Article 15 (art. L. 341-6-4 du code du travail)
Extension des obligations à la charge des donneurs d'ordre aux fins de la lutte contre l'emploi d'étranger sans titre de travail

Cet article étend la responsabilité des donneurs d'ordre afin de mieux les responsabiliser vis-à-vis de leurs cocontractants et sous-traitants.

Créée en 1976, la contribution spéciale due à l'ANAEM, visée à l'article L. 341-7 du code du travail, est une amende administrative à la charge des entreprises qui emploient des étrangers dépourvus d'autorisation de travail. Son montant est égal à mille fois le taux horaire du minimum garanti mentionné à l'article L. 141-8 du code du travail, soit 3.110 euros par travailleur irrégulier.

Les donneurs d'ordre peuvent être également redevables de cette amende administrative. En effet, l'article L. 341-6-4 du code du travail les oblige à s'assurer, dès lors que l'objet du contrat porte sur une obligation d'un montant supérieur à 3.000 euros, que leur cocontractant se conforme bien aux dispositions de l'article L. 341-6 du même code, interdisant l'emploi d'étrangers sans titre. A défaut, ils sont tenus solidairement responsables avec l'employeur de l'étranger du paiement de la contribution spéciale due à l'ANAEM.

Le projet de loi accroît la responsabilité des donneurs d'ordre à trois égards.

En premier lieu, le 1° du présent article prévoit que le donneur d'ordre doit s'assurer tous les six mois, et non uniquement lors de la conclusion du contrat, que le cocontractant n'emploie pas d'étrangers sans titre de travail.

Si cette mesure responsabilise encore plus les donneurs d'ordre, sa portée ne doit pas être surestimée.

En effet, en application de l'article R. 341-36 du code du travail, les donneurs d'ordre peuvent s'exonérer de leur responsabilité s'ils fournissent, ce qu'ils manquent rarement de faire, une attestation sur l'honneur, remise par leur cocontractant, certifiant que les salariés étrangers auxquels il sera fait appel pour l'exécution du contrat seront en situation régulière au regard de la législation du travail.

En deuxième lieu, le 2° du présent article prévoit d'étendre aux particuliers cette obligation de vérification 68 ( * ) , le deuxième alinéa de l'article L. 341-6-4 en vigueur exonérant de cette obligation « le particulier qui conclut un contrat pour son usage personnel, celui de son conjoint, de ses ascendants ou descendants ». Toutefois, ils n'auraient à s'en acquitter que lors de la conclusion du contrat au lieu de tous les six mois.

Selon le projet de loi initial, les particuliers n'auraient été soumis à cette obligation qu'à partir d'un seuil fixé à 30.000 euros, contre 3.000 euros pour les professionnels.

Un amendement adopté par l'Assemblée nationale a aligné le seuil sur celui des professionnels estimant que le seuil de 30.000 euros retenu pour les particuliers reviendrait à les dispenser la plupart du temps de l'obligation de vérifier le respect de ses obligations par le cocontractant en matière d'emploi de main-d'oeuvre étrangère.

Les particuliers devraient s'acquitter de cette obligation par le moyen d'une attestation sur l'honneur demandée au cocontractant.

Le renforcement des sanctions contre les donneurs d'ordre est souhaitable, mais ne servira à rien si des progrès notables ne sont pas réalisés pour recouvrer la contribution spéciale due à l'ANAEM.

La commission d'enquête du Sénat sur l'immigration clandestine 69 ( * ) a attiré l'attention sur le difficile recouvrement de la contribution spéciale relevant que « si cette amende peut, en théorie, avoir un effet dissuasif, sa mise en oeuvre s'est révélée peu effective depuis plusieurs années. Le taux de recouvrement de la contribution est particulièrement faible, puisqu'il n'excède pas 20 %. [...] Peu de procédures pénales établies par les agents de contrôle, et qui servent incidemment de support au recouvrement de la contribution spéciale, contiennent les informations de base permettant d'engager la solidarité financière des donneurs d'ordre ».

La recommandation n° 39 de la commission d'enquête invitait à systématiser la mise en oeuvre des procédures de recouvrement de la contribution due à l'ANAEM et la recherche de la responsabilité des donneurs d'ordre.

Enfin, l'Assemblée nationale a adopté un amendement du rapporteur de la commission des lois insérant un bis au présent article et prévoyant que les donneurs d'ordre seraient également tenus solidairement responsables du paiement de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement. Cette nouvelle obligation, qui s'ajouterait à la contribution spéciale due à l'ANAEM, pèserait également sur les particuliers.

Cette contribution forfaitaire prévue à l'article L. 626-1 du CESEDA a été créée par la loi du 26 novembre 2003. Elle est à la charge de l'employeur de l'étranger sans titre de travail qui est reconduit vers son pays d'origine.

Malheureusement, les mesures réglementaires nécessaires à sa mise en oeuvre n'ont pas encore été publiées. Votre commission veut croire que le fait que cette contribution soit issue d'un amendement parlementaire n'est pas une des explications de ce retard. A l'Assemblée nationale, le gouvernement a néanmoins annoncé que le décret d'application était inscrit au calendrier du Conseil d'Etat pour le 30 mai.

Au cours de son audition par la commission d'enquête du Sénat sur l'immigration clandestine, M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, avait indiqué que le montant de la contribution forfaitaire pourrait varier entre 5.000 et 10.000 euros par travailleur en situation irrégulière.

Votre commission des lois vous propose d'adopter l'article 15 sans modification.

* 68 Cette disposition ainsi que l'obligation de vérifier tous les six mois le respect de la réglementation figuraient déjà dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006, mais ont été déclarées contraires à la Constitution, au motif que leur objet était étranger au champ des lois de financement.

* 69 Rapport n° 300 (Sénat 2005-2006). Page 155.

Page mise à jour le

Partager cette page