une donation préciputaire -ce qui permet au renonçant de conserver les biens antérieurement reçus à la condition que ces libéralités ne soient pas à la fois excessives et visées par une action en réduction.

Le du premier paragraphe (I) tend à faire figurer ces dispositions dans un nouvel article 919-1 du code civil 165 ( * ) , sous réserve de modifications formelles .

Elles trouvent effectivement davantage leur place dans le chapitre III du titre II du livre III du code civil, consacré à la réserve héréditaire, à la quotité disponible et à la réduction des libéralités excessives, que dans le chapitre VI du titre I du même livre, consacré au partage et aux rapports successoraux.

Les deux premières modifications sont d'ordre rédactionnel. Toujours guidées par l'objectif d'accessibilité et d'intelligibilité du droit, elles consistent à préférer l'expression « donation faite en avancement de part successorale » à celle de « donation en avancement d'hoirie » et à faire référence, comme à l'article 919, aux donations « hors part successorale ».

La troisième modification est une mesure de coordination. Elle consiste à ménager expressément l'exception au principe selon lequel la donation faite en avancement de part successorale à un héritier réservataire qui renonce à la succession est traitée comme une donation hors part successorale. Prévue par l'article 845 du code civil dans sa rédaction issue de l'article 5 du projet de loi, cette dérogation permet au défunt d'exiger dans l'acte de donation le rapport de la libéralité en cas de renonciation à la succession. Dans cette hypothèse, le gratifié ne pourra en conserver le bénéfice.

Une libéralité en avancement de part successorale n'est ainsi réductible que si elle excède les limites de la réserve de son bénéficiaire. Toutefois, sauf dans l'hypothèse d'une donation-partage, elle demeure rapportable et les héritiers sont fondés à en exiger le rapport : sauf si celui-ci a été stipulé en nature, on inscrira donc dans la masse partageable une indemnité de rapport égale à la valeur du bien au partage.

Bien que les libéralités en avancement de part successorale soient rapportables et doivent à ce titre être restituées par leur bénéficiaire, leur imputation est nécessaire -et l'article 919-1 qui la prévoit- à un double titre :

- les modalités de la restitution en dépendent car la restitution exigible au titre du rapport n'obéit pas aux mêmes règles que celle qui est due au titre de la réduction ;

- elle affecte également la réductibilité des libéralités ultérieurement consenties. Selon que la libéralité s'impute sur la quotité disponible ou la réserve, elle crée ou non un risque de réduction des libéralités hors part successorale qui ne s'imputent qu'après elle.

Dans le cas où une libéralité est à la fois réductible et rapportable, il appartient aux cohéritiers du gratifié de choisir le signe sous lequel demander la restitution. En l'état actuel du droit, s'ils veulent retenir ou récupérer en nature le bien légué ou donné : en présence d'un legs, ils demanderont la réduction, qui se fait en principe en nature, et non le rapport, qui se fait en valeur ; en présence d'une donation stipulée rapportable en nature, ils demanderont le rapport, et non la réduction, qui se fait en valeur.

Votre commission vous soumet un amendement de coordination prévoyant que la donation faite en avancement de part successorale à un héritier réservataire qui renonce à la succession est traitée comme une donation faite hors part successorale sauf lorsqu'il est astreint au rapport en application des dispositions de l'article 845. Dans cette hypothèse, l'héritier qui renonce est traité comme un héritier acceptant pour la réunion fictive, l'imputation et, le cas échéant, la réduction de la libéralité qui lui a été consentie.

Enfin, le du premier paragraphe (I) tend à insérer dans le code civil un article 919-2 reprenant, sous réserve des mêmes modifications sémantiques, les dispositions actuelles de l'article 865 166 ( * ) , en vertu desquelles la libéralité faite hors part successorale s'impute sur la quotité disponible , l'excédent étant sujet à réduction.

Cette règle est logique puisque la libéralité, destinée à avantager le gratifié, rompt l'égalité entre les héritiers. Elle emporte deux conséquences :

- l'imputation se fait nécessairement au préjudice des libéralités ultérieures qui ne peuvent s'imputer que sur le disponible. C'est ainsi que le père de famille qui fait une donation préciputaire -hors part successorale- à l'un de ses enfants aliène toujours tout ou partie de sa liberté testamentaire ;

- dès lors que la libéralité excède la quotité disponible, elle est réductible. Elle ne peut être imputée subsidiairement sur la part de réserve à laquelle le gratifié peut, par hypothèse, prétendre. Il reste que si les droits du gratifié dans la réserve sont sans incidence sur la réductibilité de la libéralité hors part successorale, ils déterminent largement les modalités de sa réduction. Ils permettent parfois que celle-ci n'ait lieu qu'en valeur.

2. Les modalités de la réduction

• Réduction en nature et réduction en valeur

La réduction rétablit la réserve en neutralisant les libéralités excessives dans la mesure de l'excès. Elle se conçoit en nature ou en valeur :

- en nature, elle permet aux réservataires de récupérer ou de conserver les biens mêmes qui ont été donnés ou légués au delà de la quotité disponible ;

- en valeur, elle permet au gratifié de conserver la propriété du bien donné ou légué moyennant le versement d'une indemnité compensatrice de l'excès et reconstitue la réserve en argent seulement.

La loi fait aujourd'hui une part à l'une et l'autre de ces modalités, en tenant compte à la fois des principaux fondements de la réserve (la conservation des biens dans la famille, menacée par des libéralités faites à des étrangers, et le maintien d'une égalité minimale entre les enfants, compromise par les libéralités adressées à l'un d'entre eux) et de leurs avantages et inconvénients économiques respectifs. Cette répartition peut être schématiquement résumée de la manière suivante.

Si la libéralité est adressée à une personne qui n'est pas appelée à la succession, sa réduction tend à assurer la conservation des biens dans la famille et doit donc être opérée en nature. La réduction est toutefois opérée en valeur en cas de perte ou d'aliénation du bien, de donation d'une entreprise à un tiers appelé à une donation-partage ou encore de legs à l'Etat d'un bien à caractère culturel.

Si la libéralité est adressée à une personne appelée à la succession, sa réduction tend à assurer une égalité minimale entre les héritiers. Cette égalité n'est alors assurée en nature que s'il n'en résulte pas d'inconvénients économiques sérieux ; dans le cas contraire, on se contente d'une simple égalité en valeur :

- s'il s'agit d'une donation, la réduction en nature emporte des conséquences économiques néfastes, de sorte qu'on lui préfère la réduction en valeur. En effet, la donation étant une libéralité de biens présents, le donataire a acquis ses droits dès avant le décès et a pu les exercer valablement. La réduction en nature l'oblige à une restitution et menace de résolution les droits qu'il a pu consentir à des tiers. Aussi, entre la donation et le décès, sa perspective crée-t-elle une insécurité, elle-même génératrice d'une gestion négligente et d'une indisponibilité de fait ;

- s'il s'agit d'un legs, c'est la réduction en nature, alors inoffensive, qui est en principe retenue.

Les règles actuelles sont toutefois extrêmement complexes, les exceptions à ces principes étant nombreuses.

Aussi le du premier paragraphe (I) tend-il à réécrire l'article 924 du code civil, qui prévoit la réduction en valeur des seules libéralités préciputaires reçues par un héritier réservataire, et à insérer dans ce même code deux nouveaux articles 924-1 et 924-2, afin de poser le principe de la réduction en valeur des libéralités excessives .

Cette forme de réduction permet non seulement de sécuriser les titres de propriété acquis par les personnes gratifiées par le défunt mais également de mieux respecter sa volonté.

Le premier alinéa du texte proposé pour l'article 924 du code civil dispose que toute libéralité portant atteinte à la réserve de l'un des héritiers réservataires doit être réduite de sa portion excessive, par le biais d'une indemnité versée par le gratifié au réservataire .

Le second alinéa reprend, dans une nouvelle rédaction, les dispositions figurant actuellement à cet article, en vertu desquelles, lorsque le bénéficiaire de la libéralité excessive est lui-même un héritier réservataire, la réduction en valeur s'effectue d'abord par imputation en moins prenant sur ses droits réservataires, le complément éventuellement requis donnant lieu à une indemnité supplémentaire versée à l'héritier réservataire lésé afin de réparer intégralement le préjudice financier causé par l'atteinte à sa réserve.

A défaut de paiement de cette indemnité par le bénéficiaire de la libéralité excessive, l'héritier réservataire pourrait obtenir, par décision du tribunal de grande instance, la saisie des biens du gratifié, devenu son débiteur. Si ce dernier était insolvable, il pourrait se retourner contre les tiers lui ayant acheté les biens donnés dans les conditions prévues à l'article 924-4 que le 9° du premier paragraphe (I) tend à insérer dans le code civil.

Le texte proposé pour insérer un article 924-1 dans le code civil a pour objet, par dérogation au principe posé à l'article 924, de donner au bénéficiaire de la libéralité excessive la faculté de choisir , dans un délai de trois mois à compter de la mise en demeure adressée par l'héritier réservataire lésé, de procéder à la réduction en nature de l'excédent .

Pour pouvoir exercer cette faculté, il devrait non seulement être encore propriétaire du bien donné ou légué -ce qui va de soi- mais également ne pas l'avoir grevé d'une charge ou d'une occupation après l'avoir reçu. Ces exigences découlent du principe selon lequel la réserve s'apprécie en pleine propriété et libre de charge.

• Les modalités de calcul de l'indemnité de réduction

Le texte proposé pour insérer un article 924-2 dans le code civil a pour objet de préciser les modalités de calcul de l'indemnité de réduction due à l'héritier réservataire pour compenser l'excédent reçu par le bénéficiaire de la libéralité excessive.

Il prévoit que la valeur des biens prise en compte pour déterminer le montant de l'indemnité de réduction doit être appréciée à l'époque du partage 167 ( * ) ou, le cas échéant, de leur aliénation par le gratifié.

Comme lors de la réunion fictive de l'ensemble des biens du défunt prévue par l'article 922 du code civil pour la liquidation de la réserve et de la quotité disponible, les biens seraient évalués d'après leur état au jour de la prise d'effet de la libéralité.

En cas de subrogation, le calcul de l'indemnité de réduction devrait tenir compte de la valeur des nouveaux biens au jour du partage, d'après leur état à l'époque de l'acquisition.

Dans sa rédaction initiale, le projet de loi prévoyait que si la dépréciation du bien subrogé était inéluctable au jour de son acquisition, la subrogation n'avait pas lieu. Sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale a précisé :

- d'une part, que le caractère inéluctable de la dépréciation devait être apprécié en fonction de la nature du bien -et non des aléas du marché ;

- d'autre part, que dans cette hypothèse, il devrait être tenu compte de la valeur des biens reçus par donation à l'époque de la subrogation.

Votre commission vous soumet un amendement de coordination tendant à prévoir qu'en cas de subrogation, le calcul de l'indemnité de réduction doit tenir compte de la valeur des nouveaux biens à l'époque du partage d'après leur état à l'époque de l'acquisition. Il n'y a en effet pas lieu de prévoir que la valeur des biens donnés ou légués doit être appréciée à l'époque du partage tandis que celle des biens subrogés doit l'être au jour du partage.

Toujours sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale a supprimé le second alinéa du texte proposé par le projet de loi initial pour insérer un article 924-2 dans le code civil. Les dispositions supprimées avaient pour objet de préciser la procédure applicable lorsque seule une partie de la libéralité est excessive et doit par conséquent être réduite. Une telle précision est apparue, à juste titre, inutile aux députés.

• Les modalités de paiement de l'indemnité de réduction

Le du premier paragraphe (I) a pour objet de déplacer dans un nouvel article 924-3 du code civil les dispositions actuelles de l'article 868, relatives aux modalités de paiement de l'indemnité de réduction des libéralités excessives , sous réserve d'une modification consistant à préciser la date à compter de laquelle les sommes dues par le gratifié à l'héritier réservataire au titre de l'indemnité de réduction produisent des intérêts au taux légal.

Cette précision, qui consiste à indiquer que les sommes sont productives d'intérêt sitôt fixé le montant de l'indemnité à verser à l'héritier réservataire (en pratique, il s'agit généralement de la date du partage, à moins que celui-ci n'ait été reporté), constitue la consécration d'une jurisprudence de la Cour de la cassation remontant au 21 mai 1985.

Votre commission vous soumet un amendement tendant à supprimer des dispositions redondantes et à opérer des coordinations avec les dispositions du projet de loi.

Tirant la conséquence du déplacement des dispositions de l'article 868 dans un nouvel article 924-3, le second paragraphe (II) , inséré par l'Assemblée nationale en première lecture, a pour objet de modifier l'article L. 321-7 du code rural, relatif au paiement du bénéficiaire d'un contrat de salaire différé.

• Les conditions d'indemnisation de l'héritier réservataire en cas d'insolvabilité du bénéficiaire de la libéralité excessive

Le du premier paragraphe (I) tend à insérer un article 924-4 dans le code civil afin de préciser les conditions d'indemnisation de l'héritier réservataire en cas d'insolvabilité du bénéficiaire de la libéralité excessive .

Il reprend, sous réserve de modifications, les dispositions actuelles de l'article 930 qui aurait désormais trait, en application de l'article 14 du projet de loi, à la renonciation anticipée à l'action en réduction.

Les héritiers réservataires lésés ont la possibilité d'exercer à l'encontre des tiers détenteurs des biens aliénés par le gratifié insolvable, une action en réduction ou revendication.

L'exercice de cette action est subordonnée à la discussion préalable des biens : si la réduction doit en principe être exécutée en nature, elle peut avoir lieu en valeur.

De même que les donations sont réduites dans l'ordre chronologique en commençant par la plus récente, les biens aliénés le plus récemment par le gratifié seront les premiers visés par l'action des héritiers réservataires.

Les dispositions de l'article 930 ne visent que les immeubles. Cependant, la jurisprudence a étendu leur application aux biens meubles. Alors que l'action contre les tiers détenteurs peut toujours être exercée pour les premiers, elle ne peut l'être pour les seconds que lorsqu'il s'agit de meubles corporels individualisés, perdus ou volés depuis moins de trois ans. L'article 2279 du code civil prévoit en effet que, pour les meubles, « possession vaut titre », y compris en cas de perte ou de vol en l'absence de réclamation du propriétaire dans un délai de trois ans. La rédaction proposée pour insérer un article 924-4 dans le code civil tend à consacrer cette jurisprudence.

Actuellement, l'action en réduction ou en revendication ne peut être exercée si les biens ont été aliénés par le gratifié avec l'accord du donateur et de tous les réservataires nés et vivants au moment de l'aliénation. Si un héritier réservataire vient à naître après la vente, comme il n'a pas renoncé, il pourra revendiquer le bien entre les mains du tiers acquéreur.

La rédaction proposée pour insérer un article 924-4 dans le code civil tend :

- d'une part, à permettre aux héritiers réservataires de renoncer à l'action en réduction ou en revendication, non plus seulement au moment de l'aliénation mais également au moment de la donation ou entre la donation et l'aliénation ;

- d'autre part, à interdire aux héritiers réservataires nés après l'aliénation d'exercer l'action en réduction ou en renonciation si, à l'époque, tous les héritiers réservataires présomptifs l'avaient acceptée.

• L'abrogation de l'article 925 du code civil, prévoyant la caducité d'un testament lorsque la valeur des donations entre vifs excède ou égale la quotité disponible

Votre commission vous soumet un amendement ayant pour objet d'abroger l'article 925 du code civil, aux termes duquel : « Lorsque la valeur des donations entre vifs excèdera ou égalera la quotité disponible, toutes les dispositions testamentaires seront caduques ».

Ainsi, dès que la quotité disponible a déjà fait l'objet d'une complète disposition, le testament ne peut pas s'exécuter.

Cette disposition heurte deux objectifs du projet :

- l'institution d'une réserve héréditaire en valeur ;

- l'augmentation de la liberté de disposition du défunt.

Etant donné que la réserve héréditaire sera désormais appréciée en valeur et protégée par l'action en réduction, il apparaît logique d'abroger l'article 925.

• La suppression de l'obligation, pour le bénéficiaire d'une libéralité excessive, de restituer à l'héritier réservataire lésé les fruits produits par les biens constituant l'excédent, lorsque la réduction s'effectue en valeur

Le 10° du premier paragraphe (I) a pour objet de modifier l'article 928 du code civil afin de dispenser le bénéficiaire d'une libéralité excessive de restituer à l'héritier réservataire lésé les fruits produits par les biens constituant l'excédent, lorsque la réduction s'effectue en valeur.

Ainsi qu'il l'a été indiqué, cette restitution n'est actuellement due, en aucun cas, pour la période comprise entre la date de la libéralité et celle du décès du disposant -alors même que les biens abusivement donnés ont pu produire des fruits- car le respect de la réserve n'est requis qu'à la date de l'ouverture de la succession. L'article 928 prévoit en outre que, lorsque la demande de réduction des libéralités excessives a été formée plus d'une année après le décès du disposant, la restitution des fruits est due non pas à compter du décès de ce dernier, mais de la date de la demande de réduction, règle qui doit inciter l'héritier réservataire à la diligence et qui n'est pas ici remise en cause.

La modification proposée tend à revenir sur une jurisprudence de la Cour de cassation 168 ( * ) , en vertu de laquelle le donataire est tenu de restituer l'équivalent des fruits perçus du fait de l'excédent, même lorsque la réduction s'effectue en valeur. Elle repose sur l'argument selon lequel la réserve devant dorénavant s'apprécier en valeur au moment du décès, le choix ordinaire de réduire en valeur les libéralités excessives signifie que l'héritier réservataire n'a pas acquis, à compter du décès, de droit au bien lui-même et ne peut donc pas réclamer la perception de ses fruits à compter de cette date .

La différence ainsi créée entre les conséquences financières de la réduction en valeur et celles de la réduction en nature devrait logiquement conduire les bénéficiaires de libéralités excessives à privilégier la réduction en valeur. La modification proposée devrait donc favoriser la consolidation des situations patrimoniales précédemment acquises.

3. La demande en réduction

A la différence du rapport, la réduction n'opère pas de plein droit. Elle suppose une demande.

• Les titulaires du droit de demander la réduction

Aux termes de l'article 921 du code civil, laissé inchangé sur ce point par le projet de loi, les titulaires du droit de demander la réduction sont :

- les héritiers réservataires , dès lors qu'ils acceptent la succession. Ils le peuvent collectivement ou individuellement. Il arrive que certains s'inclinent devant la volonté du de cujus . Dans ce cas, la libéralité n'est réduite que dans la mesure nécessaire pour parfaire les parts de réserve des demandeurs ;

- leurs propres héritiers 169 ( * ) ;

- leurs ayants cause -légataires ou institués contractuels universels ou à titre universel ;

Quant aux créanciers , ils peuvent agir par la voie de l' action oblique 170 ( * ) .

Les gratifiés ne peuvent provoquer la réduction ni s'en prévaloir . En revanche, ils sont fondés à exiger le respect de l'ordre légal des réductions. Ils peuvent donc l'opposer aux réservataires et se l'opposer dans leurs rapports réciproques : un donataire peut opposer aux réservataires qu'ils n'ont pas demandé la réduction d'une donation postérieure à la sienne.

Les créanciers du défunt ne peuvent pas non plus ni demander la réduction ni en profiter . La règle tient à ce que la réserve n'est pas faite pour protéger les créanciers du disposant. Contre les libéralités consenties à leur préjudice, ces derniers ne disposent que de l'action paulienne. Toutefois la portée de cette règle doit être relativisée :

- pour ce qui concerne les legs, les biens légués font partie des biens existants, qu'ils peuvent toujours saisir. Ce qui leur importe ce n'est pas que les legs soient réduits mais que les légataires ne soient payés qu'après eux ;

- pour ce qui concerne les donations, l'héritier réservataire qui accepte purement et simplement la succession devient le débiteur des créanciers successoraux, qui peuvent alors demander la réduction par la voie oblique et saisir ce qu'elle fait entrer dans son patrimoine personnel.

• L'extinction du droit de demander la réduction

Le droit de demander la réduction peut d'abord s'éteindre par l'effet de la prescription.

Le délai est en principe de trente ans, mais il est ramené à cinq ans pour les partages d'ascendants -donations-partages 171 ( * ) et testaments-partages 172 ( * ) . Il court à compter du jour du décès du disposant car telle est la date à partir de laquelle la demande peut être formée. Cette justification explique l'exception propre à la donation-partage conjonctive, qui est consentie conjointement par les père et mère : l'action en réduction ne pouvant être introduite qu'au décès du survivant, c'est à compter de ce décès seulement que le délai commence à courir -sauf pour l'enfant non commun.

Ce délai est unanimement jugé excessif. Il place le bénéficiaire d'une libéralité dans une situation d'insécurité juridique insupportable par sa durée alors que l'héritier réservataire n'en a nullement besoin pour décider d'exercer l'action en réduction.

Le du premier paragraphe (I) , qui a fait l'objet d'une modification rédactionnelle de la part de l'Assemblée nationale, tend à compléter l'article 921 du code civil afin de fixer le délai de prescription de l'action en réduction à cinq ans à compter de l'ouverture de la succession .

Pour les héritiers qui n'auraient pas été informés de l'atteinte portée à leur réserve, ce délai serait de deux ans à compter du jour où ils en auraient eu connaissance , sans jamais pouvoir excéder dix ans à compter du décès .

Les délais d'exercice de l'action en réduction à l'encontre des donations-partages et des testaments-partages resteraient fixés aux articles 1077-2 et 1080 du code civil.

La solution retenue par le Gouvernement et l'Assemblée nationale est équilibrée. Elle permet de concilier efficacement la défense des droits des héritiers réservataires et la sécurité juridique nécessaire aux libéralités.

Il convient par ailleurs de noter que la renonciation peut constituer une autre cause d'extinction anticipée.

Votre commission vous propose d' adopter l'article 13 ainsi modifié .

Article 14 (art. 929 à 930-5 nouveau du code civil) - Possibilité de renoncer à l'action en réduction pour atteinte à la réserve

Le projet de loi insère à la section 2 « De la réduction des donations et des legs » du chapitre III « De la portion de biens disponibles et de la réduction » un paragraphe 3 intitulé « De la renonciation anticipée à l'action en réduction » (art. 929 à 930-5).

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, adopté un amendement afin de mieux distinguer la renonciation anticipée à l'action en réduction de la renonciation comme option successorale.

L'introduction de cette renonciation anticipée à l'action en réduction des libéralités portant atteinte à la réserve (RAAR) constitue une innovation fondamentale.

Ce dispositif est présenté par certains comme une dérogation aux règles du code civil protégeant la réserve héréditaire , lesquelles sont depuis 1804 d'ordre public. Ceci n'est cependant pas exact.

En effet, la règle selon laquelle le défunt ne peut, même avec leur accord, priver des héritiers réservataires d'une partie de son patrimoine, que ce soit par le biais de son testament ou de donations antérieures, n'est pas remise en cause par le projet de loi, puisque cette renonciation émane des intéressés eux-mêmes. Il conviendra bien évidemment de s'assurer que cette renonciation est libre et ne résulte pas de pressions exercées dans le cadre familial.

Par ailleurs, l'impact de ce nouveau dispositif ne doit pas être surestimé : il est déjà tout à fait possible de contourner la réserve par le biais du choix du régime matrimonial de communauté universelle avec attribution au dernier vivant 173 ( * ) et surtout de l'assurance-vie.

Ce dispositif constitue en fait surtout une dérogation supplémentaire à l'interdiction de principe des pactes sur succession future .

? En effet, le deuxième alinéa de l'article 1130 prévoit que l'« on ne peut renoncer à une succession non ouverte [c'est-à-dire la succession d'une personne vivante] , ni faire aucune stipulation sur une pareille succession, même avec le consentement de celui de la succession duquel il s'agit ». Il est indifférent que le de cujus soit partie à l'acte ou non.

Cette prohibition remonte au droit romain et se fonde sur trois considérations :

- l'immoralité du pacte successoral, qui incite à souhaiter la mort du de cujus , sinon à la provoquer. Ceci n'est plus recevable, alors que la loi encourage des mécanismes comme l'aliénation contre rente viagère ou l'assurance sur la vie ;

- l'atteinte portée à la liberté de tester du disposant. Cependant, certains pactes, comme la renonciation conventionnelle de l'héritier présomptif, ne limitent nullement la liberté testamentaire du de cujus , qui ne s'oblige à rien ;

- la protection de l'héritier contre le risque d'abus d'influence ou de lésion, du fait de sa méconnaissance de l'étendue de ses droits. Cette dernière considération demeure tout à fait pertinente. Cette interdiction concerne actuellement tous les actes, à titre onéreux ou gratuit, et quelle que soit leur étendue.

Ainsi, tout acte par lequel un héritier présomptif dispose de ses droits dans une succession future (y renonce ou les aliène) est nul (art. 791). La jurisprudence a donc annulé la renonciation du droit à demander le rapport 174 ( * ) ou à exercer l'action en réduction 175 ( * ) , afin de protéger l'héritier présomptif contre un acte dont on craint qu'il soit irréfléchi ou lésionnaire.

Du vivant du disposant, l'héritier réservataire ne peut donc renoncer à demander la réduction des libéralités susceptibles de porter atteinte à l'intégrité de sa réserve. De son côté, le disposant ne peut priver les héritiers réservataires de leur droit d'exercer après son décès l'action en réduction.

En revanche, une fois la succession du disposant ouverte, la renonciation à l'action en réduction est possible. Elle peut être tacite ou expresse. Dans ce dernier cas, elle prend la forme d'un acte dit de consentement à exécution de donation.

? Or, la loi autorise déjà ponctuellement des pactes sur succession future , par faveur pour la famille 176 ( * ) , dans l'intérêt des entreprises exploitées en forme sociale 177 ( * ) , ou par souci de sécurité juridique.

Ainsi, il est possible de renoncer de manière anticipée à la succession du conjoint en cas de séparation de corps sur requête conjointe (art. 301).

En outre, si l'article 918 présume irréfragablement que la vente consentie à un successible en ligne directe contre une rente viagère à fonds perdus ou avec réserve d'usufruit constitue une libéralité déguisée, il prévoit que le consentement des cohéritiers à l'aliénation vaut renonciation de leur part à en demander la réduction au décès du disposant 178 ( * ) .

Ces exceptions demeurent cependant très limitées s'agissant d'un pacte portant sur une atteinte à la réserve. Or, cette situation peut compliquer la transmission d'une entreprise ou d'une maison de famille, ou empêcher de favoriser un enfant handicapé, alors même que tous les héritiers sont d'accord.

En effet, si des mécanismes d'attribution préférentielle existent, ils supposent tous l'acquittement d'une soulte si la valeur des biens en question excède celle des droits du bénéficiaire.

Le projet de loi permet, au sein des familles et avec l'accord de chacun, de procéder à une répartition des biens dérogeant aux règles de la réserve héréditaire.

Si le pacte de famille existe déjà en Suisse et ne semble pas poser de problème, l'annonce de cette réforme en France n'a pas manqué de susciter des inquiétudes . Les pressions familiales pourraient aboutir dans certaines familles au rétablissement du droit d'aînesse ou à privilégier les garçons au détriment des filles. De plus, il serait pervers de demander à une personne d'accepter d'être lésée, celle-ci se trouvant sinon confrontée au risque de se couper de sa famille pour des raisons pécuniaires.

Un encadrement, renforcé par l'Assemblée nationale, est donc prévu.

Il n'apparaît pas totalement sécurisant à votre commission, qui vous proposera diverses améliorations.

Art. 929 du code civil : Objet de la RAAR

Cet article a pour objet de définir les caractéristiques essentielles de la RAAR.

Cette forme de pacte sur succession future permettrait aux héritiers réservataires présomptifs de renoncer du vivant du disposant à exercer une action en réduction à l'encontre des libéralités (dons ou legs) qui porteraient atteinte à leur réserve. L'héritier qui renoncerait à exercer l'action en réduction resterait héritier.

? Cette faculté est ouverte à l'ensemble des héritiers réservataires présomptifs , ce qui inclut tant les descendants que les ascendants du disposant.

Ainsi que le prévoit l'article 930-5, cette renonciation est opposable aux représentants du renonçant et donc aux héritiers subséquents.

En revanche, le conjoint du disposant ne renoncer, hormis le cas particulier visé à l'article 914-1 du code civil 179 ( * ) , où il est héritier réservataire.

? Cette faculté concerne les successions non ouvertes .

En effet, tout héritier peut d'ores et déjà renoncer à la succession au décès du disposant.

? Le projet de loi prévoit le renonçant devra mentionner le ou les bénéficiaires de la renonciation .

Il s'agit d'éviter que ces renonciations se fassent dans un objectif resté inconnu des renonçants. La motivation conduisant un héritier réservataire à signer une RAAR doit être clairement fondée et juridiquement établie.

Ce bénéficiaire ne sera pas forcément un autre héritier réservataire, même si cette hypothèse paraît la plus probable.

Le projet de loi prévoit qu'il pourra y avoir plusieurs bénéficiaires. L'acte de renonciation devra donc préciser au cas par cas les modalités de répartition de la renonciation entre eux. Une personne pourra ainsi renoncer au profit de différentes personnes de façon globale sans considération de la répartition entre elles, le disposant en décidant alors lui-même, ou au contraire renoncer au profit de personnes déterminées pour des montants ou une clef de répartition déterminés.

? Par ailleurs, si la RAAR constitue un acte unilatéral, le projet de loi prévoit qu'elle ne peut produire d'effet qu'à compter de son acceptation par celui dont son auteur a vocation à hériter , c'est-à-dire le disposant. Cette exigence, qui parait au premier abord surprenante, devrait permettre de priver d'effet des renonciations décidées de manière irréfléchie ou obtenues à la suite de pressions exercées par d'autres héritiers réservataires potentiellement bénéficiaires. Elle permet en outre de préserver la liberté du disposant.

En revanche, le pacte de renonciation n'intéressant que le futur défunt et le renonçant, le bénéficiaire de la renonciation n'a pas à l'accepter. En effet, son droit n'est pas issu du contrat, mais de la libéralité qui lui sera éventuellement consentie.

Cette libéralité ne reste qu'éventuelle, puisque le disposant demeure libre de ne rien faire. Il peut ainsi décider de ne finalement pas avantager le bénéficiaire de la renonciation.

? Le deuxième alinéa vise à permettre à l'héritier réservataire renonçant de moduler la portée de son acte :

- il peut renoncer de façon abstraite à exercer son action en réduction quelle que soit l'atteinte portée à sa réserve . Cette renonciation peut donc aboutir à priver l'héritier réservataire de la totalité de sa part de réserve. Cette hypothèse devrait être rare ;

-  il peut renoncer à exercer son action en réduction si l'atteinte portée à sa part de réserve n'excède pas une certaine quotité (un quart, un tiers...) ;

- il peut enfin renoncer de façon plus précise à exercer son action en réduction à l'encontre d'une libéralité portant sur un bien déterminé.

Cette souplesse, qui s'oppose à la rigidité de l'option successorale, est bienvenue et facilitera la conclusion de pactes familiaux consensuels.

Il n'en reste pas moins que le renonçant ne pourra évaluer pleinement la valeur de sa renonciation à une succession qui pourra ne s'ouvrir que des décennies plus tard . La valeur du patrimoine de la succession, et du sien, aura pu varier de manière considérable, de même que sa situation, par exemple en cas de survenance d'enfants. Au contraire, la situation du bénéficiaire aura pu s'améliorer, sans que l'on puisse remettre en cause le pacte, la possibilité de révocation pour état de besoin apparaissant très restrictive (voir infra article 930-3).

Est-il vraiment possible dans cette hypothèse de renoncer à une chose future ?

? Le dernier alinéa prévoit enfin que l'acte de renonciation ne peut créer d'obligations à la charge de celui dont on a vocation à hériter (c'est-à-dire le de cujus ) ou être conditionné à un acte émanant de ce dernier.

La renonciation de l'héritier réservataire est donc purement gratuite . Il ne peut conditionner sa renonciation au versement d'une somme d'argent ou à la passation d'un acte par le futur défunt (par exemple disposer de ses biens en faveur d'une personne déterminée).

En revanche, rien n'empêche le futur défunt de faire par acte séparé une donation au renonçant en contrepartie de sa renonciation. Les deux actes ne peuvent toutefois pas être liés : si le pacte est caduc, la donation subsistera.

Rappelons que lors de l'ouverture de la succession (actuel art. 780 repris à l'art. 784 modifié par l'article premier du projet de loi), toute cession, à titre gratuit ou onéreux, faite par un héritier de tout ou partie de ses droits dans la succession emporte acceptation pure et simple. Il en est de même de la renonciation, même gratuite, que fait un héritier au profit d'un ou plusieurs de ses cohéritiers et de la renonciation qu'il fait, même au profit de tous ses cohéritiers indistinctement, lorsqu'il en reçoit le prix. Il y a ainsi acceptation pure et simple tacite en cas de cession des droits successoraux et des renonciations équivalentes à des cessions. Sont expressément visés le cas de la renonciation, par exemple pour échapper volontairement aux règles d'ordre public de la réserve au profit d'un ou de plusieurs cohéritiers précisément identifiés ayant des besoins spécifiques en lui faisant une donation de ses droits ou en les leur cédant, ainsi que l'hypothèse de la renonciation au profit de l'ensemble des cohéritiers, mais contre paiement, ce qui revient à vendre la renonciation.

Le projet de loi vise ainsi à éviter l'apparition de RAAR à titre onéreux utilisées comme garanties de crédit.

Art. 930 du code civil : Forme de la RAAR

Cet article vise à sécuriser la RAAR en précisant ses modalités de passation pour éviter toute nullité.

? Tout d'abord, la renonciation requiert un acte authentique .

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, renforcé ces garanties en prévoyant qu'il doit s'agir d'un acte authentique spécifique, c'est-à-dire exclusivement consacré à la renonciation d'un ou plusieurs renonçants.

Elle a également ajouté que cette renonciation doit être signée séparément par chaque renonçant en présence du seul notaire. Il pourra ainsi répondre aux questions que le renonçant n'oserait pas lui poser en présence du disposant. La renonciation devra mentionner précisément ses conséquences juridiques futures pour chaque renonçant.

L'exigence d'un acte authentique spécifique ne s'oppose pas à ce que qu'un même acte permette la renonciation de plusieurs héritiers réservataires. Cette possibilité est en effet expressément prévue par le projet de loi. Cette formule apparaît en effet plus simple et moins coûteuse lorsqu'il existe plusieurs renonçants.

L'Assemblée nationale a précisé que le non respect de ces formalités rendrait toute renonciation nulle.

Votre commission vous propose de prévoir par amendement que deux notaires doivent intervenir à l'acte , afin d'éviter que la personne renonçante se trouve sous l'emprise du notaire choisi par le de cujus .

? Le projet de loi prévoit en outre que le consentement du renonçant doit être libre et éclairé .

Cette garantie est apparue insuffisante à l'Assemblée nationale compte tenu de la gravité de l'acte et de l'importance du risque de pressions de l'entourage. Elle a donc, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, substitué à cette exigence de qualité du consentement l'application de la théorie des vices du consentement.

Ainsi, sera nulle la renonciation lorsque le consentement du renonçant aura été vicié par l'erreur, le dol ou la violence, physique ou morale.

Ceci permettra l'annulation d'une RAAR signée par un renonçant en situation de dépendance économique ou victime de pressions affectives. Si cette considération apparaît légitime, elle pourra cependant avoir pour conséquence de permettre une annulation tardive et de fausser les estimations du futur défunt. En effet, en vertu de l'article 1304 du code civil, cette action en nullité relative peut être exercée dans les cinq années suivant le moment où la violence a cessé et l'erreur ou le dol ont été découverts. Or, on peut considérer que la violence morale ne cessera qu'au décès du disposant.

Cette garantie paraît indispensable mais il pourra en pratique être difficile d'apporter la preuve de ce vice du consentement.

Votre commission vous propose un amendement tendant à supprimer la précision selon laquelle la violence peut être « physique ou morale » , la jurisprudence reconnaissant que la violence morale constitue une violence.

Suivant les avis de sa commission et du Gouvernement, l'Assemblée nationale a par ailleurs rejeté un amendement présenté par M. Emile Blessig tendant à soumettre la RAAR à une homologation judiciaire. Elle a en effet considéré que cela induirait pour les familles une lourdeur et un coût supplémentaires, sans pour autant leur apporter plus de garanties, les magistrats n'ayant ni le temps ni les moyens d'exercer un contrôle effectif du caractère libre et éclairé du consentement du renonçant. Une telle homologation s'avèrerait au mieux inutile lorsque ce consentement n'était pas vicié, voire pire en cas de validation d'actes pour lesquels la volonté du renonçant avait en réalité été forcée.

Art. 930-1 du code civil : Capacité exigée pour renoncer et nature de la RAAR

? Le projet de loi précise que la capacité requise du renonçant est celle exigée pour consentir une donation entre vifs .

Il faut donc être majeur ou mineur émancipé (art. 904) et être sain d'esprit (art. 901).

L'Assemblée nationale a souhaité, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, exclure les mineurs émancipés du champ de la RAAR, ce qui paraît effectivement plus prudent.

Votre commission vous propose d'adopter un amendement de précision.

Votre rapporteur s'est par ailleurs interrogé sur l'opportunité de prévoir une majorité renforcée (25 ou 30 ans), afin de permettre au renonçant de faire face à d'éventuelles pressions de son entourage et d'apprécier pleinement la gravité de sa décision. Le choix d'une majorité différente serait cependant arbitraire et relatif, en fonction de la personnalité et de la maturité de chacun.

En outre, le majeur en tutelle ne pourra faire (lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant) de renonciation, en vertu de l'article 389-5 du code civil, tandis que l'assistance du curateur sera requise pour qu'un majeur sous curatelle renonce. En principe, une personne sous sauvegarde de justice devrait en revanche pouvoir renoncer. Il est cependant peu probable qu'un notaire, informé de son statut, accepte de recevoir l'acte, compte tenu du risque très important de remise en cause de la renonciation.

? Le projet de loi précise ensuite que la renonciation, quelles que soient ses modalités, ne constitue pas une libéralité consentie par le renonçant.

En effet, le bénéficiaire de la libéralité ne tient pas ses droits de l'héritier renonçant, mais du disposant . En conséquence, cette renonciation n'est pas soumise aux règles du rapport et de la réduction. Une telle confusion risquerait non seulement de rendre les biens rapportables à la succession du renonçant, mais surtout de conduire à imposer les biens faisant l'objet de la RAAR au moment de sa signature, ce qui serait très pénalisant pour le bénéficiaire de la RAAR, notamment lorsqu'il est collatéral du renonçant (les droits de mutation à titre gratuit étant alors bien plus élevés qu'en ligne directe). Si l'administration fiscale suit l'analyse civile, cette renonciation ne devrait donc pas être assujettie aux droits de mutation.

Cette disposition est à rapprocher de celles des nouveaux articles 1078-8 et 1078-9 relatifs à la donation-partage transgénérationnelle (voir infra article 20 du projet de loi).

Art. 930-2 du code civil : Portée et caducité de la RAAR

Cet article vise à préciser les effets produits par la RAAR lorsque les motivations ayant conduit à sa signature ne se sont pas concrétisées .

En effet, le de cujus restant libre, il n'est pas tenu de favoriser la personne au bénéfice de laquelle l'héritier réservataire a renoncé.

? Le premier alinéa précise tout d'abord que si la liberté supplémentaire de disposition résultant de la renonciation n'a pas été utilisée, la renonciation ne produit aucun effet. Si cette liberté n'a été exercée que partiellement, la renonciation ne produit d'effets qu'à hauteur de l'atteinte à la réserve du renonçant résultant de la liberté consentie. Ces deux dispositions semblent évidentes. L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, adopté un amendement rédactionnel.

Le projet de loi précise en outre, ce qui paraît plus intéressant, que si l'atteinte à la réserve porte sur une fraction supérieure à celle prévue dans la renonciation, la libéralité n'est pas nulle, seul l'excédent étant réductible . Cette précision opportune permettra d'éviter des erreurs d'interprétation.

? Le second alinéa prévoit la caducité de la RAAR si la libéralité attentatoire à la réserve porte sur un bien autre que celui avait été déterminé ou au profit d'une autre personne que le ou les bénéficiaires mentionnés dans l'acte .

Cette précision paraît utile, notamment si le bien désigné disparaît ou si le bénéficiaire décède entre temps.

? L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, adopté un amendement rédactionnel.

? Votre commission vous propose d'adopter un amendement rédactionnel.

Art. 930-3 du code civil : Révocation de la RAAR

? Afin de garantir la sécurité juridique de cet acte, le projet de loi encadre fortement la possibilité de révocation de la renonciation par le renonçant. Le principe est que le renonçant s'engage une fois pour toutes en signant la RAAR, la révocation devant demeurer l'exception.

Le projet de loi précise les hypothèses dans lesquelles le renonçant peut révoquer sa renonciation.

Cette rédaction paraît maladroite, puisqu'elle est contredite par l'article 930-4, qi prévoit que cette révocation n'a jamais lieu de plein droit et doit être autorisée par le juge. Votre commission vous propose donc d'adopter un amendement rédactionnel indiquant qu'il s'agit d'une simple demande.

? Le projet de loi prévoit que cette révocation peut intervenir dans deux cas :

- l'inexécution des obligations alimentaires du disposant (et non du bénéficiaire) à son égard ;

- l'état de besoin du renonçant au jour de l'ouverture de la succession, s'il est prouvé que cet état de besoin disparaîtrait s'il n'avait pas renoncé à ses droits réservataires.

En effet, le renonçant a pu s'engager à aider un tiers en se croyant lui-même à l'abri du besoin. S'il apparaît ultérieurement qu'il ne dispose pas de moyens de subsistance, il est légitime de considérer que les conséquences de l'erreur de jugement commise par le renonçant sont suffisamment graves pour justifier une révocation de la RAAR.

Cette notion d'état de besoin a cependant été jugée très imprécise par les personnes auditionnées par votre rapporteur, qui ont craint qu'elle ne suscite un large contentieux. Elle devra s'apprécier au regard de l'article 208 du code civil, qui précise que « l es aliments ne sont accordés que dans la proportion du besoin de celui qui les réclame et de la fortune de celui qui les doit ». La Cour de cassation 180 ( * ) a indiqué que celui qui est dans le besoin ne doit pas être en mesure d'assurer lui-même sa subsistance, en particulier en exerçant une activité rémunérée.

? L' Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, ajouté une troisième hypothèse .

La révocation sera possible lorsque le bénéficiaire de la renonciation s'est rendu coupable d'un délit ou d'un crime contre la personne du renonçant .

Cet ajout concernant l'ingratitude parait très pertinent. Ces situations devraient cependant rester exceptionnelles, le bénéficiaire d'une RAAR étant dans la grande majorité des cas reconnaissant envers le renonçant.

Art. 930-4 du code civil : Modalités et délais applicables à la révocation de la RAAR

Cet article détermine les conditions selon lesquelles la révocation de la RAAR peut être obtenue.

? Il précise tout d'abord que la révocation n'a jamais lieu de plein droit .

? Ensuite, le projet de loi indique que la demande de révocation doit être formée :

- au plus tard un an après l'ouverture de la succession lorsqu'il s'agit d'une révocation fondée sur l'état de besoin du renonçant ;

- au plus tard un an après le début du manquement du disposant à ses obligations alimentaires envers le renonçant, ou un an après que ce manquement a été connu des héritiers du renonçant.

La brièveté de ces délais est justifiée par la volonté de limiter les risques de remise en cause abusive de la RAAR par le renonçant.

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, prévu que la révocation pour crime et délit serait également insérée dans ce délai d'un an.

L'Assemblée nationale a enfin précisé, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, que la révocation fondée sur l'état de besoin du renonçant ne se ferait qu'à concurrence de la couverture des besoins du renonçant. Les effets de la renonciation ne disparaîtront donc pas totalement.

Art. 930-5 du code civil : Opposabilité de la renonciation aux représentants du renonçant

Cet article prévoit que la renonciation est opposable aux représentants du renonçant.

En cas de prédécès du renonçant, les héritiers qui le représentent dans la succession à laquelle il a renoncé sont tenus de respecter le pacte de renonciation .

Cette règle distingue nettement la RAAR de la renonciation effectuée à l'ouverture de la succession, laquelle ne prive pas les descendants du renonçant de leur part successorale, reçue en remplacement du renonçant.

Cette différence s'explique avant tout par la recherche de sécurité juridique.

Votre commission vous propose d' adopter l'article 14 ainsi modifié .

Article 15 (art. 952, 960 à 966 du code civil)
Absence d'automaticité de la révocation des donations entre vifs pour cause de survenance d'enfants

Cet article a pour objet de modifier diverses dispositions du chapitre IV (« Des donations entre vifs ») du titre II du livre III du code civil, afin d'actualiser les règles applicables au droit de retour conventionnel des biens ayant fait l'objet d'une donation et, surtout, de mettre fin à l'automaticité de la révocation des donations pour survenance d'enfant.

1. L'actualisation des règles applicables au droit de retour conventionnel des biens donnés ou légués

L'article 951 ouvre à l'auteur d'une donation entre vifs la faculté de stipuler, dans la donation ou dans un acte séparé, le droit de retour des biens donnés , à son seul profit, soit pour le cas du prédécès du donataire seul, soit pour le cas du prédécès du donataire et de ses descendants. Il s'agit d'une cause résolutoire purement casuelle qui ne porte donc pas atteinte à l'irrévocabilité de la libéralité.

Ce droit de retour, qualifié de conventionnel pour le distinguer du droit de retour légal prévu par l'article 368-1 lorsqu'un enfant adopté par voie d'adoption simple décède sans postérité, se rencontre dans la plupart des donations. Si cette clause est usuelle, c'est parce qu'elle correspond à une psychologie commune : le donateur veut gratifier une personne déterminée mais il n'entend pas qu'à la suite du décès de celle-ci, les biens qu'il donne passent entre des mains étrangères.

Le a pour objet de réécrire l'article 952, relatif aux conséquences du droit de retour des biens donnés.

Celui-ci a pour effet de résoudre toutes les aliénations des biens donnés , et de faire revenir ces biens au donateur, francs et quittes de toutes charges et hypothèques . La rétroactivité de la résolution est cependant soumise aux limites du droit commun : d'une part, tous les actes d'administration accomplis par le donataire sont maintenus ; d'autre part, s'il s'agit de meubles corporels, l'article 2279 181 ( * ) viendra au secours de l'acquéreur et le protégera contre la revendication du donateur. S'agissant d'immeubles, l'acquéreur pourra se prévaloir d'une prescription acquisitive. Mais la clause étant normalement publiée, cet acquéreur sera de mauvaise foi et ne pourra donc invoquer que la prescription trentenaire. En outre, ce délai ne peut courir avant le décès du donataire. Le bénéfice de la prescription est donc largement illusoire. En revanche, si la clause de retour n'a pas été publiée, la résolution sera inopposable aux tiers.

Une seule exception est ménagée à cette règle. Elle concerne l'hypothèque de la dot et des conventions matrimoniales, si les autres biens de l'époux donataire ne suffisent pas, et dans le cas seulement où la donation lui a été faite par le même contrat de mariage duquel résultent ces droits et hypothèques.

La modification proposée par le projet de loi initial consistait à substituer la référence à « l'hypothèque légale des époux 182 ( * ) » à celle de « l'hypothèque de la dot et des conventions matrimoniales », le régime de la dot ayant été supprimé en 1965.

A l'initiative de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale a procédé à une réécriture complète de l'article 952 afin de simplifier l'ensemble de sa rédaction, sans rien changer aux règles applicables.

Votre commission vous soumet un amendement de précision.

2. La suppression de l'automaticité de la révocation des donations pour survenance d'enfant

L'article 953 prévoit actuellement trois causes permettant de déroger à la règle générale de l'irrévocabilité des donations entre vifs , posée par l'article 894 :

- l' inexécution des conditions sous lesquelles la donation a été faite ;

- l' ingratitude du donataire envers le donateur , c'est-à-dire s'il a attenté à sa vie, s'il s'est rendu coupable envers lui de sévices, délits ou injures graves ou encore s'il lui refuse des aliments ;

- la survenance d'enfants du donateur , même posthumes .

Dans cette dernière hypothèse , l'article 960 dispose que les donations sont révoquées de plein droit , même si le donateur en avait expressément disposé autrement -à l'inverse, la révocation pour cause d'inexécution des conditions, ou pour cause d'ingratitude, n'a jamais lieu de plein droit 183 ( * ) . Il en résulte qu'aucune action en justice n'est nécessaire, qu'aucune confirmation de la libéralité n'est possible et qu'aucune renonciation du donateur n'est autorisée.

Il n'y a à tenir compte ni de sa forme -sont révocables aussi bien les donations notariées que les dons manuels ou les donations indirectes ou déguisées- ni de son montant -seuls les présents d'usage échappent à toutes les causes de révocation.

La résolution de la donation est toutefois subordonnée à une double condition :

- l'absence d'enfant , quel que soit le lien de filiation, au jour de la donation -une interrogation subsiste toutefois, en l'absence de jurisprudence, sur le point de savoir si la présence d'un enfant adopté simple au moment de la donation empêche cette cause de révocation de jouer ;

- la naissance d'un enfant légitime , même posthume , ou la légitimation d'un enfant naturel , lui-même né après la donation . « Il est généralement enseigné que l'adoption simple ou plénière d'un enfant par le donateur ne peut produire le même résultat. En effet, l'adoption permettrait alors au disposant de révoquer à sa convenance la donation, ce qui viendrait contredire le principe de l'irrévocabilité. Pareillement, n'emporte pas révocation la reconnaissance après que la donation a été consentie d'un enfant né antérieurement 184 ( * ) . » 185 ( * )

Le donataire est alors tenu de restituer les biens donnés et les fruits qu'il a perçus , de quelque nature qu'ils soient, à compter du jour où l'existence de l'enfant lui a été signifiée. En revanche, il peut conserver le bénéfice des fruits perçus avant cette date car il est un possesseur de bonne foi 186 ( * ) . La rétroactivité de la révocation est opposable aux tiers : l'article 963 précise que le donateur reprend les biens francs et libres de toutes charges. Les actes de disposition sont anéantis mais pas les actes d'administration. Le donataire, ses héritiers ou ayants cause, ou les autres détenteurs des choses données, peuvent toutefois invoquer une prescription après une possession de trente ans . Ce délai ne peut courir que du jour de la naissance du dernier enfant du donateur, même posthume 187 ( * ) .

L'article 960 réserve une exception importante à cette règle : les donations entre futurs époux à l'occasion du mariage ou entre époux pendant le mariage . La survenance d'un enfant est alors un événement qui a nécessairement été envisagé par le donateur et il serait absurde d'en faire une cause de révocation.

A l'origine, cette règle impérative était destinée à protéger la volonté du disposant. Aujourd'hui, elle apparaît comme une entrave à la liberté de transmettre et une source d'insécurité juridique. L'institution de la réserve suffit à protéger les enfants du donateur, quelle que soit la date des libéralités consenties par leur auteur.

Le tend à modifier l'article 960 afin :

- d'une part, de mettre fin à l'automaticité de la révocation des donations pour survenance d'enfants. La révocation des donations antérieurement consenties deviendrait une faculté offerte au donateur, qu'il ne pourrait exercer qu'à la condition de l'avoir prévue dans l'acte de donation et en cas de survenance d'un enfant, même posthume, dont il serait l'auteur ou qu'il aurait adopté en la forme plénière ;

- d'autre part, de tirer les conséquences de l'évolution des règles de la filiation . Les modifications prévues par le projet de loi initial consistaient, au nom du principe de l'égalité des filiations, à mettre un terme à la distinction entre « la naissance d'un enfant légitime » et la « légitimation d'un enfant naturel (...) né depuis la donation ». Constatant qu'elles avaient été déjà opérées par l'article 17 de l'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation, dont les dispositions entreront en vigueur le 1 er juillet 2006, l'Assemblée nationale a effectué de simples corrections matérielles.

L'adoption plénière d'un enfant après la donation deviendrait ainsi une cause permettant la révocation de la libéralité. Le projet de loi exclut l'hypothèse de l'adoption simple pour éviter une remise en cause trop aisée des donations. Cette distinction est justifiée par les effets qui s'attachent à ces deux formes d'adoption.

Le jugement d'adoption plénière attribue un nouveau lien de filiation avec la famille adoptive et supprime les liens de la famille biologique. L'adoption plénière a un caractère irrévocable et ne peut être annulée. L'enfant adopté, doit être âgé de moins de 15 ans et accueilli depuis au moins six mois dans la famille de l'adoptant. Cependant, l'adoption plénière d'un enfant de plus de 15 ans est possible si l'enfant a été accueilli avant ses quinze ans par des personnes ne remplissant pas les conditions pour l'adopter ou s'il a fait l'objet d'une adoption simple par les mêmes personnes.

La loi permet une adoption simple sans limite d'âge. A la différence de l'adoption plénière, l'accueil de l'adopté au foyer de l'adoptant et le placement en vue de l'adoption ne sont pas nécessaires. L'adopté conserve ses liens juridiques avec sa famille biologique. L'adoption ne lui fait pas perdre sa nationalité d'origine. Les parents biologiques perdent l'autorité parentale mais peuvent bénéficier d'un droit de visite. Ils ont la possibilité de demander la révocation de l'adoption simple et doivent être consultés si leur enfant fait l'objet d'une adoption plénière. Si l'adopté conserve dans sa famille biologique tous ses droits successoraux, il acquiert dans sa famille adoptive les mêmes droits successoraux qu'un enfant légitime. L'adopté, ainsi que ses descendants sont des héritiers réservataires dans les deux familles, sauf vis-à-vis des ascendants (parents et grands-parents) de l'adoptant.

Droits successoraux respectifs

Au décès de

Adoption "plénière"

Adoption "simple"

l'adoptant
(ou autre membre de sa famille)

L'adopté, totalement assimilé à un enfant légitime, bénéficie des mêmes droits successoraux, tant à l'égard de l'adoptant que des autres membres de la famille :

- qualité d'héritier réservataire,

- possibilité de succéder par représentation, etc.

L'adopté bénéficie :

- des mêmes droits successoraux qu'un enfant légitime dans la famille de l'adoptant,

- mais n'a pas la qualité d'héritier réservataire vis-à-vis des père et mère (ou autres ascendants) de l'adoptant.

l'adopté

Réciproquement, l'adoptant bénéficie des mêmes droits successoraux que les père et mère (qualité d'héritier réservataire notamment, si l'adopté décède sans laisser d'enfant).

Les autres membres de la famille peuvent également être appelés à succéder.

De façon générale :

- si l'adopté décède en laissant des enfants (ou autres descendants), sa succession est réglée selon le droit commun,

- sinon, sa succession est partagée par moitié entre sa famille d'origine et sa famille adoptive.

Tout en souscrivant à ces dispositions, votre commission vous soumet un amendement tendant à supprimer une disposition inopérante figurant à l'article 960 du code civil et maintenue par le projet de loi. Elle consiste à exclure la révocation des donations faites à l'occasion du mariage à l'un des futurs conjoints par un ascendant. Il y a là une erreur évidente : si l'un des époux reçoit une donation de l'un de ses ascendants, la preuve est faite que le donateur avait au moins un enfant à la date de la libéralité. La révocation est donc exclue par les données mêmes de l'hypothèse.

Les et ont pour objet d'effectuer aux articles 961 et 962 de simples coordinations avec les modifications que le 2° tend à opérer à l'article 960, pour supprimer l'automaticité de la révocation pour cause de survenance d'enfant et tenir compte de l'absence de distinction entre enfant naturel et légitime. Tout en souscrivant à ces modifications, l'Assemblée nationale a procédé à une réécriture d'ensemble de l'article 962.

Le vise à modifier l'article 963 afin, d'une part, d'y effectuer des coordinations avec la nouvelle rédaction des articles 952 et 960 résultant du 1° et du 2° (modernisation de la référence à l'ancien régime dotal et absence d'automaticité de la révocation des donations pour survenance d'enfants), d'autre part, de supprimer une référence à la pratique, disparue avec le régime dotal, par laquelle le donateur pouvait se porter caution de l'exécution du contrat de mariage -ce qui permettait à l'époux doté, en cas de décès de son conjoint ou de divorce, d'obtenir que la dot lui soit restituée. Tout en souscrivant à ces modifications, l'Assemblée nationale a procédé à une réécriture d'ensemble de l'article 963.

Votre commission vous soumet un amendement de précision.

Le tend à réécrire les articles 964 à 966 du code civil afin de prévoir :

- à l'article 964, que la mort de l'enfant du donateur est sans effet sur la révocation des donations . La précision actuelle selon laquelle seule une nouvelle disposition permettrait au donateur de donner à nouveau les mêmes biens -ceux dont la première donation a été révoquée- au même donataire serait supprimée. Elle ne semble plus guère utile dans la mesure où le donateur pourrait désormais décider, dans l'acte de donation, s'il entend ou non se réserver la faculté de la révoquer en cas de survenance d'enfant ;

- à l'article 965, que le donateur peut renoncer à exercer la révocation pour survenance d'enfant, à tout moment -c'est-à-dire avant ou après la naissance de l'enfant. Les dispositions actuelles prévoyant la nullité de toute renonciation du donateur à cette forme de révocation n'ont en effet plus lieu d'être dès lors que la révocation constitue une simple faculté pour le donateur. En l'absence de précision, la renonciation pourrait être opérée par tout moyen, et pas nécessairement par acte authentique, et porter sur tout ou partie des biens donnés -sous réserve, bien entendu, que l'acte de donation ait expressément prévu la possibilité de révocation pour survenance d'enfant ;

- à l'article 966, que l'action en révocation se prescrit par deux ans à compter de la naissance ou de l'adoption du dernier enfant et ne peut être exercée que par le donateur . L'absence de référence à la procédure d'adoption constitue une lacune du texte actuel que le projet de loi vient heureusement combler. Surtout, le délai actuel de trente ans constitue un facteur d'insécurité juridique pour les donataires. Un délai de deux ans semble suffisant pour laisser au donateur, puisqu'il serait le seul à pouvoir exercer l'action en révocation, le temps de déterminer les conséquences qu'il entend tirer de l'existence de l'enfant. L'Assemblée nationale a rejeté un amendement, présenté par sa commission des lois, tendant à étendre aux héritiers du donateur la possibilité d'introduire une action en révocation des donations entre vifs pour survenance d'enfant. M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, a fait valoir pour justifier l'opposition du Gouvernement à cet amendement, que : « La donation est un acte strictement personnel, la décision de la révoquer également. Élargir la possibilité de faire révoquer les donations ne va pas dans le sens de la réforme 188 ( * ) . » Pour que la naissance posthume d'un enfant conduise à la révocation d'une donation consentie à un tiers, il faudrait donc que le donateur ait engagé l'action en révocation peu après sa conception. En tout état de cause, il ne pourrait être porté atteinte aux droits réservataires de cet enfant.

Votre commission vous propose d' adopter l'article 15 ainsi modifié .

Article 15 bis (nouveau) (art. 980 du code civil
Suppression de la condition de nationalité française des témoins appelés à être présents aux testaments

Cet article, inséré par l'Assemblée nationale en première lecture sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, a pour objet de modifier l'article 980 du code civil, afin de supprimer la condition de nationalité française exigée des témoins appelés à être présents aux testaments.

Ainsi qu'il l'a déjà été indiqué, l'article 969 du code civil distingue trois formes de testaments :

- le testament olographe qui, aux termes de l'article 970, n'est assujetti à aucune autre forme que l'obligation d'être écrit en entier, daté et signé de la main du testateur ;

- le testament fait par acte public qui, aux termes de l'article 971, doit être dicté à deux notaires ou à un notaire en présence de deux témoins, qui en dressent acte. Il n'est pas réservé aux personnes ne sachant ou ne pouvant écrire ni même signer, par suite d'une maladie ou d'une infirmité, mais le fait est qu'on l'utilise souvent en de telles circonstances ;

- le testament fait dans la forme mystique qui, aux termes de l'article 976, doit être présenté au notaire et à deux témoins, dans un papier clos, cacheté et scellé au préalable ou en leur présence, et doit faire l'objet d'un acte de suscription dressé en brevet par le notaire.

En application de la convention de Washington du 28 octobre 1973, entrée en vigueur le 1 er décembre 1994, il est également possible de recourir au testament international , qui s'apparente au testament mystique.

Dans sa rédaction actuelle, l'article 980 exige des témoins appelés pour être présents aux testaments qu'ils soient Français et majeurs, sachent signer et aient la jouissance de leurs droits civils. Il interdit au mari et à la femme d'être témoins dans le même acte 189 ( * ) .

La modification proposée par le présent article, qui consiste à substituer à la condition de nationalité une exigence de compréhension de la langue française, tend à « aligner les règles applicables aux testaments sur celles qui régissent les mariages 190 ( * ) ».

L'article 75 du code civil exige en effet la présence de deux à quatre témoins pour la célébration du mariage devant l'officier de l'état civil qui, selon l'article 76, doivent simplement être majeurs. S'il n'y a aucun texte précisant clairement que les témoins de mariage doivent comprendre le français, toutefois, on peut déduire cette exigence des dispositions générales relatives aux actes d'état civil et notamment de l'article 38 qui dispose que l'acte doit être lu aux témoins, ce qui implique nécessairement que ces derniers doivent pouvoir comprendre la lecture qui leur est faite.

Votre commission vous propose d' adopter l'article 15 bis sans modification .

Article 15 ter (nouveau) (art. 983, 985, 986, 991, 992 et 993 du code civil)
Actualisation de la rédaction des dispositions relatives aux testaments soumis à des formes particulières

Cet article, inséré par l'Assemblée nationale en première lecture sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, a pour objet d'actualiser la rédaction de certains articles du code civil relatifs aux testaments qui sont soumis à des règles de formes particulières en raison de la situation des testateurs : conflit, interruption des communications, voyage maritime...

Les articles 981 et 982, relatifs aux conditions de réception des testaments des militaires, des marins de l'Etat et des personnes employées à la suite des armées , seraient inchangés.

Le tend à réécrire l'article 983, aux termes duquel il doit être fait un double original de ces testaments, une expédition du testament pour tenir lieu du second original pouvant être dressée si cette condition ne peut être remplie à raison de l'état de santé du testateur. Les deux originaux ou l'original et l'expédition du testament doivent être adressés, séparément et par courriers différents, sous pli clos et cacheté, au ministre de la guerre ou de la marine, pour être déposés chez le notaire indiqué par le testateur ou, à défaut d'indication, chez le président de la chambre des notaires de l'arrondissement du dernier domicile. Les modifications proposées sont de pure forme ou de précision. Ainsi, serait-il désormais indiqué qu'il s'agit du dernier domicile du testateur.

L'article 984, qui prévoit la nullité du testament six mois après l'arrivée du testateur dans un lieu où il a la liberté d'employer les formes ordinaires, ne serait pas modifié.

Le tend à réécrire l'article 985 afin de prévoir que les testaments faits dans un lieu avec lequel toute communication est impossible à cause d'une maladie contagieuse, peuvent être faits par toute personne atteinte de cette maladie ou située dans des lieux qui en sont infectés, devant le juge d'instance ou devant l'un des officiers municipaux de la commune, en présence de deux témoins. Les modifications proposées consistent, notamment, à supprimer la mention spécifique de la peste ou encore à évoquer l'impossibilité plutôt que l'interception des communications.

Le 3 ° tend à réécrire l'article 986 afin de prévoir que les testaments faits dans une île du territoire métropolitain ou d'un département d'outre-mer, où il n'existe pas d'office notarial, peuvent, lorsque toute communication avec le territoire auquel cette île est rattachée est impossible, être reçus dans les formes prévues à l'article 985, l'impossibilité des communications devant être attestée dans l'acte par le juge d'instance ou l'officier municipal qui reçoit le testament. Les modifications proposées consistent, notamment, à faire référence au « territoire métropolitain » plutôt qu'au « territoire européen de la France » et à ajouter la mention des départements d'outre-mer.

L'article 987, qui prévoit la nullité des testaments établis devant le juge d'instance ou un officier municipal dans un délai de six mois en cas de rétablissement des possibilités de communication, ne serait pas modifié.

De même, le projet de loi laissent inchangés les articles 988 à 990 relatifs aux conditions de forme et de réception des testaments établis au cours d'un voyage maritime .

Le tend à réécrire l'article 991 du code civil afin de prévoir qu'au premier arrêt dans un port étranger où se trouve un agent diplomatique ou consulaire français, l'un des originaux ou l'expédition du testament est remis, sous pli clos et cacheté, à celui-ci. Cet agent adresse ce pli au ministre chargé de la mer, afin que le dépôt chez un notaire prévu à l'article 983 soit effectué. La principale modification consiste à scinder la phrase actuelle en deux.

Le tend à réécrire l'article 992 afin de prévoir qu'à l'arrivée du bâtiment dans un port du territoire national, les deux originaux du testament, ou l'original et son expédition, ou l'original qui reste, en cas de transmission ou de remise effectuée pendant le cours du voyage, sont déposés, sous pli clos et cacheté, pour les bâtiments de l'État au ministre chargé de la défense nationale et, pour les autres bâtiments, au ministre chargé de la mer, chacune de ces pièces devant être adressée, séparément et par courriers différents, au ministre chargé de la mer, qui les transmet conformément à l'article 983. Les principales modifications consistent à faire référence aux ministres chargés de la défense et de la marine plutôt qu'au bureau des armements et au bureau de l'inscription maritime.

Enfin, le tend à réécrire l'article 993 afin de prévoir que le rôle du bâtiment mentionne, en regard du nom du testateur, la remise des originaux ou l'expédition du testament faite, selon le cas, au consulat, au ministre chargé de la défense nationale ou au ministre chargé de la mer. Les modifications sont de même nature qu'à l'article précédent.

Votre commission vous propose d' adopter l'article 15 ter sans modification .

Article 15 quater (nouveau) (art. 1002-1 du code civil)
Cantonnement de l'émolument du légataire

A l'initiative du rapporteur de la commission des lois, M. Sébastien Huyghe, et avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a inséré un nouvel article 1002-1 dans le code civil afin de permettre à toute personne gratifiée d'un legs de ne recevoir, si telle est sa volonté, qu'une partie seulement des biens dont il a été disposé en sa faveur , sauf volonté contraire du disposant, et à condition que la succession ait été acceptée par au moins un héritier désigné par la loi.

Il s'agit de la reprise d'une faculté ouverte par l'article 21 du projet de loi au seul conjoint survivant et donc d'une extension de la dérogation à l'indivisibilité de l'option successorale.

Ce cantonnement ne sera pas considéré comme une libéralité du légataire aux autres successibles.

Votre commission vous propose d' adopter l'article 15 quater sans modification .

Article 16 (art. 1025 à 1034 du code civil)
Extension du champ et de la durée des pouvoirs reconnus à l'exécuteur testamentaire

Cet article réécrit la section 7 du chapitre V du titre II du livre III du code civil consacrée aux exécuteurs testamentaires, afin d' étendre le champ et la durée de leurs pouvoirs , sans bouleverser leur rôle, qui demeure de veiller au respect après son décès des dernières volontés du testateur. Cette réécriture consiste essentiellement en une codification de la jurisprudence qui, au fil du temps, a considérablement augmenté les pouvoirs de l'exécuteur testamentaire.

Les fonctions d'exécuteur testamentaire et de mandataire successoral sont bien distinctes. Si le testateur a nommé à la fois un exécuteur testamentaire et un mandataire successoral, le mandat de ce dernier ne lui permet d'accomplir des actes d'administration et de gestion que « sous réserve des pouvoirs confiés à l'exécuteur testamentaire » en vertu de l'article 812 du code civil tel que modifié par l'article 1 er du projet de loi.

L'accomplissement de la mission du mandataire, qui est avant tout de pérenniser le patrimoine du défunt dans l'intérêt des héritiers, suppose que la dévolution des biens du défunt ait été faite.

En outre, alors que l'exécuteur testamentaire peut avoir reçu du défunt des pouvoirs étendus lui permettant de procéder au partage des biens ou d'effectuer des actes de gestion patrimoniale en l'absence de mandat posthume, à l'inverse le mandataire successoral ne peut être chargé de veiller à l'exécution des dernières volontés du défunt en l'absence d'exécuteur testamentaire.

Art. 1025 du code civil : Capacité juridique et obligations des exécuteurs testamentaires

Le projet de loi apporte quelques précisions au texte actuel de l'article 1025 qui prévoit que le défunt peut nommer un ou plusieurs exécuteurs testamentaires.

? Le premier alinéa ajoute que le rôle de l'exécuteur testamentaire est de veiller à l'exécution des volontés du défunt 191 ( * ) , alors que le code civil ne définit actuellement pas l'exécution testamentaire, même si le quatrième alinéa de l'actuel article 1031 prévoit que l'exécuteur veille à ce que le testament soit exécuté.

L'Assemblée nationale a ajouté, à l'initiative de MM. Alain Vidalies, Patrick Bloche et les membres du groupe socialiste, suivant l'avis du Gouvernement et contre celui de la commission des lois, que l'exécuteur testamentaire peut également procéder à l'exécution des dernières volontés du défunt et a par coordination supprimé le texte proposé pour l'article 1030, qui prévoyait que le testateur pouvait charger l'exécuteur testamentaire de procéder lui-même à l'exécution de ses dernières volontés. Désormais, cela ne devra donc plus être expressément précisé par le testateur.

Le projet de loi indique en outre que seules des personnes jouissant de la pleine capacité civile peuvent être désignées comme exécuteur testamentaire, ce qui exclut les personnes mineures ainsi que les incapables majeurs. Il s'agit d'une modernisation des dispositions des actuels articles 1028 et 1030 du code civil qui excluent respectivement « celui qui ne peut s'obliger » et les mineurs.

L'Assemblée nationale a ensuite rejeté un amendement présenté par sa commission des lois tendant à permettre la désignation d'une personne morale comme exécuteur testamentaire.

Si le testateur désigne plutôt une personne physique avec laquelle il a noué une relation de confiance, la nomination d'une personne morale lui aurait permis de s'affranchir du risque que la personne désignée, par exemple un avocat ou un notaire, décède avant l'accomplissement de sa mission. En effet, en vertu du dernier alinéa de cet article tel que modifié par le projet de loi, les pouvoirs de l'exécuteur testamentaire ne sont pas transmissibles à cause de mort. Un cabinet d'avocats ou une étude notariale aurait ainsi pu effectuer cette mission. Cependant, comme l'a fait observer le Gouvernement, qui avait donné un avis de sagesse, l'exécution testamentaire est nécessairement gratuite, ce qui amoindrit la portée de cette proposition.

Le deuxième alinéa prévoit désormais que l'exécuteur testamentaire est tenu d'accomplir sa mission dès lors qu'il l'a acceptée . Les héritiers du défunt pourront ainsi obtenir des dommages et intérêts de l'exécuteur testamentaire renonçant postérieurement. Il ne semble pas possible d'aller plus loin et de prévoir que la personne nommée exécuteur testamentaire par le défunt accepte cette mission de son vivant. Certes, une telle précision permettrait d'éviter une période de flottement à l'ouverture de la succession en cas de refus de la personne nommée exécuteur testamentaire, mais elle porterait atteinte à la liberté du testateur de révoquer librement son testament.

Enfin, le dernier alinéa prévoit que les pouvoirs de l'exécuteur testamentaires ne sont pas transmissibles à son décès à une autre personne. Il s'agit d'une extension de la règle prévue à l'actuel article 1032, qui précise que les pouvoirs de l'exécuteur testamentaire ne passeront point à ses héritiers. Ainsi, le testateur doit prendre en considération que s'il nomme un seul exécuteur testamentaire, et que celui-ci décède avant d'avoir accompli sa mission, nul autre ne pourra agir à sa place pour s'assurer du respect de ses dernières volontés.

Art. 1026 du code civil : Possibilité de relever de sa mission un exécuteur testamentaire

Le projet de loi précise que le tribunal peut relever de sa mission l'exécuteur testamentaire pour « motifs graves » .

La jurisprudence prévoit déjà que le tribunal de grande instance peut mettre un terme à la mission de l'exécuteur testamentaire dans l'hypothèse d'une faute commise dans l'accomplissement de sa mission ou d'un conflit entre les héritiers et lui.

Il sera également possible pour un exécuteur testamentaire de demander qu'il soit mis fin à sa mission, toujours sous le contrôle du juge, par exemple lorsque cette mission lui cause un préjudice.

Art. 1027 du code civil : Modalités d'action en cas de pluralité d'exécuteurs testamentaires

Le projet de loi reprend à l'article 1027 en les modifiant les dispositions de l'actuel article 1033, et prévoit qu' en présence de plusieurs exécuteurs testamentaires acceptant leur mission, l'un d'eux peut agir à la place des autres, sauf si le défunt avait exclu cette possibilité expressément ou en confiant à chacun une mission distincte.

Tout en respectant la volonté du défunt, les exécuteurs testamentaires pourront donc s'organiser en fonction de leurs compétences et contraintes.

En revanche, le projet de loi ne reprend pas la responsabilité solidaire des exécuteurs testamentaires concernant le compte de mobilier qui leur a été confié. La rigueur de cette responsabilité, admise même en l'absence de faute de leur part, paraissait incompatible avec le caractère gratuit de leur mission.

Si leur responsabilité personnelle ne fait pas l'objet de disposition spécifique, chaque exécuteur testamentaire devrait voir sa responsabilité engagée pour les actes qu'il aura personnellement accomplis.

Art. 1028 du code civil : Mise en cause de l'exécuteur testamentaire

Cet article précise la mission essentielle de l'exécuteur testamentaire, qui est de soutenir la validité du testament et d'exiger son exécution lorsqu'il est contesté.

Il prévoit que l'exécuteur testamentaire est mis en cause en cas de contestation sur la validité ou l'exécution d'un testament ou d'un legs et qu'il intervient dans tous les cas pour soutenir la validité ou exiger l'exécution des dispositions litigieuses.

Actuellement, le quatrième alinéa de l'article 1031 du code civil permet aux exécuteurs testamentaires d'intervenir pour « soutenir la validité » du testament dont l'exécution est contestée.

Le projet de loi transforme cette faculté en obligation , pleinement conforme à la vocation de l'exécution. Il précise en outre expressément que l'exécuteur testamentaire est automatiquement mis en cause en cas de contestation portant sur le testament lui-même ou sur son exécution.

La personne pressentie pour être exécuteur testamentaire devra donc à l'avenir avant d'accepter s'assurer de la teneur des dispositions du testament dont elle devra assurer l'exécution.

Art. 1029 du code civil : Modalités d'exécution de la mission de l'exécuteur testamentaire

Cet article reprend en les modifiant les dispositions de l'actuel article 1031 du code civil relatif aux modalités d'exécution de sa mission par l'exécuteur testamentaire.

Le premier alinéa prévoit une obligation de prendre toutes les mesures conservatoires utiles à la bonne exécution du testament.

Actuellement, le premier alinéa de l'article 1031 ne mentionne que l'apposition des scellés en présence d'héritiers mineurs, majeurs en tutelle ou absents.

Le projet de loi étend donc le champ des mesures conservatoires. Ces mesures peuvent être la mise en garde-meuble du mobilier, la consignation de comptes bancaires, la souscription de polices d'assurance contre l'incendie ou le vol, l'expulsion d'une personne occupant un bien immobilier compris dans la succession, ou encore la restitution de biens meubles divertis par un cohéritier. La liste de ces mesures dépendra des circonstances et de l'état du patrimoine du testateur à son décès.

Le deuxième alinéa simplifie les dispositions relatives à l'inventaire des biens, qui constitue la mesure conservatoire par excellence et offre une garantie contre le recel, les usurpations des tiers et l'indélicatesse de l'exécuteur testamentaire.

Actuellement, il est obligatoire et ne peut intervenir qu'après appel des héritiers présomptifs et le cas échant en leur présence. Il ne serait plus désormais systématique, afin d'accélérer le règlement des successions les plus simples, mais l'obligation de convoquer les héritiers s'il est effectué demeurerait.

Si votre rapporteur ne peut que souscrire à cet objectif de simplification des procédures, il n'en demeure pas moins que cette disposition accroît la responsabilité de l'exécuteur testamentaire qui pourrait se voir mis en cause en l'absence d'inventaire dans une succession très complexe.

Votre commission vous propose de prévoir par amendement que cet inventaire, lorsqu'il intervient, doit être réalisé par un notaire, un huissier ou un commissaire-priseur .

Le dernier alinéa modifie le droit en vigueur, qui oblige l'exécuteur testamentaire à provoquer la vente du mobilier de la succession pour acquitter les legs en l'absence de deniers suffisants. La Cour de cassation a refusé le 4 décembre 1990 d'étendre cette mesure à la vente d'un immeuble de la succession en présence d'héritiers réservataires.

Le projet de loi substitue une simple faculté à l'obligation actuelle et ne vise désormais plus que l'acquittement des dettes urgentes de la succession et non plus celui des legs.

Cette mesure devrait permettre de limiter ces aliénations.

Art. 1030-1 du code civil : Possession et vente du mobilier par l'exécuteur testamentaire spécialement habilité

Cet article complète le dernier alinéa de l'article 1029 relatif à la faculté de vente du mobilier pour faire face aux dettes urgentes de la succession et reprend l'hypothèse prévue actuellement au troisième alinéa de l'article 1031, en la subordonnant à une disposition expresse du testateur.

L'exécuteur testamentaire, lorsqu'il y a été habilité par le défunt, pourra donc :

- prendre possession du mobilier, c'est-à-dire se comporter comme s'il en était propriétaire ;

- et vendre ces meubles si nécessaire pour acquitter les legs particuliers , sous réserve qu'ils ne portent pas atteinte à la réserve des héritiers. On rappellera que les legs ne sont acquittés qu'après paiement des créanciers et peuvent faire l'objet d'une action en réduction lorsqu'ils excèdent la quotité disponible (voir infra article 13 du projet de loi). La décision de vendre le mobilier pour les acquitter ne doit donc pas être prise trop rapidement, ces meubles risquant de se trouver irrémédiablement dispersés.

Actuellement, l'exécuteur ne peut que provoquer cette vente, c'est-à-dire demander au juge de l'ordonner, cette vente devant être obligatoirement sur adjudication et non amiable. Désormais, les ventes pourraient se faire à l'amiable sans aucun contrôle.

Par ailleurs, la limite de la quotité disponible apparaît illusoire puisqu'il sera difficile d'appliquer une masse de calcul théorique à des meubles corporels. De plus, il n'est pas certain que les héritiers réservataires pourront intervenir dans le choix des meubles à aliéner.

Il s'agit cependant d'une simple codification de la jurisprudence .

Cette possibilité se limite aux meubles et aux seuls fins de payer les charges de la succession et d'acquitter les legs particuliers de sommes d'argent afin de préserver la possibilité pour les héritiers réservataires de recevoir leur part de réserve en nature, même si le projet de loi a partiellement fait disparaître ce droit.

Art. 1030-2 du code civil : Habilitation de l'exécuteur testamentaire en l'absence d'héritier réservataire acceptant

Le projet de loi procède en outre à une innovation importante en autorisant l'exécuteur testamentaire, spécialement habilité par le testateur, à exécuter une série d'actes de disposition et de gestion, à condition qu'il n'existe pas d'héritier réservataire acceptant .

Il s'agit d'une consécration de la jurisprudence 192 ( * ) .

L'exécuteur testamentaire pourra ainsi être habilité à :

- disposer des immeubles inclus dans la succession ;

- recevoir et placer les capitaux ;

- payer les dettes et les charges (que leur paiement présente ou non un caractère urgent) ;

- attribuer les biens subsistants ou procéder à leur partage entre les héritiers et les légataires.

Le partage des immeubles ne pouvant être effectué que par acte authentique , l'exécuteur testamentaire devra avoir recours à un notaire. Une fois de plus, la vente des immeubles pourra être amiable .

La jurisprudence a considéré que cette faculté de disposer à l'amiable des immeubles pouvait se faire sans aucun contrôle judiciaire ni aucune information préalable des héritiers.

Votre commission vous propose toutefois de prévoir par amendement qu'à peine d'inopposabilité, les héritiers doivent être informés de la vente d'un immeuble successoral .

Art. 1030-3 du code civil : Habilitations données à l'exécuteur testamentaire par un testament sous forme authentique

Le projet de loi dissipe ensuite une incertitude juridique en indiquant que les habilitations données par testament à l'exécuteur testamentaire afin de procéder aux actes de gestion et de disposition mentionnés aux articles 1030-1 et 1030-2 n'ont pas à donner lieu à envoi en possession lorsque le testament a été réalisé sous forme d'acte authentique. L'envoi en possession constitue en effet une formalité lourde, consistant pour le notaire à requérir du président du tribunal de grande instance une ordonnance attestant de l'enregistrement et l'envoi du testament.

Cette simplification parait opportune, la participation du notaire, officier public assermenté, à la rédaction de tels actes, apportant des garanties suffisantes quant à la fiabilité de leur contenu, contrairement aux testaments olographes ou aux testaments mystiques visés par la procédure de l'envoi en possession.

Art. 1031 du code civil : Durée des habilitations données par les testateurs

Le projet de loi précise que la durée des habilitations par le testateur prévues aux articles 1031-1 et 1031-2 (vente du mobilier pour acquitter les legs particuliers dans la limite de la quotité disponible et possibilité de disposer des immeubles, de placer les capitaux, de payer les dettes et charges et d'attribuer ou de partager les biens subsistants en l'absence d'héritiers réservataires acceptants) ne peut excéder deux ans à compter du décès . Le juge peut la proroger d'un an au maximum .

Cette possibilité de prorogation est opportune. En effet, vendre des immeubles peut prendre beaucoup de temps lorsqu'ils sont loués ou frappés de servitudes d'urbanisme.

Or, actuellement, seule la saisine, qui doit être expressément prévue par le testateur, est limitée dans le temps par l'article 1026, qui prévoit une durée d'un an et un jour à compter du décès. En revanche, les pouvoirs consacrés par la jurisprudence, comme celui de vendre les immeubles en l'absence d'héritier réservataire, ne le sont pas.

Votre commission vous propose d'adopter un amendement de coordination avec les dispositions de l'article 1032 afin de prévoir que ce délai commence à courir à l'ouverture du testament et non au décès .

Art. 1032 du code civil : Fin de la mission de l'exécuteur testamentaire

Le projet de loi prévoit en outre que la mission de l'exécuteur testamentaire prend fin au plus tard deux ans après l'ouverture du testament, sauf prorogation par le juge .

Ce délai doit permettre d'assurer le respect de la volonté du testateur et d'éviter un recours systématique au juge.

Le choix de faire courir ce délai à compter non du décès du testateur mais de l'ouverture du testament résulte de la volonté d'accorder à l'exécuteur testamentaire un délai franc, ne débutant qu'à partir du moment où il saura de manière certaine grâce à l'ouverture du testament qu'il est chargé d'en assurer l'exécution.

Le projet de loi prévoit, conformément à la pratique actuelle, la possibilité pour le juge de prolonger le délai donné à l'exécuteur testamentaire pour accomplir sa mission, sans fixer de limite. Il reviendra donc au juge d'en décider eu égard aux circonstances et à la lourdeur de cette mission.

Art. 1033 du code civil : Obligation de rendre des comptes

Le projet de loi prévoit que l'exécuteur rend compte dans les six mois suivant la fin de sa mission .

Actuellement, l'article 1031 prévoit que cette obligation doit intervenir dans l'année du décès, ce qui est en pratique trop court lorsque le juge a été contraint de prolonger la mission de celui-ci, et souvent trop long lorsque la succession est simple. Fixer le point de départ de ce délai à compter de la fin de la mission de l'exécuteur et non plus du décès du testateur parait donc opportun.

Cette durée de six mois parait raisonnable compte tenu du caractère gratuit de la mission accomplie par l'exécuteur testamentaire.

Le projet de loi précise en outre qu' en cas de décès de l'exécuteur testamentaire, il revient à ses héritiers de rendre des comptes.

Enfin, le dernier alinéa apporte d'utiles précisions sur la nature des responsabilités de l'exécuteur testamentaire. Il l'assimile au « mandataire à titre gratuit », ce qui semble logique puisqu'il n'est pas rémunéré, sauf exception.

Art. 1033-1 du code civil : Caractère gratuit de la mission d'exécuteur testamentaire

Le projet de loi comble une lacune de la loi en précisant que l'exécution testamentaire est gratuite . Cette conception correspond à celle de la jurisprudence et à la pratique, cette mission étant souvent confiée à un ami.

Il ne reconnaît comme exception à ce principe que la possibilité de libéralités à titre particulier du testateur, à condition que leur montant soit :

- en rapport avec les facultés du disposant, ce qui suppose qu'il n'excède pas une fraction trop importante du patrimoine du défunt ;

- proportionné à l'importance des services rendus par l'exécuteur testamentaire dans le cadre de sa mission.

Il s'agit de la reprise d'une pratique très répandue et reconnue par la jurisprudence, plus connue sous le nom de « diamant », qui affaiblit de fait le principe de gratuité de l'exécution testamentaire. Il peut s'agir d'un présent d'usage, ou d'une véritable libéralité rémunératoire, à condition qu'il remplisse les conditions exigées de ces libéralités, à savoir la double proportionnalité au service rendu et aux facultés du testateur. Cette qualification a pour conséquence de faire échapper le diamant aux règles qui s'imposent en principe aux libéralités. A défaut, il est considéré comme un legs.

Le projet de loi vise donc à éviter la constitution d'une offre commerciale d'exécuteurs testamentaires.

Art. 1034 du code civil : Prise en charge des frais de l'exécuteur testamentaire

Le projet de loi reprend sous une forme simplifiée les dispositions de l'actuel article 1034 et prévoit que les frais supportés par l'exécuteur testamentaire dans l'exercice de sa mission sont à la charge de la succession.

Cette règle reste parfaitement légitime compte tenu du caractère désintéressé de la mission acceptée par l'exécuteur testamentaire. Il convient en effet d'éviter un appauvrissement de l'exécuteur testamentaire.

Votre commission vous propose d' adopter l'article 16 ainsi modifié .

Article 17 (chapitre VI du titre II du livre III du code civil)
Autorisation des libéralités graduelles et résiduelles

Cet article a pour objet d'autoriser les libertés résiduelles et graduelles.

Dans sa rédaction initiale, il avait pour seul objet de donner un fondement légal au legs de residuo , déjà admis par la jurisprudence, et d'élargir cette possibilité d'effectuer des libéralités résiduelles aux donations.

A l'initiative de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale l'a entièrement réécrit afin d'élargir les possibilités de consentir des libéralités graduelles, expression préférée à celle de substitutions fidéicommissaires.

Le premier paragraphe (I) tend ainsi à réécrire le chapitre VI (« Des dispositions permises en faveur des petits enfants du donateur ou testateur, ou des enfants de ses frères et soeurs ») du titre II du livre III du code civil afin de lui donner un nouvel intitulé (« Des libéralités graduelles et résiduelles ») et de le structurer en deux sections respectivement consacrées aux libertés graduelles et aux libertés résiduelles.

SECTION 1 - Des libéralités graduelles

Dans sa rédaction initiale, le présent article se contentait de créer une section 1 intitulée « Des libéralités graduelles » et d'y faire figurer les actuels articles 1048 à 1074, qui définissent le régime légal des substitutions fidéicommissaires permises. L'Assemblée nationale a entièrement réécrit le contenu de cette section.

Art. 1048 du code civil : Définition de la libéralité graduelle

Cet article définit la libéralité graduelle comme la « libéralité grevée d'une charge comportant l'obligation pour le donataire ou le légataire de conserver les biens ou droits qui en sont l'objet et de les transmettre, à son décès, à un second gratifié, désigné dans l'acte . »

Ce faisant, il permet au disposant de consentir une telle libéralité non plus seulement au bénéfice de ses petits enfants ou de ses neveux et nièces mais de toute personne , physique ou morale, de son choix, sous réserve bien entendu qu'elle ait la capacité de recevoir une libéralité.

Au principe actuel de la prohibition des substitutions fidéicommissaires succéderait ainsi celui de leur légalité.

Votre commission souscrit à la réforme proposée. Comme l'a souligné M. Sébastien Huyghe rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale en séance publique : « Ce mécanisme, qui diffère de la libéralité résiduelle proposée par le projet de loi par l'obligation de conserver pour transmettre qui pèse sur le premier gratifié dans la libéralité graduelle, alors que la libéralité résiduelle ne fait peser sur lui que l'obligation de transmettre ce qui reste des biens qu'il aura reçus, offrira au disposant une plus grande liberté de choix dans l'expression de ses dernières volontés, notamment afin d'assurer les moyens de subsistance d'un enfant handicapé qui pourrait être le premier gratifié, quitte pour ses frères et soeurs à recevoir les biens dans un second temps en qualité de seconds gratifiés. Dans ce cas, ce dispositif prendra toute son ampleur dans une combinaison comportant la renonciation anticipée à l'action en réduction de la part desdits frères et soeurs au profit du premier gratifié, c'est-à-dire l'enfant handicapé 193 ( * ) . »

Bien plus, et comme l'a fait valoir M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, les parents pourront recourir à la libéralité graduelle pour accorder un appartement à leur enfant handicapé qui sera rendu aux frères et soeurs dans l'état dans lequel il était au moment de la succession, et à la libéralité résiduelle pour confier à ce même enfant un portefeuille d'actions rendu aux frères et soeurs dans l'état dans lequel il est au moment du décès de l'incapable majeur. Ces deux solutions combinées permettront à un majeur sous tutelle de disposer à la fois d'un logement et de revenus tout en réglant le problème du retour du patrimoine à la famille.

Pour autant -et ainsi qu'il l'a été indiqué dans le commentaire de l'article 10 du projet de loi- votre commission juge préférable, compte tenu de l'atteinte portée par les substitutions au principe de libre circulation des biens, de maintenir à l'article 896 du code civil le principe de leur prohibition en dehors des cas -désormais très nombreux- où elles sont autorisées par la loi.

Art. 1049 du code civil : Objet de la liberalité graduelle

Cet article prévoit que la libéralité graduelle emporte pour le premier gratifié -appelé le « grevé » puisque la libéralité est grevée d'une charge- l' obligation d'une conservation en nature des biens qui en sont l'objet : il ne peut donc ni les aliéner ni en disposer à titre gratuit.

Il est prévu, en conséquence, que les biens doivent être « identifiables » au moment de la transmission et, s'il s'agit d'immeubles, que la charge grevant la libéralité doit faire l'objet d'une publicité. En pratique, cette publicité devrait être assurée au fichier immobilier tenu par la conservation des hypothèques qui permet, par immeuble, d'obtenir : la liste des copropriétaires, les actes de vente, les baux commerciaux, les états exacts des hypothèques de chacun des lots.

Ces dispositions seraient également applicables aux libéralités résiduelles, en application de l'article 1061.

Dans leur ouvrage « Des libéralités - une offre de loi » paru en 2003, MM. Jean Carbonnier, Pierre Catala, Jean de Saint-Affrique et Georges Morin préconisaient de prévoir la conservation en valeur des biens faisant l'objet d'une libéralité graduelle, à défaut de volonté contraire du disposant, afin d'éviter les inconvénients économiques d'une obligation de conservation en nature. Lors de leur audition par votre rapporteur, M. Pierre Catala a confirmé et M. Philippe Malaurie a marqué une préférence pour cette solution.

Sans doute cette solution est-elle séduisante. On peut en effet concevoir qu'une libéralité graduelle ait pour seul objet de protéger son enfant (le grevé) et ses petits-enfants (les seconds gratifiés) contre la prodigalité ou l'incompétence du premier. Toutefois, il n'est pas certain qu'une simple obligation de conservation en valeur permette d'atteindre ce résultat, le premier gratifié pouvant plus aisément dilapider son patrimoine. De surcroît, l'un des principaux objets de la substitution fidéicommissaire reste d'assurer la conservation de certains biens au sein de la famille. Enfin et surtout, l'obligation d'une conservation en nature des biens donnés ou légués semble nécessaire pour maintenir la fiction juridique selon laquelle le second gratifié est réputé tenir ses biens du disposant et non du premier gratifié, posée à l'article 1051 et qui permet de justifier son statut fiscal avantageux. Aussi est-il préférable de conserver cette obligation.

Votre commission vous soumet toutefois un amendement ayant pour objet, lorsqu'une libéralité résiduelle ou graduelle porte sur un portefeuille de valeurs mobilières, de permettre que la cession et le rachat de valeurs mobilières emportent subrogation sur les valeurs acquises en remploi .

En effet, si elle devait être interprétée comme portant non pas sur le portefeuille mais sur les titres eux-mêmes, l'obligation de conserver le bien en nature pour que la libéralité produise son effet aurait pour conséquence d'empêcher toute gestion du portefeuille.

Votre commission vous soumet également un amendement de coordination.

Art. 1050 du code civil : Abandon anticipé de la jouissance des biens

Cet article pose le principe selon lequel les droits du second gratifié s'ouvrent à la mort du grevé.

Il donne cependant au grevé la faculté d'abandonner au second gratifié la jouissance du bien faisant l'objet de la libéralité, à la condition de ne porter préjudice ni à ses propres créanciers ni aux tiers auxquels il aurait consenti un droit sur le bien.

L' abandon de la jouissance du bien répond à un besoin pratique, en particulier lorsque le premier gratifié n'en a plus l'utilité -il peut s'agir d'une personne âgée qui, devant être hébergée en établissement, n'utilise plus son appartement- et souhaite que ses enfants puissent en jouir de façon anticipée.

L'abandon en jouissance semble seul possible car la libéralité graduelle fait l'objet, pour le second gratifié, d'une double condition suspensive du décès du premier gratifié et résolutoire de son propre prédécès. On ne peut envisager que le premier gratifié puisse abandonner la propriété du bien objet de la libéralité, sans remettre en cause l'économie générale du contrat.

Cette seule possibilité d'abandon en jouissance qui, en pratique, devrait s'accompagner d'une convention mettant à la charge du second gratifié toutes les obligations incombant au propriétaire, paraît protectrice du droit des tiers qui peuvent conclure des actes de disposition sur le bien, même si ce dernier est inaliénable, toujours sous condition résolutoire du décès du premier gratifié (convention de servitude, d'occupation précaire...). Admettre que le premier gratifié puisse abandonner la propriété au second reviendrait à faire tomber les droits des tiers et rendrait la condition résolutoire, sous laquelle sont conclues les conventions, purement potestative. Enfin, il n'est pas non plus possible d'envisager que le transfert de propriété puisse intervenir du vivant du premier gratifié vers le second en conservant les droits des tiers jusqu'au décès du premier gratifié car cela reviendrait à priver le second gratifié d'une partie de ses pouvoirs de propriétaire.

Votre commission vous soumet un amendement de coordination.

Art. 1051 du code civil : Dévolution successorale

Cet article précise que le second gratifié -ou ses héritiers s'il est prédécédé et qu'eux-mêmes sont mentionnés à cet effet dans l'acte originel- est réputé tenir ses droits du disposant , alors que les biens lui sont pourtant transmis à partir du patrimoine du premier gratifié, une fois celui-ci décédé.

Ces dispositions seraient également applicables aux libéralités résiduelles, en application de l'article 1061.

Sur le plan civil, la fiction juridique ainsi créée vise à faire échapper les biens, ainsi obtenus par le second gratifié, aux règles de rapport et d'imputation applicables à la succession du premier gratifié.

Sur le plan fiscal, elle permet en outre au second gratifié d'éviter un taux d'imposition qui, si le premier gratifié n'est pas un proche parent, pourrait lui être très défavorable. Si l'on prend l'exemple d'une libéralité graduelle consentie à un enfant handicapé avec obligation de transmettre les biens à son frère, ce dernier acquittera au décès du premier gratifié les droits de mutation applicables en cas de transmission de parent à enfant et non entre frères. En revanche, à la différence de la libéralité résiduelle, la libéralité graduelle subit une double taxation.

Le legs de residuo est en effet actuellement considéré comme une seule transmission du bien et n'est donc taxé qu'une seule fois, en fonction de la valeur des biens et du lien de parenté existant entre le testateur et le premier gratifié et le testateur et le second gratifié. Si la valeur des biens n'a pas évolué entre le décès du testateur et celui du premier gratifié, le second gratifié ne sera pas taxé. En revanche, si la valeur a augmenté, il le sera sur la différence, en fonction de son degré de parenté. Il a été indiqué à votre rapporteur que le ministre des finances avait été saisi afin d'éviter toute modification de la doctrine fiscale actuelle après l'adoption de la loi.

Art. 1052 du code civil : Garanties et sûretés

Cet article prévoit qu' il appartient au disposant de prescrire des garanties et des sûretés pour la bonne exécution de la charge .

Cette disposition constitue la reprise d'une proposition figurant dans l'ouvrage « Des libéralités - une offre de loi » et tendant à ouvrir « une avenue à l'ingéniosité notariale qui pourra, à sa guise, polir des formules de garanties et de sûretés : obligations d'emploi et de remploi, comptes rendus de gestion, voire même tutelle à l'exécution de la charge, ouverture d'un compte spécial pour le portefeuille de valeurs sujets à restitution, caution ou gage... Le tout sous la menace d'une déchéance qui priverait le grevé du bénéfice de la disposition 194 ( * ) . »

Les auteurs de cet ouvrage l'avaient prévue pour contrebalancer le principe d'une conservation en valeur et non en nature du bien donné ou légué.

Elle n'en demeure pas moins utile, même si la conservation en nature est exigée, car le disposant peut être conduit à établir un inventaire lorsque les biens qui font l'objet de la libéralité sont des biens meubles, ou à faire inscrire une clause d'inaliénabilité au fichier immobilier.

Art. 1053 du code civil : Limitation à un seul degré des libéralités graduelles

Cet article prévoit que les libéralités graduelles ne peuvent être consenties que sur un seul degré , à l'instar de celles qui sont aujourd'hui autorisées.

Ainsi, le second gratifié ne pourrait être soumis à la même obligation de conserver et de transmettre.

La méconnaissance de cette interdiction serait sanctionnée non pas par la nullité de l'ensemble de la libéralité mais par celle de la charge stipulée au second degré.

L'objectif recherché est d'empêcher le disposant de « geler » des biens sur plusieurs générations.

Art. 1054 du code civil : Imputation de la charge

Cet article prévoit que la libéralité graduelle ne peut porter que sur la quotité disponible, même si le grevé est un héritier réservataire du disposant.

Si tel n'était pas le cas, le grevé pourrait, au décès du disposant, demander à ce que sa part de réserve fût libérée de la charge.

La seule hypothèse dans laquelle la charge pourrait porter sur tout ou partie de la réserve du grevé réservataire est qu'elle bénéficie à l'ensemble de ses propres héritiers réservataires, sans distinction. Son accord serait toutefois requis. Il pourrait être formulé soit dans l'acte de donation, soit postérieurement.

Votre commission vous soumet un amendement de réécriture de cet article afin :

- de poser le principe selon lequel, si le grevé est héritier réservataire du disposant, la charge de conserver et de transmettre ne peut être imposée que sur la quotité disponible ;

- de permettre au grevé de consentir à ce que la charge porte sur tout ou partie de sa réserve, à la condition qu'elle bénéficie de plein droit à ses enfants nés et à naître, sans exception ni préférence. En effet, le second gratifié ne tient pas ses droits du premier gratifié mais de l'auteur de la libéralité ;

- d'établir une distinction selon que la charge portant sur tout ou partie de la réserve a été stipulée dans une donation ou un testament. Dans la première hypothèse, le donataire pourrait l'accepter directement dans l'acte de donation ou postérieurement dans un acte notarié passé selon les modalités prévues pour la renonciation à l'exercice de l'action en réduction des libéralités excessives. Dans la seconde hypothèse, il appartiendrait au légataire de demander, dans un délai d'un an, à ce que sa part de réserve soit, en tout ou partie, libérée de la charge. A défaut, il devrait en assumer l'exécution.

Les principales modifications de fond apportées au texte adopté par l'Assemblée nationale consistent donc à encadrer les conditions de l'acceptation par le grevé d'une charge portant atteinte à sa réserve .

Art. 1055 : Révocation d'une libéralité graduelle

Cet article ouvre à l'auteur d'une donation graduelle la possibilité de la révoquer , à l'égard du second gratifié, aussi longtemps que ce dernier ne lui a pas notifié son acceptation, dans les formes requises en matière de donation, c'est-à-dire par acte notarié.

Ces dispositions seraient applicables aux donations résiduelles en application de l'article 1061.

Une telle précision est inutile pour un legs puisque le testament est un acte unilatéral et révocable à tout moment.

Quant aux donations, il est de règle générale qu'elles deviennent irrévocables dès lors qu'un accord a été trouvé entre les parties.

Si le disposant a des doutes sur la désignation du second gratifié, il lui est possible ;

- soit de ne pas informer le second gratifié qu'il bénéficie d'une donation graduelle, avec le risque que la libéralité consentie au profit du premier grevé ne passe du statut de libéralité avec charge à celui de libéralité simple ;

- soit de faire un legs graduel, qu'il peut révoquer ou modifier à tout moment de son vivant, comme tout legs ;

- soit de faire une donation résiduelle dans laquelle le premier gratifié pourra décider de vendre ou donner le bien si les conditions souhaitées par le donateur pour que le second gratifié bénéficie de la libéralité ne sont plus réunies.

Votre commission vous soumet en revanche un amendement ayant pour objet de prévoir qu'une donation graduelle peut être acceptée par le second gratifié après le décès du donateur . Il s'agit, par cette dérogation au principe selon lequel une donation doit nécessairement être acceptée du vivant du donateur, de permettre à un grand-père, par exemple, de consentir la donation d'un bien immobilier à son fils à charge pour lui de le conserver et de le transmettre à l'ensemble de ses enfants nés et à naître. La rédaction actuelle du projet de loi ne permet pas à la libéralité de produire d'effet à l'égard des enfants du grevé qui viendraient à naître après le décès de leur grand-père. La volonté de ce dernier ne pourrait donc être respectée et l'égalité entre ses petits-enfants ne serait pas assurée. L'amendement proposé permet de prendre en compte une telle situation.

Art. 1056 du code civil : Transmission des biens et droits objets de la libéralité en cas de prédécès ou de renonciation du second gratifié

Cet article pose le principe selon lequel le bénéfice de la libéralité graduelle est réservé au second gratifié qui ne peut le transmettre à ses héritiers.

Si le second gratifié décédait avant le grevé ou renonçait au bénéfice de la libéralité graduelle, les biens et droits concernés dépendraient de la succession du grevé.

Toutefois, le disposant aurait la possibilité, à la condition de le prévoir expressément dans l'acte, de transmettre les biens et droits aux héritiers du second gratifié ou de désigner un autre second gratifié.

Votre commission vous soumet un amendement de coordination.

SECTION 2 - Des libéralités résiduelles

Dans sa rédaction initiale, le présent article tendait à insérer sept nouveaux articles numérotés 1074-1 à 1074-7. L'Assemblée nationale ayant réduit le nombre des articles consacrés aux libéralités graduelles tout en élargissant considérablement leur champ d'application, elle a prévu d'utiliser le support des articles 1057 à 1061 pour définir le régime légal des libéralités résiduelles.

Art. 1057 du code civil : Définition et régime général de la libéralité résiduelle

Cet article définit la libéralité résiduelle comme la disposition par laquelle le disposant consent à un premier gratifié un don ou un legs tout en prévoyant qu'un second gratifié recueillera ce qui subsistera de ce don ou legs au décès du premier gratifié .

Ce faisant, il consacre la validité des legs résiduels, admise par la jurisprudence 195 ( * ) , et prévoit celle des donations résiduelles, qui était soutenue par une partie de la doctrine mais restait incertaine jusqu'à présent.

La rédaction adoptée par l'Assemblée nationale est celle qui figurait dans le projet de loi initial (art. 1074-1).

Art. 1058 du code civil : Liberté de disposer à titre onéreux des biens faisant l'objet d'une libéralité résiduelle

Afin de bien la distinguer de la libéralité graduelle, cet article dispose que la libéralité résiduelle n'oblige pas le premier gratifié à conserver les biens reçus mais à transmettre les biens subsistants : il peut donc en disposer à titre onéreux comme bon lui semble.

Il précise, dans un second alinéa, qu' en cas d'aliénation des biens donnés ou légués, le second gratifié ne jouit d'aucun droit sur le produit de l'aliénation ou les nouveaux biens acquis .

Ces dispositions, qui reprennent celles figurant dans le projet de loi initial (art. 1074-5), retiennent ainsi une définition stricte de la notion de residum . Elles fondent la distinction entre la libéralité résiduelle et la libéralité graduelle.

Art. 1059 du code civil : Restrictions à la faculté de disposer à titre gratuit des biens faisant l'objet d'une libéralité résiduelle

Afin de conserver à la liberté résiduelle toute son efficacité, cet article fait interdiction au premier gratifié de disposer par testament des biens donnés ou légués à titre résiduel .

La libéralité résiduelle serait en effet vidée de son sens si le premier gratifié pouvait substituer son propre légataire au lieu et place du second gratifié désigné par le disposant.

Le premier gratifié pourrait disposer entre vifs des biens donnés ou légués. Toutefois, le disposant aurait la faculté de lui en faire interdiction, dans l'acte de donation 196 ( * ) .

En d'autres termes, il serait en toute hypothèse autorisé à disposer à titre onéreux des biens reçus mais pourrait se trouver dans l'impossibilité d'en disposer à titre gratuit.

Une exception est prévue à ces restrictions : si le premier gratifié était héritier réservataire du disposant et les biens lui avaient été donnés en avancement de part successorale, il conserverait la liberté d'en disposer à titre gratuit.

La rédaction adoptée par l'Assemblée nationale est celle qui figurait dans le projet de loi initial (art. 1074-6).

Votre commission vous soumet un amendement de précision.

Art. 1060 du code civil : Gestion des biens

Cet article dispose que le premier gratifié n'est pas tenu de rendre compte de sa gestion au disposant ou à ses héritiers .

Cette règle paraît cohérente avec le droit accordé au premier gratifié de disposer à titre onéreux des biens reçus comme bon lui semble.

Art. 1061 du code civil : Extension aux libéralités résiduelles de certaines règles applicables aux libéralités graduelles

Cet article prévoit l'application aux libéralités résiduelles de plusieurs règles régissant les libéralités graduelles et qui figuraient dans la rédaction initiale du projet de loi :

- l'obligation de porter sur des biens identifiables et subsistant en nature au décès du grevé (art. 1049) ;

- la disposition selon laquelle le second gratifié est réputé tenir ses droits de l'auteur de la libéralité (art. 1051) ;

- la disposition selon laquelle il appartient au disposant de prescrire des garanties et des sûretés pour la bonne exécution de la charge (art. 1052) ;

- l'obligation de porter sur la quotité disponible, sauf si la charge bénéfice à l'ensemble des héritiers réservataires du grevé (art. 1054) ;

- la possibilité, pour le donateur, de révoquer la libéralité à l'égard du second gratifié tant que celui-ci ne lui a pas notifié son acceptation ( art. 1055 ).

Votre commission vous soumet un amendement tendant à prévoir l'application aux libéralités résiduelles de l'article 1056 du code civil, qui pose le principe selon lequel le bénéfice de la libéralité graduelle est réservé au second gratifié qui ne peut le transmettre à ses héritiers, sauf accord du disposant . Il s'agit de réparer une omission de l'Assemblée nationale car ces dispositions étaient prévues dans le projet de loi initial (art. 1074-3). La référence à l'article 1054 serait par ailleurs supprimée dans la mesure où son contenu est redondant avec celui de l'article 1059.

Par coordination avec l'abrogation de l'article 1069 du code civil opérée par le I, le deuxième paragraphe (II) tend à abroger l'article 2300 du code civil, relatif aux dispositions applicables à Mayotte, qui y faisait référence pour prévoir l'application de règles spécifiques en matière d'inscription de privilèges et hypothèques.

Cet article a été abrogé par l'ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006 relative aux sûretés, qui a déplacé ses dispositions à l'article 2506 du code civil.

Votre commission vous soumet un amendement pour en tirer la conséquence.

Enfin, le troisième et dernier paragraphe (III ), inséré par l'Assemblée nationale sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, tend à modifier l'article 38-2 de la loi du 1 er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, afin de tirer la conséquence de ces nouvelles dispositions.

Votre commission vous propose d' adopter l'article 17 ainsi modifié .

Article 18 - Organisation du chapitre VII du titre II du livre III du code civil, relatif aux libéralités-partages

Cet article a pour objet de modifier l'intitulé et la structure du chapitre VII du titre II du livre III du code civil, afin de tenir compte des modifications proposées aux articles 19 et 20 du projet de loi.

L'intitulé actuel de ce chapitre, qui évoque les « partages faits par les ascendants » ne permet pas, en effet, de couvrir l'hypothèse de donations-partages entre des descendants de générations différentes prévue par l'article 19 du projet de loi. Aussi est-il proposé de faire référence aux « libéralités-partages ». Par symétrie avec l'intitulé du titre II (« Des libéralités »), retenu par l'article 10 du projet de loi, l'Assemblée nationale a préféré cette expression plus concise à la référence aux donations-partages et aux testaments-partages prévue par le projet de loi initial.

Le chapitre comprendrait désormais trois sections, contre deux actuellement. Le projet de loi prévoit en effet de créer une section 1 consacrée aux dispositions générales et de transformer les sections 1 et 2, respectivement consacrées aux donations-partages et aux testaments-partages, en de nouvelles sections 2 et 3.

La section 1 regrouperait non seulement les actuels articles 1075 à 1075-3 mais également les articles 1075-4 et 1075-5 que l'article 19 du projet de loi tend à insérer dans le code civil.

La section 2 serait divisée en deux paragraphes :

- le paragraphe 1, relatif aux « donations partages faites aux héritiers présomptifs », regrouperait, comme aujourd'hui la section 1, les actuels articles 1076 à 1078-3 ;

- le paragraphe 2, relatif aux « donations-partages faites à des descendants de degrés différents », regrouperait les articles 1078-4 à 1078-10, que le 10° de l'article 20 du projet de loi tend à insérer dans le code civil. Alors que le projet de loi initial faisait référence à des descendants de « générations différentes », l'Assemblée nationale a visé les descendants de « degrés différents », notion déjà consacrée par l'article 741 du code civil.

Une distinction entre ces deux types de donations-partages semble justifiée puisque certaines formes de donations consenties en faveur de descendants de degrés différents, telles que la donation trans-générationnelle, peuvent impliquer des renonciations de certains enfants, ce qui n'était pas le cas jusqu'à présent avec les donations-partages faites aux héritiers présomptifs.

Enfin, la section 3 regrouperait, comme aujourd'hui la section 2, les articles 1079 et 1080.

Votre commission vous propose d' adopter l'article 18 sans modification .

Article 19 (art. 1075 à 1075-3 et art. 1075-4 nouveau du code civil)
Règles générales applicables aux donations-partages et aux testaments-partages

Cet article a pour objet de réécrire les dispositions du code civil définissant les règles générales applicables aux donations-partages et aux testaments-partages, afin d'élargir le champ d'application de ces libéralités.

1. Partage d'ascendant : extension aux héritiers présomptifs

Le , adopté sans modification par l'Assemblée nationale, tend à réécrire l'article 1075 relatif au partage d'ascendant.

En l'état actuel du droit, seuls les père et mère et autres ascendants peuvent faire, entre leurs enfants et descendants, la distribution et le partage de leurs biens. Cet acte peut prendre la forme d'une donation-partage ou d'un testament-partage. Il est soumis aux formalités, conditions et règles prescrites pour les donations entre vifs dans le premier cas et pour les testaments dans le second.

Comme le souligne le professeur Michel Grimaldi, « entre ces deux variétés de partage d'ascendant, il existe de profondes différences :

« - le testament-partage ne dessaisit pas l'ascendant de ses biens, alors que la donation-partage l'en dépouille immédiatement ; le partage testamentaire vient à son heure, alors que le partage entre vifs est un partage anticipé ;

« - le testament-partage, étant librement révocable, est modifiable à tout moment alors que la donation-partage, étant irrévocable, est définitive ;

« - le testament-partage, acte unilatéral, réalise un partage autoritaire, alors que la donation-partage, acte-conventionnel, favorise un partage négocié 197 ( * ) . »

La modification proposée consiste à prévoir désormais que toute personne peut faire la distribution et le partage de ses biens entre ses héritiers présomptifs 198 ( * ) , et non plus ses seuls enfants et descendants.

L'objectif recherché est notamment de permettre à une personne sans enfant de distribuer et partager ses biens entre ses frères et soeurs ou ses neveux et nièces.

Selon l'exposé des motifs du projet de loi, cette ouverture devrait faire de la donation-partage, prévue à l'origine comme un acte d'autorité parentale, un outil généralisé de règlement anticipé des successions.

Votre commission vous soumet un amendement ayant pour objet d'autoriser expressément le disposant à partager non seulement ses biens mais également ses droits. Cette précision semble cohérente à la fois avec la définition des libéralités proposée par l'article 10 du projet de loi à l'article 893 du code civil et avec la possibilité actuellement reconnue à un ascendant de partager ses droits dans une indivision.

2. Donation-partage : extension aux petits enfants

Le tend en effet à prévoir, à l'article 1075-1, que le disposant peut également faire la distribution et le partage de ses biens entre des descendants de degrés différents 199 ( * ) , qu'ils soient ou non ses héritiers présomptifs.

Le régime spécifique de cette forme particulière de libéralité-partage serait précisé par les dispositions de l'article 20 du projet de loi. Il s'agirait nécessairement d'une disposition entre vifs puisque l'accord des héritiers réservataires serait nécessaire.

En l'état actuel du droit, l'ascendant ne peut procéder à une donation-partage entre ses enfants et petits-enfants sauf en cas de représentation -c'est-à-dire en cas de décès ou d'indignité de leur père ou mère. S'il n'a qu'un enfant, il ne peut procéder à une donation-partage ni entre cet enfant unique et ses petits-enfants ni entre ses seuls petits-enfants. Il ne dispose que de la donation simple pour avantager l'un d'entre eux. Or cette donation revêt un caractère préciputaire et peut absorber tout ou partie de la quotité disponible.

Désormais, le disposant pourrait gratifier, par exemple, un petit enfant n'ayant pas la qualité d'héritier présomptif dans l'hypothèse où son enfant serait encore en vie et aurait renoncé à ses droits successoraux à son profit.

L'exposé des motifs du projet de loi souligne qu'« il s'agit ici de s'adapter à l'évolution démographique de la population . Cet élargissement est le corollaire logique de la création des nouveaux pactes successoraux. En effet, la part dévolue aux petits-enfants lors de la donation-partage sera imputée sur la réserve du descendant direct qui devra intervenir à l'acte afin de consentir à l'atteinte portée à sa part de réserve . »

Quant à M. Sébastien Huyghe, rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale, il a indiqué à juste titre en séance publique que : « Cette mesure très attendue permettra de faire bénéficier les générations les plus jeunes de la donation-partage et de faire concourir des descendants de générations différentes. En effet, de nombreux bénéficiaires d'une donation-partage la reçoivent à un âge souvent avancé. Dorénavant, ils pourront accepter que leurs propres enfants bénéficient de la donation à leur place. Cette disposition permettra également, sur le plan économique, d'insuffler une dynamique dans ces donations-partages, des bénéficiaires plus jeunes étant plus à même de recourir à des investissements que des bénéficiaires en retraite 200 ( * ) . »

Votre commission vous soumet un amendement de coordination ayant pour objet de permettre la distribution et le partage des droits du disposant.

3. Donation partage et entreprise : extension aux droits sociaux

Le tend à faire figurer à l'article 1075-2, en élargissant leur champ d'application, les dispositions actuelles du troisième alinéa de l'article 1075, relatives à la transmission des entreprises par voie de donation-partage .

Ces dispositions, introduites par la loi n° 88-15 du 5 janvier 1988, autorisent la distribution et le partage de biens comprenant une entreprise individuelle à caractère industriel, commercial, artisanal, agricole ou libéral non seulement entre les enfants et descendants du disposant mais également au profit d'autres personnes 201 ( * ) .

Cette possibilité est actuellement réservée à la seule donation-partage ; elle ne semble donc pouvoir être exercée par la voie d'un testament-partage.

La rédaction retenue implique que l'ascendant ait au moins deux enfants.

Si la nature de l'entreprise importe peu, en revanche sa forme est essentielle : il doit s'agir d'une entreprise individuelle et non d'une entreprise exploitée en forme sociale. Les entreprises unipersonnelles à responsabilité limitée et les entreprises agricoles à responsabilité limitée en sont donc exclues.

Enfin, les tiers ne peuvent recevoir que l'entreprise, c'est-à-dire les biens corporels et incorporels affectés à son exploitation. La rédaction retenue, en indiquant qu'ils peuvent recevoir tout ou partie de la propriété ou de la jouissance de ces biens, autorise ainsi, contrairement à ce qu'indique le rapport de la commission des lois de l'Assemblée nationale, une transmission en pleine propriété et pas seulement en nue-propriété.

Dans ce cas particulier de donation-partage, l'attribution de l'entreprise à une autre personne qu'un enfant du donateur a nécessairement le caractère d'une donation préciputaire, ou encore hors part successorale.

Selon le Jurisclasseur, cette possibilité semble avoir connu peu, sinon pas du tout, d'application en pratique, les inconvénients de sa mise en oeuvre étant manifestes : donation de l'entreprise à un tiers, plus ou moins éloigné ou étranger à la parenté, charges de soultes importantes si l'entreprise constitue le seul bien dont il est disposé. Toutefois, les mesures fiscales prises en faveur de la transmission d'entreprise à compter de 2004 pourraient changer la situation 202 ( * ) .

Il en est de même de la principale modification proposée par le projet de loi, qui consiste à autoriser le partage de droits sociaux représentatifs d'une entreprise .

Elle est particulièrement bienvenue dans la mesure où un grand nombre d'entreprises, y compris familiales, sont aujourd'hui exploitées en société -à titre d'exemple, 42 % des quelque 870.000 entreprises artisanales sont exploitées sous cette forme. Elle facilitera leur transmission.

Votre commission vous soumet toutefois un amendement ayant pour double objet :

- réparer un oubli dans le texte adopté par l'Assemblée nationale, en autorisant la distribution et le partage des droits sociaux ;

- éviter que le disposant puisse transmettre à un tiers, par le biais de la donation-partage, des parts de sociétés sans lien avec son activité professionnelle, en exigeant qu'il exerce une fonction dirigeante dans la société.

Comme aujourd'hui, ces dispositions qui traitent de la donation-partage figureraient dans la section 1 consacrée aux règles générales régissant les libéralités-partages et non dans la section consacrée aux règles spécifiques applicables aux donations-partages. Force est de reconnaître que la nouvelle structure de cette section, qui traite des donations-partages faites aux héritiers présomptifs (paragraphe 1) et des donations-partages faites à des descendants de degrés différents (paragraphe 2) ne s'y prête guère.

4. Coordinations

Le bis , inséré par l'Assemblée nationale sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, tend à prévoir explicitement le déplacement des dispositions de l'article 1075-1 à l'article 1075-3, aux termes duquel le partage fait par un ascendant ne peut être attaqué pour cause de lésion. Par coordination avec le 1°, le prévoit simplement de supprimer les mots « fait par un ascendant ». Ce déplacement était implicite dans la rédaction du projet de loi initial ; il est justifié par l'extension aux petits-enfants du champ d'application des libéralités-partages opéré par le 2°.

Votre commission vous soumet un amendement de clarification consistant à prévoir dans le nouvel article 1075-3 que l'action en complément de part pour cause de lésion ne peut être exercée contre les donations-partages et les testaments-partages.

Le bis , inséré par l'Assemblée nationale sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, tend à prévoir le déplacement des dispositions actuelles de l'article 1075-2, relatives aux soultes dues par les donataires, dans un nouvel article 1075-4. Ce déplacement était également implicite dans la rédaction initiale du projet de loi. Par coordination avec les dispositions de l'article 4 du projet de loi, le 5° prévoit de remplacer la référence à l'article 833-1 du code civil par une référence à l'article 828, aux termes duquel : lorsque le débiteur d'une soulte a obtenu des délais de paiement et que, par suite des circonstances économiques, la valeur des biens qui lui sont échus a augmenté ou diminué de plus du quart depuis le partage, les sommes restant dues augmentent ou diminuent dans la même proportion, sauf exclusion de cette variation par les parties.

Enfin, le tend à déplacer dans un nouvel article 1075-5 les dispositions actuelles de l'article 1075-3, prévoyant la dévolution légale des biens non compris dans le partage au jour du décès du disposant. Ce dernier terme serait substitué à celui d'ascendant par coordination avec les dispositions du 1° et du 2°. Votre commission vous soumet un amendement de coordination afin de faire également référence aux droits non compris dans le partage.

Elle vous propose d' adopter l'article 19 ainsi modifié .

Article 20 (art. 1076, 1076-1 (nouveau), 1077 à 1077-2, 1078 à 1078-10, 1079 et 1080 du code civil)
Règles particulières applicables aux donations-partages et aux testaments-partages

Cet article a pour objet de modifier l'ensemble des règles particulières applicables aux donations-partages et aux testaments-partages afin de tirer les conséquences des réformes prévues à l'article 19 du projet de loi.

Pour faciliter la lecture de ces modifications, votre rapporteur a retenu une présentation des articles du code civil concernés en faisant apparaître les sections et paragraphes créés par l'article 18 du projet de loi.

SECTION 2 - Des donations-partages
Paragraphe 1 - Des donations-partages faites aux héritiers présomptifs
Art. 1076 du code civil : Objet de la donation-partage

Aux termes de cet article, la donation-partage ne peut avoir pour objet que des biens présents . La donation et le partage peuvent être faits par actes séparés pourvu que l'ascendant intervienne aux deux actes.

La modification proposée par le consiste à remplacer le mot « ascendant » par le mot « disposant » par coordination avec la possibilité offerte à toute personne, par l'article 19 du projet de loi, de recourir à cette forme de libéralité pour la répartition de ses biens.

Rappelons que la donation-partage peut porter sur l'ensemble ou sur une partie des biens présents du donateur : à titre d'exemple, ce dernier peut y inclure ses immeubles, en s'en réservant l'usufruit, et le cas échéant son entreprise, dont il abandonne la direction tout en conservant pour ses besoins les actifs liquides ou réalisables à court terme. A sa mort, ceux qu'il n'aura pas compris dans le partage anticipé seront dévolus et partagés conformément aux règles de la succession ab intestat , ainsi que le prévoit l'article 1075-3, dont les dispositions seraient déplacées dans un nouvel article 1075-5 par l'article 19 du projet de loi.

La donation-partage peut également porter sur les droits du disposant tels que ses droits dans une indivision. Si un bien déterminé dépendant d'une indivision ne peut être compris dans son entier dans une donation-partage car le principe de l'effet déclaratif du partage selon lequel les biens successoraux sont réputés transmis directement du défunt à l'attributaire s'y oppose, rien n'interdit en revanche d'y inclure la quote-part (la fraction arithmétique : moitié, un tiers, un quart...) appartenant au donateur dans un bien indivis entre lui et un tiers ou même dans une indivision englobant plusieurs biens.

Art. 1076-1 (nouveau) du code civil : Donation-partage conjonctive avec des enfants non communs

Le tend à insérer un nouvel article 1076-1 dans le code civil afin d' autoriser les époux ayant des enfants non communs à effectuer une donation partage-conjonctive à la double condition :

- que chaque enfant ne soit alloti que du chef de son auteur ;

- et qu'il ne le soit qu'en biens propres de celui-ci ou en biens communs, à l'exclusion de tout bien propre de l'autre conjoint.

S'agissant des biens communs, l'autre époux ne pourrait pas se porter codonateur. Il n'interviendrait que pour donner son consentement, conformément à l'article 1422 du code civil.

Si la validité des donations-partages conjonctives découle implicitement de l'actuel article 1077-2, qui vise le partage conjonctif, la Cour de cassation 203 ( * ) n'admet pas celle d'une donation-partage conjonctive en présence d'un enfant issu d'un premier lit, lorsque l'acte porte indistinctement sur les biens des deux époux.

Le dispositif proposé s'inscrit dans la ligne de cette jurisprudence. Il semble cohérent à un double titre :

- au regard du droit de propriété, un époux ne doit pas pouvoir donner à l'enfant dont il est le seul auteur ce qui ne lui appartient pas, c'est-à-dire les biens détenus en propre par l'autre époux ;

- sur le plan civil, l'enfant de l'un des deux époux seulement n'a pas vocation à hériter de l'autre, avec lequel il n'a pas de lien de parenté, et n'a donc pas la qualité d'héritier présomptif exigée par l'article 1075, dans sa rédaction issue de l'article 19 du projet de loi, pour pouvoir bénéficier d'une donation-partage ;

- sur le plan fiscal, l'enfant ainsi alloti par le conjoint de son père ou de sa mère devrait acquitter des droits de mutation supérieurs à la moitié de la valeur du patrimoine ainsi transmis.

L'exposé des motifs du projet de loi souligne ainsi que « l'objectif de la réforme est donc de clarifier la situation en permettant à des enfants issus d'unions différentes de participer à une même donation-partage pour y recevoir, de leur parent seulement, des biens personnels ou communs . »

Votre commission vous soumet un amendement de précision. La rédaction proposée fait référence à l'enfant qui n'est pas issu du mariage des deux époux ayant recours à une donation-partage. Ce faisant, elle semble écarter le cas, pourtant fréquent aujourd'hui, d'un enfant commun né avant le mariage. Cette ambiguïté mérite d'être levée.

Art. 1077 du code civil : Imputation des biens donnés

Cet article dispose que les biens reçus par les descendants à titre de partage anticipé constituent un avancement d'hoirie imputable sur leur part de réserve, à moins qu'ils n'aient été donnés expressément par préciput et hors part.

Le 3 °, qui a fait l'objet d'un amendement rédactionnel de l'Assemblée nationale, tend à le réécrire afin de prévoir, par coordination avec les modifications prévues par les précédents articles du projet de loi, que les biens reçus à titre de partage anticipé par un héritier réservataire présomptif s'imputent sur sa part de réserve , à moins qu'ils n'aient été donnés expressément hors part .

Cette règle fait écho à celle posée par l'article 919 du code civil, relatif aux donations simples, en vertu duquel les biens donnés ne sont dispensés du rapport à la succession du défunt qu'à la condition que l'acte de donation ait expressément précisé que celle-ci était faite hors part successorale.

La liberté du disposant est ainsi préservée, puisqu'il peut déterminer les modalités d'imputation dans l'acte. S'il n'a exprimé de volonté particulière, il convient de considérer qu'il n'a pas souhaité procurer un avantage spécifique à l'un des héritiers réservataires, en lui consacrant une portion de biens disponible pouvant ensuite, lors de la succession, être cumulée avec les biens reçus par l'intéressé au titre de sa réserve.

Art. 1077-1 du code civil : Action en réduction de l'héritier réservataire

Cet article dispose que le descendant qui n'a pas concouru à la donation-partage, ou qui a reçu un lot inférieur à sa part de réserve, peut exercer l'action en réduction, s'il n'existe pas à l'ouverture de la succession des biens non compris dans le partage et suffisants pour composer ou compléter sa réserve, compte tenu des libéralités dont il a pu bénéficier.

La modification proposée par le consiste, par coordination avec les dispositions précédentes du projet de loi, à faire référence à l'héritier présomptif réservataire et plus simplement au descendant.

Dans la mesure où l'action en réduction ne peut être exercée qu'au jour de l'ouverture de la succession, votre commission vous soumet un amendement ayant pour objet de faire plus simplement référence à l'héritier réservataire et non pas à l'héritier présomptif réservataire.

Il convient par ailleurs de rappeler, en premier lieu, qu'à la différence du partage successoral, il n'est pas obligatoire, dans une donation-partage, d'observer une stricte égalité dans la composition des lots, sauf à respecter la réserve de chacun. Le donateur a ainsi la possibilité, dans la limite de la quotité disponible, de s'affranchir de l'égalité en nature -un ascendant propriétaire d'un seul bien et ayant deux enfants peut le donner intégralement à l'un, à charge pour lui de verser une soulte égale à la moitié de sa valeur- et de l'égalité en valeur.

En second lieu, si la donation-partage fait nécessairement intervenir plusieurs donataires, un ou plusieurs descendants du donateur peut cependant en être exclu par ce dernier ou s'en exclure lui-même parce qu'il n'accepte pas la répartition proposée. Un tel pacte de famille auquel tous les enfants ne participeraient pas ne saurait toutefois être envisagé qu'à titre exceptionnel car, à la différence de celui auquel tous les enfants concourent, les biens donnés seraient évalués au jour du décès -et non au jour de la donation- pour le calcul des droits réservataires de chacun. L'élément de stabilité que l'on attend d'un tel règlement ferait ainsi défaut. Seules des considérations fiscales pourraient y inciter.

Art. 1077-2 du code civil : Délai de prescription de l'action en réduction

Le premier alinéa de cet article, laissé inchangé par le projet de loi, prévoit que les donations-partages suivent les règles des donations entre vifs pour tout ce qui concerne l'imputation, le calcul de la réserve et la réduction : sont ainsi visées les conditions de traitement de la donation-partage dans le cadre du règlement de la succession.

Il fait écho au second alinéa de l'article 1075, aux termes duquel la donation-partage est soumise aux formalités, conditions et règles prescrites pour les donations entre vifs mais qui ne vise que les conditions de forme et de validité de la donation-partage.

Le deuxième alinéa dispose que l'action en réduction ne peut être introduite qu'après le décès de l'ascendant qui a fait le partage ou du survivant des ascendants en cas de partage conjonctif et se prescrit par cinq ans à compter dudit décès.

Sans remettre en cause ce délai de prescription, le tend à prévoir, par coordination avec les dispositions précédentes du projet de loi, que l'action en réduction ne peut être introduite :

- qu'après le décès du « disposant », et non plus de l'ascendant qui a fait le partage ;

- en cas de donation-partage conjonctive, qu'après le décès du survivant des deux époux, sauf pour l'enfant non commun qui peut agir dès le décès de son auteur. Cette dernière règle est cohérente avec celle posée à l'article 1076-1, ne permettant à un tel enfant de ne recevoir, par cette forme d'acte, que des biens de son auteur -biens propres ou biens communs.

Aux termes du troisième alinéa de l'article 1077-2, l'enfant non encore conçu au moment de la donation-partage dispose d'une semblable action pour composer ou compléter sa part héréditaire. La modification proposée consiste à faire référence à l'héritier présomptif et non plus à l'enfant. Il s'agirait, en l'espèce, moins d'une action en réduction au sens strict que d'une action en complément de part qu'un héritier présomptif non conçu au jour de la donation-partage pourrait exercer afin d'assurer l'égalité du partage définitif dans le cadre d'une succession ab intestat .

Votre commission souscrit aux modifications proposées sous réserve d'un amendement rédactionnel.

Art. 1078 du code civil : Evaluation définitive des biens au jour de la donation-partage

Cet article prévoit que, nonobstant les règles applicables aux donations entre vifs, les biens donnés doivent être, sauf convention contraire, évalués au jour de la donation-partage pour l'imputation et le calcul de la réserve, à condition que tous les enfants vivants ou représentés au décès de l'ascendant aient reçu un lot dans le partage anticipé et l'aient expressément accepté, et qu'il n'ait pas été prévu de réserve d'usufruit portant sur une somme d'argent.

Cette règle exceptionnelle, introduite par la loi n° 71-523 du 3 juillet 1971, a pour objet d'assurer à la donation-partage, acceptée par tous, où l'aspect de partage domine alors, une grande stabilité. Elle suppose :

- l'acceptation unanime des descendants qui, ainsi, n'auront pas à rendre compte de l'évolution de la valeur des biens qui leur sont donnés ;

- qu'il n'y ait aucun lot comportant une somme d'argent et affecté d'une réserve d'usufruit, cas dans lequel il n'y a pas immédiatement attribution du bien, l'ascendant donateur usufruitier en conservant la disposition.

Les donations simples n'offrent pas le même avantage, les biens étant évalués, lorsqu'il s'agit d'effectuer le même calcul, au jour du décès. Des indemnités de réduction imprévues peuvent alors être dues.

La modification proposée par le consiste à faire référence aux héritiers réservataires et non plus aux enfants, par coordination avec les dispositions de l'article 19 du projet de loi.

Art. 1078-1 du code civil : Possibilité d'intégrer des biens antérieurement donnés dans les lots d'une donation-partage

Cet article autorise l'intégration, dans les lots d'une donation-partage, de biens déjà donnés par le disposant lors d'une donation antérieure.

Il prévoit que toutes les donations, antérieures et présentes, doivent être évaluées à la même date : celle de l'acte de donation-partage. Toute stipulation contraire est réputée non écrite.

Cette incorporation permet d'équilibrer les différents avantages qui avaient pu être antérieurement consentis en ordre dispersé. Elle nécessite évidemment l'accord des intéressés.

Toutes sortes de combinaisons sont possibles : attribution des biens disponibles de l'ascendant pour constituer les lots d'enfants non gratifiés ; modification des modalités d'une donation ; donations-partages successives, la dernière reprenant la précédente ; attribution à un enfant d'un bien qui avait été donné à un autre, lequel recevra en compensation un lot lui convenant mieux...

De telles opérations nécessitent une actualisation de la valeur des biens incorporés, comme l'exigent la loi et l'équilibre de l'arrangement familial.

Les modifications proposées par le consistent en de simples coordinations avec les modernisations terminologiques prévues au 2° de l'article 13, ainsi qu'avec le 1° de l'article 19 qui permet aux héritiers présomptifs de participer à des donations-partages.

Art. 1078-2 du code civil : Conversion d'une donation préciputaire en avancement d'hoirie

Cet article permet aux parties de convenir qu'une donation préciputaire antérieure sera incorporée au partage et imputée sur la part de réserve du donataire à titre d'avancement d'hoirie.

Cette disposition est elle aussi guidée par la recherche de l'égalité entre les héritiers. Sa mise en oeuvre suppose l'acceptation des enfants gratifiés à l'origine. En cas de refus, il ne peut être passé outre.

La modification proposée par le a pour objet de substituer les termes de donation « hors part » et de donation « en avancement de part successorale » à ceux de donation « préciputaire » et de donation « en avancement d'hoirie ».

Art. 1078-3 du code civil : Nature juridique de l'incorporation

Cet article prévoit qu'en cas d'incorporation de donations antérieures, éventuellement de conversion de donation préciputaire en avancement d'hoirie, ces opérations demeurent comprises comme un partage fait par l'ascendant et non comme des libéralités entre les descendants.

Il s'ensuit que, fiscalement, il ne peut y avoir de perception de droits de mutation au titre des libéralités faites entre les descendants. Mais l'incorporation de ces donations antérieures dans le partage donne lieu à la perception du droit de partage de 1 % calculé sur la valeur des donations incorporées 204 ( * ) .

La modification proposée par le consiste dans les mêmes coordinations : substitution du terme « disposant » à celui d'« ascendant » et des termes « héritiers présomptifs » à ceux de « descendants ».

Paragraphe 2 - Des donations-partages faites à des descendants de degré différents
Art. 1078-4 (nouveau) du code civil : Possibilité de procéder à des donations-partages trans-générationnelles

En l'état actuel du droit, l'ascendant ne peut procéder à une donation-partage entre ses enfants et ses petits-enfants sauf en cas de représentation. S'il n'a qu'un enfant, il ne peut pas procéder à une donation-partage ni entre cet enfant unique et ses petits-enfants ni entre ses seuls petits-enfants du vivant de leur auteur. Il ne dispose en effet que de la donation simple pour avantager un petit-enfant. Cette donation, préciputaire, peut absorber tout ou partie de la quotité disponible.

L'article 1078-4, que le 10° tend à insérer dans le code civil, autorise le disposant à procéder à une donation-partage au profit de ses descendants plus lointains si ceux du premier degré, c'est-à-dire ses enfants, y consentent et renoncent à leurs propres droits.

Le premier alinéa permet aux enfants du disposant d'accepter que leurs propres descendants soient gratifiés à leur place, le cas échéant en ne consentant à être ainsi remplacés qu'à hauteur d'une partie de leurs droits réservataires.

Il est effectivement souhaitable que l'enfant puisse, si telle est sa volonté, accepter la transmission directe d'un bien à ses propres descendants, par exemple un bien mobilier dont il peut aisément se priver compte tenu de son propre patrimoine, tout en recevant lui-même un autre bien dans le même acte, par exemple un logement dans lequel il a l'intention d'établir sa résidence habituelle.

Le second alinéa vise, quant à lui, à laisser au disposant le choix entre différentes formes de gratification des descendants plus lointains : l'acte peut prévoir que les biens leur sont donnés ensemble -ils seront alors propriétaires en indivision-, ou au contraire séparément à chacun d'entre eux.

La possibilité offerte à un héritier réservataire présomptif de renoncer à l'action en réduction pour atteinte à la réserve, prévue par les nouveaux articles 929 à 930-5, permettra également de faciliter la transmission de biens à des descendants de degrés différents.

Art. 1078-5 (nouveau) du code civil : Donation-partage trans-générationnelle en présence d'un enfant unique

L'article 1078-5, que le 10° tend à insérer dans le code civil, précise que, lorsque l'ascendant donateur a un enfant unique, la donation-partage trans-générationnelle peut être effectuée soit au profit des seuls descendants de cet enfant, soit au profit tant de ceux-ci que de l'enfant lui-même .

Il exige le consentement non seulement des descendants ainsi gratifiés mais également de l'enfant à la place duquel ils reçoivent les biens et qui peut ainsi se trouver dépossédé de tout ou partie de ses droits réservataires.

Sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale a précisé :

- d'une part, que le consentement des personnes concernées doit être exprimé dans l'acte de donation-partage , c'est-à-dire par acte authentique. M. Sébastien Huyghe a ainsi indiqué dans son rapport au nom de la commission des lois de l'Assemblée nationale que « L'enfant participant à une donation-partage trans-générationnelle accepte en effet de renoncer à tout ou partie de ses droits réservataires. Cette décision grave appelle donc un formalisme suffisant, comme cela est, à juste titre, exigé à l'article 14 s'agissant des renonciations anticipées à exercer l'action en réduction (RAAR), afin de sécuriser le consentement du renonçant : dans les deux cas, le recours à un acte authentique augmentera la sécurité juridique des transferts de propriété ainsi effectués » ;

- d'autre part, que la libéralité est nulle lorsque le consentement du renonçant a été vicié par l'erreur, le dol ou la violence physique ou morale. Le rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale a en effet jugé « préférable de préciser clairement, pour cette forme particulière de renonciation comme pour les RAAR, les critères selon lesquels la validité du consentement du renonçant devra être appréciée par le juge ».

Votre commission vous soumet un amendement de coordination tendant à supprimer la précision selon laquelle la violence ayant vicié le consentement du renonçant peut avoir été physique ou morale, le mot « violence » couvrant les deux cas.

Art. 1078-6 (nouveau) du code civil : Partage par souche

L'article 1078-6, que le 10° tend à insérer dans le code civil, prévoit un partage par souche lorsque des descendants de degrés différents concourent à la même donation-partage lors de la succession -chaque enfant et ses propres descendants constituent ensemble une souche-et autorise des attributions à des descendants de degrés différents dans certaines souches et non dans d'autres.

Le projet de loi initial faisait, à tort, référence à des descendants de générations différentes. L'Assemblée nationale a corrigé cette erreur sur proposition de sa commission des lois.

Rappelons que l'article 753 du code civil prévoit déjà que dans tous les cas où la représentation est admise, le partage s'opère par souche, comme si le représenté venait à la succession ; s'il y a lieu, il s'opère par subdivision de souche. A l'intérieur d'une souche ou d'une subdivision de souche, le partage se fait par tête.

Art. 1078-7 (nouveau) du code civil : Incorporation à une donation-partage trans-générationnelle de biens antérieurement donnés par le disposant

L'article 1078-7, que le 10° tend à insérer dans le code civil, prévoit que les donations-partages faites à des descendants de générations différentes peuvent comporter les conventions prévues aux articles 1078-1 et 1078-3.

Ces conventions permettent l'incorporation dans le partage de biens antérieurement donnés par le disposant, selon des règles d'imputation qui peuvent être différentes -des biens antérieurement donnés à titre de préciput peuvent l'être, dans la donation-partage, en avancement d'hoirie.

Cette possibilité semble déjà découler de la rédaction des articles 1078-1 et 1078-3, qui s'appliquent à l'ensemble des donations-partages. La rédaction proposée a toutefois pour objet de prévenir toute ambiguïté et tout contentieux.

Votre commission vous soumet un amendement de précision tendant à faire référence aux descendants de « degrés différents » plutôt que de « générations différentes ».

Art. 1078-8 (nouveau) du code civil : Traitement liquidatif de la donation-partage lors du décès de l'ascendant donateur

L'article 1078-8, que le 10° tend à insérer dans le code civil, détermine les règles applicables au traitement liquidatif des donations-partages faites à des descendants de degrés différents lors du décès de l'ascendant donateur.

Il prévoit que les biens reçus par les enfants ou leurs descendants s'imputent sur la part de réserve revenant à leur souche et subsidiairement sur la quotité disponible . Toutes les donations faites aux membres d'une même souche seraient imputées ensemble, quel que soit le degré de parenté avec le défunt, les règles de calcul de cette réserve par souche étant fixées à l'article 913 du code civil.

Cette règle, qui découle du choix opéré à l'article 1078-6 d'un partage par souche, semble justifiée. La réserve de chaque enfant protège ses droits successoraux en même temps que ceux de ses propres descendants : si l'enfant a accepté que ces derniers soient en partie gratifiés à sa place, il leur a en quelque sorte transféré une portion de réserve à laquelle lui-même avait droit dans la succession, sans que cela modifie l'importance de la réserve globale de la souche.

Pour cette imputation, il est prévu une évaluation des biens donnés, en principe :

- au jour de la donation-partage, si tous les enfants de l'ascendant donateur consentent au partage anticipé et s'il n'est pas prévu de réserve d'usufruit portant sur une somme d'argent ;

- au jour du décès dans leur état au jour de la donation, s'il n'y a pas eu de consentement de tous les enfants de l'ascendant donateur ou s'il est prévu une réserve d'usufruit portant sur une somme d'argent.

Ces règles d'évaluation des biens reçus dans une donation-partage trans-générationnelle font écho à celles de l'article 1078, qui prévoient que, pour les donations-partages ordinaires, la valeur des biens retenue pour leur imputation dans la succession du donateur et pour le calcul de la réserve est, en général, celle du jour de la donation-partage, alors que les biens reçus par donation simple sont évalués au jour du décès.

L'exception relative à l'absence de gratification d'un héritier réservataire dans la donation-partage serait logiquement remplacée par une exception relative à l'absence de consentement d'un ou plusieurs enfants de l'ascendant donateur. En effet, ceux-ci peuvent avoir renoncé, au profit de leurs propres descendants, à toute gratification dans la donation-partage ; ils n'ont, alors, été anormalement lésés que si leur consentement à un tel partage n'avait pas été recueilli.

Enfin, il est prévu que les descendants d'une souche qui, soit n'auraient pas reçu de lot dans la donation-partage, soit y auraient reçu un lot inférieur à leur part de réserve pourraient exercer l'action en réduction , s'il n'existait pas à l'ouverture de la succession des biens non compris dans le partage et suffisants pour composer ou compléter leur réserve, compte tenu des libéralités dont ils auraient pu bénéficier.

Il convient de rappeler que, si la réserve des enfants et de leurs descendants s'apprécie par souche, en revanche, dans la succession de chaque enfant, celle de chacun des descendants de même degré, au sein d'une même souche, résulte d'une division en parts égales de la réserve de la souche -ou du résidu de cette réserve, si l'enfant n'y a renoncé à leur profit que partiellement.

Art. 1078-9 (nouveau) du code civil : Traitement liquidatif de la donation-partage lors du décès de l'enfant qui renonce à tout ou partie de ses droits

L'article 1078-9, que le 10° tend à insérer dans le code civil, détermine les règles applicables au traitement liquidatif des donations-partages faites à des descendants de degrés différents lors du décès de l'enfant qui renonce à tout ou partie de ses droits.

Dans cette hypothèse, les petits-enfants seraient censés avoir reçus les biens de leur auteur direct et non de l'ascendant donateur . L'objectif recherché est double :

- sur le plan fiscal, éviter que des petits-enfants ne soient fiscalement désavantagés par rapport à la situation où les biens leur auraient été transmis par leur parent, l'abattement prévu pour la taxation des donations de grands-parents à petits-enfants étant moins élevé que celui qui est applicable aux donations de parents à enfants. De la même façon, le texte proposé par l'article 14 du projet de loi pour l'article 930-1 du code civil prévoit que la renonciation à l'action en réduction de l'atteinte à la réserve ne constitue en aucun cas une libéralité faite par le renonçant au bénéficiaire de la renonciation ;

- sur le plan civil, assurer le respect de la réserve de chacun des descendants, au sein même de la souche.

Ces biens seraient soumis aux règles des donations entre vifs pour tout ce qui concerne la réunion fictive, l'imputation, le rapport et, le cas échéant, la réduction.

Ils seraient toutefois évalués conformément aux dispositions de l'article 1078 lorsque tous les descendants (c'est-à-dire les petits-enfants) ont reçu et accepté un lot dans le partage anticipé et qu'il n'a pas été prévu d'usufruit portant sur une somme d'argent. Dans cette hypothèse, la valeur retenue lors de la réunion fictive, pour l'imputation, dans la succession de l'enfant, des biens reçus par les descendants serait alors celle du jour du partage, et non celle du jour du décès de l'enfant. Dans le cas contraire, les biens seraient alors évalués au jour du décès de l'enfant et non au jour du partage.

Le rapport et, en cas d'atteinte à la réserve, la réduction des donations, permettront de maintenir l'égalité des droits réservataires des petits-enfants dans la succession de l'enfant.

Sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale a distingué plus clairement :

- d'une part, les règles du rapport et de la réduction, qui seront celles des donations simples ;

- d'autre part, les règles d'évaluation des biens lors de la réunion fictive et de l'imputation, qui seront celles des donations-partages.

Votre commission vous soumet un amendement de précision, consistant à prévoir que lorsque tous les descendants ont reçu et accepté un lot dans le partage anticipé et qu'il n'a pas été prévu d'usufruit portant sur une somme d'argent, les biens dont ont été allotis les gratifiés sont traités comme s'ils les avaient reçus de leur auteur par donation-partage. En effet, comme l'a fait valoir le professeur Pierre Catala lors de son audition par votre rapporteur, le rapport n'est jamais dû en matière de donation-partage.

Art. 1078-10 (nouveau) du code civil : Incorporation à une donation-partage faite par l'enfant de biens antérieurement reçus par ses descendants

L'article 1078-10, que le 10° tend à insérer dans le code civil, précise le régime juridique auquel sont soumises les donations-partages effectuées par l'enfant renonçant au profit de ses propres descendants, dans le cas particulier où y ont été incorporés des biens ayant antérieurement été, sous forme de donation-partage trans-générationnelle, transmis à ceux-ci par l'ascendant donateur.

Dans cette hypothèse, le premier alinéa prévoit que ne seront pas applicables les règles d'imputation, d'évaluation et de réduction qui, en vertu de l'article 1078-9, le sont en principe lors de la succession de l'enfant, aux biens reçus de l'ascendant donateur (grand-parent, par exemple) par les descendants de l'enfant (petits-enfants du donateur, par exemple).

En conséquence, les biens seront, pour l'ensemble du règlement de la succession de l'enfant, évalués au jour de la nouvelle donation-partage à laquelle l'enfant a procédé avec ses descendants, ce qui est conforme à la logique selon laquelle la réserve héréditaire de ces derniers doit s'apprécier : dans la succession de l'enfant, la réserve fait naître pour les descendants un droit qui ne concerne que le patrimoine de celui-ci.

Le second alinéa donne à l'enfant la faculté de réincorporer, dans la nouvelle donation-partage faite au profit de ses descendants, non seulement les biens reçus de l'ascendant donateur par donation-partage trans-générationnelle, mais aussi les biens qu'il avait lui-même antérieurement donnés à ses enfants. Cette règle semble cohérente avec le retour au droit commun de la donation-partage résultant de la nouvelle donation-partage effectuée par l'enfant.

Elle devrait permettre à l'enfant renonçant au profit de ses propres enfants de disposer, à la condition de recueillir l'accord de ces derniers, de la souplesse nécessaire pour organiser au mieux la transmission des biens de l'ascendant donateur ainsi que celle de ses propres biens.

Donation-partage trans-générationnelle - Exemples 205 ( * )

Exemple 1

Grand-Père (GP)

Enfant 1 (E1)

Petit-enfant B (PE B)

Petit-enfant A (PE A)

Enfant 2 (E2)

Situation familiale

Attributions

GP dispose :

- d'un immeuble de rapport d'une valeur
au jour de la donation-partage de ................................................


850

- d'une entreprise individuelle d'une valeur
au jour de la donation-partage de......................................................


850

L'entreprise individuelle est attribuée à E1. Avec le consentement de E2, l'immeuble de rapport est attribué indivisément à PEA et PEB.

Règlement de la succession de l'ascendant donateur (GP)

Le donateur laisse à son décès des biens existants
pour une valeur de............................................................................


400

Les conditions de l'article 1078 sont réunies. Ces biens reviennent à E1 et E2 pour moitié. Soit pour chacun..........................................


200

Règlement de la succession de l'enfant renonçant (E2)

Les biens reçus par PEA et PEB du grand-père sont traités comme s'ils les tenaient de E2. Ces biens sont soumis aux règles des donations entre vifs pour tout ce qui concerne la réunion fictive, l'imputation, le rapport et, le cas échéant, la réduction ( article 1078-9 ).

Ces biens sont néanmoins évalués au jour de la donation-partage, conformément aux dispositions de l'article 1078, lorsque tous les descendants ont reçu et accepté un lot dans le partage anticipé et qu'il n'a pas été prévu d'usufruit portant sur une somme d'argent ( article 1078-9 ).

Exemple 2

Situation familiale

Grand-Père (GP)

Enfant 2 (E2)

Enfant 3 (E3)

Enfant 1 (E1)

Petit-enfant A (PE A)

Petit-enfant B (PEB)

Attributions

GP dispose :

- d'un immeuble de rapport d'une valeur au jour
de la donation-partage ....................................................................


1.000

- d'une entreprise individuelle valeur au jour
de la donation-partage.....................................................................


1.000

L'entreprise individuelle est attribuée à E1.

Avec le consentement de E2, l'immeuble de rapport est attribué à PEA.

PEB et E3 ne reçoivent rien.

Règlement de la succession de l'ascendant-donateur (GP)

E3 n'a pas donné son consentement à la donation-partage à laquelle il n'a pas concouru. Il doit être rempli de ses droits selon les modalités prévues à l'article 1077-1.

Calcul de la quotité disponible et de la réserve - Les conditions de l'article 1078 n'étant pas réunies, les biens objets de la donation-partage doivent être évalués au jour du décès de l'ascendant donateur dans leur état au jour de la donation (art. 922).

- immeuble de rapport.....................................................................

1.200

- entreprise individuelle..................................................................

1.200

- le donateur laisse à son décès des biens existants.........................

800

TOTAL

3.200

Quotité disponible =

800

Part de réserve individuelle

800

E3 compose sa part de réserve avec les biens existants : 800

Règlement de la succession de l'enfant renonçant (E2)

A son décès, E2 laisse des biens existants pour une valeur de 800.

Seul PE A a été alloti dans la donation-partage.

PEA doit effectuer le rapport de l'immeuble en tenant compte, sauf stipulation particulière, de sa valeur au jour du partage de la succession de E2 dans son état lors de la donation-partage (les conditions de l'article 1078 ne sont pas réunies).

- valeur retenue pour ce rapport......................................................

1.300

- biens existants..............................................................................

800

TOTAL

2.100

dont moitié pour chaque enfant

1.050

PE A devra verser à PE B une soulte de

250

Exemple 3

Situation familiale

Grand-Père (GP)

Petit-enfant A (PE A)

Petit-enfant B (PE B)

Enfant unique 1 (E1)

Attributions

GP dispose :

- d'un immeuble de rapport d'une valeur au jour
de la donation-partage de................................................................


1.000

- d'une entreprise individuelle d'une valeur au jour
de la donation-partage de................................................................


1.000

Avec le consentement de E1, l'immeuble de rapport est attribué à PEA et l'entreprise individuelle à PEB.

Règlement de la succession de l'ascendant-donateur (GP)

Le donateur laisse à son décès 400 de biens existants.

Ces biens reviennent à E1.

Règlement de la succession de l'enfant renonçant (E1)

Les biens reçus par PEA et PEB du grand-père sont traités comme s'ils les tenaient de E1.

Ces biens sont soumis aux règles des donations entre vifs pour tout ce qui concerne la réunion fictive, l'imputation, le rapport et, le cas échéant, la réduction (art. 1078-9).

Ils sont néanmoins évalués conformément aux dispositions de l'article 1078 lorsque tous les descendants ont reçu et accepté un lot dans le partage anticipé et qu'il n'a pas été prévu d'usufruit portant sur une somme d'argent (art. 1078-9).

SECTION 3 - Des testaments partages
Art. 1079 du code civil : Effets du testament-partage

Le 10° bis , inséré par l'Assemblée nationale sur proposition de sa commission des lois, a pour objet de réécrire l'article 1079, relatif aux effets du testament-partage, afin de clarifier ses dispositions.

Il prévoit ainsi, d'une part, que le testament-partage produit les effets d'un partage, d'autre part, que ses bénéficiaires ne peuvent renoncer à se prévaloir du testament pour réclamer un nouveau partage de la succession.

Art. 1080 du code civil : Action en réduction contre un testament-partage

Le 11° a pour objet de modifier l'article 1080 afin d'étendre à tout bénéficiaire d'un testament-partage qui n'a pas reçu un lot égal à sa part de réserve d'exercer l'action en réduction -dans un délai de cinq ans à compter du décès du disposant.

Cette faculté est actuellement réservée à l'enfant ou au descendant, ce qui est conforme au champ d'application du testament-partage.

L'Assemblée nationale ayant supprimé la réserve des ascendants, cette disposition ne vise donc que la situation du conjoint survivant du défunt ne laissant pas d'enfants.

Votre commission vous propose d' adopter l'article 20 ainsi modifié .

Article 20 bis (nouveau) (art. 1094 du code civil)
Coordination avec la suppression de la réserve des ascendants

Cet article, inséré par l'Assemblée nationale en première lecture sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, a pour objet de modifier l'article 1094 du code civil, relatif aux dispositions entre époux, afin d'opérer une coordination avec la suppression de la réserve des ascendants prévue par l'article 12 du projet de loi.

Dans sa rédaction actuelle, l'article 1094 permet à l'époux sans postérité, soit par contrat de mariage, soit pendant le mariage, de disposer en faveur de l'autre époux :

- en propriété, de tout ce dont il pourrait disposer en faveur d'un étranger ;

- ainsi que de la nue-propriété de la portion réservée aux ascendants par l'article 914.

Votre commission vous propose d' adopter l'article 20 bis sans modification .

Article 21 (art. 1094-1 et 1094-2 nouveau du code civil)
Assouplissement des règles relatives aux libéralités entre époux et modification des règles de calcul de la quotité disponible du conjoint survivant

L'article 21 du projet de loi supprime en premier lieu, à l'article 1094-1 du code civil, l'ancienne distinction entre enfants naturels et légitimes, contraire à l'égalité de traitement qui leur est reconnue en matière successorale. Cette modification est toutefois sans objet puisque l'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation a déjà procédé à cet aménagement.

Il modifie surtout certaines dispositions du chapitre IX du titre II du livre III du code civil relatif aux dispositions entre époux, afin :

- d'une part, de permettre au conjoint survivant ayant reçu une libéralité de cantonner son émolument, c'est-à-dire de n'accepter que certains biens ;

- d'autre part, de réformer les dispositions actuelles relatives à la quotité disponible spéciale entre époux, en distinguant selon qu'il existe ou non des enfants d'une union antérieure.

1- La réforme de la quotité disponible spéciale entre époux

Le droit en vigueur : une seule quotité disponible spéciale entre époux en présence d'enfants

Actuellement, l'article 1094-1 du code civil issu de la loi du 3 janvier 1972 prévoit une quotité disponible spéciale entre époux unique en présence de descendants, qu'ils soient issus ou non des deux époux. L'époux survivant peut recevoir :

- soit l'usufruit universel ;

- soit le quart des biens en pleine propriété et les trois quarts des biens en usufruit ;

- soit la quotité disponible ordinaire , c'est-à-dire ce dont le testateur peut disposer en faveur d'un étranger, à savoir la moitié des biens en présence d'un enfant, le tiers en présence de deux enfants et le quart en présence de trois enfants et plus (art. 913 du code civil).

Situation 1 : le défunt n'a pris aucune disposition :
le régime de dévolution légale modifié par la loi du 3 décembre 2001, prévoit que le conjoint survivant reçoit au choix :

En présence d' enfants communs aux deux époux seulement

Totalité en usufruit

¼ en propriété

En présence d' enfants non communs (qu'il y ait ou non des enfants communs en plus)

¼ en propriété

Situation 2 : le défunt a pris des dispositions :
le régime actuel de quotité disponible spéciale entre époux (depuis 1962, modifié à la marge en 1972), prévoit qu'il peut donner à son conjoint au maximum au choix :

En présence d' enfants communs seulement

Totalité en usufruit

¼ en propriété

et ¾ en usufruit

La quotité disponible ordinaire :

- 1/2 en pleine propriété en présence d'un enfant ;

- 1/3 en présence de deux enfants ;

- ¼ en présence de trois enfants et plus.

En présence d' enfants non communs (qu'il y ait ou non des enfants communs en plus)

Totalité en usufruit

¼ en propriété

et ¾ en usufruit

La quotité disponible ordinaire

Il peut en outre totalement exhéréder son conjoint.

Le conjoint survivant dispose par ailleurs depuis la loi du 3 décembre 2001 :

- d'un droit de jouissance gratuite du logement pendant un an, d'ordre public ;

- d'un droit viager au logement, sauf si le défunt l'en prive par testament . Même si la valeur de ce droit excède celle de sa part successorale, il n'est pas tenu de verser une soulte à la succession.

Le projet de loi distingue selon que l'on se trouve en présence d'enfants communs uniquement, ou qu'il existe des enfants non communs , comme c'est déjà le cas depuis 2001 en matière de vocation légale du conjoint.

Rappelons qu' en l'absence de mesures spécifiques prévues par le de cujus , le conjoint survivant reçoit depuis la loi du 3 décembre 2001 en vertu de l'article 757, en présence de descendants :

- à son choix l'usufruit de la totalité des biens existants ou la propriété du quart des biens si tous les enfants sont issus des deux époux ;

- obligatoirement le quart en propriété s'il y a des enfants non communs .

Le projet de loi modifie cette fois-ci le champ de la liberté du disposant .

Lorsque l'époux ne laisse que des enfants issus des deux époux ou les descendants de ces enfants, l'article 1094-1 continue de s'appliquer. Le de cujus pourra donc disposer en faveur de son conjoint comme actuellement soit de la quotité disponible ordinaire, soit du quart de ses biens en propriété et des trois autres quarts en usufruit, soit encore de la totalité de ses biens en usufruit seulement.

En revanche, lorsque l'époux laisse un ou plusieurs enfants qui ne sont pas issus des deux époux ou les descendants de ces enfants en présence ou non par ailleurs d'enfants issus des époux, le nouvel article 1094-2 prévoit qu'il ne pourra disposer en faveur de son conjoint que :

- soit de la quotité disponible ordinaire ;

- soit du quart de ses biens en propriété et d'un autre quart en usufruit ;

- soit encore de la moitié de ses biens en usufruit seulement.

Désormais, en présence d'enfants non communs, les libéralités en usufruit qu'un époux peut faire à son conjoint ne pourront dépasser la moitié des biens.

Situation 1 : le défunt n'a pris aucune disposition :
le régime de dévolution légale modifié par la loi du 3 décembre 2001, prévoit que le conjoint survivant reçoit au choix :

En présence d' enfants communs aux deux époux seulement

Totalité en usufruit

¼ en propriété

En présence d' enfants non communs (qu'il y ait ou non des enfants communs en plus)

¼ en propriété

Le projet de loi ne revient pas sur cette disposition.

Situation 2 : le défunt a pris des dispositions :
Le projet de loi distingue désormais selon le défunt a ou non des enfants non issus des deux époux

En présence d' enfants communs seulement

Totalité en usufruit

¼ en propriété

et ¾ en usufruit

La quotité disponible ordinaire :

- 1/2 en pleine propriété en présence d'un enfant ;

- 1/3 en présence de deux enfants ;

- ¼ en présence de trois enfants et plus.

En présence d' enfants non communs (qu'il y ait ou non des enfants communs en plus)

Moitié des biens en usufruit

(prise en priorité sur la part des enfants communs)

¼ en propriété

et ¼ en usufruit

(prise en priorité sur la part des enfants communs)

La quotité disponible ordinaire

Usufruit de la totalité des biens des enfants communs

Les droits du conjoint survivant ne sont pas affectés par le projet de loi puisque lorsque la valeur du droit viager au logement excède celle de sa part successorale, le conjoint survivant n'est pas tenu de verser une soulte à la succession.

? Cette réforme vise à préserver les intérêts des enfants non communs vis-à-vis de leur beau-parent .

L'attribution à un conjoint beaucoup plus jeune d'un usufruit grevant la totalité des biens du défunt peut de fait priver des enfants plus âgés pendant toute leur vie de la jouissance de leurs droits réservataires , alors même que le nu-propriétaire doit prendre en charge les gros travaux concernant le bien. Sachant que l'âge de l'héritage est souvent celui de la retraite, un tel risque n'est pas négligeable. De telles situations sont particulièrement difficiles en cas de mauvaise entente entre un nouveau conjoint ainsi gratifié et les enfants d'un premier lit.

En effet, la quotité disponible spéciale entre époux constitue une dérogation à la règle selon laquelle la réserve (des descendants en l'occurrence) doit s'apprécier en pleine propriété et libre de charges .

La Chancellerie ne dispose pas de statistiques relatives à la différence d'âge entre les époux au dernier mariage. Si la situation visée par le projet de loi, à savoir le remariage d'un homme avec une femme plus jeune que ses enfants issus d'unions précédentes, existe très certainement, elle ne semble toutefois pas correspondre aujourd'hui à la majorité des cas, ainsi que l'ont indiqué les notaires entendus par votre rapporteur. Il est cependant exact que les femmes étant le plus souvent un peu plus jeunes que leur mari et ayant par ailleurs une espérance de vie supérieure à celle des hommes 206 ( * ) , l'usufruit pourra couramment excéder une quinzaine d'années.

Enfin, du fait de l'évolution des structures familiales et des recompositions, ces situations devraient se rencontrer de plus en plus fréquemment.

? Pour autant, ces difficultés justifient-elles de priver le conjoint de sa liberté testamentaire ?

Cette réforme est présentée par la Chancellerie comme le prolongement de celle de 2001, qui a distingué, s'agissant de la dévolution légale, selon que l'on se trouve en présence d'enfants issus des deux époux ou non.

Votre commission ne souscrit pas à ce raisonnement.

La loi de 2001 a réformé la dévolution légale du conjoint survivant, c'est-à-dire ses droits en l'absence de toute stipulation de son époux. La loi se voulait simplement supplétive de cette volonté . Ici, il s'agit de restreindre la liberté des époux . Cette solution paraît pour le moins paradoxale, alors que l'ensemble du projet de loi favorise la liberté du de cujus , qu'il s'agisse de la possibilité de consentir des donations graduelles ou résiduelles, des donations-transgénérationnelles, ou même de permettre de renoncer par avance à exercer une action en réduction contre des atteintes portées à sa réserve. Pourquoi la quotité disponible spéciale entre époux serait-elle la seule matière à connaître une évolution inverse ?

Si l'objectif de protéger les enfants est tout à fait louable, on peut constater que la loi du 3 décembre 2001, qui visait à protéger le conjoint survivant, n'a pas pour autant empêché le de cujus d'exhéréder totalement son conjoint 207 ( * ) , seul le droit à la jouissance gratuite du logement pendant un an étant d'ordre public.

De plus, si l'on cite toujours le cas de la jeune veuve supposée intéressée, il existe également des personnes qui se sont occupées des années durant de leur conjoint malade, alors que les enfants ne se manifestaient plus. Enfin, les relations entre le conjoint survivant et ses beaux-enfants ne sont pas forcément mauvaises, notamment si cette personne les a en fait élevés. En effet, le dernier époux peut l'être depuis des décennies.

? Cette réforme risque en outre de placer le conjoint survivant dans une situation très délicate . En effet, la plupart des successions étant essentiellement constituées du logement , le conjoint survivant, s'il pourra toujours bénéficier de son droit viager au logement 208 ( * ) , puisqu'il n'est pas tenu de récompenser la succession si la valeur de ce droit viager excède celle de sa part successorale, risque de se retrouver sans moyens d'existence.

Le Conseil supérieur du notariat s'est fait l'écho auprès de votre rapporteur des inquiétudes manifestées auprès des notaires par les intéressés.

Notons enfin que cette réforme n'était pas prévue, contrairement à la majeure partie du projet de loi, dans les projets de loi déposés précédemment, et n'a donc pas fait l'objet de la même concertation.

? L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, tenté de concilier ces intérêts divergents, en prévoyant qu'en présence d'enfants communs et non communs, le futur de cujus pourra choisir entre quatre, et non plus trois options.

Ainsi, le conjoint survivant pourra recevoir :

-  soit la quotité disponible ordinaire ;

- soit le quart en propriété et le quart en usufruit ;

- soit la moitié en usufruit ;

- soit, et c'est là la nouveauté, l'usufruit de la totalité des biens des enfants communs. Cette solution peut se révéler plus avantageuse si un usufruit inclus dans la réserve des enfants communs permet au conjoint survivant d'obtenir un usufruit supérieur à la moitié des biens inclus dans la succession, par exemple s'il existe trois enfants communs et un seul enfant non commun.

Elle a en outre précisé que lorsque le conjoint survivant disposera d'une vocation successorale en usufruit, celui-ci s'imputera prioritairement sur la part successorale des enfants communs, et subsidiairement sur celle des autres enfants (par exemple s'il existe un enfant commun et trois enfants non communs).

? Votre commission n'est pas convaincue par cette proposition, qui outre sa complexité, accroît la discrimination entre les enfants. Elle vous propose donc de revenir au droit en vigueur , d'autant plus que cette réforme risque de poser des problèmes d'application de la loi dans le temps inextricables.

En effet, le projet de loi prévoit que cette disposition s'appliquera aux successions ouvertes à compter de l'entrée en vigueur de la loi (prévue par l'Assemblée nationale au 1 er janvier 2007), que des libéralités aient été consenties antérieurement ou non.

Ceci aura des conséquences qui n'ont sans doute pas été pleinement mesurées par les auteurs de la réforme, alors même que la pratique notariale a encouragé depuis des décennies l'attribution de l'usufruit universel au conjoint survivant. Cette disposition porte donc atteinte aux anticipations des testateurs et de nombreuses personnes qui se croient protégées risquent de sévères déconvenues à l'ouverture de la succession.

Votre commission vous propose de rejeter cette réforme et de supprimer par amendement les dispositions du présent article qui la prévoient.

2- La possibilité pour le conjoint survivant de cantonner son émolument

? Actuellement , le choix du conjoint survivant, en présence de descendants, s'exerce entre les trois options précitées. Il peut soit accepter la succession purement et simplement, soit l'accepter sous bénéfice d'inventaire, soit y renoncer. Eu égard au caractère indivisible de l'option, il doit avoir la même attitude pour l'ensemble des biens et ne peut accepter partiellement. L'option qui ne porterait que sur une partie des biens s'analyserait comme une acceptation pour le tout, suivie d'une libéralité ayant pour assiette les biens sur lesquels le conjoint survivant institué renonce à exercer ses droits.

Cependant, rien n'empêche dans une donation entre époux de prévoir en plus du choix entre les trois options la possibilité pour le survivant d'opter par exemple pour l'usufruit viager d'un immeuble de rapport, l'usufruit temporaire d'une résidence secondaire ou encore la pleine propriété d'un portefeuille de valeurs mobilières.

? Le projet de loi permet au conjoint survivant gratifié par le défunt, en présence d'enfants (que ceux-ci soient ou non communs) , de ne recevoir s'il le souhaite qu'une partie seulement des biens que le disposant avait prévu de lui transmettre.

Cette faculté, qui constitue une dérogation au principe d'indivisibilité de l'option successorale, permet au conjoint survivant d'accroître la part reçue par les enfants du défunt, notamment lorsque ce dernier avait doté son conjoint de la totalité de l'usufruit.

Le projet de loi précise que ce cantonnement ne constitue pas une libéralité du conjoint survivant à l'égard des autres successibles, afin d'éviter une imposition supérieure des enfants du défunt au titre des droits de mutation à titre gratuit, notamment lorsque ces enfants ne sont pas issus du conjoint survivant. Cette précision est indispensable, le conjoint survivant pouvant d'ores et déjà faire donation aux enfants d'une portion de sa part successorale.

Cette possibilité de cantonnement n'est cependant ouverte que si le de cujus n'en a pas disposé autrement .

3- Irrévocabilité des donations de biens présents entre époux

L'Assemblée nationale a ensuite précisé à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement que l'irrévocabilité des donations de biens présents entre époux issue de la loi de 2004 réformant le divorce ne s'applique qu'aux donations qui prennent effet au cours du mariage et non à celles qui prennent effet après le décès du conjoint.

Il s'agit d'éviter que les donations avec clauses de réversibilité de la réserve d'usufruit sur la tête du conjoint survivant, utilisées fréquemment en pratique, demeurent révocables tant qu'elles n'ont pas produit d'effet, de façon à pouvoir les révoquer au moment d'un éventuel divorce.

4- L'aménagement de la faculté de substitution

Le 3° de cet article propose enfin d'adapter à droit constant la rédaction de l'article 1098 du code civil.

Cet article, issu de la loi du 3 janvier 1972, prévoit que si un époux remarié a fait à son second conjoint dans les limites de l'article 1094-1 une libéralité en propriété, chacun des enfants du premier lit pourra , sauf volonté contraire et non univoque du disposant, substituer à l'exécution de cette libéralité l'abandon de l'usufruit de la part de succession qu'il eût recueillie en l'absence de conjoint survivant.

Ce dispositif qui protège les enfants du premier lit du donateur contre les libéralités faites au conjoint en propriété est soumis à des conditions interprétées restrictivement par la jurisprudence et est en pratique très rare.

Le projet de loi ouvre à l'ensemble des enfants non issus des deux époux cette faculté de substitution. Le disposant pourra toujours stipuler, de manière non équivoque, une clause prohibant cette substitution.

Cette modification s'inscrit dans le prolongement de la modification de l'article 1527 relatif à l'action en retranchement 209 ( * ) par la loi du 3 décembre 2001 à l'ensemble des enfants non issus des deux époux.

Votre commission vous propose d' adopter l'article 21 ainsi modifié .

DISPOSITIONS RELATIVES AU PACTE CIVIL DE SOLIDARITE

Le Gouvernement a déposé un certain nombre d'amendements à l'Assemblée nationale afin de mettre en oeuvre une partie des préconisations du rapport du groupe de travail portant réflexions et propositions de réforme sur le pacte civil de solidarité (PACS) remis le 30 novembre 2004 à M. Dominique Perben, alors garde des sceaux.

Si votre commission des lois ne peut que déplorer l'insertion de dispositions de cette importance, qui pour la plupart n'ont pas de rapport avec le droit des successions, dans ce projet de loi, elle reconnaît cependant qu'elles présentent un intérêt certain pour les 400.000 personnes ayant signé un PACS 210 ( * ) depuis l'entrée en vigueur de la loi relative au pacte civil de solidarité du 15 novembre 1999.

L'article 27 du projet de loi précise que le principe est celui de l'application immédiate de la présente loi aux PACS en cours à la date de son entrée en vigueur.

France entière

Déclarations

Refus d'inscription

Modifications

Dissolutions

Cumul

204.924

1.458

636

26.347

1999

6.151

11

2

7

2000

22.276

140

45

624

2001

19.632

330

78

1.872

2002

25.311

255

94

3.185

2003

31.585

251

113

5.292

2004

40.093

229

127

7.043

(Sources : ministère de la justice)

Article 21 bis (nouveau) (art. 515-3, 515-3-1 et 515-7 du code civil)
Formalités du PACS

L'Assemblée nationale a, à l'initiative du Gouvernement, adopté avec l'avis favorable de sa commission des lois un amendement tendant à introduire un article additionnel afin de préciser les modalités d'enregistrement, de modification et de dissolution du PACS et de définir les conditions de son opposabilité à l'égard des tiers, en organisant en particulier sa publicité à l'état civil.

L'article 21 bis nouveau du projet de loi modifie ainsi les articles 515-3 et 515-7 du code civil et crée un article 515-3-1 nouveau.

Art. 515-3 du code civil : Formation du PACS

L'actuel article 515-3 du code civil entoure la conclusion d'un PACS de formalisme, en requérant l'élaboration d'une convention en double original, une déclaration conjointe de conclusion de pacte au greffe du tribunal d'instance et l'inscription de cette déclaration par le greffier sur un registre.

Le projet de loi autorise désormais les partenaires à présenter au greffe une convention établie par acte authentique , en pratique interdite actuellement du fait de l'obligation de produire au greffier la convention en double original. Cette modification paraît très opportune, l'acte authentique permettant de conférer date certaine à l'acte, de conserver le contrat et d'accroître la sécurité juridique.

Le texte maintient toutefois la possibilité de produire un acte sous seing privé, ce qui semble constituer une solution équilibrée, le PACS devant demeurer un contrat souple et gratuit, afin de le rendre accessible à tous.

Suivant les préconisations du groupe de travail, la déclaration demeure reçue par le greffe du tribunal d'instance du lieu de résidence commune des futurs partenaires . En effet, il s'agit d'un contrat à visée patrimoniale et non d'un acte d'état civil et il ne peut donc être enregistré en mairie.

Le projet de loi simplifie ensuite la rédaction de l'article 515-3 en supprimant les précisions à caractère réglementaire concernant les pièces devant être produites. Sont ainsi requises les pièces d'état civil permettant d'établir l'absence de parenté, et de garantir que les partenaires ne sont pas mariés, ainsi qu'un certificat du greffe du tribunal d'instance de leur lieu de naissance (ou, en cas de naissance à l'étranger, du tribunal de grande instance de Paris) attestant qu'ils ne sont pas déjà engagés dans un autre PACS.

Cet article précise enfin que le greffier enregistre la déclaration initiale ainsi que les conventions modificatives apportées au PACS et fait procéder aux formalités de publicité.

Votre commission vous propose d'adopter un amendement rédactionnel.

Art. 515-3-1 du code civil : Publicité du PACS - Mention en marge de l'acte de naissance

Ce nouvel article 515-3-1 relatif à la publicité du PACS procède à une simplification très attendue des greffiers et des professionnels.

Actuellement, l'article 515-3 prévoit que le greffier fait porter mention de la déclaration sur un registre tenu au greffe du tribunal d'instance du lieu de naissance de chaque partenaire ou, en cas de naissance à l'étranger au greffe du tribunal de grande instance de Paris. Les conventions modificatives sont soumises à la même publicité.

L'accès à ces registres est réglementé par l'article 5 du décret du 21 décembre 1999 211 ( * ) , qui distingue deux catégories de personnes pouvant obtenir communication d'informations relatives aux PACS :

- les notaires, les agents chargés de l'exécution d'un titre exécutoire, ainsi que les administrateurs judiciaires et mandataires liquidateurs lorsque la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire met en cause un des partenaires peuvent avoir accès à des informations nominatives telles que l'identité des partenaires ;

- les créanciers dont la créance est née d'un contrat conclu pour les besoins de la vie courante ou pour les dépenses relatives au logement, ainsi que les syndics de copropriété, ne peuvent obtenir l'identité du partenaire de la personne sur laquelle porte la demande.

Enfin, les avocats n'ont aucun droit d'accès, les personnes qu'ils représentent ou assistent devant exercer elles-mêmes ce droit.

En raison de ce dispositif particulier, les greffes doivent faire face à près d'un million de demandes de certificats de non-PACS chaque année.

1999

2000

2001

2002

2003

2004

Certificats de non-pacs délivrés

2.013

18.862

61.617

83.255

95.287

115.086

Demandes de tiers relatives à l'existence d'un PACS

694

32.529

307.070

620.542

810.303

956.142

( source : Répertoire général civil )

Afin de remédier à cette situation, le projet de loi prévoit de mentionner, en marge de l'acte de naissance de chaque partenaire, la déclaration de PACS .

La publicité du partenariat ou de l'absence de partenariat résultera donc de la copie intégrale ou de l'extrait d'acte de naissance établis par l'officier de l'état civil. Elle devrait conduire à la disparition des registres alphabétiques détenus auprès des greffes du lieu de naissance des partenaires et constitue une simplification très attendue des fonctionnaires de la justice.

S'agissant des personnes de nationalité étrangère nées à l'étranger, cette information continuerait d'être portée sur un registre tenu au greffe du tribunal de grande instance de Paris.

Le projet de loi reprend donc une proposition ancienne formulée dès novembre 2001 par le rapport de MM. Patrick Bloche et Jean-Pierre Michel tirant un premier bilan de l'application de la loi relative au de PACS.

Lors de l'examen du projet de loi de réforme de la Commission nationale informatique et libertés (CNIL) 212 ( * ) , un amendement présenté par MM. Gérard Gouzes et Jean-Pierre Michel tendant à procéder à cette réforme avait été adopté en prem ière lecture à l'Assemblée nationale, malgré l'opposition tant de la ministre de l'époque, Mme Marylise Lebranchu, que de M. Bernard Roman, alors président de la commission des lois, qui avaient considéré que cette disposition était sans lien avec le projet de loi. La commission des lois du Sénat, tout en rappelant qu'elle était opposée à ce que le PACS soit considéré comme un acte d'état civil, avait donné un avis favorable à cette proposition, en reconnaissant les difficultés pratiques auxquelles se trouvaient confrontés les greffes. Elle n'avait cependant pas été suivie par le Sénat.

Rappelons que dans sa décision n° 99-419 DC du 9 novembre 1999, le Conseil constitutionnel a souligné que « La conclusion d'un pacte civil de solidarité ne donne lieu à l'établissement d'aucun acte d'état civil, l'état civil des personnes qui le concluent ne subissant aucune modification. ».

Le groupe de travail sur le PACS s'est de nouveau prononcé en ce sens en novembre 2004, en estimant que les débats sur le PACS s'étant apaisés, il convenait d'accepter cette mesure de simplification.

Si votre commission souscrit à cet objectif, elle s'interroge cependant sur l'opportunité de soumettre, comme le fait le projet de loi, l'existence de conventions modificatives à la même publicité. Le groupe de travail préconisait d'ailleurs que les modifications du pacte initial affectant son contenu et non le principe même de son existence ne soient portées que sur le registre chronologique constitué auprès du greffier ayant enregistré le pacte initial.

En outre, le projet de loi, reprenant une préconisation du groupe de travail sur le PACS, prévoit une mention simplifiée ne révélant pas l'identité du partenaire .

Cette discrétion tient compte des inquiétudes exprimées quant à l'atteinte à la vie privée et à de possibles réactions homophobes. Elle correspond en outre à une délibération déjà ancienne de la CNIL 213 ( * ) .

Par ailleurs, le projet de loi précise les dates de prise d'effet du PACS entre les partenaires, mais aussi vis-à-vis des tiers, ce qui contribuera à renforcer la sécurité juridique du dispositif.

Actuellement, l'article 515-3 indique simplement que l'inscription sur le registre du lieu de résidence confère date certaine au PACS et le rend opposable aux tiers.

Le projet de loi précise que le PACS prend effet entre les parties à compter de son enregistrement, qui lui confère date certaine, mais n'est opposable aux tiers qu'à compter du jour où les formalités de publicité sont accomplies. Il en va de même des conventions modificatives.

? L'article 27 du projet de loi a prévu de différer d'une année l'entrée en vigueur des dispositions relatives à la publicité du PACS pour les PACS conclus antérieurement à la présente loi. Ainsi, les partenaires qui ne souhaiteraient pas voir la mention du PACS inscrite en marge de leur état civil auront la possibilité de dissoudre leur pacte avant l'expiration du délai imparti. Au contraire, ceux qui souhaitent voir cette mention apposée immédiatement pourront en faire la demande.

Art. 515-7 du code civil : Dissolution du PACS

Le projet de loi simplifie ensuite la rédaction de l'actuel article 515-7, qui prévoit les différentes modalités de dissolution du PACS.

Au 30 septembre 2004, sur les 131.651 PACS conclus, 15.641 ruptures étaient intervenues, dont moins de 5 % étaient consécutives à une décision unilatérale. Il semble cependant que de nombreux partenaires omettent de déclarer la dissolution de leur PACS en cas de rupture.

Il peut être mis fin au PACS :

- d'un commun accord, par les partenaires. Actuellement, les partenaires remettent une déclaration conjointe écrite au greffe du tribunal d'instance dans le ressort duquel l'un d'entre eux au moins a sa résidence. Le projet de loi vise désormais le greffe du tribunal d'instance du lieu d'enregistrement du PACS, afin de faciliter l'information des tiers sur la permanence du PACS ;

- unilatéralement par l'un des partenaires. Actuellement, le partenaire signifie sa décision à l'autre par huissier et adresse copie de la signification au greffe du tribunal d'instance qui a reçu l'acte initial. Le projet de loi ne modifie pas ce point. Comme actuellement, le partenaire qui subit la rupture pourra éventuellement demander réparation du dommage, notamment en cas de faute tenant aux conditions de rupture. Il pourra en être de même en cas de brusque rupture du pacte provoquée par le mariage du partenaire ;

- par le mariage ou le décès de l'un d'eux . Actuellement, lorsque l'un des partenaires met fin au PACS en se mariant, il en informe l'autre par voie de signification et adresse copies de celle-ci et de son acte de naissance sur lequel est portée mention du mariage au greffe du tribunal d'instance qui a reçu l'acte initial ; lorsque le PACS prend fin par le décès d'un des partenaires, le survivant ou tout intéressé adresse copie de l'acte de décès au greffe du tribunal d'instance qui a reçu l'acte initial. Le projet de loi prévoit que le greffier du tribunal d'instance, informé du mariage ou du décès par l'officier de l'état civil compétent, enregistre la dissolution et fait procéder aux formalités de publicité. Votre commission vous propose de préciser par amendement que le greffier qui enregistre la dissolution en cas de mariage ou de décès est celui du tribunal d'instance du lieu d'enregistrement du PACS.

Ces formalités seront simplifiées puisque le tribunal compétent sera désormais toujours celui de l'enregistrement du PACS initial .

Actuellement, le greffier qui reçoit la déclaration ou les actes porte ou fait porter la mention de la fin du pacte en marge de l'acte initial et fait procéder à l'inscription de cette mention en marge du registre prévu au tribunal du lieu de naissance des partenaires (ou au tribunal de grande instance de Paris lorsque l'un d'eux est né à l'étranger). Le projet de loi prévoit que le greffier enregistre la dissolution et fait procéder aux formalités de publicité en marge de l'acte de naissance.

Le projet de loi précise en outre la date d'effet de la dissolution .

Actuellement , le PACS prend fin :

- dès la mention en marge de l'acte initial de la déclaration conjointe ;

- trois mois après la signification par huissier en cas de rupture unilatérale (sous réserve qu'une copie ait été portée à la connaissance du greffier du tribunal d'enregistrement du PACS) ;

- à la date du mariage ou du décès de l'un des partenaires.

Le projet de loi prévoit, comme pour la conclusion du PACS, que la dissolution du PACS prend effet dans les rapports entre les partenaires à la date de son enregistrement au greffe, mais n'est opposable aux tiers qu'à partir du jour où les formalités de publicité ont été accomplies. Le délai de trois mois en cas de rupture unilatérale est donc supprimé.

Rien n'est modifié s'agissant de la dissolution du PACS en cas de mariage ou de décès. Elle prendra effet à la date de l'événement et non de la publicité, l'actualisation des deux actes de naissance pouvant être effectuée à des dates différentes.

En l'absence de démarches auprès du greffe, le pacte continuera de produire ses effets tant à l'égard des partenaires que des tiers. Cette disposition n'est pas anodine, de nombreux partenaires, auxquels incombe cette démarche, oubliant d'y procéder, et en méconnaissant totalement les conséquences. Il serait donc opportun d'inciter les greffiers par voie de circulaire à rappeler ces formalités lors de l'enregistrement du PACS.

Le projet de loi prévoit enfin qu'à l'étranger, les fonctions dévolues au greffier du tribunal d'instance sont exercées par les agents diplomatiques et consulaires français.

? Votre commission vous propose d'adopter un amendement afin de préciser les modalités de liquidation des créances entre partenaires .

Le projet de loi fait de la séparation de biens le régime patrimonial de droit commun du PACS (article 21 ter ). Par conséquent, le partenaire ayant fourni les deniers nécessaires à l'acquisition, à la conservation ou à l'amélioration d'un bien personnel de l'autre partenaire, ou qui a contribué lors de l'acquisition, de la conservation ou de l'amélioration d'un bien indivis dans des proportions excédant sa part sur les biens, sera titulaire d'une créance.

La loi du 15 novembre 1999 ne prévoit aucune disposition s'agissant du régime applicable à cette créance. L'amendement propose de faire application de la règle du valorisme figurant à l'article 1469 du code civil. Si une plus-value a été réalisée sur le bien, elle profitera à chacun des partenaires à proportion de son investissement initial.

Le paiement de la créance, qui s'effectue normalement par le versement d'une somme d'argent, pourra se compenser avec une dette résultant de la contribution des partenaires aux charges de la vie courante commune.

Votre commission vous propose d' adopter l'article 21 bis ainsi modifié .

Article 21 ter nouveau (art. 515-4, 515-5 et 515-5-1 à 515-5-3 du code civil)
Droits et devoirs des partenaires - Régime patrimonial du PACS

L'Assemblée nationale a, à l'initiative du Gouvernement, adopté avec l'avis favorable de la commission des lois un amendement tendant à introduire un article additionnel afin de préciser les droits et devoirs des partenaires d'un PACS et de réformer substantiellement le régime patrimonial du PACS, unanimement décrié.

Le régime patrimonial du PACS est composé d'un régime primaire (art. 515-4 du code civil) composé de règles d'ordre public destinées à régir la vie courante (l'aide mutuelle et matérielle, d'une part, la solidarité pour les besoins de la vie courante et les dépenses liées au logement commun, d'autre part), et d'un régime secondaire (art. 515-5 du code civil) composé de règles relatives à l'organisation du patrimoine.

Art. 515-4 du code civil : Régime primaire du PACS

Le projet de loi modifie tout d'abord profondément l'étendue des droits et devoirs des partenaires.

- Actuellement , le premier alinéa de l'article 515-4 prévoit que les partenaires liés par un PACS s'apportent une aide mutuelle et matérielle , dont les modalités sont fixées par le pacte.

La décision du Conseil constitutionnel précitée a apporté quelques précisions importantes. Ainsi, « la notion de vie commune ne couvre pas seulement une communauté d'intérêts et ne se limite pas à l'exigence d'une simple cohabitation entre deux personnes... [Elle] suppose, outre une résidence commune, une vie de couple ». Elle en conclut que les parties ne peuvent déroger à « la condition relative à la vie commune, à l'aide mutuelle et matérielle que les partenaires doivent s'apporter, ainsi qu'aux conditions de cessation du pacte. [...] L'aide mutuelle et matérielle s'analyse en conséquence comme un devoir entre partenaires du pacte ; [...] il en résulte implicitement mais nécessairement que, si la libre volonté des partenaires peut s'exprimer dans la détermination des modalités de cette aide, serait nulle toute clause méconnaissant le caractère obligatoire de ladite aide ». Il revient au juge du contrat, en cas de litige, de la définir en fonction de la situation respective des partenaires.

- Le projet de loi prévoit pour sa part que les partenaires s'engagent à une vie commune, ainsi qu'à une aide matérielle et une assistance réciproques .

Votre commission approuve tout à fait la définition prévue par le projet de loi à l'instigation du groupe de travail de l'aide mutuelle et matérielle . Il est ainsi précisé que l'aide mutuelle entre les partenaires est fonction de leurs capacités contributives respectives, si les partenaires n'en disposent pas autrement, comme cela est prévu s'agissant des époux par l'article 214.

Le projet de loi réforme ensuite le régime des obligations des partenaires.

Actuellement, le second alinéa de l'article 515-4 précise que les partenaires sont tenus solidairement à l'égard des tiers des dettes contractées par l'un d'eux pour les besoins de la vie courante et pour les dépenses relatives au logement commun.

Le projet de loi, suivant les préconisations du groupe de travail, supprime la mention des dépenses relatives au logement commun, considérée comme redondante, et exclut cette solidarité s'agissant des dépenses manifestement excessives .

Il remédie ainsi à une anomalie de la loi, puisque les partenaires se trouvaient assujettis à un régime de solidarité à l'égard des tiers pour les dettes contractées par un partenaire pour les besoins de la vie courante plus lourd que celui des époux. L'article 220 relatif à la solidarité pécuniaire des époux exclut en effet les dépenses manifestement excessives, les achats à tempérament ou les emprunts contractés sans le consentement des deux. Le projet de loi n'a toutefois pas jugé utile de reprendre la référence aux achats à tempérament et à l'emprunt.

La solidarité entre partenaires concernant les dépenses de la vie courante est donc mieux encadrée.

Art. 515-5 du code civil : Régime de droit commun de séparation de biens

La complexité du régime patrimonial du PACS, qui repose sur deux présomptions d'indivision différentes selon le type de biens, est très critiquée. De plus, le régime de l'indivision peut rendre très conflictuelle une séparation. Le projet de loi instaure donc un régime légal nouveau fondé sur la séparation des patrimoines.

Le mécanisme actuel , défini à l'article 515-5 du code civil, cumule complexité et rigidité.

Il prévoit deux régimes différents selon la nature des biens acquis :

- les meubles meublants dont les partenaires feraient l'acquisition à titre onéreux postérieurement à la conclusion du PACS sont présumés indivis par moitié, sauf déclaration contraire dans la convention initiale . Il en est de même lorsque la date d'acquisition de ces biens ne peut être établie ;

- les autres biens dont les partenaires deviennent propriétaires à titre onéreux postérieurement à la conclusion du pacte sont présumés indivis par moitié sauf si l'acte d'acquisition ou de souscription en dispose autrement .

S'il est possible d'écarter dans le pacte initial la présomption d'indivision pour les meubles meublants acquis postérieurement au PACS, c'est donc impossible s'agissant des autres biens . Or, il est fastidieux de devoir exiger une facture pour chaque bien. Les partenaires peuvent donc convenir d'une convention modificative excluant l'indivision pour ces autres biens, ce qui suppose des formalités supplémentaires.

Le Conseil constitutionnel a toutefois précisé dans sa décision précitée que les parties pouvaient décider, pour les meubles meublants, dans la convention initiale ou dans un acte la modifiant et pour les autres biens, dans l'acte d'acquisition ou de souscription, d'appliquer le régime conventionnel d'indivision prévu par les articles 1873-1 et suivants du même code.

En outre, le champ de l'indivision est incertain puisque la formulation du texte ne permet pas de savoir avec certitude s'il comprend les revenus, les deniers, et les biens créés après la signature du PACS.

Or, l'indivision est un régime très critiqué car lourd et par nature temporaire. Il peut s'avérer extrêmement injuste pour les partenaires restés dans l'ignorance de ces effets radicaux, ce qui est le cas pour la plupart.

? La proposition de loi n° 162 relative au régime des biens acquis postérieurement à la conclusion d'un pacte civil de solidarité, déposée le 27 janvier 2005 par notre collègue M. Patrice Gélard, jointe à l'examen de ce texte, préconise pour sa part d'étendre au PACS le régime de la communauté réduite aux acquêts -qui est celui de droit commun pour les époux-, avec possibilité de choisir un autre régime par acte authentique.

Votre commission considère cependant peu opportune l'adoption d'un régime communautariste s'agissant d'un contrat à vocation patrimoniale, et dont l'attrait premier repose dans sa souplesse.

Le projet de loi choisit de soumettre le PACS au régime de la séparation des patrimoines, suivant les préconisations du groupe de travail.

Il se rapproche par conséquent du régime de séparation de biens prévu par la loi du 13 juillet 1965 pour les époux aux articles 1536 à 1543 du code civil.

Le premier alinéa de l'article 515-5 modifié reprend les dispositions de l'article 1536 applicable aux époux et prévoit que, sauf dispositions contraires de la convention, chacun des partenaires conserve l'administration, la jouissance et la libre disposition de ses biens personnels. Chacun reste seul tenu des dettes personnelles nées avant ou pendant le pacte, hors le cas des dettes contractées pour les besoins de la vie courante.

Le deuxième alinéa reprend les dispositions des premier et dernier alinéas de l'article 1538 et indique que chacun des partenaires peut prouver par tous les moyens, tant à l'égard de son partenaire que des tiers, qu'il a la propriété exclusive d'un bien. Les biens sur lesquels aucun des partenaires ne peut justifier d'une propriété exclusive sont réputés leur appartenir indivisément, à chacun pour moitié.

Enfin, le troisième alinéa prévoit que le partenaire qui détient individuellement un bien meuble est réputé, à l'égard des tiers de bonne foi, avoir le pouvoir de faire seul sur ce bien tout acte d'administration, de jouissance ou de disposition. Cette disposition inédite vise à mieux protéger les tiers.

Ainsi que l'a rappelé M. Patrick Bloche lors de l'examen du projet de loi à l'Assemblée nationale, cette solution avait été préconisée dès 1997 par la mission conduite par M. Jean-Pierre Michel et lui-même au nom de la commission des lois de l'Assemblée nationale.

L'Assemblée nationale a ensuite inséré à l'initiative du Gouvernement et avec l'avis favorable de la commission des lois trois articles additionnels 515-5-1 à 515-5-3 permettant aux partenaires qui le souhaitent d'opter pour un régime d'indivision organisé.

Art. 515-5-1 du code civil : Possibilité d'opter pour le régime de l'indivision

Cet article laisse la possibilité aux partenaires d'opter conventionnellement pour un régime plus communautaire correspondant au mécanisme actuel de l'indivision corrigé de ses excès.

En particulier, serait supprimée la distinction entre les meubles meublants et les autres biens.

Cette option pourrait être prise dans la convention initiale ou dans la convention modificative.

Les biens acquis, ensemble ou séparément, à compter de l'enregistrement de ces conventions, seraient alors réputés indivis par moitié, sans recours de l'un des partenaires contre l'autre au titre d'une contribution inégale.

Art. 515-5-2 du code civil : Champ d'application de l'indivision

Le projet de loi précise ensuite le champ d'application de l'indivision.

Seuls les biens acquis avec des fonds perçus pendant la durée du PACS (gains et salaires, revenus des biens personnels) seraient soumis à l'indivision. Les biens acquis avec les deniers perçus avant le PACS ou reçus par succession ou donation (deniers définitivement personnels) resteraient des biens personnels. En outre, l'indivision porterait sur le résultat de l'investissement, les deniers perçus pendant le PACS non investis demeurant personnels à chacun des partenaires.

L'emploi de deniers antérieurs à la conclusion de la convention initiale ou modificative ou de deniers provenant de donation ou de succession devrait faire l'objet d'une mention dans l'acte d'acquisition. A défaut, le bien serait réputé indivis par moitié et ne donnerait lieu qu'à une créance entre partenaires. L'exigence de mention particulière dans l'acte de donation ou de souscription serait désormais beaucoup mieux circonscrite.

Outre un amendement rédactionnel, votre commission vous propose d'adopter un amendement de précision.

Art. 515-5-3 du code civil : Fonctionnement de l'indivision

Le projet de loi prévoit également une modification des règles de gestion des biens indivis afin de permettre une plus grande souplesse.

Ainsi, à défaut de dispositions contraires dans la convention, chaque partenaire serait considéré comme gérant de l'indivision , et pourrait exercer les pouvoirs reconnus par les articles 1873-6 et suivants. Votre commission vous propose par amendement de viser expressément les articles applicables, à savoir les articles 1873-6 et 1873-8.

Le gérant exerce les pouvoirs attribués à chaque époux sur les biens communs, mais ne peut vendre les meubles corporels que pour les besoins d'une exploitation normale des biens indivis, ou s'ils sont difficiles à conserver (art. 1873-6).

Les décisions excédant ses pouvoirs sont prises à l'unanimité. Les indivisaires peuvent cependant prévoir des règles différentes, sauf en matière de vente des immeubles indivis (art. 1873-8).

Le projet de loi ajoute que les partenaires peuvent conclure une convention relative à l'exercice de leurs droits indivis, dans les conditions énoncées aux articles 1873-1 et suivants, qui définissent le régime de l'indivision conventionnelle (et non successorale). A peine d'inopposabilité, cette convention devrait, à l'occasion de chaque acte d'acquisition d'un bien soumis à publicité foncière, être publiée à la conservation des hypothèques.

La convention prévoit ainsi qu'en cas d'aliénation de tout ou partie des droits d'un indivisaire dans les biens indivis, les coindivisaires bénéficient d'un droit de préemption et de substitution (art. 1873-12). En outre, les indivisaires peuvent convenir qu'au décès de l'un d'eux, le survivant pourra acquérir la quote-part du défunt (art. 1873-13).

Votre commission vous propose ici encore de préciser par amendement ces références.

Enfin, le projet de loi prévoit que par dérogation à l'article 1873-3, qui prévoit que la convention est conclue pour une durée déterminée de cinq ans maximum renouvelable ou pour une durée indéterminée, la convention d'indivision est réputée conclue pour la durée du PACS.

Il ajoute que les partenaires pourront décider lors de la dissolution du pacte qu'elle continue de produire ses effets.

Votre commission vous propose d'adopter un amendement rédactionnel, puis d' adopter l'article 21 ter ainsi modifié .

Article 21 quater (nouveau) (art. 60 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statuaires relatives à la fonction publique de l'Etat)
Lutte contre les PACS de complaisance

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de Mme Valérie Pécresse et de plusieurs de ses collègues, adopté avec les avis favorables, tant de la commission des lois que du Gouvernement, un amendement tendant à insérer un article additionnel afin de lutter contre la conclusion de PACS de complaisance visant à obtenir plus facilement des mutations dans la fonction publique.

Les députés ont considéré que, par la liberté de séparation qu'il offre, le PACS ouvre des possibilités de fraude, en particulier dans la fonction publique, et jugé nécessaire de vérifier la réalité de l'engagement des partenaires.

Le projet de loi modifie donc l'article 60 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statuaires relatives à la fonction publique de l'Etat et subordonne les demandes de mutation en vue d'un rapprochement géographique avec le lieu de travail du partenaire dans la fonction publique d'Etat à la production de la preuve que les partenaires se soumettent à l'obligation d'imposition commune prévue par le code général des impôts.

Rappelons que si la loi du 15 novembre 1999 relatif au PACS exigeait un délai de trois ans à compter de l'enregistrement du PACS pour bénéficier de l'imposition commune des revenus, la loi de finances pour 2005 a supprimé ce délai et aligné les conditions d'imposition à l'impôt sur le revenu sur celle des époux.

Cette disposition reprend partiellement une préconisation du rapport précité de la mission d'information de l'Assemblée nationale sur la famille et les droits des enfants, qui avait plus largement suggéré de soumettre tous les droits sociaux ouverts par le PACS à la preuve que les revenus des partenaires font l'objet d'une imposition commune.

Votre commission vous propose d' adopter l'article 21 quater sans modification .

Article 22 (art. 55, 62, 116, 368-1, 389-5, 466, 504, 505, 515-6, 723, 730-5, 732, 738-1, 738-2, 751, 754, 755, 757-3, 758-6, 763, 914-1, 916, 1130, 1251, 1390, 1873-14, 1973, 2013, 2103, 2109, 2111, 2147, 2258 et 2259 du code civil)
Dispositions diverses et de coordination

Cet article prévoit de nombreuses modifications du code civil répondant à des objets extrêmement divers.

• L'inscription des enfants en marge de l'acte de naissance de leurs parents (1° et 2°)

Le et le ont respectivement pour objet de modifier les articles 55 et 62 du code civil afin de prévoir l'inscription obligatoire, en marge de l'acte de naissance :

- pour chacun des parents, de la mention de la déclaration de naissance de chacun de ses enfants ;

- pour l'auteur d'une reconnaissance de paternité, de la mention de l'acte de reconnaissance de l'enfant .

Ces dispositions, qui ont fait l'objet d'améliorations formelles de la part de l'Assemblée nationale, répondent à une demande fréquemment formulée pour faciliter le recensement des enfants susceptibles d'hériter.

Cette demande revêt une acuité d'autant plus grande que toute distinction a disparu entre les enfants légitimes et naturels, alors que les premiers sont, par la force des choses, plus facilement identifiés au moment de l'ouverture de la succession que les seconds.

L'enfant naturel peut ne pas être appelé au règlement de la succession de son auteur, uniquement parce que sa reconnaissance par le défunt n'est pas connue.

En France, la reconnaissance de paternité s'effectue devant l'officier de l'état civil, par un jugement ou par tout autre acte authentique, que cet acte soit dressé spécialement à cet effet ou pour un autre objet (donation ou contrat de mariage, par exemple). La reconnaissance peut être faite avant ou après la naissance de l'enfant, quel que soit l'âge de ce dernier et sans que son consentement soit requis. C'est un acte irrévocable.

Lorsqu'elle est faite devant l'officier de l'état civil, la reconnaissance donne lieu à une transcription en marge de l'acte de naissance de l'enfant . Cette mention n'est d'aucun secours au moment de l'ouverture de la succession si l'existence de cette enfant n'est pas connue.

Quant à la reconnaissance faite devant notaire, elle ne fait l'objet d'aucune publicité et, si le notaire chargé de régler la succession n'est pas celui qui a reçu l'acte contenant la reconnaissance, le défunt emportera avec lui son secret.

Il est ainsi paradoxal de reconnaître aux enfants naturels des droits successoraux identiques à ceux des enfants légitimes, sans en assurer l'effectivité.

La mesure proposée rejoint l'une des solutions envisagées dans l'ouvrage « Demain la famille » publié à la suite du 95 e congrès des notaires de France organisé à Marseille au mois de mai 1999.

Elle semble efficace, dans la mesure où les actes de l'état civil du défunt font partie des pièces demandées dès l'ouverture du dossier de succession, même si elle ne portera ses fruits que progressivement puisqu'elle ne s'appliquera qu'aux enfants nés après on entrée en vigueur et ne permettra pas de prendre en compte les enfants nés à l'étranger de parents étrangers, venus ensuite s'installer en France, ou de Français résidant à l'étranger mais ne procédant pas à la déclaration de naissance de l'enfant auprès des agents diplomatiques ou consulaires.

Sur le plan pratique, elle aura pour conséquence d'imposer au service de l'état civil de la commune de naissance de chaque enfant, à compter de l'entrée en vigueur de la loi, qu'il informe systématiquement ses homologues des communes de naissance des parents ou de la personne ayant reconnu l'enfant, de façon à permettre l'inscription en marge de leur acte de naissance, regroupant ainsi la mention de tous les enfants de chaque adulte.

La principale difficulté tient au fait que les marges des actes de naissance ne sont pas indéfiniment extensibles, tandis que la dématérialisation des registres de l'état civil progresse lentement.

Les mentions devant déjà être portées en marge de l'acte de naissance

* S'agissant du lien matrimonial :

mariage

annulation du mariage

séparation de corps et divorce

déclaration de reprise de la vie commune

rectifications ou annulations relatives à l'une de ses mentions

* S'agissant du décès :

décès

absence

rectifications ou annulation de ces mentions

* S'agissant du lien de filiation :

reconnaissance (parfois des deux parents)

décision judiciaire d'annulation de la reconnaissance ou de contestation

possession d'état

légitimation (de plein droit, post-nuptias, par autorité de justice, après mariage posthume)

adoption simple

annulation de l'acte après adoption plénière

jugement de désaveu, de contestation de paternité

jugement déclaratif de paternité et tranchant un conflit de filiation

rectifications ou annulations de ces mentions

* S'agissant des noms et prénoms

changement de prénom à la suite d'un décret de francisation

changement ou suppression de prénom (décision judiciaire)

changement de nom par décret

changement de nom suite à une francisation

changement de nom de l'enfant naturel (déclaration conjointe de changement de nom -art. 334-2- ou décision judiciaire art. 334-3)

changement de nom

changement de nom suite à une déclaration conjointe d'adjonction de nom (art. 23 de la loi du 4 mars 2002)

dation de nom

rectifications ou annulations de ces mentions

* Rectification ou annulation de l'acte

* S'agissant des mentions relatives à la nationalité française :

actes administratifs

déclarations de nationalité française

décisions judiciaires

certificats de nationalité française

* Autres mentions :

inscription au et radiation du répertoire civil

changement de sexe

rectifications ou annulations de ces mentions

annulation des actes

Source : ministère de la justice .

En sus de la mention des enfants en marge de l'acte de naissance de leurs parents, le projet de loi prévoit diverses mentions relatives au PACS :

enregistrement de la constitution d'un PACS ;

enregistrement de chacune des modifications du PACS ;

enregistrement de sa dissolution ;

rectifications ou annulations de ces mentions.

La mention des enfants en marge de l'acte de naissance de leurs parents, qui atteste d'un fait, n'a pas vocation à être actualisée par l'apposition de nouvelles mentions (décès de l'enfant, changement de nom de l'enfant...).

L'objectif est exclusivement de permettre l'identification de la descendance d'un individu et non de transformer l'acte de naissance en fiche individuelle de descendance.

Sur le plan des principes, les dispositions proposées ont été contestées par les représentants des avocats, lors de leur audition par votre rapporteur, au triple motif qu'elles :

- porteraient une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée ;

- oublieraient les possessions d'état ;

- seraient limitées aux naissances et reconnaissances en France.

Il convient toutefois d'observer :

- en premier lieu et en application d'un décret du 3 août 1962, que la délivrance des copies intégrales ou des extraits d'actes de l'état civil comportant les mentions relatives à la filiation n'est ouverte qu'aux personnes concernées ou à leurs ascendants ou descendants ;

- en deuxième lieu, qu'aux termes de l'ordonnance du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation, dont l'entrée en vigueur interviendra le 1 er juillet 2006, la possession d'état ne constitue un mode d'établissement de la filiation que lorsqu'elle est constatée, et ce sous des conditions de procédure et de délai strictes ;

- en dernier lieu, que les changements de situations intervenues à l'étranger donnent lieu à l'actualisation des actes détenus par des officiers de l'état civil communaux ou consulaires.

Enfin, s'agissant de l'incidence de l'omission éventuelle de l'obligation de porter mention de l'acte de naissance ou de reconnaissance de l'enfant en marge de l'acte de naissance de ses parents, la jurisprudence a déjà pu considérer que la validité de l'acte de reconnaissance d'un enfant naturel, faite dans les formes prescrites par la loi, ne pouvait être subordonnée à l'existence de sa mention dans son acte de naissance, dès lors qu'il n'existait aucun doute sur l'identité de l'enfant. De même, l'omission de la mention de l'existence d'un mariage sur l'acte de naissance des époux n'entraîne naturellement pas la nullité de ce dernier, sans qu'il soit besoin d'une disposition expresse.

La nouvelle obligation de mention prévue ici constitue de la même manière une simple obligation à but informatif et non procédural. Les éventuelles conséquences d'une omission seront, d'une part, que l'enfant devra rapporter la preuve de son lien de filiation par d'autres moyens, notamment son acte de naissance et, d'autre part, que la responsabilité du service de l'état civil pourra le cas échéant être engagée dans les conditions du droit commun. Qu'elle résulte de l'absence de mention sur l'acte de naissance du défunt ou d'une autre cause, la constatation de l'omission de la mention de l'existence d'un enfant en marge de l'acte de naissance de l'un de ses parents décédé donnera lieu à un nouveau partage ou à un partage complémentaire.

• La clarification des règles relatives au droit de retour des biens dans le cas de la succession d'un adopté simple en présence d'un conjoint survivant (3° bis nouveau)

Le bis inséré par l'Assemblée nationale sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement a pour objet de modifier l'article 368-1 du code civil afin de clarifier les règles relatives au droit de retour des biens dans le cas de la succession d'un adopté simple en présence d'un conjoint survivant .

S'agissant des successions ab intestat , la loi n° 2001-1135 du 3 décembre 2001 a inséré un article 757-2 dans le code civil afin de prévoir qu'en l'absence d'enfants ou de descendants du défunt et de ses père et mère, le conjoint survivant recueille toute la succession.

Elle a toutefois ménagé une exception à cette règle qu'elle a fait figurer dans un nouvel article 757-3 : en cas de prédécès des père et mère, les biens que le défunt avait reçus d'eux par succession ou donation et qui se retrouvent en nature dans la succession sont, en l'absence de descendants, dévolus pour moitié aux frères et soeurs du défunt ou à leurs descendants, eux-mêmes descendants du ou des parents prédécédés à l'origine de la transmission. L'objectif recherché était d'assurer le maintien dans la famille de sang de certains biens.

L'article 368-1, qui prévoit lui aussi un droit de retour au profit des frères et soeurs d'un défunt ayant fait l'objet d'une adoption simple en l'absence de descendants, n'a pas été modifié. En l'état actuel du droit :

- si l'adopté meurt sans descendants, les biens donnés par l'adoptant ou recueillis dans sa succession retournent à l'adoptant ou à ses descendants, s'ils existent encore en nature lors du décès de l'adopté, à charge de contribuer aux dettes et sous réserve des droits acquis par les tiers ;

- les biens que l'adopté avait reçus à titre gratuit de ses père et mère retournent pareillement à ces derniers ou à leurs descendants ;

- le surplus des biens de l'adopté se divise par moitié entre la famille d'origine et la famille de l'adoptant, sans préjudice des droits du conjoint sur l'ensemble de la succession.

Le conjoint survivant n'a donc aucun droit sur les biens donnés par l'ascendant adoptant.

La modification proposée consiste à prévoir que l'article 368-1 ne s'applique qu'à défaut de descendants et de conjoint survivant : en conséquence, en présence d'un conjoint survivant, le droit de retour sera limité dans les conditions prévues par l'article 757-3.

• L'allègement des procédures de partage en présence d'une personne présumée absente ou éloignée, d'un mineur ou d'un majeur sous tutelle (3°, 4°, 5°, 6°)

Les 3°, 4°, 5° et 6° de cet article complètent les mesures de simplification opérées par l'article 4 du projet de loi en matière de partage et visant à privilégier le recours aux partages amiables et à substituer à l'homologation par le tribunal de grande instance une simple approbation de l'état liquidatif par un juge unique.

? Le de cet article apporte les coordinations nécessaires aux modifications apportées par l'article 4 du projet de loi aux articles 836 à 842 en matière de partage d'une succession auquel est appelée une personne présumée absente 214 ( * ) ou qui, par suite d'éloignement, se trouverait hors d'état de manifester sa volonté 215 ( * ) .

Actuellement, lorsque le présumé absent est appelé au partage d'une succession, le juge des tutelles se borne à autoriser le partage et à désigner un notaire, le principe étant celui du partage judiciaire. Un partage amiable est cependant possible sous contrôle judiciaire, le tribunal de grande instance homologuant l'état liquidatif du partage tel que dressé par le notaire.

L'article 4 du projet de loi allège cette procédure en faisant du partage amiable sous contrôle judiciaire le principe.

De même, l'actuel article 116 fait référence au premier alinéa de l'article 838 pour prévoir un partage judiciaire en présence d'un présumé absent appelé à un partage, tout en précisant que le juge des tutelles peut autoriser le partage même partiel et désigner un notaire pour y procéder en présence du représentant du présumé absent, l'état liquidatif étant soumis à l' homologation du tribunal de grande instance .

Le projet de loi procède à une coordination en faisant référence non plus à l'article 838, mais aux nouveaux articles 840 et suivants qui prévoient un partage judiciaire lorsque le partage amiable n'a pas été autorisé ou approuvé dans l'un des cas prévus aux articles 836 et 837 qui font référence à l'indivisaire présumé absent ou hors d'état de manifester sa volonté ou défaillant.

Il substitue en outre à l'homologation de l'état liquidatif par le tribunal de grande instance , jugée trop lourde, une simple approbation du juge.

Le choix du terme « approbation » répond aux remarques de certains auteurs, qui considèrent que l'homologation n'est qu'une vérification formelle de l'acte, alors qu'en l'espèce le juge des tutelles aura pour mission de veiller à ce que les intérêts de l'absent soient respectés, notamment à travers les biens dont il a été alloti, ce que vise précisément l'approbation. En outre, l'homologation, contrairement à l'approbation, confère aux actes homologués une force exécutoire, alors que dans le cadre d'un partage, c'est l'acte notarié qui donne la force exécutoire au partage et non la décision du juge des tutelles, qui n'a compétence que pour contrôler le respect des droits de la personne absente et non pour statuer sur le partage.

Enfin, le projet de loi complète l'article 116 en prévoyant que tout autre partage afférent à un successible présumé absent ne pourrait être considéré que comme provisionnel. Le partage provisionnel consiste en une répartition de la jouissance des biens et non de leur propriété. Il permet à chacun d'user privativement des biens qui lui sont attribués et d'en acquérir les fruits, sans préjuger du partage à intervenir sur la propriété (art. 815-10). Il s'agit de la reprise des dispositions de l'actuel article 840 supprimé par l'article 4 du projet de loi.

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, adopté un amendement de réécriture globale de l'article 116 afin notamment de :

- poser expressément comme principe que le partage auquel est partie un présumé absent est amiable ;

- rendre la désignation du notaire par le juge facultative , le partage de successions ne comprenant pas d'immeubles ne nécessitant pas forcément le recours à un notaire ;

- rétablir la mention expresse du juge des tutelles , la seule mention du juge pouvant prêter à confusion avec le président du TGI.

? Le de cet article prévoit les mêmes simplifications de procédure pour les mineurs en administration légale pure et simple que celles prévues par le 3° s'agissant des présumés absents ou éloignés.

Il modifie l'article 389-5 qui prévoit qu'en présence d'un mineur dont les biens sont gérés sous le régime de l'administration légale pure et simple, c'est-à-dire par les deux parents exerçant en commun l'autorité parentale, le juge des tutelles doit autoriser le partage amiable, l'état liquidatif devant ensuite être homologué dans les conditions prévues à l'article 466, c'est-à-dire par le tribunal de grande instance.

Le projet de loi substitue à cette homologation une simple approbation .

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, prévu que cette autorisation serait donnée par le juge des tutelles.

? Le de cet article traite du cas des mineurs et des majeurs sous tutelle et réécrit entièrement l'article 466.

Comme pour le présumé absent et la personne éloignée, l'actuel article 466 prévoit, lorsque l'un des successibles est un mineur ou un majeur sous tutelle 216 ( * ) , un partage judiciaire de principe ou un partage amiable sous contrôle judiciaire.

Contrairement aux présumés absents ou aux mineurs en administration légale pure et simple, qui relèvent du juge des tutelles, les mineurs et majeurs sous tutelle relèvent du conseil de famille 217 ( * ) . Ce conseil, présidé par le juge des tutelles, autorise le partage amiable et désigne un notaire. L'état liquidatif du partage est soumis à l'homologation du tribunal de grande instance. Le non-respect des formes prescrites a pour effet de ne rendre le partage que provisionnel.

Le projet de loi substitue à l'homologation de l'état liquidatif par le tribunal de grande instance l'approbation du conseil de famille . La phase judiciaire est cette fois totalement supprimée.

Cette garantie semble pourtant suffisante, le juge des tutelles ayant désigné les membres du conseil de famille et en étant le président. L'article 415 précise en outre qu'il a voix délibérative et prépondérante en cas de partage. De plus, l'article 416 prévoit la nullité des délibérations du conseil de famille en cas de dol, de fraude ou d'omission de formalités substantielles. L'action en nullité peut être exercée dans les deux ans par le tuteur, le subrogé tuteur, les membres du conseil et le ministère public, ainsi que par le mineur devenu majeur ou émancipé (le délai courant à compter de l'émancipation ou de la majorité). Enfin, les articles 1221, 1222 et 1223 du nouveau code de procédure civile permettent au juge des tutelles de suspendre l'effet exécutoire de la délibération et d'exercer un recours contre celle-ci, dans les quinze jours devant le tribunal de grande instance lorsque le partage apparaît déséquilibré.

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, adopté un amendement tendant à :

- mieux faire apparaître la préférence désormais accordée au partage amiable ;

- rendre facultative la désignation du notaire par le conseil de famille, pour les mêmes raisons que précédemment.

? Puis l'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, introduit un 4° bis et un 4° ter tendant à procéder aux coordinations nécessaires aux articles 461 et 462 qui traitent des particularités de l'option successorale pour les mineurs non émancipés et par renvoi, pour les majeurs sous tutelle. Cette option ne peut prendre la forme que d'une acceptation à concurrence de l'actif net ou d'une renonciation à une succession.

Il est précisé en particulier à l'article 462 l'impossibilité de révoquer une renonciation à une succession dès lors que l'Etat a été envoyé en possession.

? Le procède à une coordination au sein de l'article 465 relatif à l'impossibilité pour un tuteur d'introduire en l'absence d'autorisation du conseil de famille une demande de partage au nom du mineur et supprime la référence à l'article 822 relatif à l'action en partage, partiellement transposé au sein de l'article 841. L'Assemblée nationale a ensuite, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, adopté un amendement rédactionnel.

• La possibilité offerte aux majeurs en tutelle de tester après avoir préalablement reçu l'accord du conseil de famille (6° bis nouveau)

Le bis , inséré par l'Assemblée nationale sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, a pour objet de réécrire l'article 504 du code civil afin d' autoriser les majeurs en tutelle à tester après avoir préalablement reçu l'accord du conseil de famille ou du juge des tutelles s'il n'y a pas de conseil de famille .

En l'état actuel du droit, le testament fait par le majeur après l'ouverture de la tutelle est nul de droit, le testament antérieurement fait restant valable, à moins qu'il ne soit établi que, depuis l'ouverture de la tutelle, la cause qui a déterminé le testateur à disposer a disparu.

Désormais, le majeur en tutelle pourrait tester à la condition d'y avoir préalablement été autorisé par le conseil de famille ou, à défaut, par le juge des tutelles 218 ( * ) . Pour établir un tel acte, il ne pourrait être représenté par son tuteur, même avec l'autorisation du conseil de famille ou du juge.

Ces dispositions s'inscrivent dans le droit fil de la loi sur le handicap qui a reconnu divers droits aux personnes atteintes de handicaps, en particulier le droit de vote.

L'amendement déposé par la commission des lois de l'Assemblée nationale exigeait que le testament fût fait par acte authentique. Cette obligation a été supprimée par un sous-amendement de M. Emile Blessig refusé par la commission mais soutenu par le Gouvernement.

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, a déclaré : « je ne suis pas favorable à ce que seul le testament par acte notarié soit recevable. En effet, soit la personne est apte à tester, et elle peut agir seule, soit elle n'est pas apte, et il ne faut pas l'autoriser à tester. C'est un point important. L'on ne peut confier au seul notaire la capacité de recevoir le testament d'un majeur sous tutelle . »

M. Sébastien Huyghe, rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale, a fait valoir, à l'inverse, qu'« en aucun cas la rédaction du testament n'aura lieu au sein du conseil de famille, qui se contentera d'autoriser la personne protégée à tester, et celle-ci ne sera pas protégée contre d'éventuelles pressions. Voilà le risque, et il n'est pas mince ! », ce à quoi le garde des sceaux a répondu que « Seul le conseil de famille, composé des proches, est apte à juger de la capacité du majeur sous tutelle à tester. Le notaire, quant à lui, va enregistrer ; il ne va pas enquêter pour savoir si le majeur sous tutelle a été manipulé ! Si tel était le cas, comment pourrait-il le savoir, d'ailleurs ? Certes, le risque de manipulation existe, mais il faut faire confiance au conseil de famille, comme nous y invite le droit. En aucun cas un professionnel qui authentifie les actes n'a pour mission de vérifier les arrière-pensées . »

En tout état de cause, s'il s'avérait que le testament a été rédigé sous pression d'un tiers, ce qui concerne surtout le cas du testament olographe, il serait susceptible d'être annulé pour vice du consentement.

Votre commission vous soumet en conséquence un amendement de précision. La rédaction retenue par l'Assemblée nationale pourrait induire que le contenu du testament doive être approuvé par le conseil de famille. Or l'objectif recherché est de permettre au majeur en tutelle d'être autorisé à faire le testament, sans qu'il puisse y avoir un contrôle de son contenu. L'amendement qui vous est proposé tend à lever cette ambiguïté.

• Les donations faites au nom du majeur en tutelle (6° ter et 7°)

L'article 505 du code civil prévoit qu'avec l'autorisation du conseil de famille, des donations peuvent être faites au nom du majeur en tutelle, mais seulement au profit de ses descendants et en avancement d'hoirie, ou en faveur de son conjoint.

Le ter , inséré par l'Assemblée nationale à l'initiative de M. Patrick Delnatte et après un avis favorable du Gouvernement mais un avis défavorable de la commission des lois, a pour objet de permettre au majeur sous tutelle de faire des donations également à ses collatéraux privilégiés, c'est-à-dire à ses frères et soeurs, neveux et nièces.

La modification proposée aurait toutefois pour conséquence d'interdire au majeur en tutelle de consentir une donation au bénéfice de son conjoint, ce qui n'était manifestement pas dans les intentions de l'auteur de l'amendement et de ses défenseurs.

Le tend quant à lui à faire référence aux donations en avancement de part successorale et non plus en avancement d'hoirie, par coordination avec la terminologie retenue par le projet de loi.

Votre commission vous soumet un amendement de réécriture de l'article 505 afin de réparer l'erreur matérielle résultant de la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale, de faire référence aux frères et soeurs du donataire et à leurs descendants, dans la mesure où l'expression « collatéraux privilégiés » n'est pas employée dans le code civil, et de reprendre la modification rédactionnelle prévue par le projet de loi initial.

• Régime applicable en cas de vente simultanée de l'usufruit et de la nue-propriété d'un bien (9°)

Le du 22 de cet article met fin à l'incertitude actuelle concernant les modalités de répartition du prix de la cession d'un bien démembré entre l'usufruitier et le nu-propriétaire, qui ne concerne d'ailleurs pas spécifiquement les partages successoraux.

Il codifie la jurisprudence, qui se prononce en faveur de la répartition du prix de vente et des intérêts dus sur ce prix au prorata entre l'usufruit et la nue-propriété 219 ( * ) , solution contestée par une partie de la doctrine.

Les modalités de calcul de la valorisation respective des droits démembrés ne sont pas précisées par le projet de loi, ce qui renvoie à la liberté des parties. La jurisprudence a déjà accepté de ne pas asseoir nécessairement la valeur de l'usufruit sur le barème de l'article 762 du code général des impôts, qui ne s'impose qu'en matière fiscale, en se fondant par exemple sur l'âge de l'usufruitier et le revenu net qu'il pouvait espérer obtenir des actions vendues 220 ( * ) .

Rappelons cependant que la loi de finances pour 2004 a considérablement modernisé ce barème (art. 669 du code général des impôts), qui datait de 1901.

Le nouveau barème de l'usufruit
en proportion de la valeur en pleine propriété

Age de l'usufruitier

Valeur de l'usufruit

Valeur de la nue-propriété

Jusqu'à 20 ans

De 21 à 30 ans

De 31 à 40 ans

De 41 à 50 ans

De 51 à 60 ans

De 61 à 70 ans

De 71 à 80 ans

De 81 à 90 ans

À partir de 91 ans

9/10

8/10

7/10

6/10

5/10

4/10

3/10

2/10

1/10

1/10

2/10

3/10

4/10

5/10

6/10

7/10

8/10

9/10

En pratique, le contentieux en matière de répartition du prix entre usufruitier et nu-propriétaire est peu important, les parties se basant souvent sur les tables actuarielles dites de Xénard (du nom du notaire qui les a élaborées) permettant de déterminer la valeur économique de l'usufruit.

Le projet de loi laisse cependant aux parties la faculté de prévoir d'autres dispositions, et donc de reporter l'usufruit sur le prix, comme c'est la pratique notamment s'agissant de vente de parts sociales ou de valeurs mobilières. Dans ce cas, l'usufruit devient un quasi-usufruit, c'est-à-dire que l'usufruitier peut consommer les biens, à charge pour lui de les restituer à la fin de la période de l'usufruit (sans en devoir les intérêts s'il s'agit d'argent). En matière successorale, on peut ainsi démembrer la clause bénéficiaire d'un contrat d'assurance-vie : l'usufruitier des fonds, s'il doit les préserver jusqu'à sa mort pour qu'ils reviennent au nu-propriétaire, conserve les intérêts perçus du placement de la somme considérée.

Selon la Chancellerie, le remploi du prix de vente décidé d'un commun accord par l'achat d'un autre bien sur lequel nue-propriété et usufruit se reporteraient par le jeu de la subrogation réelle dans les mêmes conditions que sur le bien aliéné resterait possible, conformément à la jurisprudence actuelle 221 ( * ) .

Le second alinéa reprend en les modernisant les dispositions de l'actuel article 621 qui dispose que la vente d'un bien grevé d'un usufruit ne modifie pas le droit de l'usufruitier s'il n'y a pas renoncé . La jurisprudence a posé comme principe que la cession n'est pas nulle, mais simplement inopposable à l'usufruitier, qui peut agir à cet effet par voie de tierce opposition.

Le projet de loi précise que cette renonciation doit être formelle. L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, adopté un amendement rédactionnel afin de prévoir qu'elle est « expresse ».

• La mise en conformité du texte avec la réforme du divorce (11°, 14°, 14° bis, 15°)

? Le 11° de cet article tend à réparer un oubli de coordination de la loi du 26 mai 2004 relative au divorce entrée en vigueur le 1 er janvier 2005 en modifiant l'article 732 du code civil, qui définit le conjoint successible comme le conjoint survivant non divorcé contre lequel il n'existe pas de jugement de séparation de corps ayant force jugée .

En effet, cette disposition est contradictoire avec l'article 301, également modifié par la loi de 2004, qui prévoit qu'en cas de décès de l'un des époux séparés de corps, l'autre époux conserve les droits que la loi accorde au conjoint survivant, à moins d'y renoncer.

Le conjoint séparé de corps demeure donc successible.

? En outre, le 15° du présent article modifie les articles 914-1 et 916.

L'actuel article 914-1 fait du conjoint survivant un héritier réservataire du quart des biens en l'absence de descendants et d'ascendants , tandis que l'article 916 prévoit que le de cujus peut librement disposer de ses biens en l'absence de descendant, d'ascendant et de conjoint survivant.

Ces deux articles précisent cependant que le conjoint survivant, pour être successible, doit respecter plusieurs conditions : ne pas être divorcé, ne pas avoir fait l'objet d'un jugement de séparation de corps passé en force de chose jugée et ne pas être engagé dans une instance de divorce ou de séparation de corps.

Le projet de loi procède à une unification de la définition du conjoint successible en retenant uniquement la condition d'absence de divorce prononcé .

Cette disposition ne constitue pas une simple coordination. En l'absence de descendant et d'ascendant, l'époux en instance de divorce demeure donc réservataire. Cette solution peut paraître paradoxale, la volonté du de cujus n'étant certainement pas de maintenir les avantages consentis à son conjoint dont il veut divorcer. De plus, le de cujus ne pourra pas exhéréder son conjoint, puisque celui-ci est protégé par sa qualité d'héritier réservataire.

Si cette solution paraît contestable sur le fond , elle est toutefois conforme à la logique juridique , qui veut qu'un personne demeure formellement mariée jusqu'au prononcé du divorce. En effet, des procédures de divorce peuvent être abandonnées après une conciliation réussie, et des désistements peuvent intervenir à tout moment de la procédure.

? Le 14° de cet article vise à insérer un nouvel article 758-6 au sein de la section 2 du chapitre III du titre Ier du livre III du code civil consacrée aux « Droits du conjoint successible », afin de préciser les règles d'imputation successorale des libéralités reçues par le conjoint survivant.

La loi du 3 décembre 2001 a supprimé la règle selon laquelle les libéralités consenties au conjoint survivant, notamment en concours avec des descendants, devaient être imputées sur son usufruit légal (un quart de la succession) qui s'en trouvait diminué voire anéanti 222 ( * ) (ancien art. 767 223 ( * ) ).

Une controverse doctrinale est née de la suppression de cette imputation, la loi du 3 décembre 2001 n'ayant pas prévu de nouvelles dispositions :

- selon un premier courant , le conjoint survivant pourrait cumuler au-delà des limites de la quotité disponible spéciale entre époux ses droits légaux et ceux résultant d'une donation entre époux. Par exemple en présence d'un enfant commun, le conjoint donataire de l'une trois quotités de l'article 1094-1 224 ( * ) pourrait demander la moitié de la succession en pleine propriété au titre de la quotité disponible ordinaire en tant que donataire et l'usufruit de l'autre moitié en sa qualité d'héritier. Ce cumul permettrait au conjoint survivant de recevoir la quotité disponible ordinaire majorée de l'usufruit de la réserve ;

- selon un second courant , la juxtaposition des vocations légales 225 ( * ) et volontaires ne serait possible que dans les limites de la quotité disponible spéciale entre époux .

Le projet de loi a donc pour objectif de fixer un plafond et de déterminer le secteur d'imputation des donations de biens présents entre époux :

- il prévoit que sauf volonté contraire du disposant, les libéralités reçues du défunt par le conjoint survivant s'imputent sur ses droits dans la succession, ce qui signifie qu'elles ne s'ajoutent pas à sa vocation légale telle qu'elle résulte des articles 757 et suivants. L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, supprimé la possibilité pour le disposant d'exclure cette imputation, cette règle devant précisément contraindre le disposant à défendre les droits successoraux des descendants ;

- lorsque ces libéralités sont inférieures à sa vocation légale, le conjoint survivant pourra en demander le complément sans pouvoir excéder la quotité disponible spéciale . Ainsi, si le conjoint a reçu un usufruit portant sur le quart des biens, alors qu'en l'absence d'enfants du premier lit sa vocation successorale lui permet d'obtenir un usufruit sur la totalité des biens, sa part successorale sera augmentée en conséquence dans la limite de la quotité disponible spéciale entre époux.

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, adopté un amendement de clarification, afin de préciser que lorsque les libéralités reçues sont inférieures aux vocations légales définies aux articles 757 et 757-1 226 ( * ) , le conjoint survivant peut en réclamer le complément, sans jamais recevoir une portion des biens supérieure à la quotité définie, selon le cas, à l'article 1094-1 ou à l'article 1094-2 (selon que l'on se trouve ou non en présence d'enfants non issus des deux époux).

Votre commission approuve cette opportune clarification qui évitera toute interprétation abusive au profit du conjoint survivant des règles relatives à la quotité disponible. Elle vous propose cependant d'adopter un amendement de coordination avec son amendement de suppression de la réforme de la quotité disponible spéciale entre époux, qui devrait rester la même en présence ou non d'enfants non issus des deux époux.

? L'Assemblée nationale a ensuite, à l'initiative de Mme Béatrice Vernaudon, adopté avec les avis favorables du Gouvernement et de la commission des lois un amendement tendant à insérer un 14° bis afin d' étendre le droit à la jouissance gratuite du logement du conjoint survivant pendant un an à compter du décès prévu par l'article 763 du code civil à l'hypothèse où l'époux n'était que propriétaire indivis du logement . Comme pour les loyers, la charge de l'indemnité d'occupation sera à la charge de la succession.

Cette situation vise principalement la Polynésie française et la Corse, où l'indivision est très fréquente.

• Les règles de dévolution de la succession aux ascendants ordinaires (12°)

Le 12° a pour objet de lever une difficulté d'interprétation de l'article 734 du code civil, inséré par la loi n° 2001-1135 du 3 décembre 2001.

Cet article détermine l' ordre des héritiers en l'absence de conjoint successible . Dans cette hypothèse, les parents sont appelés à succéder comme suit :

1° Les enfants et leurs descendants ;

2° Les père et mère ; les frères et soeurs et les descendants de ces derniers ;

3° Les ascendants autres que les père et mère ;

4° Les collatéraux autres que les frères et soeurs et les descendants de ces derniers.

Chacune de ces quatre catégories constitue un ordre d'héritiers qui exclut les suivants.

De cette rédaction est née une incertitude sur le point de savoir si, en l'absence de conjoint successible, les ascendants des père et mère demeurent dans la dévolution successorale ab intestat dans le troisième ordre en l'absence de collatéraux privilégiés, ainsi que cela a toujours été le cas. En effet, les père et mère du défunt sont désormais classés dans le deuxième ordre, aux côtés des frères et soeurs et leurs descendants. En revanche, les ascendants non privilégiés, donc autres que les père et mère, constituent un troisième ordre. Cet ordre serait alors exclu par la présence d'au moins un héritier d'un ordre précédent, et donc, notamment, par celle d'un seul des parents, évinçant ainsi entièrement l'autre branche.

Tel n'était pourtant pas l'intention du législateur en 2001, comme en atteste le maintien des articles 747 et 748, qui posent la solution traditionnelle suivant laquelle la « fente 227 ( * ) » prime « l'ordre ».

Il est ainsi prévu que, lorsque la succession est dévolue à des ascendants, elle se divise par moitié entre ceux de la branche paternelle et ceux de la branche maternelle. Le père ou la mère n'exclut les ascendants d'un autre degré que dans leur ligne respective, de sorte que ce n'est qu'à défaut d'ascendant dans une branche, que les ascendants de l'autre branche recueillent toute la succession.

La pratique notariale a d'ailleurs consacré cette interprétation du texte, en s'éloignant de la lettre apparente de l'article 734. Selon les informations recueillies par votre rapporteur, aucune décision judiciaire n'aurait été rendue en sens contraire.

Pour résoudre cette difficulté, le 12° tend à insérer dans le code civil un article 738-1 explicitant complètement le cas de figure particulier concerné avec un mécanisme traditionnel de « fente » successorale entre les deux branches des ascendants.

En l'absence de conjoint successible, de postérité et de collatéraux privilégiés, et en présence d'un seul des deux parents de l'enfant prédécédé mais d'un ou plusieurs ascendants ordinaires de l'autre branche, il n'y aurait plus aucune ambiguïté possible sur le fait que la succession ab intestat serait alors répartie non pas entièrement au profit du seul parent survivant, mais pour moitié entre les deux branches : une moitié au profit du parent survivant, l'autre moitié au profit des ascendants de l'autre parent prédécédé.

• La création, au bénéfice des parents, d'un droit de retour sur les biens donnés à leur enfant prédécédé (12° bis)

Le 12° bis , inséré par l'Assemblée nationale sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, a pour objet d' instituer, au bénéfice des parents, un droit de retour sur les biens donnés à leur enfant prédécédé, qu'ils auraient la faculté d'exercer si celui-ci venait à décéder sans postérité . Il s'agit d'une contrepartie à la suppression de la réserve des ascendants opérée par l'article 12 du projet de loi.

A titre liminaire, il convient de rappeler que les parents, lorsqu'ils procèdent à la donation d'un bien au profit de l'un de leurs enfants, ont déjà la faculté de prévoir des clauses d'inaliénabilité temporaire -il est admis que les biens puissent rester inaliénables jusqu'au décès du donateur- et de retour du bien en l'absence de postérité du donataire . Les biens sont alors considérés comme n'ayant jamais quitté leur patrimoine. La pratique notariale recourt largement à ce type de clauses qui permettent d'assurer le maintien de certains biens, immobiliers notamment, dans la famille de sang.

Le dispositif proposé, qui consiste dans l'insertion d'un article 738-2 dans le code civil, a donc pour objet de prévoir un régime légal protecteur, ayant vocation à s'appliquer à défaut de volonté clairement exprimée par les parents au moment de la donation.

Dans cette hypothèse, les biens faisant l'objet du droit de retour seraient considérés comme faisant partie du patrimoine de l'enfant prédécédé. Aussi le droit de retour des père et mère ne pourrait-il s'exercer qu'à concurrence des quotes-parts fixées au premier alinéa de l'article 738, aux termes duquel :

- lorsque les père et mère survivent au défunt et que celui-ci n'a pas de postérité, mais des frères et soeurs ou des descendants de ces derniers, la succession est dévolue, pour un quart, à chacun des père et mère et, pour la moitié restante, aux frères et soeurs ou à leurs descendants ;

- lorsqu'un seul des père et mère survit, la succession est dévolue pour un quart à celui-ci et pour trois quarts aux frères et soeurs ou à leurs descendants.

La valeur de la portion des biens soumise au droit de retour s'imputerait en priorité sur les droits successoraux des parents.

Si le droit de retour ne pouvait s'exercer en nature -soit que les biens aient été aliénés, soit que leur valeur excède la part de la succession revenant aux parents- il s'exécuterait en valeur.

Dans la mesure où le droit de retour pourrait s'exercer en valeur, votre commission vous soumet un amendement ayant pour objet d'éviter que, lorsque les biens donnés par les père et mère ont été aliénés et que les biens de la succession ne suffisent pas à remplir les droits que les ascendants peuvent avoir au titre du droit de retour, la charge ne passe aux héritiers désignés par le défunt, notamment à son conjoint survivant.

• Définition de la représentation et introduction de la représentation des renonçants (12° ter, 13°, 13° bis)

Le 12° ter , inséré par l'Assemblée nationale sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, a pour objet de réécrire l'article 751 du code civil, afin de définir la représentation comme « une fiction juridique qui a pour effet d'appeler à la succession les représentants aux droits du représenté ».

La modification proposée est d'ordre rédactionnel puisque la représentation est actuellement définie comme « une fiction de la loi, dont l'effet est de faire entrer les représentants dans les droits du représenté ».

Le 13° a pour objet de modifier l'article 754 du code civil afin d'introduire le principe de la représentation des successibles renonçant .

Depuis deux siècles, le code civil exclut expressément la représentation des renonçants vivants, en cantonnant le mécanisme de la représentation au cas des prédécédés.

Ces dispositions s'avèrent contestables et contestées : si l'enfant renonce de son vivant, il prive ses enfants de la part de succession de ses propres parents, alors que s'il décède préalablement, la transmission s'opérera normalement.

La loi du 3 décembre 2001 a modifié l'article 755 du code civil afin d'étendre la représentation au cas des héritiers du successible indigne encore vivant, cette représentation étant admise au profit de tous les enfants et descendants, y compris donc si l'indigne est un descendant collatéral, sous réserve naturellement du principe général d'exclusion du plus éloigné dans la ligne par le plus proche posé par l'article 752-1 du code civil.

L'article 754 du code civil dispose ainsi qu'« on représente les prédécédés, on ne représente pas les renonçants », alors que l'interdiction originelle concernait toutes les personnes vivantes.

La modification proposée par le projet de loi initial consistait à permettre aux seuls descendants du renonçant de le représenter dans la succession , et donc de ne pas être gravement lésés par cette renonciation de leur ascendant direct 228 ( * ) . En cas de mésentente, ce dernier conserverait la possibilité de renoncer à la succession au bénéfice de son frère par exemple, ce qui s'analyse comme une libéralité en sa faveur, avec le risque que ses propres héritiers n'engagent une action en réduction si cette libéralité s'avérait excessive. Il aurait aussi la possibilité d'accepter la succession et d'en dépenser l'actif.

Sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale a étendu cette faculté de représentation du renonçant de son vivant aux collatéraux privilégiés , déjà prévue dans le cas de l'indigne.

Alors que l'article 752 dispose que « la représentation a lieu à l'infini dans la ligne directe descendante », l'article 752-1 prévoit qu'en ligne collatérale, la représentation est admise en faveur des enfants et descendants de frères ou soeurs du défunt, soit qu'ils viennent à sa succession concurremment avec des oncles ou tantes, soit que tous les frères et soeurs du défunt étant prédécédés, la succession se trouve dévolue à leurs descendants en degrés égaux ou inégaux.

En revanche, la règle selon laquelle la représentation n'a pas lieu en faveur des ascendants , posée à l'article 752-1, serait maintenue .

Ces dispositions constituent le corollaire indispensable, dans le cas de la succession ab intestat , de la possibilité ouverte par le projet de loi en matière de libéralités de procéder à des donations trans-générationnelles, au profit d'un petit-enfant, et de la faculté nouvelle ouverte à l'enfant de renoncer a priori à toute action en réduction, par exemple dans le cas d'une atteinte à sa propre réserve consentie par ses parents au profit de ses enfants.

Sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale a également prévu l'obligation, pour les enfants du renonçant conçus avant l'ouverture de la succession de ce dernier, de rapporter les biens dont ils ont hérité en son lieu et place, pour le cas où ils viendraient en concours avec d'autres enfants conçus après l'ouverture de la succession de l'ascendant.

Quant aux donations faites au renonçant, elle a prévu qu'elles s'imputeraient, sauf volonté contraire du disposant, sur la part de réserve qui aurait dû lui revenir s'il n'avait pas renoncé.

Votre commission vous soumet deux amendements tendant à corriger une erreur de référence et une mauvaise insertion d'alinéas.

Le 13° bis , inséré par l'Assemblée nationale sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, tend à modifier l'article 755 du code civil, relatif à la représentation de l'indigne, afin d'opérer un renvoi aux règles qui seraient désormais posées à l'article 754 pour ce qui concerne le rapport des biens reçus par les enfants conçus avant l'ouverture de la succession d'un héritier indigne et l'imputation des donations reçues par ce dernier en cas de représentation. Il s'agit d'une mesure de coordination.

• Les droits des frères et soeurs du défunt sur les biens reçus de leurs ascendants

La loi du 3 décembre 2001 relative aux droits du conjoint survivant a prévu la dévolution à ce dernier de l'ensemble de la succession ab intestat de son époux prédécédé dans l'hypothèse où ce dernier ne laisserait ni postérité, ni parents.

Toutefois, les biens reçus par le défunt de ses père et mère par succession ou donation et qui se retrouvent en nature dans la succession doivent être partagés pour moitié par le conjoint survivant avec les frères et soeurs du défunt ou leurs descendants . L'objectif de cette disposition est d'assurer le maintien d'une partie de ces biens dans la famille de sang.

Votre commission vous soumet un amendement tendant à insérer un nouvel alinéa avant le 14° de cet article et à modifier l'article 757-3 du code civil afin de prévoir l'hypothèse où ces biens auraient directement été transmis au défunt par ses ascendants et non par ses parents . Un tel élargissement semble en effet cohérent avec la possibilité prévue par le projet de loi de recourir à des donations-partages transgénérationnelles.

La donation-partage étant désormais possible au profit des petits-enfants, il est logique que ces biens soient compris dans l'assiette du droit de retour au profit des frères et soeurs du défunt en l'absence de postérité.

• L'aménagement de la prohibition des pactes sur succession future (16°, 16° bis, 17°, 17° bis)

? Le 16° modifie l'article 1130, qui établit la prohibition de principe du pacte sur succession future , en prévoyant qu'on ne peut renoncer à une succession non ouverte, ni faire aucune stipulation sur une telle succession, même avec le consentement de celui de la succession duquel il s'agit.

Cette prohibition souffre néanmoins de multiples dérogations 229 ( * ) , comme la clause commerciale du contrat de mariage, ou l'article 1870 qui autorise dans les statuts des sociétés civiles des clauses d'agrément des héritiers des associés. En outre, l'article 14 du présent projet ouvre la faculté de renoncer par anticipation à l'action en réduction des libéralités portant atteinte à la réserve.

Le 16° de cet article prévoit donc de reconnaître expressément cette possibilité de dérogations, tout en prévoyant qu'elles doivent être prévues par la loi . Il harmonise ainsi la rédaction de l'article 1130 avec celle de l'article 722 issue de la loi du 3 décembre 2001 qui prévoit déjà que « les conventions qui ont pour objet de créer des droits ou de renoncer ou à des droits sur tout ou partie d'une succession non encore ouverte ou à un bien en dépendant ne produisent effet que dans les cas où elles sont autorisées par la loi ».

On rappellera que les autres tempéraments au principe de prohibition autorisés par la jurisprudence en l'absence de textes ne sont pas considérés comme des pactes sur succession future et n'ont donc pas à être validés par la loi. On peut ainsi citer la clause d'accroissement (dite aussi pacte tontinier), dans la mesure où chacun des co-acquéreurs est propriétaire du bien dès l'origine sous la condition du prédécès de son co-contractant, la promesse unilatérale de vente, dont l'option ne peut être levée qu'après le décès du promettant et dont seule l'exécution est retardée jusqu'au décès, le droit existant dès la signature, ainsi que la vente ferme retardant au décès du vendeur le transfert de propriété et le paiement du prix.

? L'Assemblée nationale a ensuite inséré, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, un 16° bis tendant à modifier l'article 1251 du code civil qui vise les hypothèses où la subrogation de plein droit est admise.

Il procède tout d'abord à une coordination compte tenu du remplacement de l'acceptation sous bénéfice d'inventaire par l'acceptation à concurrence de l'actif net au profit de l'héritier bénéficiaire qui a payé de ses deniers les dettes de la succession.

En outre, il opère une coordination à la codification de la jurisprudence selon laquelle le renonçant demeure tenu au paiement des dettes funéraires opérée par l'Assemblée nationale à l'article 806 du code civil à l'article 1 er du projet de loi. La subrogation aura ainsi lieu de plein droit au profit de celui qui a payé de ses deniers les frais funéraires pour le compte de la succession et se retourne contre elle. Il pourra jouir du privilège sur les meubles du 2° de l'article 2101 du code civil.

Cet amendement clarifie également le fait que les frais funéraires sont d'abord une dette successorale et que le recours à l'obligation alimentaire ne vaut qu'à titre subsidiaire. En effet, il permet la subrogation même si la personne qui a payé n'y était pas tenue en application de l'article 806 modifié du code civil (par exemple un neveu qui n'est pas héritier car évincé par des héritiers de rang plus proche), afin d'éviter qu'elle soit considérée comme s'étant acquittée d'une obligation naturelle pour laquelle il n'y a pas de recours.

? Le 17° complète l'article 1390, issu de la loi du 13 juillet 1965 230 ( * ) , qui prévoit une exception à la prohibition des pactes sur succession future en autorisant des clauses dite commerciales dans les contrats de mariage. Ces clauses permettent au décès de l'un des conjoints que l'autre puisse bénéficier d'un droit d'acquisition ou d'attribution dans le partage de certains biens du prédécédé moyennant le paiement aux héritiers d'une indemnité.

Cette clause peut porter sur tout bien (et notamment le logement), mais est plus particulièrement utilisée pour le fonds de commerce, d'où son nom. Le conjoint survivant pourra ainsi poursuivre l'exploitation notamment s'il était conjoint collaborateur ou salarié. Si le conjoint survivant est héritier du prédécédé, l'opération s'analyse comme une opération de partage successoral et le conjoint survivant est attributaire du bien. Dans le cas contraire, il s'agit d'une vente en exécution d'une promesse figurant au contrat de mariage et le conjoint est simple acquéreur du bien.

Le projet de loi codifie la jurisprudence 231 ( * ) qui autorise cette clause à porter non sur l'obtention de la propriété d'un bien, mais sur l'octroi d'un bail en tant qu'élément du fonds de commerce ou de la location-gérance du fonds de commerce lui-même, parmi les biens propres de l'époux prédécédé. Cette validation législative est opportune dans la mesure où il s'agit d'une forme de pacte sur succession future.

Le conjoint survivant pourra donc exiger des héritiers l'obtention d'un bail -dont la nature n'est pas précisée et qui pourra donc être commercial, artisanal, rural ou professionnel- pour continuer l'exploitation du fonds qui lui est attribué dans l'immeuble dans lequel l'entreprise attribuée ou acquise 232 ( * ) est exploitée.

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, adopté un amendement rédactionnel afin de substituer à l'expression de « prémourant » celle de « prédécédé », utilisée depuis la réforme des successions des comourants opérée par la loi du 3 décembre 2001.

Elle a dans les mêmes conditions inséré un 17° bis tendant à modifier l'article 1392 qui prévoit que la mise en demeure de prendre parti pour l'exercice de la clause commerciale ne peut avoir lieu avant l'expiration du délai prévu au titre « Des successions » pour faire inventaire et délibérer.

Il s'agit d'une coordination avec la réforme de la procédure d'acceptation sous bénéfice d'inventaire, le délai de trois mois pour faire inventaire et de 40 jours pour délibérer sur l'option avant lequel l'héritier ne puisse être sommé d'opter étant remplacé par le délai unique de quatre mois prévu à l'article 792 modifié.

• Les droits successoraux liés au PACS (8°)

Le 8° de l'article 22 du projet de loi aborde la question des droits successoraux liés au PACS. Ils sont actuellement limités.

Le régime successoral du PACS

Le partenaire ne peut hériter qu'en vertu d'une disposition testamentaire, dans les limites de la quotité disponible ordinaire.

Il peut donc recevoir la moitié des biens successoraux en présence d'un enfant, le tiers en présence de deux enfants et le quart en présence de trois enfants et plus. En l'absence d'enfants, les ascendants bénéficient d'une réserve de la moitié de la succession, du quart si un seul est encore vivant. Le présent projet de loi propose cependant de supprimer cette réserve des ascendants, ce qui favorisera le partenaire survivant.

Le traitement fiscal de la succession est moins intéressant que celui des époux.

- Entre époux s'applique un abattement de 76.000 euros, en plus de l'abattement de 50.000 euros opéré sur l'ensemble de la succession depuis 2005 (art. 775 ter du code général des impôts). Il est également effectué un abattement de 20 % sur la valeur de l'immeuble constituant la résidence principale du défunt et de son conjoint. Le taux des droits de mutation s'échelonne ensuite entre 5 et 40 % selon la tranche.

- Le partenaire survivant ne bénéficie que d'un abattement de 57.000 euros. La loi de finances pour 2005 a supprimé le délai de deux ans imposé par la loi du 15 novembre 1999 pour en bénéficier et étendu au partenaire pacsé survivant le bénéfice de l'abattement de 20 % sur la valeur de la résidence principale. Le taux applicable est ensuite de 40 % jusqu'à 15.000 euros et de 50 % au-delà.

La loi du 3 décembre 2001, en améliorant les droits du conjoint survivant, a encore accru ces différences.

Le conjoint survivant dispose :

- d'un droit de jouissance gratuite du logement principal du couple pendant un an, qui être d'ordre public et ne peut lui être retiré par testament ;

- d'un droit d'habitation du logement s'il appartenait aux époux et/ou un droit d'usage des meubles le garnissant, jusqu'à son décès. Si la valeur de ce droit excède sa part successorale, il n'a pas à récompenser la succession. Le de cujus peut toutefois l'en priver par testament ;

- ainsi que d'un droit à pension alimentaire s'il est dans le besoin et en fait la demande dans un délai d'un an.

En revanche, le partenaire survivant ne peut qu'obtenir le transfert du bail du logement commun , même s'il n'est pas intervenu au moment de sa signature.

Il faut observer qu' hormis l'alignement de la fiscalité successorale, le groupe de travail sur le PACS n'a pas préconisé d'étendre les droits nouvellement ouverts en 2001 au conjoint survivant au partenaire de PACS survivant , contrairement à la mission d'information de l'Assemblée nationale sur la famille et les droits des enfants.

Le projet de loi opère des coordinations relatives aux conditions dans lesquelles le partenaire d'un PACS peut bénéficier de l'attribution préférentielle .

L'actuel article 515-6 du code civil prévoit déjà que les dispositions relatives à l'attribution préférentielle sont applicables entre partenaires d'un PACS en cas de dissolution de celui-ci, à l'exception de celles relatives à tout ou partie d'une exploitation agricole, ainsi qu'à une quote-part indivise ou aux parts sociales de cette exploitation.

Ces attributions préférentielles concernent :

- la propriété ou le droit au bail du local qui lui sert effectivement d'habitation s'il y avait sa résidence à l'époque du décès et du mobilier le garnissant ;

- la propriété ou le droit au bail du local à usage professionnel servant effectivement à l'exercice de sa profession et des objets mobiliers à usage professionnel le garnissant ;

- la propriété d'une entreprise commerciale, industrielle ou artisanale dont l'importance n'exclut pas un caractère familial.

Les modifications apportées par l'article 1 er du projet de loi à ce dispositif contribuent à augmenter les droits du partenaire survivant. Ainsi, l'attribution préférentielle peut désormais porter sur l'entreprise libérale et sur des sociétés de capitaux et non plus seulement de personnes. En outre, l'exigence du caractère familial qui s'appliquait aux entreprises commerciales, industrielles ou artisanales est supprimée.

En cas de pluralité de demandes des cohéritiers, le juge tranche en fonction des intérêts en présence.

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois, et avec l'avis favorable du Gouvernement :

- rectifié une erreur matérielle, le projet de loi initial ayant omis une coordination et par conséquent exclu le partenaire survivant d'un PACS du bénéfice de l'attribution préférentielle du logement, qui lui est actuellement reconnue ;

- supprimé l'exclusion de l'attribution préférentielle portant sur l'exploitation agricole, qui ne parait pas justifiée.

L'Assemblée nationale a en outre, à l'initiative du Gouvernement, avec l'avis favorable de la commission des lois et à l'unanimité, inséré un 8° bis afin de garantir au partenaire survivant l'attribution préférentielle du droit du logement (art. 831-3 modifié). Cet amendement met en oeuvre une préconisation de la mission sur la famille et le droit des enfants précitée de l'Assemblée nationale.

Cette attribution de droit n'est actuellement reconnue qu'au conjoint survivant.

Toutefois, afin d'éviter des conséquences non voulues par le partenaire défunt, le bénéfice de ce droit est subordonné à la volonté expresse de ce dernier, qui doit l'avoir prévu par testament .

Le droit en vigueur permet déjà à un héritier copropriétaire de demander l'attribution préférentielle de la propriété ou du droit au bail du local qui lui sert effectivement d'habitation s'il y avait sa résidence à l'époque du décès. Si cet héritier peut certes se trouver en concurrence avec des demandes d'attribution préférentielle d'autres héritiers, cette situation devrait être assez rare puisqu'elle suppose que ces héritiers soient également copropriétaires et aient également résidé dans le même logement.

La modification apportée par l'Assemblée nationale intéressera en revanche le partenaire lorsque le logement appartenait en totalité au défunt.

L'attribution préférentielle du logement se fera sous réserve d'une récompense du partenaire envers la succession. Elle supposera donc que le partenaire survivant soit en mesure de la régler.

Votre commission des lois vous propose d'améliorer la situation du partenaire survivant en prévoyant qu'il pourra exercer un droit de préemption en cas de vente par les héritiers du défunt du logement qu'il occupait au moment du décès, même en l'absence de testament.

L'Assemblée nationale a ensuite adopté, à l'unanimité à l'initiative du Gouvernement et avec l'avis favorable du rapporteur, un amendement reprenant une préconisation de la mission d'information sur la famille et le droit des enfants et tendant à améliorer la situation du partenaire survivant en le faisant bénéficier pendant un an du droit de jouissance du domicile commun , prévu par les deux premiers alinéas de l'article 763.

L'article 763 prévoit que si, à l'époque du décès, le conjoint successible occupe effectivement à titre d'habitation principale un logement appartenant aux époux ou dépendant totalement de la succession, il a de plein droit, pendant une année, la jouissance gratuite de ce logement ainsi que du mobilier. Si le logement était loué, les loyers lui sont remboursés par la succession pendant un an au fur et à mesure de leur acquittement.

En revanche, le dernier alinéa de cet article, qui prévoit que le droit à la jouissance gratuite du logement pendant un an est d'ordre public, n'est pas repris. Le partenaire d'un PACS pourra donc priver son partenaire de ce droit par testament, contrairement aux époux.

En revanche, l'Assemblée nationale a suivi le Gouvernement et la commission des lois (dont le rapporteur cependant s'était à titre personnel déclaré favorable) et rejeté un amendement de MM. Alain Vidalies, Patrick Bloche et les membres du groupe socialiste tendant à consacrer un droit viager au logement pour le partenaire survivant.

Le partenaire aurait pu ainsi demeurer dans l'habitation principale qu'il occupait effectivement au moment du décès et dont son partenaire était propriétaire.

Cet amendement reprenait une proposition de la mission d'information sur la famille et le droit des enfants et permettait au partenaire survivant d'un PACS de bénéficier d'un droit viager sur le logement et d'un droit d'usage de son mobilier, à condition que le défunt l'ait prévu dans son testament .

Il ajoutait une condition supplémentaire en prévoyant que si la valeur des droits d'habitation et d'usage excédait celle des droits successoraux recueillis par le partenaire survivant, celui-ci devrait verser une soulte pour compenser la différence. Cette particularité permettait de préserver la réserve d'éventuels héritiers légaux en impactant la seule quotité disponible.

Ce droit viager se distinguait ainsi que celui accordé au conjoint survivant sur deux points :

- l'existence d'une soulte, puisque le conjoint survivant n'en est jamais redevable, mais conserve au contraire le solde de ses droits s'ils sont supérieurs à la valeur des droits d'habitation et d'usage ;

- et l'incidence du testament, qui dans le cas du partenaire est indispensable pour lui ouvrir ce droit, alors qu'il n'intervient dans le cas de l'époux que pour l'en priver.

• Des coordinations

Le 10° a pour objet de modifier l'article 723 du code civil, aux termes duquel les successeurs universels ou à titre universel sont tenus d'une obligation indéfinie aux dettes de la succession, afin de remplacer le terme de « successeurs » par celui d'« héritiers », par cohérence avec les autres dispositions du projet de loi, notamment l'article 786 nouveau. Le terme « héritiers » a en l'espèce vocation à englober tous ceux qui viennent à la succession, du fait de la loi ou du fait d'un testament.

Toutefois, ces dispositions semblent désormais redondantes avec celles proposées par l'article premier du projet de loi pour l'article 786 du code civil. En conséquence, votre commission vous soumet un amendement tendant à abroger l'article 723.

Le 10 bis , inséré par l'Assemblée nationale sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, a pour objet de modifier l'article 730-5 du code civil, prévoyant que toute personne se prévalant sciemment et de mauvaise foi d'un acte de notoriété inexact, encourt les pénalités de recel, sans préjudice des dommages et intérêts qu'il pourrait être condamné à verser.

Les modifications proposées consistent :

- à tirer la conséquence du déplacement des dispositions relatives aux pénalités de recel de l'article 792 à l'article 778 du code civil, prévu par l'article premier du projet de loi ;

- à faire référence aux « dommages et intérêts » plutôt qu'aux « dommages-intérêts ».

Aux termes du texte proposé pour l'article 778 du code civil, l'héritier qui a recelé des biens ou des droits d'une succession ou dissimulé l'existence d'un cohéritier est réputé accepter purement et simplement la succession, nonobstant toute renonciation ou acceptation à concurrence de l'actif net, sans pouvoir prétendre à aucune part dans les biens ou les droits divertis ou recelés. À titre de sanction, les droits revenant à l'héritier dissimulé et qui ont ou auraient pu augmenter ceux de l'auteur de la dissimulation sont réputés avoir été recelés par ce dernier.

Lorsque le recel a porté sur une donation rapportable ou réductible, l'héritier doit le rapport ou la réduction de cette donation sans pouvoir y prétendre à aucune part.

Enfin, l'héritier receleur est tenu de rendre tous les fruits et revenus dont il a eu la jouissance depuis l'ouverture de la succession sur les biens du partage desquels il est exclu.

Votre commission vous soumet un amendement de coordination tendant à insérer un nouvel alinéa après le 15° de cet article afin de remplacer, à l'article 937 du code civil, le terme d'hospices par ceux d'établissements de santé et d'établissements sociaux et médico-sociaux.

Le 17° ter , inséré par l'Assemblée nationale sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, a pour objet d'actualiser la rédaction des articles 1873-14 et 1973 respectivement relatifs aux conventions relatives à l'exercice des droits indivis en l'absence d'usufruitier et au contrat de rente viagère afin de faire référence au « prédécédé » plutôt qu'au « prémourant ».

Le 23° , inséré par l'Assemblée nationale sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, a pour objet de réécrire l'article 2259 du code civil, aux termes duquel la prescription court encore pendant les trois mois pour faire inventaire et les quarante jours pour délibérer, afin d'opérer des coordinations avec les dispositions de l'article 1 er du projet de loi.

Le texte prévoit ainsi que la prescription court pendant :

- le délai de quatre mois, à compter de l'ouverture de la succession, accordé par le nouvel article 771 à l'héritier pour opter ;

- le délai de deux mois, à compter de la sommation d'opter, accordé par le nouvel article 772 à l'héritier pour prendre parti ou solliciter un délai supplémentaire auprès du juge lorsqu'il n'a pas été en mesure de clôturer l'inventaire commencé ou lorsqu'il justifie d'autres motifs sérieux et légitimes, ce délai étant suspendu à compter de la demande de prorogation jusqu'à la décision du juge saisi ;

- le délai de deux mois, à compter de la déclaration d'acceptation de la succession à concurrence de l'actif net, accordé par l'article 790 à l'héritier pour déposer l'inventaire au tribunal ou solliciter du juge un délai supplémentaire.

? Les 18° et 19° procèdent à des coordinations aux articles 2013 et 2111 rendues nécessaires par la modification de l'article 878 par l'article 6 du projet de loi (voir supra ).

Actuellement, seuls les créanciers successoraux peuvent demander la séparation du patrimoine du défunt d'avec le patrimoine de l'héritier, ce qui leur permet d'être préférés aux créanciers personnels sur les biens successoraux, tout en conservant le droit de saisir les biens personnels du successeur, afin d'éviter lorsque l'héritier est insolvable de se retrouver en concurrence avec les créanciers personnels de l'héritier.

Le projet de loi prévoit une bilatéralisation de ce droit de préférence au bénéfice des créanciers personnels de l'héritier, qui pourront réciproquement demander à être préférés à tout créancier du défunt sur les biens de l'héritier non recueillis au titre de la succession et se prémuniront ainsi contre l'insolvabilité du défunt.

Le 18° de l'article 22 du projet de loi modifie le 6° de l'article 2103 qui prévoit que les créanciers et légataires du défunt sont privilégiés sur les immeubles de la succession par rapport aux créanciers personnels de l'héritier.

Il précise tout d'abord que ne sont concernés que les légataires de biens fongibles, les légataires de corps certains étant protégés par leur droit de préférence et leur droit de suite en vertu de leur droit de propriété qui remonte rétroactivement au jour du décès.

Il prévoit ensuite un droit de paiement prioritaire sur le patrimoine personnel de l'héritier au profit des créanciers personnels de celui-ci, par rapport aux créanciers de la succession.

Le 19° modifie de la même manière l'article 2011, qui prévoit que les créanciers et légataires du défunt conservent leur privilège par une inscription prise sur chaque immeuble héréditaire dans les quatre mois de l'ouverture de la succession, le privilège prenant rang à la date de l'ouverture.

? Le 20° substitue dans les articles 2103 et 2109 relatifs au privilège sur les immeubles la référence à l'article 866 à celle à l'article 924, au sein duquel ont été déplacées les dispositions de l'article 866 supprimé relatives aux donations réductibles.

? L'Assemblée nationale a enfin, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, inséré les 21° et 22° afin d'opérer deux coordinations rédactionnelles aux articles 2147 et 2258 respectivement relatifs à l'arrêt du cours des inscriptions hypothécaires sur les immeubles successoraux en cas d'acceptation sous bénéfice d'inventaire et à la suspension de la prescription à l'égard des créances contre la succession de l'héritier bénéficiaire, afin de tenir compte de la réforme de l'acceptation sous bénéfice d'inventaire.

Votre commission vous propose d' adopter l'article 22 ainsi modifié .

Article 23 (art. 1109 bis nouveau du code général des impôts)
Liquidation des droits sur les successions vacantes ou en déshérence

Cet article, adopté sans modification par l'Assemblée, nationale en première lecture, a pour objet d'insérer un article 1109 bis dans le code général des impôts, afin de prévoir qu'à défaut de ressources disponibles, les droits d'enregistrement et de timbre exigibles sur les actes et procédures nécessaires à l'obtention de la décision déclarant la vacance ainsi qu'à la gestion des successions sont liquidés en débet.

Ces dispositions constituent, en substance, la reprise de celles du premier alinéa de l'article 16 de l'arrêté du 2 novembre 1971, qui serait abrogé en application de l'article 25 du projet de loi. Elles ont été jugées de nature législative dans la mesure où l'article 34 de la Constitution confie à la loi le soin de définir les règles concernant l'assiette, le barème et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures.

Sur le plan formel, elles trouveraient place au sein de la section VII (« Juridictions. Procédures diverses »), du chapitre IV (« Régimes spéciaux et exonérations de portée générale ») du titre IV (« Enregistrement, publicité foncière. Impôt de solidarité sur la fortune, timbre ») de la première partie (« Impôts d'Etat ») du livre premier (« assiette et liquidation de l'impôt ») du code général des impôts.

Sur le fond, elles permettent au service des domaines d'être dispensé de l'obligation d'acquitter les droits d'enregistrement et de timbre exigibles sur les actes et procédures nécessaires à l'obtention de l'ordonnance de curatelle -l'article premier du projet de loi unifie le régime des succession non réclamées, vacantes et en déshérence- en cas d'absence ou d'insuffisance de liquidités dans la succession. Bien évidemment, les droits dus au Trésor public sont acquittés, dans la mesure du possible, au moyen des premiers deniers encaissés par le service des domaines domaine. Toutefois, en cas d'insuffisance de l'actif successoral, ils tombent en non-valeur et le comptable public est déchargé de toute responsabilité pour non recouvrement des droits en question.

Ce dispositif est analogue à celui prévu pour les droits exigibles sur les décisions judiciaires du Trésor 233 ( * ) ou les droits et pénalités d'enregistrement et de timbre exigibles sur les décisions de mutations de propriété, d'usufruit ou de jouissance rendues dans les instances où l'une des parties bénéficie de l'aide juridictionnelle 234 ( * ) .

Votre commission vous propose d' adopter l'article 23 sans modification .

Article 23 bis (nouveau) (art. L. 23 du code du domaine de l'Etat)
Coordination en matière de successions acquises à l'Etat

Cet article, inséré par l'Assemblée nationale sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, a pour objet de modifier l'article L. 23 du code du domaine de l'Etat, aux termes duquel les biens des personnes qui décèdent sans héritiers ou dont les successions sont abandonnées appartiennent à l'Etat, à moins qu'il ne soit disposé de ces biens par des lois particulières, afin de tirer la conséquence de la réécriture de l'article 768 du code civil, auquel il est fait référence, opérée par l'article premier du projet de loi.

En l'état actuel du droit, l'article 768 du code civil dispose qu'à défaut d'héritiers, la succession est acquise à l'Etat. Désormais, il ouvrirait à l'héritier la possibilité d'accepter la succession purement et simplement, d'y renoncer ou, lorsqu'il a une vocation universelle ou à titre universel, de l'accepter à concurrence de l'actif net. La référence à cet article n'aurait donc plus lieu d'être.

Seule subsisterait la référence à l'article 724 du code civil, aux termes duquel à défaut d'héritier, de légataires et donataires universels, la succession est acquise à l'Etat, qui doit se faire envoyer en possession.

Votre commission vous propose d' adopter l'article 23 bis sans modification .

Article 23 ter nouveau (art. 764 du code général des impôts)
Coordination

L'Assemblée nationale a inséré, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, un article additionnel tendant à tirer les conséquences dans le code général des impôts de l'abrogation de l'article 943 du code de procédure civile prévue par le 2° de l'article 25 du projet de loi et de la nature réglementaire des dispositions visées.

Votre commission vous propose d' adopter l'article 23 ter sans modification .

Article 23 quater nouveau (art. 10 de la loi du 25 ventôse an XI)
Formalités requises pour la renonciation anticipée à l'action en réduction

L'Assemblée nationale a inséré, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, un article additionnel tendant à modifier l'article 10 de la loi du 25 ventôse an XI contenant organisation du notariat, par coordination avec la création de la renonciation anticipée à l'action en réduction opérée par l'article 14 du projet de loi.

Il complète le troisième alinéa de cet article, qui détermine les actes solennels pour lesquels le notaire doit intervenir en personne pour donner lecture des actes et recueillir les signatures des parties, et ne peut habiliter un clerc assermenté.

Il en est ainsi des actes nécessitant la présence de deux notaires ou de deux témoins, comme par exemple le testament authentique, ainsi que ceux prévus aux articles 73 (consentement des ascendants au mariage), 335 (reconnaissance d'un enfant naturel), 348-3 (consentement à l'adoption), 931 (donation entre vifs), 1035 (révocation d'un testament), 1394 (conventions matrimoniales) et 1397 (changement de régime matrimonial) du code civil.

Cette solennité parait particulièrement opportune s'agissant d'un acte grave.

Votre commission vous propose d' adopter l'article 23 quater sans modification.

Article additionnel après l'article 23 quater (art. 11 de la loi du 25 ventôse an XI)
Exigence de la présence de deux notaires pour la renonciation anticipée à l'action en réduction

Votre commission vous propose d'adopter un amendemen t tendant à insérer un article additionnel afin de créer un article 11 dans la loi du 25 ventôse an XI contenant organisation du notariat, par coordination avec la création de la renonciation anticipée à l'action en réduction opérée par l'article 14 du projet de loi.

Il vise à préciser que la personne renonçant de manière anticipée à exercer l'action en réduction devra être assistée par un notaire différent de celui du de cujus afin de lui garantir un conseil véritablement objectif et d'éviter toute suspicion.

Ce notaire sera désigné par le président de la chambre des notaires .

Article 23 quinquies (nouveau) (art. 3 de l'ordonnance du 18 juin 1816, art. L. 321-2 du code de commerce, art. 1er de l'ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers)
Interdiction faite aux huissiers de justice et aux notaires de procéder à des ventes volontaires dans les communes où est établi un commissaire-priseur judiciaire

Cet article, inséré par l'Assemblée nationale sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, a pour objet d'interdire aux huissiers de justice et aux notaires de procéder à des ventes volontaires dans les communes où est établi un commissaire-priseur judiciaire.

Avant la loi n° 2000-642 du 10 juillet 2000 portant réglementation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, les ventes de meubles aux enchères publiques ne pouvaient en principe être faites que par le ministère d'officiers publics ayant qualité pour y procéder, conformément aux dispositions de l'article 871 du code général des impôts.

Les commissaires-priseurs disposaient d'un monopole exclusif à Paris et dans les communes sièges de leurs offices, en application de la loi du 27 ventôse an IX et de l'ordonnance du 26 juin 1816. En dehors de ces communes, leur monopole s'exerçait en concurrence avec les autres officiers ministériels habilités à procéder aux ventes publiques, c'est-à-dire les notaires et les huissiers de justice. Sur le territoire des départements d'Alsace-Moselle, toutefois, leurs compétences étaient exercées par les huissiers de justice et les notaires.

La loi du 10 juillet 2000 a réduit le monopole des commissaires-priseurs aux ventes judiciaires , définies comme « les ventes de meubles aux enchères publiques prescrites par la loi ou par décision de justice ». Pour ces ventes, ils ont conservé leur statut d'officier ministériel et pris le nouveau titre de commissaires-priseurs judiciaires. Ce monopole est exercé concurremment avec les autres officiers publics ou ministériels et les autres personnes légalement habilitées, au rang desquels figurent les notaires et les huissiers de justice .

L'organisation et la réalisation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques ont en revanche été ouvertes à la concurrence et confiées à des sociétés de forme commerciale : les sociétés de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques . Pour continuer à exercer cette activité, les commissaires-priseurs, y compris les commissaires-priseurs judiciaires, ont dû constituer de telles sociétés.

Par dérogation à cette obligation, la loi du 10 juillet 2000 a autorisé les notaires et les huissiers de justice à organiser et réaliser des ventes volontaires à titre accessoire, dans le cadre de leur office et selon les règles qui leur sont applicables 235 ( * ) . Pour autant, elle n'a pas abrogé les dispositions faisant interdiction aux huissiers de justice et aux autres officiers publics ou ministériels habilités par leur statut d'effectuer des ventes aux enchères publiques de meubles dans les communes où sont installés des commissaires-priseurs judiciaires , dispositions qui figurent à l'article premier de l'ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers et à l'article 3 de l'ordonnance du 26 juin 1816 qui établit, en exécution de la loi du 18 juin 1816, des commissaires priseurs.

Dans une réponse à une question écrite de M. Jean Marsaudon, député, le garde des sceaux, ministre de la justice indiquait au mois de février 2001, qu'« il résulte des articles 1 er de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux huissiers de justice et 5 de son décret d'application du 29 février 1956 que ces officiers ministériels procèdent à ces ventes [volontaires], dans les lieux où il n'est pas établi de commissaire-priseur, dans le ressort du tribunal d'instance de leur résidence 236 ( * ) . » La même réponse était faite, au mois de septembre 2002, à une question écrite de M. Jean-Michel Ferrand, député 237 ( * ) .

A l'inverse, la première chambre civile de la Cour de cassation a considéré, dans un arrêt du 29 novembre 2005, que « l'interdiction faite aux huissiers de justice de procéder à des ventes dans les lieux où sont établis des commissaires-priseurs ne concerne que les ventes judiciaires » et pas les ventes volontaires. Il est vrai que les dispositions des deux ordonnances font référence aux « ventes publiques », sans distinguer les ventes volontaires et les ventes judiciaires.

L'objet des modifications proposées par le présent article, qui portent à la fois sur l'article 3 de l'ordonnance du 26 juin 1816, sur l'article L. 321-2 du code de commerce et sur l'article premier de l'ordonnance du 2 novembre 1945, est donc d' interdire expressément aux huissiers de justice et aux notaires de procéder à des ventes volontaires dans les communes où est établi un commissaire-priseur judiciaire .

Cette interdiction semble justifiée à un double titre :

- en premier lieu, ces officiers ministériels n'ont vocation à procéder à de telles opérations qu'à titre accessoire, l'activité de vente aux enchères publiques ne devant en aucune manière, en raison de la disponibilité qu'elle requiert, nuire à l'exécution du service public que la loi confie, à titre principal, à l'huissier de justice ou au notaire 238 ( * ) ;

- en second lieu, les huissiers de justice et les notaires ne sont pas soumis aux mêmes contraintes que les sociétés de ventes volontaires (procédure très rigoureuse d'agrément par le Conseil des ventes volontaires, formation en matière artistique...).

Recensant 71 études d'huissiers de justice et 8 études de notaires organisant régulièrement des ventes volontaires dans son rapport d'activité pour 2003, le Conseil des ventes s'est inquiété de la « manière dont certains huissiers de justice interprètent les dispositions de l'article L. 321-2 du code de commerce (...) en contravention avec la lettre comme avec l'esprit de la loi 239 ( * ) ». Aussi a-t-il été conduit saisir à dix-huit reprises les ordres professionnels, afin de dénoncer ces pratiques irrégulières, qui restent le fait d'une minorité d'officiers ministériels.

Quant au ministère de la justice, il a adressé aux procureurs généraux une circulaire datée du 6 janvier 2003 afin de leur demander de signaler aux instances professionnelles concernées les manquements constatés au regard du critère d'activité accessoire.

Si l'on peut souscrire aux mesures proposées par le présent article, leur rédaction mérite d'être précisée. En effet, alors que l'article L. 321-2 du code de commerce et l'ordonnance du 26 juin 1816 font interdiction aux huissiers de justice et aux notaires de procéder à des ventes volontaires dans les communes où est établi un commissaire-priseur judiciaire, tel n'est pas le cas de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers, qui fait référence aux commissaires-priseurs en général. Votre commission vous soumet en conséquence un amendement tendant à réparer cette omission.

Elle vous propose d' adopter l'article 23 quinquies ainsi modifié .

Article 23 sexies - Encadrement de l'activité des généalogistes successoraux

Cet article, inséré par l'Assemblée nationale en première lecture sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, a pour objet d'encadrer l'activité des généalogistes successoraux.

Ces derniers sont peu nombreux et mal connus -il y aurait environ une centaine d'études en France employant environ 600 personnes pour un chiffre d'affaires annuel d'environ 80 millions d'euros : ils interviennent lorsqu'une personne meurt sans laisser d'héritier identifié ou lorsque le notaire chargé de la succession n'est pas certain de connaître l'ensemble des ayants droits.

L'article 745 du code civil permettant d'hériter jusqu'au sixième degré, il est en effet possible de bénéficier du patrimoine laissé par les petits-enfants des frères et soeurs de ses grands-parents.

Le généalogiste intervient généralement à la demande du notaire chargé du règlement de la succession. Un nombre important de dossiers -entre 30 % et 50 % selon l'Union des syndicats de généalogistes professionnels lui sont toutefois confiés par d'autres personnes : administrateurs judiciaires, syndics de copropriété, établissements financiers, compagnies d'assurance, collectivités territoriales, sociétés commerciales. Il peut également entreprendre des recherches proprio motu dès lors qu'une succession est notoirement vacante.

Ces recherches consistent dans la consultation de divers documents (registres de l'état civil, listes électorales...) et des démarches auprès des connaissances du défunt. S'il découvre un héritier, le généalogiste lui soumet un « contrat de révélation » avant de lui révéler le nom du défunt, aux termes duquel il perçoit une rémunération comprise entre 10 % à 15 % de l'actif brut selon l'Union des syndicats de généalogistes professionnels.

La profession de généalogiste n'est pas réglementée et le ministère de la justice s'est toujours opposé à ce qu'elle le devienne .

Son activité n'en est pas moins soumise à un certain nombre de règles destinées à concilier deux impératifs parfois contradictoires : permettre à ceux qui ont des droits à faire valoir mais sont inconnus du notaire d'en bénéficier et respecter la vie privée des familles .

Ainsi, la consultation directe des registres de l'état civil datant de cent ans et moins, dont la garde et la conservation sont assurées par les officiers de l'état civil, n'est permise qu'aux agents de l'Etat habilités à cet effet et aux personnes munies d'une autorisation écrite du procureur de la République, les recherches étant faites par les dépositaires des registres eux-mêmes 240 ( * ) .

« Consciente de l'intérêt que peuvent présenter certaines consultations, notamment celles nécessaires à la recherche d'héritiers pour la liquidation de successions, la Chancellerie, par une circulaire du 29 septembre 2004, a invité les procureurs à répondre favorablement aux requêtes lorsqu'elles sont formulées par des généalogistes présentant toutes garanties de compétence et de discrétion . L'objet de cette circulaire est de simplifier et d'accélérer l'instruction des demandes d'autorisation en indiquant les critères qui doivent conduire les parquets à les accueillir favorablement, notamment l'indication de la finalité des recherches entreprises, l'affiliation du requérant à une association de généalogistes ou l'existence d'un mandat donné par un notaire 241 ( * ) . ».

Par ailleurs, « la convention de révélation de succession est encadrée par un régime rigoureux et protecteur des héritiers, emprunté au droit civil général, ainsi qu'au droit de la consommation 242 ( * ) ». La jurisprudence considère en effet que cette convention constitue non pas un contrat aléatoire mais un contrat commutatif de prestation de services, qualification qui a une double incidence :

- en premier lieu, la convention de révélation de succession obéit aux dispositions du code de la consommation qui régissent le démarchage à domicile, notamment en organisant pour les particuliers une faculté de renonciation dans le délai légal et qui soumettent, à peine de nullité, le contrat à un formalisme destiné à protéger les consommateurs en assurant leur complète information ;

- en second lieu, la Cour de cassation a admis dans un arrêt du 5 mai 1998 que, par application de la théorie de la cause, le juge pouvait réduire les honoraires du généalogiste successoral apparaissant exagérés au regard des services rendus par celui-ci.

Ces quelques règles s'avèrent toutefois insuffisantes pour prévenir des abus qui, s'ils ne sont pas légion, n'en sont pas moins regrettables . La presse s'est ainsi plusieurs fois fait l'écho d'ententes entre un généalogiste et un notaire, un opérateur de pompes funèbres, un gérant de tutelle ou encore un employé d'une maison de retraite...

Pour remédier à ces abus, les syndicats représentatifs de la profession ont, d'une part, soumis leurs adhérents à une obligation de souscription d'assurance en responsabilité civile professionnelle et de garantie financière, d'autre part, entrepris d'élaborer avec l'AFNOR une norme professionnelle de qualité. De son côté, le Conseil supérieur du notariat a élaboré un code de bonne conduite en mars 2004.

Afin d' encadrer l'activité des généalogistes sans pour autant les transformer en une profession réglementée , l'Assemblée nationale propose la création d'un mandat de recherche d'héritier, qui s'inspire du dispositif mis en place par la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970, dite « loi Hoguet », pour l'exercice de l'activité d'agent immobilier :

- seul serait valable le mandat donné par l'un des cohéritiers ou par le notaire chargé de la succession ;

- si une personne se livrait à une activité de recherche d'héritier sans disposer d'un tel mandat, elle ne pourrait pas recevoir de rémunération pour ses démarches.

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, a déclaré en séance publique : « Cet amendement permettra de faire disparaître certaines pratiques douteuses. Il présente en outre l'avantage de créer les conditions d'une moralisation de l'activité des généalogistes successoraux, sans créer une nouvelle profession réglementée. Le Gouvernement y est donc tout à fait favorable 243 ( * ) . »

Tout en souscrivant pleinement à l'objectif recherché, votre commission juge trop restrictive la liste des mandants. Elle est critiquée par une partie de la profession au motif :

- d'une part, qu'elle placerait les généalogistes sous la « tutelle » des notaires ;

- d'autre part, qu'elle empêcherait certaines recherches d'héritiers sans que cela paraisse justifié -par exemple, lorsqu'un bien immobilier a été omis dans la liquidation, lorsque la vacance de la succession est prononcée...

Votre rapporteur a reçu de nombreuses propositions d'amendement émanant des divers représentants de la profession, dont certaines se sont avérées contradictoires.

Il ne lui a semblé possible ni de dresser une liste limitative des mandants potentiels, sous peine de s'exposer à des oublis, ni de prévoir la désignation par le juge du mandataire, au risque de faire des généalogistes une profession réglementée et de réintroduire une judiciarisation du règlement des successions que le projet de loi cherche à juste titre à éviter.

L' amendement qui vous est soumis tend à permettre à toute personne de demander le concours de ce professionnel dès lors que la détermination des héritiers et le règlement de la succession revêt pour elle un réel intérêt. Cette rédaction devrait permettre d'éviter les abus les plus criants émanant de certains professionnels qui n'ont pas d'intérêt direct à la découverte des héritiers.

La recherche d'héritiers serait possible non seulement dans les successions ouvertes, mais encore dans les successions liquidées mais dont un bien a été omis dans le partage.

Enfin, l'obligation d'un mandat préalable serait maintenue sauf pour les successions vacantes ou en déshérence. Il paraît important de laisser aux généalogistes la liberté d'entreprendre des recherches, sans mandat préalable, uniquement dans le cas de successions auxquelles l'Etat peut prétendre et dont la liste est donc publique.

Votre commission vous propose d' adopter l'article 23 sexies ainsi modifié .

Article additionnel après l'article 23 sexies (art. L. 621-29-7 du code du patrimoine)
Évaluation de la valeur d'un monument historique

Votre commission vous propose d'adopter un amendement tendant à insérer un article additionnel afin de préciser les modalités d'évaluation d'un immeuble classé ou inscrit au titre des monuments historiques.

Il vise à mieux prendre en compte au moment du partage la réalité des charges nécessaires à la conservation d'un monument historique .

Il prévoit que si l'héritier attributaire de ce bien est tenu de le conserver en raison d'une clause d'inaliénabilité , la fixation de la valeur du bien dans le partage doit être diminuée de l'importance des charges, y compris d'entretien , nécessaires à la préservation de l'immeuble durant toute la durée de la clause.

La minoration de la valeur qui en résultera permettra à l'héritier d'obtenir de la succession les biens nécessaires à l'entretien du bien.

Article 24 - Modernisation du vocabulaire du droit des successions

Cet article tire les conséquences de la modernisation du vocabulaire juridique spécifique au droit des successions opérée par le projet de loi dans un but d'accessibilité du droit. Ainsi, le terme « par préciput » d'origine latine a été remplacé par l'expression « hors part successorale », certains articles du code civil et les actes notariés employant déjà la formule « par préciput et hors part », bien qu'il s'agisse d'une redondance 244 ( * ) . De même, l'expression « en avancement d'hoirie » a été remplacée par l'expression « en avancement de part successorale ».

Afin d'assurer la sécurité juridique des actes antérieurs à la présente loi utilisant ces expressions, le projet de loi précise que leur portée demeure inchangée.

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, adopté un amendement pour viser également l'expression « préciputaire ».

Votre commission vous propose d' adopter l'article 24 sans modification.

Article 25 - Abrogations de dispositions relatives aux successions vacantes ou en déshérence

Cet article a pour objet de prévoir l'abrogation à compter de l'entrée en vigueur de la loi de diverses dispositions relatives aux successions vacantes ou en déshérence, par coordination avec l'unification de leur régime opéré par l'article premier.

• La loi du 20 novembre 1940 confiant à l'administration de l'enregistrement la gestion des successions non réclamées et la curatelle des successions vacantes

Validée à la Libération par l'ordonnance du 27 novembre 1944, cette loi comprend quatre articles dont les dispositions sont demeurées en vigueur mais revêtent pour certaines un caractère législatif et pour d'autres une valeur réglementaire.

Les dispositions revêtant une valeur législative seraient remplacées par les dispositions de l'article premier du présent projet, relatives aux successions vacantes.

Celles revêtant une valeur réglementaire et devant être conservées seraient intégrées dans les mesures réglementaires d'application de la future loi, qui devraient abroger également l'ensemble de l'arrêté du 2 novembre 1971 pris en application de la loi du 20 novembre 1940, en remplacement de celui du 24 juillet 1941 qu'il avait lui-même abrogé.

• Les articles 941 à 1002 du code de procédure civile

Ces articles, qui forment les dispositions demeurant en vigueur du livre II (« Procédures relatives à l'ouverture d'une succession ») de l'ancien code de procédure civile, traitent des modalités de l'inventaire en matière de succession (art. 941 à 944), des modalités de vente des biens meubles (art. 945 à 952), des procédures de partage et de licitation (art. 966 à 985), du bénéfice d'inventaire (art. 986 à 996), de la procédure de renonciation à succession (art. 997), de la mission et des pouvoirs du curateur à une succession vacante (art. 998 à 1002).

Leurs dispositions sont souvent archaïques puisque, pour la plupart, elles datent du XIX e siècle, et n'ont pas été globalement modernisées au sein du nouveau code de procédure civile, dans l'attente d'une réforme globale du droit des successions. Elles sont en principe de nature exclusivement réglementaire, bien qu'elles aient été prises en la forme législative. Certaines ont cependant été modifiées par des ordonnances prises en application de l'article 38 de la Constitution, donc dans le domaine législatif, à l'instar des articles 1000 et 1001 qui concernent les pouvoirs et obligations du curateur aux successions vacantes. D'autres ont été modifiées par la voie réglementaire, tels les articles 993 et 997 dont la rédaction résulte de décrets respectivement du 26 novembre 1965 et du 4 mars 1966.

Une abrogation d'ensemble par un texte réglementaire aurait donc préalablement exigé le prononcé de leur déclassement par le Conseil constitutionnel saisi en application de la procédure prévue à l'article 37 de la Constitution. Mais l'identification en leur sein des dispositions législatives, d'une part, et réglementaires de l'autre -qui seules auraient pu être annulées par le décret d'application de la future loi- aurait été délicate. Il a donc été jugé préférable, par souci de simplification, d'abroger l'ensemble de ces articles de procédure civile, que leur nature soit législative ou réglementaire, directement dans le présent texte, en intégrant celles de nature législative dans le code civil.

• « Les dispositions spécifiques à l'administration des successions et biens vacants dans les départements d'outre mer, notamment le décret du 27 janvier 1855 sur l'administration des successions vacantes dans les colonies de la Martinique, de la Guadeloupe et de la Réunion, les textes qui en ont étendu l'application et les textes pris pour son application »

La définition d'un régime particulier de la curatelle aux successions vacantes applicable dans les départements d'outre-mer s'est imposée à l'origine en raison du caractère aventureux de la vie qui y était menée par les premiers pionniers qui se sont risqués dans ces territoires, des disparitions fréquentes, ou des départs soudains à la suite desquels les fortunes commencées restaient en souffrance.

Cette situation ayant sensiblement évolué, il n'y a plus lieu de maintenir une dualité du droit applicable dans les départements et régions d'outre-mer.

La loi de départementalisation du 19 mars 1946 avait d'ailleurs déjà consacré ce principe, en prévoyant que les textes applicables en France métropolitaine non encore applicables dans les colonies devaient faire l'objet, avant le 1 er janvier 1947, de décrets d'application à ces nouveaux départements. En particulier, un décret aurait donc dû étendre l'application de la loi du 20 novembre 1940 aux quatre nouveaux départements d'outre-mer. Mais, apparemment en raison d'une simple omission, il semble qu'aucun décret n'ait été pris à cet effet, les départements d'outre-mer demeurant ainsi soumis à une législation dont certaines dispositions datent de 1781.

Le présent article propose de mettre fin à cette situation, en appliquant dans les départements d'outre-mer le nouveau droit métropolitain. La formulation retenue par le projet vise ainsi à abroger toute disposition encore en vigueur. Elle présente la triple particularité d'abroger des dispositions non identifiées autrement que par leur objet, tout en y incluant un texte pris au XIX e siècle sous la forme réglementaire. En l'occurrence, cette formulation a été choisie en raison de l'impossibilité d'identifier exhaustivement les modifications du décret concerné.

L'Assemblée nationale a adopté un amendement rédactionnel.

Votre commission vous propose d' adopter l'article 25 sans modification .

Article 26 (art. 2298, 2299, 2300 et 2301 du code civil)
Coordinations et application outre-mer

Le présent article précise les modalités d'application de la réforme du droit des successions et libéralités outre-mer.

? Le premier paragraphe (I) concerne Mayotte .

En application de l'article 1 er de l'ordonnance n° 2002-1476 du 19 décembre 2002 245 ( * ) , les conditions d'application du code civil à Mayotte sont précisées dans le livre IV du code civil « Dispositions applicables à Mayotte ».

Le I de cet article procède donc aux articles 2298 à 2301 de ce livre aux substitutions de références nécessaires du fait de la réécriture par l'article 4 du projet de loi des dispositions applicables en matière d'attribution préférentielle.

L'article 2297 pose le principe de l'application à Mayotte de l'ensemble du livre III du code civil et donc de son titre Ier relatif aux successions, à l'exception de l'article 832-3 qui prévoit la possibilité d'obtenir la poursuite du bail à long terme pour une exploitation individuelle non maintenue dans l'indivision.

Les articles 2298 à 2302 excluent en outre le cinquième alinéa de l'article 832 et les deuxième, troisième et cinquième alinéas de l'article 832-2 et prévoient des conditions particulières d'application des dispositions relatives au nantissement, aux privilèges et hypothèques, à l'expropriation forcée et à l'ordre des créanciers.

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, corrigé diverses erreurs matérielles de coordination.

? Le second paragraphe (II) rappelle que cette loi est applicable de plein droit à Mayotte, dans les îles Wallis et Futuna et en Nouvelle-Calédonie, à l'exception des dispositions relatives à l'attribution préférentielle .

Sont donc exclus les nouveaux articles 831-1 (qui reprend le 5 ème alinéa de l'actuel article 832), 832-1 (qui reprend l'actuel 832-2) et 832-2 (qui reprend l'actuel 832-3), ces trois articles mentionnant le code rural, qui n'est pas applicable dans ces collectivités.

S'agissant de Mayotte, l'article 3 de la loi du 11 juillet 2001 relative à Mayotte prévoit déjà que « Outre les lois, ordonnances et décrets qui en raison de leur objet sont nécessairement destinés à régir l'ensemble du territoire national, sont applicables de plein droit à Mayotte les lois, ordonnances et décrets portant sur les matières suivantes : (....) 3° Régimes matrimoniaux, successions et libéralités (...) ». Cette mention semble donc superflue.

Pour Wallis et Futuna et la Nouvelle-Calédonie, les questions relatives à l'état des personnes s'appliquent automatiquement.

Au contraire, l'article 7 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française exige une mention expresse pour l'applicabilité des matières relevant de la compétence de l'Etat, dont font partis les régimes matrimoniaux, successions et libéralités.

Conformément à l'article 22 de la loi n° 85-595 du 11 juin 1985 relative au statut de Saint-Pierre-et-Miquelon, la loi y est applicable de plein droit, hormis en matière fiscale et douanière ainsi que pour l'urbanisme et le logement, sans qu'il soit nécessaire de le mentionner.

L'Assemblée nationale a ensuite adopté, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, un amendement visant à prendre en compte le fait que la Polynésie française a compétence exclusive en matière de successions vacantes.

Votre commission vous propose d' adopter l'article 26 sans modification .

Article 26 bis nouveau - Situation des enfants naturels

L'Assemblée nationale a inséré, à l'initiative de Mme Béatrice Vernaudon et avec les avis favorables du Gouvernement et de la commission des lois, un article additionnel tendant à améliorer la situation des enfants naturels dans les successions ouvertes avant 1972 .

En effet, si la loi du 3 décembre 2001 relative aux droits du conjoint survivant a aligné les droits des enfants adultérins sur celui des enfants légitimes s'agissant des successions ouvertes mais n'ayant pas donné lieu à partage à la date de sa publication, elle n'a pas étendu cette disposition aux enfants naturels simples.

Or, si la loi du 3 janvier 1972 a mis fin aux discriminations successorales des enfants naturels vis-à-vis des enfants légitimes, elle n'a pas prévu d'application rétroactive pour les successions déjà ouvertes à cette date .

Outre-mer, et notamment en Polynésie française, de nombreuses successions ouvertes avant 1972 ne sont toujours pas partagées du fait de la généralisation de l'indivision.

Cet article pallie donc opportunément cette lacune, contraire à la Convention européenne des droits de l'Homme et à la convention internationale des droits de l'enfant du 20 novembre 1989.

Votre commission vous propose d' adopter l'article 26 bis sans modification.

Article additionnel après l'article 26 bis - Régime des donations de biens présents ne prenant pas effet au cours du mariage

Votre commission vous propose en outre d'adopter un amendement tendant à insérer un article additionnel afin de préciser que sauf clause contraire, les donations de biens présents qui ne prennent pas effet au cours du mariage consenties entre le 1 er janvier 2005 et l'entrée en vigueur de la présente loi sont librement révocables dans les conditions prévues par l'article 1096 du code civil dans sa rédaction antérieure au 1 er janvier 2005.

Il s'agit d'éviter d'avoir une pluralité de régimes.

Article additionnel après l'article 26 bis (art. 265 du code civil)
Clause de reprise des apports de biens propres en cas de divorce

Votre commission vous propose d'adopter un amendement tendant à insérer un article additionnel afin de confirmer l'efficacité de la clause de reprise des apports de biens propres en cas de divorce, contenue dans un contrat de mariage ou un acte modificatif du régime matrimonial , qu'il ait été signé avant ou après le 1 er janvier 2005.

Cette clause, également dite « clause alsacienne », est très répandue, principalement dans le cadre de changements de régimes matrimoniaux avec apports de biens à la communauté .

Si ces changements de régimes matrimoniaux permettent de transmettre le patrimoine au conjoint survivant sans fiscalité, l'augmentation constante du nombre des divorces, y compris d'époux âgés, rend nécessaire l'insertion d'une telle clause.

La validité de ces clauses a été confirmée par un arrêt de la cour d'appel de Colmar du 6 mai 1990. Néanmoins, un arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 17 janvier 2006 a estimé la clause de reprise des apports inapplicable 246 ( * ) en faisant prévaloir la législation du divorce relative aux avantages matrimoniaux.

Votre commission vous propose donc de valider cette clause.

Article additionnel après l'article 26 bis (art. 1527 du code civil)
Renonciation à l'action en retranchement

Votre commission vous propose d'adopter un amendement tendant à insérer un article additionnel afin de permettre la renonciation à l'exercice de l'action en retranchement jusqu'au décès de l'époux survivant qui obéirait à la même logique que la renonciation anticipée à l'action en réduction des libéralités excessives.

Rappelons qu'en vertu de l'article 1527 du code civil, cette action est ouverte aux enfants d'un premier lit à l'encontre du beau-parent qui bénéficie d'un avantage matrimonial portant atteinte à leur réserve héréditaire (par exemple l'adoption de la communauté universelle avec clause d'attribution au survivant).

Cet amendement tend à favoriser des pactes de famille permettant au conjoint survivant de rester en possession des biens du défunt jusqu'à son décès, les enfants signataires du pacte ne renonçant pas à leurs droits réservataires, mais acceptant d'y prétendre plus tardivement.

Afin d'assurer la protection des enfants du premier lit, la renonciation se ferait dans les formes prévues aux articles 929 et suivants pour la renonciation anticipée à l'action en réduction contre une libéralité excessive.

Afin de sauvegarder l'effectivité de leurs droits futurs, les héritiers pourraient faire inscrire un privilège sur les immeubles dépendant de la communauté et exiger un inventaire des meubles.

Article additionnel après l'article 26 bis (art. 1397 du code civil)
Déjudiciarisation du changement de régime matrimonial

Votre commission vous propose d'adopter un amendement tendant à insérer un article additionnel afin de prévoir la déjudiciarisation du changement de régime matrimonial .

? Actuellement , l'article 1397 prévoit la possibilité de changer de régime matrimonial après deux années d'application, dans l'intérêt de la famille et par acte notarié soumis à l'homologation du tribunal de grande instance .

Mention en est portée en marge de l'acte de mariage et la demande et la décision d'homologation sont publiées. Les créanciers peuvent former tierce opposition contre le jugement d'homologation s'il a été fait fraude de leurs droits.

? Le changement de convention matrimoniale intervient souvent pour préparer une succession, notamment lorsque les époux choisissent la communauté universelle avec attribution au dernier vivant qui permet au conjoint survivant de ne pas acquitter de droits au décès de son époux.

? L'exigence d'une homologation par le tribunal parait peu justifiée :

- elle n'a en pratique souvent pas d'autre effet que d'allonger la procédure et d'en augmenter le coût . Ainsi, en 2003, sur les 21.463 demandes d'homologation, 21.221 ont été totalement acceptées , 186 partiellement acceptées et seulement 56 rejetées 247 ( * ) ;

- il n'est pas prévu d'homologation lors du choix du régime matrimonial au moment du mariage ;

- cette procédure introduit désormais une véritable inégalité entre les époux, puisqu'elle n'est requise que lorsque les deux époux sont Français . En effet, la convention de La Haye du 14 mars 1978 sur la loi applicable aux régimes matrimoniaux s'y oppose dès lors que le contrat de mariage comporte une part d'extranéité, c'est-à-dire que l'un des époux n'a pas la nationalité française.

? Votre commission vous propose donc de simplifier cette procédure, conformément à l'esprit du projet de loi et à la démarche générale d'allègement des procédures administratives engagée depuis 2002.

Le changement de régime matrimonial, toujours soumis à une durée de deux ans d'application, ferait l'objet d'une publicité et serait notifié aux enfants . Actuellement, la loi ne prévoit pas la consultation des enfants, même si elle est en fait systématique.

Les créanciers, en cas de fraude à leurs droits, et les enfants, si le changement est contraire à l'intérêt de la famille, pourraient engager une action en opposition dans un délai de trois mois , ce délai courant pour les créanciers à partir de la publication de l'acte notarié et pour les enfants à compter de la notification.

Article 27 - Entrée en vigueur et dispositions interprétatives

Le présent article prévoit les dispositions nécessaires à l'entrée en vigueur de la réforme des successions et des libéralités et clarifie la portée de certaines des dispositions de la loi du 26 mai 2004 relative au divorce.

1- Le paragraphe I prévoit que la présente loi entrera en vigueur douze mois après sa publication, hormis les dispositions relatives aux successions vacantes, prévues à la section 1 du chapitre V du titre Ier du livre III du code civil -qui comprend les articles 809 à 810-12- qui entreront en vigueur après seulement six mois.

La longueur de ce délai, double de celui prévu pour l'entrée en vigueur de la loi du 3 décembre 2001 relative aux droits du conjoint survivant, est justifiée par le Gouvernement par la lourdeur des dispositions réglementaires à prévoir, notamment pour expliciter les modalités d'application des nouvelles procédures d'acceptation à concurrence de l'actif net, de partage ou de renonciation anticipée à exercer des actions en réduction. De plus, toutes les dispositions réglementaires prévues par l'avant-projet et souvent existantes dans le droit en vigueur ont été renvoyées au décret.

Considérant que l'exception faite au profit des dispositions relatives aux successions vacantes, pourtant largement inspirées du modèle de l'acceptation à concurrence de l'actif net, ne paraissait pas justifiée, l'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, retenu une date d'entrée en vigueur commune à l'ensemble du projet de loi fixée au 1er janvier 2007 .

Une telle solution, qui devrait permettre une entrée en vigueur différée d'environ six mois, a déjà été choisie pour la loi de sauvegarde des entreprises (promulguée le 26 juillet 2005 et entrée en vigueur au 1 er janvier 2006) ou la loi de réforme du divorce du 26 mai 2004 entrée en vigueur au 1 er janvier 2005.

L'Assemblée nationale a cependant subordonné l'abrogation des articles du code ancien de procédure civile à l'entrée en vigueur des textes d'application de la loi nouvelle , suivant la technique utilisée par les ordonnances de codification pour les textes pris en la forme législative mais dont la nature est réglementaire.

2- Le paragraphe II prévoit l'application automatique des nouvelles dispositions à toutes les successions ouvertes postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi.

? Cette application s'imposera que la succession ait ou non fait l'objet d'une libéralité et que cette libéralité soit antérieure ou postérieure à l'entrée en vigueur de la loi.

Cette disposition est justifiée par la Chancellerie par la volonté de ne pas maintenir artificiellement un régime abrogé pendant un nombre d'années indéfini puisque courant potentiellement jusqu'à l'ouverture de la dernière succession mettant en cause une libéralité consentie sous le régime antérieur à l'entrée en vigueur de la nouvelle loi.

Elle prend cependant une dimension particulière du fait de la réforme de la quotité disponible spéciale entre époux prévue à l'article 21 du projet de loi.

Si les testaments rédigés avant l'entrée en vigueur de la loi ne seront pas pour autant caducs, les libéralités prévues qui excéderaient désormais la nouvelle quotité disponible spéciale entre époux seront automatiquement réduites . Ainsi, si le testateur avait prévu d'accorder l'usufruit universel à son conjoint, celui-ci ne recevra plus que la moitié en présence d'enfants non communs.

Cette réforme aura donc des conséquences qui n'ont sans doute pas été pleinement mesurées par les auteurs de la réforme, alors même que la pratique notariale a encouragé depuis des décennies l'attribution de l'usufruit universel au conjoint survivant. Elle porte en outre atteinte aux anticipations des testateurs et de nombreuses personnes qui se croient protégées risquent de sévères déconvenues à l'ouverture de la succession.

Si elle était adoptée, elle impliquerait pour les notaires d'informer individuellement chaque personne ayant déjà pris ses dispositions.

Rappelons toutefois que votre commission vous a proposé à l'article 21 du projet de loi de supprimer cette réforme.

? Néanmoins, le projet ne prévoit aucune application aux successions déjà ouvertes , pour éviter une véritable rétroactivité, toujours sujette à caution.

L'Assemblée nationale a adopté à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement un amendement tendant à permettre une application immédiate au 1 er janvier 2007 de certaines dispositions de la loi aux indivisions existantes et aux successions ouvertes non encore partagées à cette date.

Les dispositions visées sont celles susceptibles de faciliter et d'accélérer le règlement définitif des successions lorsqu'il est bloqué ou de simplifier l'administration des indivisions :

- s'agissant de la gestion des indivisions (article 2 du projet de loi), la majorité des deux tiers aura vocation à s'appliquer aux indivisions existant au jour de l'entrée en vigueur de la loi , sauf si une convention d'indivision est applicable 248 ( * ) . De plus, les nouvelles dispositions relatives au mandat judiciaire (art. 813 à 814-1 modifiés du code civil) seront également applicables en cas de conflit ;

- les dispositions relatives aux partages , amiable et judiciaire, seront également applicables aux indivisions successorales et conventionnelles (articles 3 et 4 du projet de loi et nouveaux articles 116 et 466 du code civil). Ainsi, les héritiers actuellement bloqués notamment par le fait d'un indivisaire taisant ne seront pas obligés, même si la succession est ouverte avant l'entrée en vigueur de la loi, de demander un partage judiciaire ;

- les dispositions concernant les effets du partage et la garantie des lots (article 7 du projet de loi) et les actions en nullité et complément de part (article 8 du projet de loi) seront également applicables ;

- enfin, l'Assemblée a prévu l'application immédiate des nouvelles dispositions de l'article 515-6 concernant les droits successoraux attachés au PACS , c'est-à-dire l'attribution préférentielle de droit pour le logement au profit du partenaire survivant et le nouveau droit de jouissance gratuite du logement pendant un an.

Enfin, l'Assemblée nationale a précisé que la loi ancienne continuerait à s'appliquer lorsqu'une instance a été introduite avant l'entrée en vigueur de la loi, qu'il s'agissant de la première instance, de l'appel ou de la cassation. Une solution identique avait été retenue par la loi du 26 mai 2004 relative au divorce.

3- Le paragraphe III précise l'application du droit nouveau des donations entre époux résultant de l'article 1096 du code civil dans sa rédaction issue de la loi du 26 mai 2004 relative au divorce.

Alors que les donations entre vifs étaient toujours irrévocables, l'ancien article 1096 du code civil prévoyait une exception s'agissant des donations consenties entre époux au cours du mariage.

L'époux pouvait donc révoquer jusqu'à son décès la donation faite à son conjoint, sans même l'en avertir, ce qui était très critiqué, d'autant que les donations consenties entre concubins, obéissant au droit commun des donations entre vifs, étaient elles irrévocables.

La loi du 26 mai 2004 a donc prévu l'irrévocabilité (sauf exceptions prévues par le droit commun des donations entre vifs 249 ( * ) ) des donations entre conjoints de biens présents , les donations de biens à venir faites entre époux durant le mariage demeurant a contrario révocables.

Néanmoins, si cette loi prévoyait une entrée en vigueur différée globalement au 1 er janvier 2005, elle n'a pas précisé le sort des donations de biens présents entre époux consenties antérieurement .

La doctrine s'est donc interrogée sur le choix du régime à leur appliquer : le régime de révocabilité sous lequel la donation avait été consentie, ou le nouveau régime d'irrévocabilité, postérieur à la donation ?

Le principe de survie de la loi ancienne en matière contractuelle, le contrat valant « loi entre les parties », aurait pu conduire à maintenir implicitement, pour les donations passées, le régime de révocabilité des donations de biens présents entre époux sous lequel elles avaient été accordées. La doctrine a néanmoins estimé que ce contrat devait être envisagé au regard du statut matrimonial, lequel est d'essence législative et s'impose aux parties. Elle a donc plutôt milité en faveur de l'application de la loi aux donations antérieures, par souci d'unité de la législation applicable, pour éviter toute survie d'une loi ancienne, source de confusion. Ceci correspond d'ailleurs au choix opéré par le II du présent article pour le présent projet de réforme.

Le projet de loi indique pourtant queles donations de biens présents faites entre époux avant le 1er janvier 2005 demeurent librement révocables , dans les conditions de l'ancien article 1096 du code civil dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 mai 2004.

En effet, l'absence de disposition transitoire traduisait précisément l'intention du législateur de 2004 de conserver l'ensemble des donations antérieures sous l'ancien régime. Il paraît en effet très difficile d'imposer aux donateurs l'irrévocabilité de donations consenties sous le régime de la révocabilité. Ceux-ci pourraient s'estimer abusés par le changement de la loi qui leur interdirait de revenir sur une décision qu'ils ont pu prendre précisément parce qu'ils savaient pouvoir, le cas échéant, la faire disparaître au moment qu'ils jugeraient opportun. Les personnes souhaitant garantir l'irrévocabilité de leur donation devront donc préalablement la révoquer pour en conclure une nouvelle.

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, précisé le caractère interprétatif de cette disposition. Cette précision parait nécessaire du fait de la jurisprudence de la Cour de cassation 250 ( * ) , qui subordonne désormais l'application d'une loi interprétative aux instances en cours à « l'existence d'impérieux motifs d'intérêt général ». Elle ne peut donc rétroagir que si le législateur a exprimé, dans le texte même de la loi ou dans les travaux préparatoires, ces motifs impérieux justifiant une dérogation au principe de non-rétroactivité.

Rappelons en outre que cela ne vise que les donations qui prennent effet au cours du mariage , en vertu de la modification apportée à l'article 1096 du code civil par l'article 21 du projet de loi dans sa rédaction issue de l'Assemblée nationale.

4- L'Assemblée nationale a en outre, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, précisé que le 12° de l'article 22 constituait une disposition interprétative de la loi du 3 décembre 2001 relative au conjoint survivant.

En effet, la nouvelle rédaction retenue pour l'article 734 du code civil par cette loi pour déterminer les ordres d'héritiers a fait naître une ambiguïté sur le fait de savoir si, en l'absence de conjoint successible, les ascendants des père et mère demeurent dans la dévolution successorale ab intestat dans le troisième ordre en l'absence de collatéraux privilégiés ainsi que cela a toujours été le cas. L'article 734, dans sa rédaction issue de la loi de 2001, classe en effet les père et mère dans la deuxième catégorie d'héritiers au même niveau que les frères et soeurs et leurs descendants. En revanche, les ascendants non privilégiés, donc autres que les père et mère, constituent un troisième ordre, qui serait alors exclu par la présence d'au moins un héritier d'un ordre précédent et donc notamment par celle d'un seul des parents, évinçant ainsi entièrement l'autre branche.

Or, le législateur de 2001 n'avait pas l'intention de modifier cette règle en ce sens puisqu'il a conservé les articles 747 et 748 qui posent la solution traditionnelle suivant laquelle la fente est plus forte que l'ordre. Sont maintenues les règles suivant lesquelles « lorsque la succession est dévolue à des ascendants, elle se divise par moitié entre ceux de la branche paternelle et ceux de le branche maternelle ». C'est seulement dans leur ligne respective que le père ou la mère excluent les ascendants d'un degré inférieur, de sorte que ce n'est qu'à défaut d'ascendant dans une des branches que les ascendants de l'autre branche recueillent toute la succession.

Ce point est donc précisé, y compris de manière rétroactive pour les successions ouvertes postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 3 décembre 2001, comme l'yoblige la jurisprudence de la Cour de cassation précitée sur les dispositions interprétatives.

5- L'entrée en vigueur des dispositions relatives au PACS

A l'initiative du Gouvernement, l'Assemblée nationale a, avec l'avis favorable de sa commission des lois, adopté un amendement tendant à insérer un paragraphe V afin de prévoir des dispositions transitoires pour les PACS conclus sous le régime de la loi du 15 novembre 1999 .

Il reprend une fois encore des préconisations du groupe de travail sur le PACS.

? Le principe est celui de l'application immédiate de la présente loi aux PACS en cours à la date de son entrée en vigueur.

Seront donc particulièrement concernées les dispositions successorales introduites par l'Assemblée nationale telles que l'attribution préférentielle de droit du logement, la jouissance gratuite pendant un an du logement et éventuellement le droit viager au logement.

? En revanche, le projet de loi diffère d'une année l'entrée en vigueur des dispositions relatives à la publicité du PACS pour les PACS conclus antérieurement à la présente loi.

Ceci vise principalement la mention du PACS en marge de l'acte de naissance des partenaires. Ainsi, les partenaires qui ne souhaiteraient pas voir la mention du PACS inscrite en marge de leur état civil auront la possibilité de dissoudre leur pacte avant l'expiration du délai imparti.

Ceci impliquera une démarche de communication générale à l'attention des personnes ayant conclu un PACS sous l'empire de la loi ancienne, les informant des avantages du nouveau dispositif et du caractère automatique de la mention du PACS en marge des actes de naissance à défaut de dissolution du PACS.

Néanmoins, les partenaires ayant conclu leur PACS antérieurement pourront, dès l'entrée en vigueur de la loi, conjointement faire connaître leur accord au greffe du tribunal d'instance du lieu de son enregistrement pour qu'il soit immédiatement procédé aux nouvelles formalités de publicité.

A l'issue de ce délai d'un an, le greffier du tribunal d'instance du lieu d'enregistrement du PACS adressera d'office à l'officier de l'état civil détenteur de l'acte de naissance de chaque partenaire dans un délai maximum de six mois un avis de mention de la déclaration de PACS ainsi que des éventuelles conventions modificatives intervenues. Pour les personnes de nationalité étrangère nées à l'étranger, le greffier adressera ce même avis au greffe du tribunal de grande instance de Paris.

A l'expiration de ce délai de six mois, les registres tenus au greffe du tribunal d'instance du lieu de naissance de chaque partenaire ou, en cas de naissance à l'étranger, au tribunal de grande instance de Paris, seront versés à l'administration des archives.

Les mêmes dispositions seront applicables aux agents diplomatiques et consulaires français ainsi qu'aux registres tenus par ces derniers.

? Le projet de loi prévoit en outre que les articles 515-5 à 515-5-3 relatifs au régime patrimonial du PACS - séparation de biens avec la possibilité d'opter pour un régime d'indivision raisonnée - ne s'appliqueront de plein droit qu'aux PACS conclus après l'entrée en vigueur de la présente loi.

Toutefois, les partenaires ayant conclu un pacte sous l'empire de la loi ancienne auront la faculté de soumettre celui-ci aux dispositions de la loi nouvelle par convention modificative.

La majorité des personnes signataires d'un PACS ignorant qu'elles se trouvent sous le régime de l'indivision, il sera une fois de plus indispensable de prévoir une campagne d'information appropriée sur les caractéristiques respectives des régimes d'indivision et de séparation de biens.

On peut se demander s'il n'aurait pas été judicieux de prévoir un mécanisme similaire à celui prévu en matière de publicité du PACS et consistant à soumettre tous les PACS antérieurs à la présente loi au régime de la séparation de biens à l'issue d'un délai d'un an.

On peut toutefois observer que les lois de 1965 et 1985 sur les régimes matrimoniaux n'ont pas appliqué les dispositions nouvelles aux régimes en cours, demeurés soumis au régime choisi au moment du mariage. Un changement de régime de cette nature constituerait une atteinte trop importante à la sécurité juridique.

? Le projet de loi prévoit enfin que le droit de poursuite des créanciers dont la créance était née à une date antérieure à l'entrée en vigueur de la présente loi restera déterminé par les dispositions en vigueur à cette date .

Il s'agit en effet d'assurer leur sécurité juridique.

Votre commission vous propose d' adopter l'article 27 sans modification .

*

* *

Au bénéfice de l'ensemble de ces observations et sous réserve des amendements qu'elle vous soumet, votre commission vous propose d'adopter le projet de loi.

ANNEXES

- GLOSSAIRE DU DROIT DES SUCCESSIONS

- LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR

ANNEXE 1 - GLOSSAIRE DU DROIT DES SUCCESSIONS

Ab intestat

Qualité des héritiers venant à une succession en vertu de la loi et non en vertu de dispositions testamentaires.

Action en retranchement

Ouverte aux enfants d'un premier lit à l'encontre du beau-parent qui bénéficie d'un avantage matrimonial portant atteinte à leur réserve héréditaire.

Attribution préférentielle

Droit que la loi confère à une personne de se voir déclarer propriétaire exclusif d'un bien ou d'un ensemble de biens indivis, à charge pour elle de désintéresser ceux qui avaient normalement vocation à participer au partage. La somme par laquelle le titulaire de ce droit préférentiel dédommage les copartageants se nomme une soulte .

Avancement d'hoirie / Avancement de part successorale

Effet d'une libéralité qui consiste à faire peser cette dernière sur la part de réserve d'un héritier. La libéralité en avancement d'hoirie est rapportable au moment du partage. Opposé de préciput .

Collatéraux

Parents d'un individu qui ne font pas partie des personnes appartenant à la ligne directe, c'est-à-dire : les frères et soeurs, les oncles et tantes et leurs descendants, les cousins et cousines.

Degré

Nombre de générations entre les personnes : les enfants et les parents d'une personne sont ses parents au premier degré, ses petits-enfants et ses grands-parents sont ses parents au deuxième degré, etc.

En ce qui concerne la ligne collatérale, il faut additionner le nombre de générations entre l'ascendant commun et la personne concernée et le nombre de générations entre le parent et l'ascendant commun : son frère et elle sont, par exemple, parents au deuxième degré.

Déshérence (succession en déshérence)

Succession d'une personne qui décède sans héritier ou succession abandonnée. Pour recueillir les biens, l'Etat doit demander l' envoi en possession au tribunal de grande instance.

Donataire

Bénéficiaire d'une donation.

Donateur

Auteur d'une donation.

Envoi en possession

Procédure par laquelle le tribunal de grande instance est appelé à autoriser certaines personnes désignées par la loi à entrer en possession des biens ou de la quotité des biens dépendants de la succession du défunt qui leur sont dévolus. Les autres héritiers, qui n'ont pas besoin d'avoir recours à cette procédure pour entrer en possession des biens, sont dits « saisis de plein droit ».

Exécuteur testamentaire

Personne désignée par le défunt afin de veiller au respect des dispositions testamentaires prises. Il peut délivrer les legs, vendre certains biens.

Fruits

Revenus périodiques d'un bien : intérêts d'emprunts et d'obligations, dividendes d'actions de sociétés, loyers, redevances des inventions...

Héritage / Héritier

Au sens large, le mot « héritier » désigne toute personne qui dispose d'un droit dans la succession.

La preuve de la qualité d'héritier s'administre par tous moyens, en particulier la production d'un acte de notoriété.

- Héritier réservataire : les descendants, en l'absence de descendants, les ascendants ; en l'absence de descendants et d'ascendants, le conjoint survivant.

- Héritier universel : héritier ayant vocation à recevoir l'ensemble du patrimoine.

- Héritier à titre universel : héritier recevant une quote-part de l'universalité des biens ;

- Héritier de rang subséquent : héritier de degré plus éloigné, primé par l'héritier de rang plus favorable, qui ne vient à la succession qu'en cas de renonciation ;

- Héritier successible : héritier n'ayant pas encore opté ;

- Héritier présomptif : celui qui, au jour d'un acte de donation par exemple et si le disposant décédait à cette date, serait héritier légal. Ainsi, les enfants sont des héritiers présomptifs de leurs parents ; en l'absence d'enfants, ce sont les collatéraux ; un petit-fils n'est pas l'héritier présomptif de son grand-père paternel si, au jour de l'acte, son père est vivant et n'a pas renoncé à la succession.

Imputation des libéralités

Technique qui consiste à faire peser sur une quotité (réserve héréditaire ou quotité disponible) les libéralités adressées à des héritiers ou tiers.

Indivision

Situation dans laquelle se retrouvent les héritiers avant le partage des biens d'une succession. Ils ont chacun un droit de propriété sur l'ensemble des biens sans avoir de droits exclusifs.

Institution contractuelle

Acte par lequel l'instituant dispose pour après son décès de tout ou partie de ses biens en faveur de l'institué qui l'accepte. En principe prohibée, elle ne peut être consentie que par contrat de mariage ou entre époux au cours du mariage.

Legs

Disposition testamentaire selon laquelle le défunt lègue certains biens à un légataire.

Libéralité

Acte juridique fait entre vifs ou dans une disposition testamentaire par lequel une personne transfère au profit d'une autre un droit ou un bien dépendant de son patrimoine. Une libéralité est faite avec ou sans charges. Une charge consiste dans une ou plusieurs prestations qu'en acceptant la libéralité le bénéficiaire s'engage à accomplir.

Libéralité graduelle / Substitution fidéicommissaire

Libéralité grevée d'une charge comportant l'obligation pour le donataire ou le légataire de conserver les biens ou droits qui en sont l'objet et de les transmettre, à son décès, à un second gratifié, désigné dans l'acte.

Libéralité résiduelle

Libéralité pour laquelle le disposant a imposé au bénéficiaire de transmettre à un tiers ce qui subsistera de la libéralité. Il y a donc une obligation de transmettre sans obligation de conserver.

Licitation

Variété de vente entre indivisaires et au profit de l'un d'eux d'un bien contenu dans l'indivision, lorsque les biens indivis ne peuvent être commodément partagés.

Masse

La masse de calcul de la réserve et de la quotité disponible ne doit être confondue ni avec la masse successorale ni avec la masse partageable. Elle est plus étendue puisqu'elle réunit aux biens existants tous les biens dont le de cujus a disposé par donation alors que la masse successorale est limitée aux biens dévolus à cause de mort et ne comprend donc les biens donnés que dans la mesure où ils doivent être restitués et la masse partageable est plus restreinte encore puisqu'elle ne rassemble que les biens dévolus à cause de mort et distraction faite de ceux qui le sont à titre particulier

Ordre

Groupe de parents qui peuvent prétendre à la succession d'une personne. Il existe quatre ordres : 1 er ordre : descendants directs ; 2 ème ordre : frères et soeurs et parents ; 3 ème ordre : ascendants ; 4 ème ordre : oncles et tantes ou leurs descendants. En principe, seul l'ordre le plus élevé hérite.

Paiement au marc l'euro

Les créanciers chirographaires sont payés au prorata de leur créance en cas d'insuffisance de l'actif net, quel que soit l'ordre d'arrivée.

Paiement au prix de la course

L'héritier paie les créanciers chirographaires à mesure qu'ils se présentent jusqu'à épuisement, le cas échéant, de l'actif net.

Partage

Opération consistant à mettre fin à une indivision et à attribuer à chacun des co-indivisaires un lot destiné à le remplir de ses droits. Le partage peut être fait à l'amiable ou judiciairement.

Partage d'ascendants

Autre dénomination pour désigner la donation-partage.

Préciput

Effet d'une libéralité qui consiste à faire peser cette dernière sur la quotité disponible et non sur la part de réserve d'un héritier. La libéralité préciputaire (ou hors part successorale) n'est pas rapportable au moment du partage. Opposé d' avancement d'hoirie .

Propriété

Le droit de propriété peut être démembré en deux droits distincts :

- d'une part, la nue-propriété qui est le droit de disposer de son bien à sa guise, et éventuellement de le modifier ou de le détruire ;

- d'autre part « l'usufruit »  qui est le droit de se servir de ce bien ou d'en recevoir les revenus, par exemple encaisser des loyers, des intérêts ou des dividendes.

Quotité disponible

Part des biens successoraux qui n'est pas réservée à une catégorie d'héritiers par la loi et dont le défunt a pu disposer librement par des libéralités. Elle varie par exemple en fonction du nombre d'enfants laissés par le défunt : la moitié en présence d'un enfant, le tiers en présence de deux enfants et un quart au-delà.

Rapport successoral

Opération préalable au partage consistant pour les co-partageants à reconstituer fictivement une masse de calcul des biens à liquider à partager ou à réaliser. Chaque co-partageant restitue à la masse les sommes dont il est débiteur envers la masse ou les biens (en nature ou en valeur) dont il avait été gratifié par le défunt.

Une donation rapportable constitue une avance sur la succession : on dit qu'elle est faite en avancement d'hoirie.

Réduction

Sort réservé à une libéralité dont le montant dépasse la quotité disponible.

Une donation réductible est une libéralité excessive qui, à la demande des héritiers dont elle entame la réserve, doit être amputée de ce qui excède la quotité disponible.

Représentation

Mécanisme permettant à un héritier d'obtenir dans la succession les droits d'un autre héritier, d'un degré plus proche et décédé avant le défunt.

Ce mécanisme s'applique dans les successions dévolues aux descendants ainsi que dans celles dévolues aux collatéraux privilégiés (descendants des frères et soeurs).

Réserve héréditaire

Part des biens successoraux dont la loi assure la dévolution libre de charges à certains héritiers dits réservataires, s'ils sont appelés à la succession et s'ils l'acceptent.

Saisine

Pouvoir donné à un héritier de se mettre en possession de la succession dans son entier, sans qu'il soit besoin d'une quelconque vérification ou délivrance.

Les héritiers disposant de la saisine sont les héritiers ab intestat et les légataires universels en l'absence d'héritiers réservataires. Toutefois, pour ces derniers, si le testament les instituant légataires universels n'a pas été fait en la forme authentique, la saisine ne sera effective qu'après qu'ils se seront fait envoyer en possession par ordonnance du tribunal de grande instance.

Souche

Mode de partage du patrimoine quand l'héritier légal est lui même décédé.

Les héritiers d'une personne décédée viennent à la succession de la ou des personnes dont leur auteur commun aurait hérité si ce dernier n'était pas mort avant le de cujus . On dit qu'ils viennent par représentation de cet auteur. Ainsi des petits enfants succèdent à leurs grands-parents par représentation de leur père et/ou de leur mère prédécédés. Ces héritiers par représentation constituent une « souche ».

Lorsque dans une même succession se présentent plusieurs souches, le partage se fait d'abord par souche, puis, à l'intérieur de chaque souche, le partage se fait par tête.

Soulte

Somme versée par le titulaire d'un droit préférentiel lorsque la valeur du bien qui lui est attribué en vertu de ce droit excède celle de sa part dans la succession.

Subrogation

Opération par laquelle une personne (subrogation personnelle) ou une chose (subrogation réelle) est substituée à une autre dans un rapport d'obligation inchangé. Le régime applicable à cette personne ou à cet objet est le même que celui auquel était soumis l'élément qu'il remplace.

Usufruit : voir « propriété »

Vacance

Etat d'une succession dont les héritiers restent inactifs ou à laquelle ils ont tous renoncé.

ANNEXE 2 - LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR

Chancellerie

Cabinet du garde des sceaux

Direction des affaires civiles et du sceau

Professeurs

M. Pierre Catala, professeur émérite

M. Philippe Malaurie, professeur émérite

M. Michel Grimaldi, professeur à l'Université Panthéon-Assas

Mme Françoise Dekeuwer-Défossez, professeur à l'Université de Lille II

Notaires

Conseil supérieur du notariat

Me Patrice Bonduelle, notaire à Paris

Avocats

Conseil National des Barreaux

Barreau de Paris

Conférence des Bâtonniers

Magistrats

Union syndicale des magistrats

Chambre nationale des commissaires-priseurs

Conseil national des Administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires et à la liquidation des entreprises (CNAJMJ)

Généalogistes

Union des syndicats des généalogistes professionnels

Table ronde « transmission d'entreprises »

Chambre de commerce et d'industrie de Paris

Entreprises et cités

Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME)

Assemblée permanente des chambres des métiers

Associations

Inter associative lesbienne gay bi et trans (LGBT)

Union nationale des associations familiales (UNAF)

Fédération des associations de conjoints survivants (FAVEC)

La demeure historique

* 1 Sur le rapport n° 2850 (Assemblée nationale - douzième législature) de M. Sébastien Huyghe au nom de la commission des lois.

* 2 Projet de loi n° 511 (Assemblée nationale - neuvième législature).

* 3 Projet de loi n° 2530 (Assemblée national - neuvième législature).

* 4 Projet de loi n° 1941 (Assemblée nationale - dixième législature).

* 5 Qui avait remplacé en deuxième lecture M. Nicolas About, devenu entre-temps président de la commission des affaires sociales.

* 6 Proposition de loi portant réforme du droit des successions n° 309 (Sénat, 2001-2002).

* 7 Ces statistiques -les plus récentes qu'il a été possible d'obtenir- proviennent d'une étude réalisée à partir d'un échantillon représentatif de 10.390 actes.

* 8 Le pacte civil de solidarité - Réflexions et propositions de réforme. Rapport remis à M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice, le 30 novembre 2004.

* 9 Rapport n° 2832 (Assemblée nationale - douzième législature), enregistré à la présidence de l'Assemblée nationale le 25 janvier 2006.

* 10 C'est-à-dire au fur et à mesure qu'ils se présentent jusqu'à épuisement de l'actif net.

* 11 Le projet de loi ne revient pas sur les droits sur le logement reconnus au conjoint survivant par la loi du 3 décembre 2001 : droit à la jouissance gratuite du logement pendant un an, d'ordre public, et droit viager au logement -dont le défunt peut le priver.

* 12 Rapport n° 2832 du 25 janvier 2006 présenté par Mme Valérie Pécresse au nom de la mission d'information de l'Assemblée nationale sur la famille et les droits des enfants.

* 13 Voir infra commentaire des articles 787 à 790 du code civil.

* 14 Le légataire particulier détenteur d'un immeuble hypothéqué peut devoir payer la dette hypothécaire pour le conserver. Il dispose alors d'un recours contre les héritiers ou les légataires universels ou à titre universel (art. 874).

* 15 Cass., 1 ère civ., 25 mai 1842.

* 16 Cass., 1 ère civ., 13 oct. 1976.

* 17 Par exemple : un de cujus laisse deux fils et un patrimoine estimé à 50, alors qu'il avait donné à A un immeuble valant 100. Si A renonce, il conserve 100 et B reçoit les 50, alors que s'il accepte, il ne recevra que 75 (100+50 divisés par 2).

* 18 Voir infra commentaire de l'article 14 du projet de loi.

* 19 Article 1130, second alinéa : « On ne peut cependant renoncer à une succession non ouverte, ni faire aucune stipulation sur une pareille succession, même avec le consentement de celui de la succession duquel il s'agit. »

* 20 Cass., 1 ère civ., 11 mai 1966 : « Si l'expiration du délai (...) n'a pas pour effet de rendre acceptant pur et simple le successible qui n'a pas encore fait connaître sa position, elle l'oblige du moins à prendre parti s'il n'a pas pris parti. Le successible, qui ne dispose plus d'une exception dilatoire, doit être condamné comme héritier pur et simple à l'égard du créancier successoral qui l'a poursuivi.»

* 21 Proposition de loi portant réforme du droit des successions (n° 309, 2001-2002).

* 22 La représentation permet à un héritier d'un degré plus éloigné de venir à la place du renonçant dans la succession.

* 23 Le dol est un agissement trompeur ayant entraîné le consentement d'une des parties à un contrat. Il suppose de la part de l'auteur des manoeuvres, une volonté de nuire et, pour la victime, un préjudice qui justifie l'annulation du contrat pour vice de consentement.

* 24 Ce dispositif relatif à la lésion est déplacé par le projet de loi à l'article 786-1 inclus dans la section consacrée à l'acceptation pure et simple.

* 25 La violence est l'acte, délibéré ou non, provoquant à la victime un trouble physique ou moral comportant des conséquences dommageables pour sa personne ou pour ses biens.

* 26 En matière contractuelle, l'erreur n'est cause de nullité que lorsqu'elle porte sur la substance et qu'il est démontré qu'en son absence, la victime n'aurait pas donné son accord à la formation du contrat. La Cour de cassation a jugé que l'erreur sur un motif du contrat extérieur à l'objet de celui-ci, notamment sur le régime fiscal du bien acquis n'est pas, faute de stipulation expresse, une cause de nullité de la convention, quand bien même ce motif aurait été déterminant.

* 27 Cass., civ., 24 mai 1848, 1 ère civ., 15 juin 1960 et 5 mars 2002.

* 28 Le rapport est une opération préalable au partage consistant pour les copartageants à reconstituer fictivement une masse de calcul des biens à liquider, à partager ou à réaliser. Chaque copartageant restitue à la masse les sommes dont il est débiteur envers la masse ou les biens (en nature ou en valeur) dont il avait été gratifié par le défunt.

* 29 Se dit d'une libéralité excessive qui à la demande des héritiers dont elle entame la réserve doit être amputée de tout ce qui excède la quotité disponible.

* 30 A, B et C sont héritiers. A dissimule l'existence de C, alors que B ne le connaissait pas. Le partage se réalise entre A et B qui recueillent chacun la moitié. C se révèle et prouve que A a volontairement dissimulé son existence. Un nouveau partage est réalisé. Pour le calcul des droits de A, la masse partageable sera amputée de 1/6 (part revenant à C et ayant bénéficié à A au moment du premier partage). A aura donc le tiers des 5/6èmes de la succession (5/18èmes) tandis que B et C auront en plus du 1/3 des 5/6 la moitié du 1/6 dont A a été privé, soit au total 13/36 chacun.

* 31 C'est-à-dire consentie hors part successorale.

* 32 CA Agen, 6 janvier 1851, Cass., 1 ère civ. 14 juin 2005.

* 33 Tribunal civil de la Seine, 10 octobre 1951.

* 34 Cass., 1 ère civ., 18 janv. 1989 et 27 oct. 1993 : « Celui qui réclame une succession ouverte depuis plus de trente ans doit justifier que lui-même et ses auteurs l'ont acceptée au moins tacitement avant l'expiration du délai ».

* 35 Cass., 1 ère civ., 23 juin 1982.

* 36 Cass., 1 ère civ., 13 oct. 1969 et 9 nov. 1977.

* 37 Le conseil de famille peut autoriser l'acceptation pure et simple lorsque l'actif dépasse manifestement le passif.

* 38 Art. 943 de l'ancien code de procédure civile : « Outre les formalités communes à tous les actes devant notaire, l'inventaire contiendra :

« 1° Les noms, profession et demeures des requérants, des comparants, des défaillants et des absents, s'ils sont connus, du notaire appelé pour les représenter, des commissaires-priseurs et des experts ; et la mention de l'ordonnance qui commet le notaire pour les absents et défaillants ;

« 2° L'indication des lieux où l'inventaire est fait ;

« 3° La description et estimation des effets, laquelle sera faite à juste valeur et sans crue ;

« 4° la désignation des qualités, poids et titre de l'argenterie ;

« 5° La désignation des espèces en numéraire ;

« 6° Les papiers seront côtés par première et dernière ; ils seront paraphés de la main des notaires ; s'il y a des livres et registres de commerce, l'état en sera constaté, les feuillets en seront pareillement côtés et paraphés s'ils ne le sont ; s'il y a des blancs dans les pages écrites, ils seront bâtonnés ;

« 7° La déclaration des titres actifs et passifs ;

« 8° La mention du serment prêté, lors de la clôture de l'inventaire, par ceux qui ont été en possession des objets avant l'inventaire ou qui ont habité la maison dans laquelle sont lesdits objets, qu'ils n'en ont détourné, vu détourner ni su qu'il en ait été détourné aucun ;

« 9° La remise des effets et papiers, s'il y a lieu, entre les mains de la personne dont on conviendra ou qui à défaut, sera nommée par le président du tribunal. »

* 39 Pour ce qui concerne la suspension du cours des intérêts dans le cadre d'un accord de conciliation ou en cas de procédure de sauvegarde.

* 40 L'article 2021 dispose que « la caution n'est obligée envers le créancier à le payer qu'à défaut du débiteur qui doit être préalablement discuté dans ses biens ».

* 41 Celui-ci indique dans sa version applicable au 1 er janvier 2006 que le jugement d'ouverture de la procédure collective « arrête ou interdit également toute voie d'exécution de la part des créanciers portant tant sur les meubles que sur les immeubles ».

* 42 Ainsi, le Centre de recherche, d'information et de documentation notarial (CRIDON) recommande la vente des valeurs mobilières aux enchères afin d'éviter tout risque de déchéance du bénéfice d'inventaire.

* 43 Par exemple, si un bien a une valeur de 100 et le créancier une créance de 200, le créancier pourra obtenir de l'héritier qui aliène le bien pour 60 qu'il soit engagé sur ses biens personnels à hauteur des 40 manquants (art. 794 modifié). Si le créancier a omis de déclarer l'aliénation, et n'a pas affecté le prix au remboursement des créanciers, l'héritier pourra en plus être déchu de l'acceptation à concurrence de l'actif (art. 800) et le créancier pourra poursuivre l'héritier sur ses biens personnels pour les 200 de sa créance.

* 44 portant sur des biens autres que les corps certains, ces derniers étant eux immédiatement propriétaires de leur legs.

* 45 Cass. 16 janv. 1939.

* 46 Par coordination, l'Assemblée nationale a remplacé la mention des légataires de biens fongibles par celle des légataires de sommes d'argent.

* 47 Par exemple : un de cujus laisse deux frères et un patrimoine estimé à 50, alors qu'il avait donné à A un immeuble valant 100. Si A renonce, il conserve 100 et B reçoit les 50, alors que s'il accepte, il ne recevra que 75 (100+50 divisés par 2).

* 48 Cass., civ., 19 nov. 1874.

* 49 Notamment Cass., 1 ère civ., 14 mai 1992.

* 50 Cass., 1 ère civ., 3 mars 1965 et 11 mars 1968.

* 51 Les droits de l'Etat sont dans un chapitre du code civil distinct de celui consacré aux ordres des héritiers.

* 52 Cass., 1 ère civ., 16 nov. 1927.

* 53 Rapport n° 73 (Sénat, 2003-2004).

* 54 L'article 23 du projet de loi tend également à reprendre le premier alinéa de l'article 16 de l'arrêté du 2 novembre 1971.

* 55 L'héritier ne pourrait être contraint à opter avant l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de l'ouverture de la succession. Passé ce délai, il pourrait être sommé d'opter et devrait alors prendre parti dans un délai de deux mois suivant la sommation. Il pourrait toutefois solliciter du juge un délai supplémentaire.

* 56 Dernier alinéa de l'article 3 de l'arrêté de 1971.

* 57 Article 4 de l'arrêté de 1971.

* 58 Il a été indiqué à votre rapporteur que cette expression désignait principalement des dettes portant intérêt et susceptibles d'accroître le passif de la succession mais également, par exemple, la dette de prestation compensatoire au profit d'un ex-conjoint.

* 59 En application de l'ordre de paiement prévu par l'article 796, auquel renvoie l'article 810-5, les légataires de biens particuliers identifiables prennent possession de leurs legs dès l'ouverture de la succession, et les légataires particuliers, mais de biens fongibles y compris de sommes d'argent, quoique réglés après les créanciers déclarés, doivent être néanmoins intégrés au projet de règlement.

* 60 T civ Lyon 3/01/1912 - CA Paris 11/07/1851.

* 61 Décret du 19 juillet 1934.

* 62 Voir commentaire de l'article 16 du projet de loi relatif aux pouvoirs de l'exécuteur testamentaire.

* 63 Cass. Civ. - 23 mars 1903.

* 64 Voir infra art. 812-7.

* 65 Voir infra art. 812-5 et 812-6.

* 66 Notamment Cass., 1ère civ. - 4 avril 1991, succession Picasso.

* 67 Voir infra article 4 du projet de loi.

* 68 Voir infra article 4 du projet de loi.

* 69 Rappelons que les actes d'administration sont des actes de gestion normale qui tendent à faire fructifier un bien ou à l'améliorer sans en compromettre la valeur.

* 70 Les actes de disposition sont les actes les plus graves pouvant faire sortir un bien du patrimoine indivis ou en diminuer la valeur (cession, constitution d'hypothèque...).

* 71 Le remploi consiste en l'achat d'un bien avec des deniers provenant de la vente d'un autre bien ou d'une indemnité représentative de la valeur d'un autre bien.

* 72 La subrogation est une fiction de droit par laquelle un bien en remplace un autre en lui empruntant ses qualités. Depuis l'arrêt de la Cour de cassation Chollet contre Dumoulin du 5 décembre 1907, la subrogation de la vente d'un immeuble indivis est admise. La jurisprudence semble cependant la subordonner à l'accord unanime des indivisaires.

* 73 Opération préalable au partage consistant en la restitution par un copartageant à la masse partageable afin de la reconstituer de sommes dont il est débiteur envers la masse ou de biens dont il avait été gratifié par le défunt, ou encore de la valeur de ces biens (art. 829 et 843).

* 74 Opération consistant à amputer à la demande des héritiers réservataires les libéralités excessives (dons et legs qui entament la réserve héréditaire) de tout ce qui excède la quotité disponible, ce qui peut entraîner leur suppression (art. 920 et s.).

* 75 Ainsi, en présence d'un père et deux frères, dont les droits dans la masse sont respectivement d'un ¼ pour le père et de 3/8 pour chaque frère, il faudra prévoir huit lots -deux pour le père et trois pour chaque frère.

* 76 Loi n° 71-523 du 3 juillet 1971 modifiant certaines dispositions du code civil relatives aux rapports à succession, à la réduction des libéralités excédant la quotité disponible et à la nullité, à la rescision pour lésion et à la réduction dans les partages d'ascendants.

* 77 Comme le droit en vigueur, ce texte fait référence au conjoint et non au conjoint survivant, puisqu'il peut s'agir d'un partage de communauté et non d'un partage successoral.

* 78 Cass., 1 ère civ., 20 déc. 1976.

* 79 Cass., 1 ère civ., 11 janv. 1977.

* 80 Cass., 1 ère civ., 20 mars 1990.

* 81 Cass., 1 ère civ., 23 nov. 1982.

* 82 Cass., 1 ère civ., 20 nov. 1979.

* 83 Rappelons que la présomption d'absence est constatée par le juge des tutelles « lorsqu'une personne a cessé de paraître au lieu de son domicile ou de sa résidence sans que l'on en ait eu de nouvelles » (art 112). Le présumé absent peut être représenté par une personne désignée par le juge dans l'exercice de ses droits ou dans tout acte auquel il serait intéressé (art 113).

* 84 Voir infra commentaire de l'article 22 du projet de loi.

* 85 Cass.,1 ère civ., 2 oct. 1979.

* 86 Cass.,1 ère civ., 11 déc. 1973.

* 87 Cass., 8 juin 1859, 1ère civ., 24 fév. 1998.

* 88 Cass.,1 ère civ., 29 juill. 1952.

* 89 Par exemple : un de cujus laisse deux fils, A et B, et un patrimoine estimé à 50, alors qu'il avait donné à A un immeuble valant 100. Si A renonce, il conserve 100 et B reçoit les 50, alors que s'il accepte, A et B recevront chacun 75 (100+50 divisés par 2).

* 90 Par exemple, A décède en laissant trois enfants B, C et D et un patrimoine de 500. B, qui avait reçu 100, renonce et doit le rapport.

En l'état du projet de loi, la masse de calcul de la quotité disponible est de 600 et la quotité disponible d'1/3, soit 200. La libéralité s'impute normalement sur la part successorale du gratifié, mais comme il renonce, il ne dispose plus de part de réserve.

En l'absence de précision, l'imputation devrait donc se faire sur la réserve globale et diminuerait la réserve individuelle des héritiers acceptants. La libéralité devrait donc être automatiquement réduite.

La solution consistant à imputer la libéralité sur la quotité disponible est également critiquable puisqu'elle aurait pour effet de la diminuer, ce qui est contraire à l'esprit de la réforme.

En revanche, en reconstituant fictivement et uniquement pour l'imputation de la donation la part de réserve de B, on obtient une quotité disponible d'1/4, soit 150 et une réserve globale de 450. La donation faite à B s'impute sur cette réserve, à concurrence de sa part de réserve fictive et pour le surplus sur la quotité disponible. Après imputation, la réserve globale serait donc de 350 à partager entre C et D et la quotité disponible de 150 resterait entièrement libre.

* 91 Cass. civ., 21 nov. 1917.

* 92 Cass. 1 ère civ., 14 janv. 1997.

* 93 Qui visent les dépenses d'acquisition du matériel nécessaire à l'entrée dans la vie militaire.

* 94 Req., 29 juin 1921.

* 95 Cass., 1ère civ., 10 mai 1995.

* 96 Cass., 1 ère civ., 27 janv. 1987.

* 97 La Cour de cassation a rappelé le 21 juin 1989 que les fruits restaient dus à compter de l'ouverture de la succession.

* 98 Cass., 1 ère civ., 30 juin 1992.

* 99 Le 3° de l'article 13 du projet de loi déplace en outre aux articles 919-1 et suivants les dispositions des actuels articles 864 à 869.

* 100 Req., 21 oct. 1902.

* 101 Cass., 1 ère civ., 7 nov. 1978.

* 102 Cass., 1 ère civ. 10 juin 1976.

* 103 Art. 2111 du code civil.

* 104 Req., 30 mars 1897.

* 105 Cass., civ., 12 janv. 1900.

* 106 Cass., 1ère civ., 22 mars 1983.

* 107 Cass., 1 ère civ., 9 juin 1970.

* 108 Cass., civ., 26 oct. 1943.

* 109 Cass., 17 nov. 1858 ; Cass., 1ère civ., 1er mars 1978.

* 110 Cass., 5 juill. 1949.

* 111 Req., 21 mars 1922.

* 112 Cass., 1 ère civ., 20 janv. 1982 et Cass., civ., 16 mai 1972.

* 113 Cass. plén. Civ., 9 mars 1961.

* 114 Req., 18 avr. 1899.

* 115 Cass., civ., 29 avr. 1975

* 116 La vente fictive constitue le mode le plus courant de la donation déguisée.

* 117 Acte onéreux volontairement déséquilibré ou achat pour autrui par exemple.

* 118 Il ne peut donc être dactylographié, écrit par un autre, post-daté ou antidaté. Le défaut de signature entraîne également, en principe, sa nullité. En revanche, l'instrument et le support importent peu : les tribunaux ont ainsi validé des dispositions écrites à la craie sur un tableau noir ou un mur, au pinceau sur une toile, avec un diamant sur une vitre...

* 119 En France, les notaires sur le territoire de la République française et les agents diplomatiques et consulaires à l'égard des Français à l'étranger ont été désignés par la loi du 29 avril 1994 comme personnes habilitées à instrumenter.

* 120 L'article 968 du code civil prohibe les testaments conjonctifs.

* 121 Cass. 1 ère civ. - 3 nov. 1988.

* 122 Cass. 1 ère civ. - 23 mars 1975.

* 123 Cass. req. - 11 mars 1931.

* 124 Cass. 1 ère civ. - 5 juill. 1988.

* 125 Les difficultés de qualification sont toutefois fréquentes. Ainsi la Cour de cassation a considéré : en 1984, que la mise à disposition gratuite d'un immeuble par des parents au profit de leurs enfants ne constituait pas une donation (Cass. 1 ère civ. - 3 nov. 1984) ; en 1997, que l'avantage résultant de ce que certains enfants du défunt avaient été logés gratuitement pendant une longue période s'apparentait à une donation de revenus, à ce titre rapportable à la succession (Cass. 1 ère civ. - 14 janv. 1997).

* 126 Droit des successions - Michel Grimaldi - Sixième édition - Editions Litec - page 364.

* 127 Art. 1048 du code civil.

* 128 Art. 1049 du code civil.

* 129 Cass. civ. - 19 mars 1873.

* 130 Cass. req. - 10 fév. 1897.

* 131 Cass. req. - 11 fév. 1863.

* 132 Cass. 1 ère civ. - 2 juin 1993.

* 133 Cass. 1 ère civ. - 31 janv. 1995.

* 134 Droit des successions - Michel Grimaldi - Sixième édition - Edition Litec - page 364.

* 135 Ces deux articles s'effacent devant les règles mises en place par les différents régimes de protection des incapables.

* 136 Cass. civ. - 4 fév. 1941.

* 137 Cass. civ. - 18 mai 1825.

* 138 Cass. req. - 6 déce. 1909.

* 139 Cass. req. - 27 juin 1919.

* 140 La donation n'est pas nulle si le malade revient à la santé ou s'il vient à mourir d'autre chose (Cass. req. - 21 avr. 1913).

* 141 Des libéralités - une offre de loi - répertoire du notariat Defrénois - page 116.

* 142 Art. 913 du code civil.

* 143 Art. 913-1 du code civil.

* 144 Art. 916 du code civil.

* 145 Art. 735 du code civil.

* 146 Journal officiel des débats de l'Assemblée nationale, troisième séance du mardi 21 février 2006.

* 147 Art. 757 du code civil.

* 148 Il peut même le priver du droit viager au logement mais non du droit d'en jouir gratuitement pendant un an, qui lui sont reconnus par les articles 763 à 765 du code civil.

* 149 Art. 1094-1 du code civil.

* 150 Art. 757-3 du code civil.

* 151 Journal officiel des débats de l'Assemblée nationale, troisième séance du mardi 21 février 2006.

* 152 Le projet de loi précise que, pour être opposable aux tiers, la renonciation doit être faite au tribunal dans le ressort duquel la succession s'est ouverte (art. 804 du code civil).

* 153 Journal officiel des débats de l'Assemblée nationale, deuxième séance du mercredi 22 février 2006.

* 154 La masse de calcul de la réserve et de la quotité disponible ne doit être confondue ni avec la masse successorale ni avec la masse partageable. Elle est plus étendue puisqu'elle réunit aux biens existants tous les biens dont le de cujus a disposé par donation alors que la masse successorale est limitée aux biens dévolus à cause de mort et ne comprend donc les biens donnés que dans la mesure où ils doivent être restitués et la masse partageable est plus restreinte encore puisqu'elle ne rassemble que les biens dévolus à cause de mort et distraction faite de ceux qui le sont à titre particulier.

* 155 Parmi les dettes du défunt figurent certaines charges de la succession : les frais funéraires ainsi que les frais de liquidation et de partage (Cass. 1 ère civ. - 10 déc. 1968), mais non les frais de délivrance des legs (art. 1016 du code civil) et moins encore les droits de mutation.

* 156 Cass. civ. - 1 er décembre 1964.

* 157 Rapport n° 2850 (Assemblée nationale, douzième législature) page 249.

* 158 A titre d'exemple : A reçoit un immeuble à un instant N. Il le vend pour 100 à un instant N+1. Il remploie le prix de l'aliénation à un instant N+3. Entre N+1 et N+3, la valeur de l'immeuble est passée de 100 à 150. En application de la rédaction retenue par l'Assemblée nationale, A devrait réunir fictivement la valeur de l'immeuble à N+3 (époque de la subrogation), soit 150, alors qu'il l'a vendu pour 100.

* 159 La jurisprudence exige que le successible ait eu, au jour de l'acte, la qualité d'héritier présomptif : la vente qu'un grand-père paternel consent à un petit-fils du vivant de son père ne tombe pas sous le coup de l'article 918 (Cass. 1 ère civ. - 17 mars 1983).

* 160 L'assimilation du droit d'usage et d'habitation au droit d'usufruit a été écartée (Cass. 1 ère civ. - 16 juin 1992).

* 161 Lorsqu'on parle du patrimoine de façon générale, on emploie le terme quotité disponible, tandis que lorsqu'on vise précisément des biens ayant fait l'objet de libéralité, on parle de portion disponible.

* 162 Selon l'article 742 du code civil : « La suite des degrés forme la ligne ; on appelle ligne directe la suite des degrés entre personnes qui descendent l'une de l'autre ; ligne collatérale, la suite des degrés entre personnes qui ne descendent pas les unes des autres, mais qui descendent d'un auteur commun. On distingue la ligne directe descendante et la ligne directe ascendante. »

* 163 Le rapport est l'opération préalable au partage consistant en la restitution par un copartageant à la masse partageable afin de la reconstituer de sommes dont il est débiteur envers la masse ou de biens dont il avait été gratifié par le défunt, ou encore de la valeur de ces biens.

* 164 La question de l'imputation subsidiaire de l'avance d'hoirie, qui ne se pose que lorsque la réserve du gratifié est inférieure à la libéralité reçue, a longtemps été discutée. Avant que la loi ne pose en 1971 le principe de l'imputation sur la quotité disponible sauf clause d'imputation sur la réserve globale, la Cour de cassation avait retenu l'imputation sur la quotité disponible, en 1838, puis sur la réserve globale, en 1907, avant de pencher à nouveau pour une imputation sur la quotité disponible, en 1964. Le législateur a considéré que l'imputation subsidiaire relevait de la volonté du disposant. Elle doit porter sur la réserve globale si, soucieux de sa liberté testamentaire, il a voulu avant tout conserver intacte la quotité disponible pour pouvoir consentir des préciputs ultérieurs ; elle doit porter sur la quotité disponible si son objectif est d'assurer l'égalité entre ses enfants. La loi devant cependant édicter une règle supplétive de volonté pour le cas où le disposant ne se serait pas exprimé, elle a privilégié la préoccupation égalitaire plutôt que la liberté testamentaire.

* 165 L'article 6 du projet de loi tend à faire figurer à l'article 864 du code civil des dispositions relatives aux dettes de copartageants.

* 166 L'article 6 du projet de loi tend à faire figurer à l'article 865 du code civil des dispositions relatives aux dettes des copartageants.

* 167 Le fait de viser seulement l'époque et non le jour du partage permet de pouvoir appliquer ces techniques d'évaluation aux indivisions dont le partage ne donne pas lieu à un acte notarié et pour lequel les héritiers ne sont capables de fournir que l'époque de jouissance divise et non une date précise.

* 168 Cass 1 ère civ. - 21 juin 1989.

* 169 Cass. 1 ère civ. - 17 déc. 1968.

* 170 Cass. 1 ère civ. - 20 oct. 1982. L'action oblique permet au créancier dont la créance est certaine, liquide et exigible d'exercer, au nom de son débiteur, les droits et actions de celui-ci, lorsque le débiteur, au préjudice du créancier, refuse ou néglige de les exercer. Il ne peut, toutefois, exercer les droits et actions qui sont exclusivement attachés à la personne du débiteur.

* 171 Art. 1077-2 du code civil.

* 172 Art. 1080 du code civil.

* 173 Sous réserve de la possibilité pour les enfants non communs d'exercer l'action en retranchement.

* 174 Cass. civ., 10 mars 1941.

* 175 Aix en Provence, 10 mars 1997, s'agissant d'une renonciation à une action en retranchement.

* 176 Ainsi, une personne peut être instituée héritier par contrat de mariage ou au cours du mariage -c'est la « donation au dernier vivant » (art. 1093, 1082 et 1096). En outre, la clause commerciale, insérée dans un contrat de mariage, permet à un époux de recueillir à titre onéreux dans la succession de son conjoint un bien personnel ou propre (art. 1390 issu de la loi du 13 juillet 1965). Il est également possible de stipuler dans une convention d'indivision une faculté d'acquisition ou d'attribution de la part indivise de l'indivisaire décédé (art. 1873-13).

* 177 Les statuts sociaux peuvent régler par avance le sort des droits de l'associé décédé afin de prévenir l'arrivée d'un indésirable dans la société, qu'il s'agisse d'un héritier ou d'un légataire.

* 178 Le deuxième alinéa de l'article 930 prévoit en outre que le consentement des réservataires à l'aliénation du bien donné, consentie par le donataire, vaut renonciation de leur part à demander la réduction contre le tiers acquéreur. Cette renonciation a cependant une portée plus limitée qu'à l'article 918, puisqu'ils n'abdiquent pas le droit de demander la réduction en général mais seulement celui de la demander contre le tiers acquéreur.

* 179 Le conjoint survivant qui n'est ni divorcé ni engagé dans une instance de divorce ou séparation de corps dispose en l'absence d'ascendant et de descendant du défunt d'une réserve correspondant au quart des biens de ce dernier.

* 180 Cass., soc., 6 mars 1985.

* 181 « En fait de meubles, la possession vaut titre. Néanmoins celui qui a perdu ou auquel il a été volé une chose peut la revendiquer pendant trois ans à compter du jour de la perte ou du vol, contre celui dans les mains duquel il la trouve ; sauf à celui-ci son recours contre celui duquel il la tient. »

* 182 Art. 2121 et 2136 et suivants du code civil. Lorsque l'un des époux a une créance à faire valoir contre l'autre, il peut demander au tribunal d'ordonner qu'une hypothèque légale soit inscrite sur les biens de son conjoint. Le tribunal peut également décider qu'une hypothèque sera prise sur les biens de l'époux qui se fait transférer l'administration des biens de l'autre.

* 183 Art. 956 du code civil.

* 184 Tribunal de grande instance de Saintes, 7 mai 1996. La reconnaissance a un effet déclaratif donc l'enfant naturel reconnu est réputé être l'enfant de l'auteur de la reconnaissance dès sa naissance.

* 185 Droit patrimonial de la famille - Dalloz Action - 2001-2002 - page 738.

* 186 Art. 962 du code civil.

* 187 Art. 966 du code civil.

* 188 Journal officiel des débats de l'Assemblée nationale, deuxième séance du mercredi 22 février 2006.

* 189 L'article 975 du code civil ajoute que ni les légataires, ni leurs parents ou alliés jusqu'au quatrième degré inclusivement, ni les clercs des notaires par lesquels les actes sont reçus ne peuvent être pris pour témoins d'un testament par acte public.

* 190 Journal officiel des débats de l'Assemblée nationale, deuxième séance du mercredi 22 février 2006.

* 191 Ces volontés peuvent concerner par exemple l'organisation de ses funérailles, le paiement des legs ou l'exécution des charges imposées aux légataires.

* 192 Cass., civ. 14 déc. 1990.

* 193 Journal officiel des débats de l'Assemblée nationale - troisième séance du mardi 21 février 2006.

* 194 « Des libéralités. Une offre de loi » par Jean Carbonnier, Pierre Catala, Jean de Saint Affrique, Georges Morin - Répertoire du notariat Defrénois - page 84.

* 195 Voir commentaire de l'article 10 du projet de loi.

* 196 La jurisprudence avait admis que le testateur pouvait interdire au premier gratifié de disposer de ses biens par donation ou par testament : Cass. req. - 11 fév. 1863.

* 197 Droit patrimonial de la famille - Dalloz action - 2001-2002 - page 897.

* 198 Les héritiers présomptifs sont ceux qui, au jour de l'acte et si le disposant décédait à cette date, seraient héritiers légaux. Il s'agit des héritiers visés à l'article 734. Toutefois, pour être qualifiés de présomptifs, ils doivent être au jour de l'acte en rang utile. Ainsi, les enfants sont des héritiers présomptifs de leurs parents ; en l'absence d'enfants, ce sont les collatéraux ; un petit-fils n'est pas l'héritier présomptif de son grand-père paternel si, au jour de l'acte, son père est vivant et n'a pas renoncé à la succession. L'expression est déjà connue du code civil qui l'emploie aux articles 846 et 1031.

* 199 Dans sa rédaction initiale, le projet de loi employait la notion de « génération », moins précise que celle de degré lorsque le conjoint est plus jeune que les enfants du disposant issus d'un premier lit.

* 200 Journal officiel des débats de l'Assemblée nationale - troisième séance du mardi 21 février 2006.

* 201 Il peut s'agir d'un descendant plus éloigné, d'un autre parent, d'un conjoint ou encore d'un étranger à la famille.

* 202 Le patrimoine et sa transmission - questions-réponses - Juriscompact -édition 2005.

* 203 Cass 1 ère civ. - 14 octobre 1981.

* 204 Art. 748 du code général des impôts.

* 205 Ces exemples sont extraits du numéro 37 de la semaine juridique notariale et immobilière paru au mois de 16 septembre 2005.

* 206 Elle était en 2001 de 75,5 ans pour les hommes et de 82,8 ans chez les femmes, soit un écart entre les deux sexes de 7,3 ans.

* 207 Hormis le cas où celui-ci est héritier réservataire en l'absence de descendant et d'ascendant.

* 208 A moins que son conjoint l'en ait privé par testament.

* 209 La réduction sanctionne les libéralités qui portent atteinte à l'intégralité de la réserve. Elle les neutralise dans la mesure de l'excès. Lorsqu'elle atteint un avantage matrimonial en présence d'enfant d'un précédent mariage, on parle de retranchement.

* 210 D'autant plus que le PACS connaît une progression constante puisque 40.000 PACS ont été conclus en 2004. Dans le même temps, 280.000 mariages étaient célébrés.

* 211 Décret n° 99-1090 du 21 décembre 1999 relatif aux conditions dans lesquelles sont traitées et conservées les informations relatives à la formation, la modification et la dissolution du pacte civil de solidarité et autorisant la création à cet effet d'un traitement automatisé des registres mis en oeuvre par les greffes des tribunaux d'instance, par le greffe du tribunal de grande instance de Paris et par les agents diplomatiques et consulaires français.

* 212 Loi n° 2004-801 du 6 août 2004, relative à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel.

* 213 Délibération de la CNIL n° 99-056 du 25 novembre 1999.

* 214 Est présumée absente la personne qui a cessé de paraître au lieu de son domicile sans que l'on en ait eu de nouvelles, jusqu'à sa déclaration d'absence par le TGI dix ans après le jugement ayant constaté l'absence.

* 215 L'article 836 relatif aux personnes présumées absentes et éloignées renvoyant dans les deux cas à l'article 116 du code civil.

* 216 L'article 495 prévoit que les règles prévues pour les mineurs sous tutelle aux articles 393 à 475 du code civil sont également applicables pour la tutelle des majeurs.

* 217 Il est composé de quatre à six membres choisis par le juge des tutelles parmi les parents ou alliés des père et mère du mineur et les amis ou voisins (art. 407 à 409).

* 218 Aux termes des articles 389-6, 497 et 500 du code civil, lorsque la tutelle est ouverte sans conseil de famille (ce qui est le cas dans la quasi-totalité des cas), qu'il s'agisse d'une administration légale sous contrôle judiciaire prévue par l'article 497 ou d'une tutelle en gérance prévue par l'article 499, tous les actes qu'un tuteur ne pourrait faire qu'avec l'autorisation du conseil de famille sont soumis à l'autorisation du juge des tutelles.

* 219 Cass., 3 ème civ., 3 juill. 1991.

* 220 Cass., 1 ère civ., 25 fév. 1997.

* 221 Cour d'appel de Versailles, 1 ère chambre, section 1, 5 avril 1990.

* 222 Soit la libéralité faite au conjoint était égale ou dépassait l'usufruit légal et celui-ci ne pouvait être exercé, soit la libéralité était inférieure à l'usufruit légal et ce dernier pouvait être exercé à hauteur de la différence.

* 223 Article 767 ancien, sixième alinéa : « Il cessera d'exercer [ce droit] dans le cas où il aura reçu du défunt des libéralités, même faites par préciput et hors part, dont le montant atteindrait celui des droits que la présente loi lui attribue et, si ce montant était inférieur, il ne pourrait réclamer que le complément de son usufruit. »

* 224 L'article 1094-1 prévoit que la quotité disponible spéciale entre époux est soit l'usufruit universel, soit 1/4 en pleine propriété et ¾ en usufruit, ou quotité disponible ordinaire (c'est-à-dire ½ en présence d'un enfant, 1/3 en présence de deux enfants et ¼ en présence de trois enfants et plus).

* 225 Depuis 2001, l'article 757 précise qu'en présence d'enfants du défunt et en l'absence de disposition testamentaire, le conjoint survivant recueille à son choix l'usufruit de la totalité des biens ou la propriété du quart des biens lorsque tous les enfants sont issus des deux époux et la propriété du quart en présence d'un ou plusieurs enfants non communs.

* 226 L'article 757-1 prévoit que si, à défaut d'enfants ou de descendants, le défunt laisse ses père et mère, le conjoint survivant recueille la moitié des biens. Quand le père ou la mère est prédécédé, la part qui lui serait revenue échoit au conjoint survivant.

* 227 Une personne peut décéder sans enfants, et sans laisser de frère et soeurs. Dans ce cas, sa succession revient à ses ascendants (parents, grand-parents,...) ou à ses collatéraux non privilégiés (oncles et tantes, neveux et nièces, cousins et cousines, ...).Pour éviter que les biens provenant d'une famille ne reviennent entièrement à l'autre, le code civil a introduit le principe de la fente: les biens du défunt sont partagés en deux parties égales, l'une revenant à la famille paternelle du défunt, l'autre revenant à la famille maternelle. La moitié de revenant à chaque famille est traitée et partagée comme une succession indépendante.

* 228 La restriction prévue par le projet de loi initial était liée au fait que la représentation du renonçant constitue une importante dérogation au principe que l'on ne représente jamais un vivant, et qu'il semblait par suite souhaitable de la restreindre à la seule hypothèse dans laquelle le renonçant dispose d'un droit réservataire, afin de tirer toutes les conséquences de l'idée selon laquelle les enfants peuvent « passer leur tour » au profit de leurs propres descendants dans la succession de leurs parents. La différence entre l'indignité et la renonciation pouvait également être justifiée par le fait que l'indignité est une peine personnelle infligée à l'indigne, qui ne méritait pas d'être étendue à ses descendants, tandis que la renonciation est un choix de l'auteur de la souche qui doit, sauf dérogation expresse, être opposable à l'ensemble de ses membres.

* 229 Voir supra commentaire de l'article 14 du projet de loi.

* 230 La loi du 13 juillet 1965 a pris le contre-pied de l'arrêt Crémieux (Cass, 11 janv. 1933) qui faisait de cette clause un pacte sur succession future.

* 231 Cass., 1 ère civ., 29 avril 1985 : « la licéité de la faculté d'attribution en propriété impliquait celle de la clause du contrat de mariage prévoyant l'octroi d'un bail sur les biens propres de l'époux prédécédé ».

* 232 L'attribution dans le cadre de la clause commerciale des articles 1390 et suivants est faite en pleine propriété et non en usufruit. Le sort de cette clause est réglé au moment de la liquidation du régime matrimonial et donc en théorie préalablement au règlement de la succession et au choix éventuel par le conjoint survivant de la succession totalement en usufruit.

* 233 Art. 1090 du code général des impôts.

* 234 Art. 1090 A du code général des impôts.

* 235 Art. L. 321-2 du code de commerce.

* 236 Réponse à la question écrite n° 56465, publiée au Journal officiel de l'Assemblée nationale du 26 février 2001, page 1276.

* 237 Réponse à la question écrite n° 567 publiée au Journal officiel de l'Assemblée nationale du 2 septembre 2002, page 3001.

* 238 Selon le Conseil supérieur du notariat, les ventes aux enchères publiques représentaient, en 1999, 0,2 % en moyenne du chiffre d'affaire des études de notaires.

* 239 Rapport d'activité pour 2003 du Conseil des ventes, p. 32.

* 240 Les registres de l'état civil datant de plus de cent ans peuvent être librement consultés dans les archives départementales dans lesquelles ils sont versés en application de la loi n° 79-18 du 3 janvier 1979 sur les archives.

* 241 Réponse à la question écrite n° 64057 de M. André Berthol, député, publié au Journal officiel de l'Assemblée nationale du 11 octobre 2005, page 9550.

* 242 Réponse à la question écrite n° 13920 de notre collègue M. Jean-Pierre Sueur, publiée au Journal officiel du Sénat du 25 novembre 2004, page 2696.

* 243 Journal officiel des débats de l'Assemblée nationale - deuxième séance du mercredi 22 février 2006.

* 244 Le terme « préciput » utilisé pour désigner un avantage consenti dans le cadre du contrat de mariage (art. 1497, 1516, 1518 et 1519) n'est pas modifié par le projet de loi

* 245 Ratifiée par la loi n° 2003-660 du 21 juillet 2003 et entrée en vigueur le 1 er juin 2004.

* 246 Comme se heurtant à l'article 269 du code civil, qui prévoit que l'époux défendeur d'un divorce pour rupture de la vie commune conserve les avantages matrimoniaux qui lui ont été consentis par son conjoint

* 247 Source : Répertoire général civil

* 248 Les conventions existantes demeureront applicables jusqu'à leur terme si elles ont une durée déterminée et éventuellement par tacite reconduction ou sans limite de temps si elles sont à durée indéterminée, l'article 815-3 n'étant pas d'ordre public.

* 249 Articles 953 à 958 du code civil prévoyant la révocation pour cause d'inexécution des conditions sous lesquelles elle a été faite, pour cause d'ingratitude et pour cause de survenance d'enfants -cette dernière hypothèse étant supprimée par le présent projet de loi..

* 250 Cass., Ass. Plénière, 23 janv. 2004 et Cass., 3 ème civ., 7 avril 2004, à propos d'une disposition interprétative de la loi du 11 décembre 2001 dite MURCEF portant mesures urgentes à caractère économique et financier, qui tendait à mettre fin à l'interprétation jurisprudentielle que la Cour de cassation donnait à l'article L. 145-38 du code de commerce dans nouvelle rédaction.

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