CHAPITRE VII - DISPOSITIONS TENDANT À PRÉVENIR LA DÉLINQUANCE DES MINEURS

Article 35 (art. 5, 7-1 et 7-2 nouveaux de l'ordonnance n°45-174 du 2 février 1945)
Application de la composition pénale aux mineurs - Aménagements de certaines mesures alternatives aux poursuites

Cet article comporte trois dispositions distinctes :

- le 1°, par coordination avec l'article 38 du présent projet de loi substituant au jugement à délai rapproché la présentation immédiate devant le juge des enfants aux fins de jugement, tend à modifier les termes de l'article 5 de l'ordonnance de 1945 -permettant, en l'état du droit, au procureur de la République de saisir le tribunal des enfants conformément à la procédure de jugement à délai rapproché- afin de viser la nouvelle procédure ; par coordination avec l'amendement proposé à l'article 38, votre commission vous propose par un amendement de dénommer cette procédure « présentation immédiate devant le tribunal pour enfants » ;

- le 2° procède à plusieurs aménagements des mesures alternatives aux poursuites applicables aux mineurs ;

- le 3° tend à étendre aux mineurs la composition pénale, mesure actuellement réservée aux majeurs .

Les aménagements aux mesures alternatives aux poursuites

Entre le classement sans suite et la mise en mouvement de l'action publique, le parquet peut aussi mettre en oeuvre des mesures dites de la « troisième voie ».

Celles-ci permettent d'apporter une réponse pénale à des infractions dont la gravité n'est pas telle cependant qu'elle justifie l'application -souvent complexe et longue- de la procédure pénale et, en particulier, la tenue d'une audience pénale.

Ces dispositions conjuguent donc l'avantage de l'efficacité et de la souplesse. Développées d'abord de manière empirique par le ministère public, elles ont été progressivement consacrées par le législateur et figurent désormais à l'article 41-1 du code de procédure pénale. La palette des mesures à disposition du procureur de la République est large, allant du simple rappel à la loi à la médiation pénale.

Ces mesures sont, en l'état du droit, également applicables aux majeurs et aux mineurs. Marquées toutefois par un certain empirisme, caractéristique de leur développement initial, elles peuvent donner lieu à des applications assez variées d'un parquet à l'autre. Aussi, dans le souci de conforter les garanties apportées au justiciable ou d'encourager le développement de certaines pratiques, il peut apparaître utile de préciser davantage dans la loi le dispositif applicable.

Tel est l'objet des dispositions proposées pour l'article 7-1 :

En premier lieu, elles prévoient qu'aucune mesure alternative aux poursuites ne peut être décidée sans convocation préalable des représentants légaux du mineur . Ensuite, l' accord de ces derniers serait nécessaire pour certaines de ces mesures :

- orientation de l'auteur des faits vers une structure sanitaire, sociale ou professionnelle (la mesure peut consister dans l'accomplissement d'un stage -et notamment d'un stage de citoyenneté- ou d'une formation dans l'une de ces structures) ;

- régularisation de la situation de l'intéressé au regard de la loi ou du règlement ;

- réparation du dommage subi par la victime ;

- médiation pénale.

Par ailleurs, le texte proposé pour l'article 7-1 prévoit que l'orientation du mineur vers une structure sanitaire, sociale ou professionnelle peut consister dans l'accomplissement d'un stage de formation civique ou dans une consultation auprès d'un psychiatre ou d'un psychologue. Dans ce cas, contrairement au droit commun selon lequel les frais sont à la charge de l'auteur des faits, ou pour un mineur de son représentant, il appartiendrait au ministre public de déterminer le montant qui incombe au représentant légal du mineur.

L'application de la composition pénale aux mineurs

Instituée par la loi n°99-515 du 23 juin 1999 renforçant l'efficacité de la procédure pénale, la composition pénale permet au ministère public de proposer au délinquant, qui reconnaît les faits, certaines obligations en contrepartie de l'abandon des poursuites. Elle constitue une procédure alternative aux poursuites mais se distingue cependant des classements sous condition par une dimension punitive plus marquée.

Elle est aujourd'hui réservée aux délits punis d'une peine d'amende ou d'une peine d'emprisonnement inférieure ou égale à cinq ans à l'exclusion des délits commis par les mineurs, des délits de presse, des délits d'homicide involontaire ou des délits politiques.

La sanction, qui doit être acceptée par l'auteur des faits -premier exemple de justice acceptée avant l'instauration par la loi du 9 mars 2004 de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité- est choisie par le parquet parmi un large éventail de mesures mentionnées par l'article 41-2 du code de procédure pénale : versement d'une amende de composition, dessaisissement de la chose qui a servi à commettre l'infraction, participation à une activité non rémunérée au profit de la collectivité, obligation de suivre une formation dans un service ou un organisme sanitaire, social ou professionnel...

Une fois la proposition de composition pénale acceptée par la personne mise en cause, elle est transmise aux fins de validation au président du tribunal.

Celui-ci peut entendre l'intéressé ainsi que la victime. Depuis la loi du 9 septembre 2002, cette audition, facultative, n'est plus de droit. Cette possibilité est rarement mise en oeuvre en pratique.

La décision du juge -qui ne peut être qu'une validation ou un rejet de la proposition du parquet sans modification possible- est rendue par voie d'ordonnance. Elle n'est pas susceptible de recours.

Selon le rapport de votre commission consacré aux procédures rapides de traitement des affaires pénales 88 ( * ) , le taux d'exécution de la composition pénale oscillerait entre 70 et 90 %, soit un niveau très nettement supérieur à celui obtenu pour les autres mesures pénales. Par ailleurs, le délai d'exécution de la composition pénale apparaît relativement bref : de la date de la première convocation devant le procureur de la République -ou plus généralement, en pratique, devant un délégué du procureur- à la date de la clôture de l'affaire, il s'écoule moins de six mois en moyenne.

Avec 28.600 compositions pénales en 2004 -contre 13.800 en 2002- cette procédure a connu un développement significatif dans la période récente.

Compte tenu de l'intérêt de ce dispositif -efficace et rapide- le présent article propose de l'appliquer aux mineurs d'au moins treize ans sous réserve de certains aménagements.

En premier lieu, la proposition de composition pénale devrait être acceptée non seulement par le mineur mais aussi par ses représentants légaux .

Ensuite, cet accord devrait être recueilli en présence d'un avocat - le cas échéant désigné d'office (la présence de l'avocat n'est pas obligatoire dans la procédure actuelle appliquée aux majeurs).

Par ailleurs, à la différence du dispositif applicable aux majeurs, l' audition , à leur demande, du mineur et de ses représentants légaux devant le juge des enfants chargé de l'homologation, serait de droit -pour le reste, la procédure est identique avec celle des majeurs. Le texte du projet de loi précise ainsi que si le magistrat rend une ordonnance ne validant pas la composition, la proposition devient caduque et que le procureur de la République met en mouvement l'action publique sauf élément nouveau. Dans la mesure où votre commission estime que seuls doivent figurer dans l'ordonnance de 1945 les aspects de procédure spécifiques au mineur, elle vous propose par souci de simplification de supprimer ces mentions qui figurent déjà à l'article 41-2 du code de procédure pénale. Elle vous soumet un amendement en ce sens.

Parmi les mesures actuellement prévues au titre de la composition pénale deux d'entre elles seraient exclues s'agissant des mineurs : l'interdiction de quitter le territoire national (et l'obligation de remettre le passeport) ainsi que l'obligation d'effectuer un stage de citoyenneté.

Votre commission s'interroge sur l'opportunité d'exclure une mesure comme le stage de citoyenneté alors même que d'autres dispositions comme l'obligation, par exemple, d'accomplir un travail au service d'une collectivité, inapplicables aux mineurs de 16 ans, ne sont pas explicitement écartées. Elle estime préférable de ne pas viser des mesures explicitement exclues pour laisser au procureur de la République la faculté de choisir parmi celles mentionnées à l'article 41-2 qui sont adaptées aux mineurs. Elle vous propose donc un amendement tendant à supprimer le cinquième alinéa du nouvel article 7-2 proposé pour l'ordonnance de 1945.

Par ailleurs, le procureur de la République pourrait proposer cinq séries de mesures qui ne sont pas actuellement prévues pour les majeurs : l'accomplissement d'un stage de formation civique ; le suivi régulier d'une scolarité ou d'une formation professionnelle, le respect d'une décision antérieure de placement dans une structure d'éducation ou de formation professionnelle habilitée, la consultation d'un psychiatre ou d'un psychologue ; l'exécution d'une mesure d'activité de jour.

Enfin, comme tel est d'ailleurs le cas pour la grande majorité des obligations prévues pour les majeurs, aucune des mesures proposées aux mineurs ne pourrait dépasser six mois .

Votre commission vous propose d'adopter l'article 35 ainsi modifié .

Article 36 (art. 8 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante)
Diligences du juge des enfants

Cet article modifie l'article 8 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, relatif aux mesures à la disposition du juge des enfants pour juger les mineurs délinquants, qu'il s'agisse de mesures d'investigation, pré-sentencielles ou des mesures prises en chambre du conseil.

1- Le 1° de cet article complète la liste des mesures pouvant être prises par le juge des enfants afin de parvenir à la manifestation de la vérité et à la connaissance de la personnalité du mineur ainsi que des moyens appropriés à sa rééducation, en cours de procédure .

? Actuellement , le juge :

- peut décerner tous mandats utiles ou prescrire le contrôle judiciaire ;

- procède à une enquête sociale pour recueillir des renseignements sur la situation matérielle et morale de la famille, sur le caractère et les antécédents du mineur, sur sa fréquentation scolaire, son attitude à l'école, ainsi que les conditions dans lesquelles il a vécu ou a été élevé ;

- ordonne un examen médical et s'il y a lieu un examen médico-psychologique. Il décide, le cas échéant, le placement du mineur dans un centre d'accueil ou un centre d'observation ;

- peut avant de se prononcer au fond ordonner à l'égard du mineur mis en examen une mesure de liberté surveillée à titre provisoire en vue de statuer après une ou plusieurs périodes d'épreuve.

? Le projet de loi prévoit en outre la possibilité pour le juge des enfants de prescrire une mesure d'activité de jour . Cette mesure, insérée à l'article 16 ter de l'ordonnance par l'article 39 du projet de loi, consiste en la participation du mineur à des activités d'insertion professionnelle ou scolaire, pendant une période maximale de douze mois.

? Votre commission vous propose d'adopter un amendement de rectification d'erreur matérielle.

2- Le projet de loi modifie ensuite le même article afin de compléter les mesures éducatives pouvant être ordonnées par le juge des enfants par jugement en chambre du conseil .

? Actuellement , le juge des enfants peut :

- relaxer le mineur s'il estime que l'infraction n'est pas établie ;

- dispenser le mineur, pourtant déclaré coupable, de toute mesure, s'il apparaît que son reclassement est acquis, que le dommage est réparé et que le trouble a cessé. Il peut alors prescrire que cette décision ne figure pas au casier judiciaire ;

- l'admonester ;

- le remettre à ses parents , à son tuteur, à la personne qui en avait la garde ou à une personne digne de confiance ;

- prononcer, à titre principal, sa mise sous protection judiciaire pour une durée n'excédant pas cinq ans ;

- le placer dans un établissement public ou privé d'éducation ou de formation professionnelle habilité, dans un établissement médical ou médico-pédagogique habilité, dans un internat approprié aux mineurs délinquants d'âge scolaire ou « dans une institution publique d'éducation surveillée ou d'éducation corrective » 89 ( * ) .

Le juge des enfants peut également prescrire que le mineur soit placé jusqu'à sa majorité au plus tard sous liberté surveillée.

Précisons toutefois que ces mesures ne peuvent s'appliquer aux mineurs âgés de seize ans révolus encourant une peine supérieure ou égale à sept ans d'emprisonnement, qui doivent être jugés par le tribunal des enfants.

? Le projet de loi procède à deux modifications :

- tout d'abord, le 2° de l'article 36 complète cette énumération par la possibilité pour le juge des enfants de prescrire une mesure d'activité de jour ;

- le 3° de l'article 36 précise surtout que les mesures d'admonestation ou de remise à parents ne peuvent être ordonnées seules si elles ont déjà été prononcées à l'égard du mineur pour une infraction identique ou assimilée au regard des règles de la récidive commise moins d'un an avant la commission de la nouvelle infraction.

? La position de votre commission

Cette limitation a été critiquée par certaines des personnes entendues par votre rapporteur, au motif que la personnalité des mineurs est en mutation constante, et qu'il appartient aux juges des enfants d'apprécier librement la pertinence de la sanction, sans leur adresser d'injonction.

Néanmoins, on observe qu'en 2004, sur 41.141 condamnations en matière délictuelle, 20.700 mesures éducatives avaient été prononcées, dont 13.620 admonestations et 5.184 remises à parents.

La répétition de ces « avertissements » pose la question de leur efficacité et de la crédibilité de la réponse judiciaire.

Cette disposition, qui constitue le pendant pour les mineurs de la limitation par la récente loi n° 2005-1549 du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales du nombre de sursis avec mises à l'épreuve pouvant être prononcés pour des majeurs, doit donc être approuvée.

Il s'agissait d'une recommandation de la commission d'enquête sénatoriale sur la délinquance des mineurs, qui soulignait que si l'admonestation ou la remise à parents ne fonctionnaient pas dès la première tentative, elles ne fonctionneraient pas davantage par la suite, et qu'elles ne devraient par conséquent pouvoir être prononcées qu'une fois pour un même type d'infraction. Elle considérait en outre que la multiplication des admonestations ou remises à parents persuadait le mineur qu'il n'y aurait jamais de vraie réponse et entretenait donc un sentiment d'impunité. La commission d'enquête avait d'ailleurs adopté une position encore plus ferme puisqu'elle ne précisait pas le délai dans lequel devait être appréciée la récidive.

Cette mesure vise donc à redonner de la crédibilité à la justice des mineurs et de la lisibilité à la sanction, pour le jeune, mais aussi pour son entourage et la victime.

Elle est d'autant plus opportune qu'elle n'empêche pas de prononcer d'autres mesures éducatives telles que le placement sous protection judiciaire, instauré par une loi du 11 juillet 1975, qui permet le suivi du mineur dans la durée, éventuellement au-delà de l'âge de la majorité.

Votre commission vous propose cependant de rectifier par amendement une erreur matérielle, puis d'adopter l'article 36 ainsi modifié .

Article 37 (art. 10-2 et 12 de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquance)
Contrôle judiciaire

Cet article tend à aménager les dispositions relatives au contrôle judiciaire des mineurs délinquants afin de diversifier les mesures susceptibles d'être imposées par le juge, d'étendre la possibilité d'appliquer le contrôle judiciaire aux mineurs de treize à quinze ans et, enfin, de renforcer les sanctions en cas de manquement aux obligations fixées au mineur.

Les dispositions du code de procédure pénale relatives au contrôle judiciaire (articles 137 et suivants) sont, en l'état du droit, applicables aux mineurs sous réserve de certains aménagements prévus par l'article 10-2 de l'ordonnance du 1945.

En vertu de l'article 138 du code de procédure pénale, le placement sous contrôle judiciaire est subordonné à une double condition :

- la personne doit être passible d'une peine d'emprisonnement ;

- la mesure doit être justifiée par les nécessités de l'instruction ou à titre de mesure de sûreté .

La décision de placement sous contrôle judiciaire est prise par le juge d'instruction ou par le juge des libertés et de la détention, par voie d'ordonnance, à tout moment de l'instruction.

Elle a pour effet de soumettre l'intéressé à une ou plusieurs des mesures prévues à l'article 138 du code de procédure pénale (restrictions à la liberté de déplacement ; obligations destinées à l'indemnisation de la victime, etc...).

Ces dispositions ont fait l'objet d'aménagements pour les mineurs. L'article 10-2 de l'ordonnance de 1945 différencie en outre la situation des mineurs âgés de treize à seize ans pour lesquels le placement sous contrôle judiciaire est soumis à des conditions encore plus strictes.

Le contrôle judiciaire peut être décidé par le juge d'instruction, le juge des libertés et de la détention mais aussi par le juge des enfants. L'ordonnance doit être motivée.

Les mineurs de seize à dix-huit ans peuvent être, dans le cadre du contrôle judiciaire, astreints à deux obligations spécifiques :

- se soumettre aux mesures de protection, d'assistance, de surveillance et d'éducation confiées à un service de la protection judiciaire de la jeunesse ou un service habilité mandaté à cette fin ;

- respecter les conditions d'un placement dans un centre éducatif notamment dans un centre éducatif fermé (ce placement ne pouvant être ordonné que pour une durée de six mois et ne pouvant être renouvelé qu'une seule fois par ordonnance motivée pour une durée équivalente).

Le magistrat notifie oralement au mineur les obligations qui lui sont imposées en présence de son avocat et de ses représentants légaux. Il informe également le mineur qu'en cas de non respect de ses obligations, il pourra être placé en détention provisoire .

Les mineurs de treize à seize ans ne peuvent être placés sous contrôle judiciaire qu'à une double condition cumulative :

- la peine d'emprisonnement encourue est supérieure ou égale à cinq ans ;

- le mineur a déjà fait l'objet d'une ou plusieurs mesures éducatives ou d'une condamnation à une sanction éducative ou à une peine.

En outre, ils ne peuvent être soumis qu'à une seule obligation : le placement dans un centre éducatif fermé.

En 2005, 3.537 contrôles judiciaires ont été prononcés soit une augmentation de près de 10 % par rapport à 2004. 189 mineurs de treize à seize ans ont été soumis à un contrôle judiciaire assorti d'un placement en centre éducatif fermé.

Le présent article prévoit, en premier lieu, de préciser que l'obligation de placement peut s'effectuer non seulement comme, tel est déjà le cas, dans un centre éducatif de la protection judiciaire de la jeunesse ou relevant d'un service habilité auquel le mineur a été confié par un magistrat mais aussi dans un « établissement permettant la mise en oeuvre de programmes à caractère éducatif et civique ». Selon les informations recueillies par votre rapporteur, ces structures ne semblent pas exister actuellement et devraient donc être créées. Il complète, en outre, les deux obligations spécifiques auxquelles peuvent être astreints les mineurs par deux autres mesures susceptibles de s'appliquer dans le cadre du contrôle judiciaire :

- l'accomplissement d'un stage de formation civique ;

- le suivi régulier d'une scolarité ou d'une formation professionnelle jusqu'à la majorité de l'intéressé.

Le texte étend, en deuxième lieu, les conditions d'application du contrôle judiciaire aux mineurs de treize à seize ans . D'une part, à la première hypothèse de mise en oeuvre du contrôle judiciaire -peine encourue supérieure ou égale à cinq ans et prononcé antérieur d'une mesure éducative ou d'une condamnation à une sanction éducative ou à une peine-, le texte en ajoute une seconde : le contrôle judiciaire pourrait en effet s'appliquer également aux mineurs de treize à seize ans lorsque la peine encourue est supérieure ou égale à sept ans (sans condition particulière touchant au passé pénal de l'intéressé).

D'autre part, la disposition selon laquelle seule l'obligation du placement dans un centre éducatif fermé peut être imposée, au titre du contrôle judiciaire, à un mineur de seize ans, serait supprimée. Dès lors le juge pourrait choisir parmi la ou les mesures de contrôle judiciaire actuellement applicables aux mineurs de seize à dix-huit ans.

Cette disposition répond aux préoccupations déjà exprimées par le Sénat à l'occasion de l'examen de la loi d'orientation et de programmation pour la justice en 2002. Il lui avait alors en effet paru paradoxal que les mineurs de treize à seize ans ne puissent être placés en contrôle judiciaire que dans un centre éducatif fermé alors que les mineurs de seize à dix-huit ans pourraient quant à eux continuer à remplir les obligations de leur contrôle judiciaire dans un foyer traditionnel, un centre éducatif renforcé ou un centre de placement immédiat. Cependant, l'amendement adopté par le Sénat, à l'initiative de votre commission, tendant à maintenir les autres modalités du contrôle judiciaire n'avait pas été retenu par la commission mixte paritaire.

Enfin, le présent article tend également à préciser les sanctions encourues par le mineur de moins de seize ans en cas de manquement au respect des obligations de placement dans un centre éducatif fermé en distinguant deux hypothèses :

- en cas de manquement aux conditions d'un placement dans un centre éducatif fermé, le mineur de moins de seize ans pourrait être placé en détention provisoire 90 ( * ) ;

- dans les autres cas, le non respect des obligations pourrait entraîner une modification des mesures du contrôle judiciaire afin de prévoir le placement dans un centre éducatif fermé.

Enfin, le 4° du présent article prévoit une coordination à l'article 12 de l'ordonnance du 2 février 1945 afin de prévoir que le service de la protection judiciaire de la jeunesse doit être consulté avant toute proposition par le procureur de la République d'une composition pénale.

Votre commission vous soumet deux amendements de coordination et vous propose d'adopter l'article 37 ainsi modifié .

Article 38 (art. 13-1 nouveau et art. 14-2 de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante)
Institution de la présentation immédiate devant le juge des enfants aux fins de jugement

Le présent article comporte deux dispositions distinctes.

Le 1° vise à étendre explicitement au tribunal des enfants les dispositions de l'article 399 du code de procédure pénale actuellement applicables au tribunal correctionnel. Celles-ci, introduites par la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, prévoient que le nombre, le jour des audiences correctionnelles et, sous réserve des pouvoirs propres au ministère public en matière d'audiencement, la composition prévisionnelle de ces audiences sont fixés par décision conjointe du président du tribunal de grande instance et du procureur de la République 91 ( * ) .

Par ailleurs, à la suite d'un amendement sénatorial adopté à l'initiative de votre commission, l'article 399 prévoit que, dans l'impossibilité de parvenir à un accord, le nombre et le jour des audiences correctionnelles sont fixés par le seul président du tribunal de grande instance tandis que la composition prévisionnelle de ces audiences relève du seul procureur de la République, après avis du premier président de la cour d'appel et du procureur général.

Selon les témoignages des magistrats recueillis par votre rapporteur, les principes de concertation entre le juge des enfants et le procureur pour fixer les conditions de l'audiencement prévalent, en pratique, dans une grande majorité de juridictions. Dans d'autres, cependant, certaines difficultés demeurent. Il apparaît donc souhaitable de rappeler que les règles applicables au tribunal correctionnel et destinées à encourager un fonctionnement plus efficace de la justice, valent aussi pour le tribunal pour enfants.

Le 2° du présent article vise quant à lui à substituer au jugement à délai rapproché la procédure de présentation devant le juge des enfants aux fins de jugement.

Si la célérité constitue un objectif pour la justice dans son ensemble, elle paraît particulièrement indispensable pour les mineurs : en effet, les vertus pédagogiques de la sanction tendent à s'estomper si la peine n'intervient pas dans les meilleurs délais après la commission de l'infraction.

Cette préoccupation a inspiré, au cours de la dernière décennie, plusieurs modifications de l'ordonnance de 1945. Ainsi, la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions et à la procédure pénale a institué la convocation par officier de police judiciaire aux fins de mise en examen (décidée sur instruction du procureur de la République, elle permet un rendez-vous rapide devant le juge des enfants pour la mise en examen du mineur ou, depuis la loi du 1 er juillet 1996, le jugement du mineur en audience de cabinet).

Ensuite, la loi du 1 er juillet 1996 a institué une procédure de comparution à délai rapproché devant le tribunal pour enfants. La mise en oeuvre de cette procédure impliquait que l'affaire soit de nature délictuelle, que la personnalité du mineur soit déjà connue et que des investigations sur les faits ne soient pas nécessaires.

La commission sénatoriale d'enquête sur la délinquance des mineurs avait relevé que si la convocation par officier de police judiciaire aux fins de mise en examen était devenue un mode banal de saisine du juge des enfants, la convocation par officier de police judiciaire aux fins de jugement et surtout la comparution à délai rapproché étaient mises en oeuvre beaucoup plus rarement.

S'interrogeant sur la possibilité d'améliorer ce dispositif, la commission d'enquête avait écarté l'extension de la procédure de comparution immédiate aux mineurs. En effet, elle avait constaté que cette procédure « interdit toute investigation même rapide, sur la situation du mineur. Son application aux mineurs poserait des difficultés techniques considérables. Le tribunal pour enfants, composé d'un magistrat et de deux assesseurs non professionnels, devrait se réunir tous les jours afin de pouvoir juger les mineurs traduits devant lui en comparution immédiate. Tel n'est pas le cas aujourd'hui. Une telle évolution serait peut-être possible dans quelques juridictions de très grande taille, mais à l'évidence pas partout. L'autre évolution consisterait à confier ces affaires au tribunal correctionnel. Mais il s'agirait d'une atteinte profonde à la spécialisation des juridictions pour mineurs ».

Le rapport de la commission d'enquête préconisait en revanche l'instauration d'une nouvelle procédure permettant au procureur de la République de saisir directement le tribunal pour enfants aux fins de jugement dans un délai de dix jours à un mois. Cette recommandation a directement inspiré les modifications apportées à l'article 14-2 de l'ordonnance de 1945 par la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice instituant la procédure de jugement à délai rapproché.

Le champ d'application de cette procédure est strictement encadré.

La procédure est en effet soumise à trois conditions :

- l'infraction commise doit être passible d'une peine d'emprisonnement supérieure ou égale à trois ans en cas de flagrance ou supérieure ou égale à cinq ans dans les autres cas -pour les mineurs de 13 à 16 ans, la peine d'emprisonnement encourue doit être d'au moins cinq ans d'emprisonnement sans qu'elle puisse excéder sept ans ;

- les investigations sur les faits ne sont pas nécessaires ;

- les investigations sur le mineur ont été accomplies, le cas échéant, à l'occasion d'une procédure antérieure de moins d'un an.

La procédure s'articule autour de trois étapes.

Il appartient d'abord au procureur de la République de notifier au mineur les faits qui lui sont reprochés ainsi que la date et l'heure de l'audience du tribunal pour enfants au cours de laquelle il comparaîtra et qui doit avoir lieu dans un délai qui ne peut être inférieur à dix jours ni supérieur à un mois. S'agissant des mineurs de treize à seize ans, cette limite est portée à deux mois.

Lors de sa comparution devant le procureur le mineur est obligatoirement assisté d'un avocat.

Ensuite, le procureur de la République fait « aussitôt » comparaître le mineur devant le juge des enfants afin qu'il soit statué sur ses réquisitions tendant soit au placement sous contrôle judiciaire, soit au placement en détention provisoire du mineur jusqu'à l'audience de jugement. Pour les mineurs de treize à seize ans, le procureur de la République ne peut requérir que le placement sous contrôle judiciaire jusqu'à la comparution du mineur devant le tribunal pour enfants. Le juge des enfants statue par une ordonnance motivée, en audience de cabinet après un débat contradictoire.

Enfin, le tribunal pour enfants est appelé à statuer. Il peut cependant, d'office ou à la demande des parties, renvoyer à une prochaine audience dans un délai qui ne peut être supérieur à un mois, en décidant, le cas échéant, de commettre le juge des enfants pour procéder notamment à un supplément d'information.

Lorsque le mineur est en détention provisoire ou sous contrôle judiciaire, le tribunal statue par décision spécialement motivée sur le maintien de la mesure. Lorsque le mineur est en détention provisoire, le jugement au fond sur cette mesure doit être rendu dans un délai d'un mois suivant le jour de sa première comparution devant le tribunal. Faute de décision au fond à l'expiration de ce délai, il est mis fin à la détention provisoire.

Le tribunal pour enfants peut aussi, s'il estime que des investigations supplémentaires sont nécessaires compte tenu de la gravité ou de la complexité de l'affaire, renvoyer le dossier au procureur de la République.

En 2005, 858 procédures de comparution à délai rapproché ont été mises en oeuvre, soit une progression de 27 % par rapport à 2004 - le taux d'utilisation du dispositif étant beaucoup plus important dans les juridictions les plus grandes.

Au regard des dispositions relatives au jugement à délai rapproché, le projet de loi apporte quatre séries de modifications qui ne touchent que les mineurs de 16 à 18 ans et non les mineurs de moins de 16 ans.

En premier lieu, il modifie la désignation de la procédure rapide en substituant au « jugement à délai rapproché » la « présentation immédiate devant le juge des enfants aux fins de jugement ».

Par ailleurs, il abaisse les quantums des peines encourues (dont le niveau conditionne la mise en oeuvre de la procédure). Ainsi, en cas de flagrance, le quantum de peine serait ramené de trois ans à un an et dans les autres cas de cinq à trois ans.

En outre, les conditions relatives aux investigations concernant la personnalité du mineur sont assouplies puisque le projet de loi prévoit que de telles investigations auront pu être conduites à l'occasion d'une procédure antérieure de moins de dix-huit mois (et non pas d'un an comme tel est actuellement le cas).

Au regard des évolutions rapides de la personnalité d'un mineur à ces âges, votre commission estime préférable de maintenir le délai actuel . Elle vous soumet un amendement en ce sens.

Enfin, le mineur pourrait être jugé à la première audience du tribunal pour enfants 92 ( * ) qui suit sa présentation au procureur de la République, sans que le délai de 10 jours soit applicable à une double condition :

- l'accord exprès du mineur et de son avocat ;

- l'absence d'opposition des représentants légaux du mineur qui devront être convoqués par le procureur.

Comme tel est déjà le cas pour les formalités actuelles auxquelles doit se conformer le procureur de la République pour la mise en oeuvre du jugement à délai rapproché, les conditions fixées pour la comparution du mineur à la première audience du tribunal devront, à peine de nullité de la procédure, faire l'objet d'un procès-verbal dont copie est remise au mineur et qui constitue le document par lequel le tribunal est saisi.

Compte tenu des commentaires de certains magistrats ou représentants d'associations recueillis au cours des auditions de votre rapporteur, votre commission vous propose de modifier la désignation retenue pour cette procédure accélérée. En effet, elle peut laisser entendre que le jugement interviendrait en audience de cabinet du juge des enfants. Or, les dispositions proposées par cet article ne modifient pas, à cet égard, l'articulation actuelle de la procédure de jugement à délai rapproché et l'intervention successive du procureur de la République, du juge des enfants puis, enfin, du tribunal pour enfants appelé, comme tel serait toujours le cas, à se prononcer au fond. Votre commission vous propose donc par amendement une nouvelle dénomination qui semble plus conforme à l'esprit de la procédure : « présentation immédiate devant le tribunal des enfants ».

Votre commission vous propose d'adopter l'article 38 ainsi modifié .

Article 39 (art. 15, 15-1, 16, 16 bis de l'ordonnance du 2 février 1945 précitée)
Création de nouvelles sanctions éducatives

Cet article modifie des dispositions du chapitre III de l'ordonnance du 2 février 1945 relatif au tribunal pour enfants (articles 13 à 24).

1- Le 1° de cet article modifie l'article 15 de l'ordonnance, relatif aux mesures prononcées par le tribunal pour enfants à l'égard d'un mineur de moins de treize ans .

? Actuellement , peuvent être prononcés :

- une remise à ses parents, à son tuteur, à la personne qui en avait la garde ou à une personne digne de confiance ;

- un placement dans une institution ou un établissement public ou privé d'éducation ou de formation professionnelle habilité ;

- un placement dans un établissement médical ou médico-pédagogique habilité ;

- une remise au service de l'assistance à l'enfance ;

- un placement dans un internat approprié aux mineurs délinquants d'âge scolaire.

? Le projet de loi ajoute la possibilité de prononcer la nouvelle mesure d'activité de jour .

2- Le 2° de cet article complète les dispositions de l'article 15-1 de l'ordonnance, consacré aux sanctions éducatives pouvant être prononcées contre des mineurs d'au moins 10 ans par le tribunal pour enfants par décision motivée.

? Rappelons que cette catégorie intermédiaire entre les mesures éducatives et les peines a été introduite par la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice.

Auparavant, seuls les mineurs de plus de treize ans pouvaient être condamnés pénalement. Les mineurs de moins de treize ans ne pouvaient faire l'objet que de mesures de protection, d'assistance, de surveillance et d'éducation. Ces mesures éducatives recouvrent des actions très diverses, en particulier l'admonestation, le placement sous le régime de la liberté surveillée, l'action éducative en milieu ouvert (AEMO), permettant à un éducateur d'intervenir auprès d'un mineur et de sa famille à leur domicile, la mesure d'aide ou de réparation ou encore le placement du mineur dans une structure d'hébergement de la protection judiciaire de la jeunesse.

Les sanctions éducatives pouvant être prononcées (et se cumuler pour un même mineur et une même affaire) sont actuellement :

- la confiscation d'un objet détenu ou appartenant au mineur et ayant servi à la commission de l'infraction ou qui en est le produit ;

- l'interdiction de paraître , pour une durée qui ne saurait excéder un an, dans le ou les lieux où l'infraction a été commise et qui sont désignés par la juridiction, à l'exception des lieux dans lesquels le mineur réside habituellement ;

- l'interdiction , pour une durée qui ne saurait excéder un an, de rencontrer ou de recevoir la ou les victimes de l'infraction désignées par la juridiction ou d'entrer en relation avec elles ;

- l'interdiction, pour une durée qui ne saurait excéder un an, de rencontrer ou de recevoir le ou les coauteurs ou complices éventuels désignés par la juridiction ou d'entrer en relation avec eux ;

- la mesure d'aide ou de réparation prévue par l'article 12-1 de l'ordonnance du 2 février 1945 ;

- l'obligation de suivre un stage de formation civique , d'une durée qui ne peut excéder un mois, ayant pour objet de rappeler au mineur les obligations résultant de la loi.

En tant que condamnations pénales, ces sanctions éducatives sont prises en compte pour l'appréciation de la récidive.

? Le projet de loi ajoute quatre nouvelles sanctions éducatives :

- une mesure de placement pour une durée d'un mois dans une institution ou un établissement public ou privé d'éducation habilité permettant la mise en oeuvre d'un travail psychologique,éducatif et social portant sur les faits commis et situé en dehors du lieu de résidence habituel ;

- l'exécution de travaux scolaires ;

- un avertissement solennel ;

- le placement dans un établissement scolaire doté d'un internat pour une durée correspondant à une année scolaire avec autorisation pour le mineur de rentrer dans sa famille lors des fins de semaine et des vacances scolaires.

Rappelons qu'en cas de non respect par le mineur des sanctions éducatives prononcées à son encontre, le tribunal pour enfants peut prononcer une mesure de placement.

? La position de votre commission

- La commission d'enquête du Sénat sur la délinquance des mineurs s'était prononcée en faveur d'un élargissement de la gamme des mesures applicables aux enfants de moins de treize ans, notamment en préconisant qu'une mesure d'éloignement de brève durée , « qui ne serait pas un placement mais une sanction éducative », permette d'effectuer un travail sur le comportement du mineur.

Cette préconisation a donc été retenue par le projet de loi.

La limitation de la durée de ce placement à un mois a été discutée. En effet, certaines des personnes entendues par votre rapporteur ont estimé qu'aucun travail éducatif ne pourrait véritablement être mené, d'une part parce que cela serait incompatible avec la sanction, ce dont votre rapporteur, en reprenant les conclusions de la commission d'enquête, doute fortement, d'autre part parce que la limitation à une durée d'un mois apparaîtrait largement arbitraire et dans certains cas insuffisante. Un véritable travail associant la famille et portant sur l'insertion scolaire et professionnelle devrait en effet s'accomplir en parallèle. D'autres ont au contraire considéré qu'une durée de deux mois permettrait « d'occuper » le mineur durant les vacances...

Néanmoins, s'agissant d'enfants de dix ans, il ne parait pas opportun d'aller au-delà de la durée d'un mois proposée par le projet de loi au regard du principe de proportionnalité. Elle devrait déjà permettre d'opérer une véritable rupture, le mineur étant séparé de son environnement et de sa famille.

En outre, votre rapporteur s'interroge sur les moyens qui devront être consacrés à cette nouvelle mesure. En effet, il ne semble pas que les centres existants permettent de répondre à cette nouvelle demande. Il faudrait éviter que cette nouvelle mesure n'aboutisse à priver encore un peu plus de moyens les structures « classiques » de la protection judiciaire de la jeunesse, situation dénoncée par notre collègue M. Nicolas Alfonsi dans son dernier avis budgétaire consacrée à cette administration 93 ( * ) .

- La création d'un avertissement solennel , a priori surprenante, puisqu'intervenant dans le cadre d'un jugement par le tribunal des enfants, a cependant été jugée positive par votre rapporteur.

En effet, cette nouvelle sanction pourra être prononcée à titre principal par le tribunal des enfants et constitue donc le pendant de l'admonestation prononcée par le juge des enfants. Elle sera utile lorsque la remise à parents n'a pas de sens et qu'il apparaît au cours de l'audience, par exemple lorsque la victime change sa version, qu'une audience de cabinet aurait suffi et que l'infraction, quoi que constituée et méritant une sanction, n'appelle pas de mesure particulière au regard de l'amélioration de la situation du mineur. Cette disposition est donc conforme aux principes de souplesse et d'individualisation de la justice des mineurs.

Il ne parait pas utile de prévoir une limitation du nombre des avertissements solennels prononcés par le tribunal des enfants, sa comparution n'intervenant en principe qu'en présence d'infractions graves réclamant d'autres mesures.

L'intérêt supplémentaire de cette mesure sera d'être portée au casier judiciaire et prise en compte pour la récidive.

- S'agissant de la nouvelle mesure de placement en internat , votre commission, tout en l'approuvant, a souligné le déficit de telles structures à l'heure actuelle et l'importance des moyens qui devront donc être déployés. Selon les informations communiquées à votre rapporteur, se pose en outre un problème d'inadéquation de l'offre à la demande, les places disponibles étant principalement situées en milieu rural tandis que la demande émane de zones périurbaines et urbaines.

En outre, les internats de réussite éducative prévus par la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale, au sein desquels interviendront des éducateurs, devraient être particulièrement mobilisés.

3- Le 3° de l'article 39 du projet de loi modifie l'article 16 de l'ordonnance qui prévoit les mesures pouvant être prononcées par le tribunal pour enfants par décision motivée s'agissant d'un mineur âgé de plus de treize ans .

? Actuellement, peuvent être prononcés :

- une remise à parents ;

- un placement dans une institution ou un établissement public ou privé d'éducation ou de formation professionnelle habilité ;

- un placement dans un établissement médical ou médico-pédagogique habilité ;

- un placement dans une institution publique d'éducation surveillée ou d'éducation corrective.

? Le projet de loi ajoute la possibilité de prononcer un avertissement solennel et une mesure d'activité de jour.

4- Le 4° de l'article 39 du présent projet de loi insère enfin un article 16 ter , qui définit la mesure d'activité de jour nouvellement créée .

? Elle consiste en la participation du mineur à des activités d'insertion professionnelle ou scolaire , soit auprès d'une personne morale de droit public, soit auprès d'une personne morale de droit privé exerçant une mission de service public ou d'une association habilitées à organiser de telles activités, soit au sein du service de la protection judiciaire de la jeunesse auquel il est confié.

Cette mesure peut être ordonnée par le juge des enfants (article 8 de l'ordonnance modifié par l'article 36 du projet de loi) ou par le tribunal des enfants (articles 15 et 16 de l'ordonnance modifiés par l'article 39 du projet de loi) à l'égard d'un mineur en matière correctionnelle .

Lorsqu'il prononce une mesure d'activité de jour, le juge des enfants ou le tribunal pour enfants en fixe la durée qui ne peut excéder douze mois et ses modalités d'exercice. Il désigne la personne morale de droit public ou de droit privé, l'association ou le service auquel le mineur est confié.

Un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités d'application de la mesure d'activité de jour, notamment s'agissant des conditions dans lesquelles le juge des enfants établit, après avis du ministère public et consultation de tout organisme public compétent en matière de prévention de la délinquance des mineurs :

- la liste des activités dont la découverte ou l'initiation sont susceptibles d'être proposées dans son ressort ;

- la mesure d'activité de jour doit se concilier avec les obligations scolaires ;

- sont habilitées les personnes morales et les associations.

? La position de votre commission

Cette mesure éducative centrée sur l'activité assignée au mineur et structurée sur un accueil à la journée parait très positive.

En effet, elle permettra de toucher des adolescents déscolarisés et en rupture de formation, en les aidant dans leur future orientation professionnelle, au travers de formations de remise à niveau scolaire, d'insertion scolaire et professionnelle, de mise en situation d'initiation professionnelle, d'accompagnement à l'apprentissage, de formation en alternance. Ils pourront suivre des formations qualifiantes, notamment pour obtenir un brevet d'aptitude à l'informatique.

Cette mesure complètera utilement le dispositif éducatif actuellement partagé entre les mesures éducatives en milieu ouvert et le placement judiciaire. Elle pourra être prononcée à titre principal ou comme obligation d'un contrôle judiciaire, d'un ajournement, d'une peine d'emprisonnement assortie d'un sursis avec mise à l'épreuve ou aménagée dans son exécution.

Ceci pourrait permettre une sortie plus adaptée de dispositifs renforcés comme les centres éducatifs fermés s'agissant de mineurs nécessitant d'avoir un emploi du temps structuré.

L'inscription de cette mesure dans l'ordonnance du 2 février 1945 permettra également de répondre à la demande de la Cour des comptes d'offrir une lisibilité budgétaire aux actions d'insertion de la protection judiciaire de la jeunesse, qui mobilisent d'ores et déjà près d'un millier de personnes au sein des unités d'activité de jour et des centres d'action éducative et d'insertion.

Enfin, le secteur associatif habilité pourra désormais également intervenir dans le domaine de l'insertion.

Votre commission vous propose d'adopter un amendement de précision puis d'adopter l'article 39 ainsi modifié .

Article 40 (art. 20-7 de l'ordonnance du 2 février 1945)
Mesure d'activité de jour face à un ajournement

Le projet de loi complète l'article 20-7 de l'ordonnance, relatif à la dispense de peine et à l'ajournement applicables aux mineurs de treize à dix-huit ans.

Il précise que lorsque l'ajournement du prononcé de la mesure éducative ou de la peine est ordonné, le tribunal pour enfants peut ordonner au mineur d'accomplir une mesure d'activité de jour .

Actuellement, le tribunal pour enfants ne peut ordonner à l'égard du mineur à titre provisoire que son placement dans un établissement public ou privé habilité à cet effet, une mesure de liberté surveillée préjudicielle ou une mesure ou une activité d'aide ou de réparation.

Votre commission vous propose d'adopter un amendement de précision, puis d'adopter l'article 40 ainsi modifié.

Article 41 (art. 33 de l'ordonnance du 2 février 1945)
Placement à l'extérieur au sein de centres éducatifs fermés

Le projet de loi complète les attributions des centres éducatifs fermés (CEF).

? Créés par la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002, les CEF accueillent des mineurs de 13 à 18 ans ayant commis des crimes ou des délits, placés sous contrôle judiciaire ou condamnés à une peine assortie d'un sursis avec mise à l'épreuve . La loi d'adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité du 9 mars 2004 a étendu les hypothèses de placement dans un CEF au cadre de la libération conditionnelle , à partir du 1er janvier 2005.

La plupart des jeunes sont accueillis dans le cadre d'un contrôle judiciaire, et y restent après leur condamnation en sursis avec mise à l'épreuve. Les hypothèses de placement en CEF dans le cadre de libérations conditionnelles restent rares. La prise en charge est normalement de six mois renouvelable une fois. Le mineur peut être placé en détention provisoire ou incarcéré en cas de violation de ses obligations.

On compte actuellement 17 CEF offrant une capacité de 166 places (pour 133 places occupées au 1 er septembre 2006). Fin 2007, cette capacité devrait être portée à 498 places dans 10 CEF publics et 36 associatifs. Le prix de journée est évalué à 550 euros.

Un premier bilan des Centres éducatifs fermés

? Une évaluation interne de l'activité des premiers CEF a été dressée après un an de fonctionnement. Le rapport, rendu public en janvier 2005, couvre une partie des mineurs accueillis jusqu'au 30 avril 2004 dans quatre CEF 94 ( * ) . Cette évaluation, pour intéressante qu'elle soit, doit être appréciée avec prudence du fait de biais méthodologiques 95 ( * ) .

Les jeunes accueillis sont des mineurs multirécidivistes ou multiréitérants. 30 % avaient été incarcérés avant leur placement en CEF (45 % des mineurs âgés de 16 à 18 ans). 90 % avaient déjà été condamnés ou poursuivis. 70 % avaient fait l'objet d'une mesure de protection administrative avant leur placement et 76 % d'un placement judiciaire (plus de trois fois pour 33 % d'entre eux). 50 % étaient en rupture scolaire depuis plus de six mois.

Tout en reconnaissant un lancement du programme difficile, le rapport juge adaptée la prise en charge de ces jeunes parfois violents. Les CEF se fondent sur une présence éducative permanente et renforcée et tendent prioritairement à la réadaptation à la vie en société (se lever à horaire fixe, suivre des cours, apprendre à respecter les autres), ainsi qu'au réapprentissage des savoirs fondamentaux (lecture et écriture), réalisé grâce à la présence d'un professeur des écoles dans chaque CEF. Des stages sont organisés pour découvrir divers métiers. La cohérence du placement implique de respecter les phases d'accueil/évaluation, de programme éducatif intensif puis de préparation à la sortie. Il convient donc de ne pas utiliser les CEF comme des centres de placement d'urgence et de ne pas les solliciter pour un accueil provisoire en attente d'un placement ou pour une courte durée.

Le rapport déplore cependant un manque de relais à la sortie, susceptible d'hypothéquer les fragiles progrès réalisés en CEF.

? Plus intéressante est l'étude du panel de 291 mineurs sortis du dispositif au 23 octobre 2005. 16 % ont bénéficié d'une remise à niveau scolaire leur permettant d'être réintégrés dans un dispositif de droit commun, 32 % d'un retour direct dans un cursus de scolarité classique, 27 % d'un pré-apprentissage ou d'un apprentissage, 25 % d'une formation professionnelle. A la sortie, 53 % des jeunes ont été placés dans une structure d'hébergement classique de la protection judiciaire de la jeunesse, en famille d'accueil ou en lieu de vie. Ce résultat appelle une appréciation nuancée, puisqu'il s'agit souvent d'une solution par défaut. 31,8 % sont rentrés dans leur famille avec suivi éducatif, 13,2 % ont été incarcérés avec un suivi de la protection judiciaire de la jeunesse et 2 % ont été hospitalisés en service pédo-psychiatrique avec un suivi de la protection judiciaire de la jeunesse.

? Le projet de loi étend encore ce cadre au placement extérieur .

Le placement à l'extérieur -et non placement extérieur- constitue une modalité d'exécution des peines privatives de liberté.

Le projet de loi permet donc de placer le mineur sous écrou en centre éducatif fermé. En cas de manquement aux obligations du placement à l'extérieur, il reviendra au juge des enfants d'apprécier la révocation ou non de la mesure et de décider la réincarcération du mineur.

Pour les mineurs déjà placés en centre éducatif fermé, le placement à l'extérieur permet de poursuivre un parcours fructueux au sein de cette structure sans interruption en cas, soit de mise à exécution tardive d'une peine ferme, soit d'une nouvelle condamnation prononcée pendant le séjour mais pour des faits commis antérieurement.

Pour les mineurs ne bénéficiant pas de cette mesure éducative, la possibilité de placer en centre éducatif fermé dans le cadre d'un aménagement de peine, prononcé ab initio ou en cours d'incarcération, permet en outre d'élargir les possibilités concrètes de mise en oeuvre des décisions d'aménagement de peine par le juge des enfants et d'éviter une sortie de détention sans suivi éducatif, afin de mieux lutter contre la récidive.

? Votre commission juge cette mesure parait très pertinente, et vous propose d'adopter un amendement rédactionnel, puis d'adopter l'article 41 ainsi modifié .

* 88 Juger vite, juger mieux ? Les procédures rapides de traitement des affaires pénales, état des lieux ; mission d'information de la commission des Lois, MM. Laurent Béteille, président et François Zocchetto, rapporteur, rapport du Sénat n° 17, 2005-2006.

* 89 Ces appellations correspondaient aux centres de l'éducation surveillée qui ont progressivement été abandonnés dans les années 1970.

* 90 La détention provisoire n'est possible pour les mineurs âgés de seize ans révolus que dans trois cas :

- s'ils encourent une peine criminelle ;

- s'ils encourent une peine correctionnelle au moins égale à trois ans ;

- s'ils se sont volontairement soustraits aux obligations d'un contrôle judiciaire.

Elle n'est possible pour les mineurs de treize à seize ans que dans le premier et le troisième des cas précédents.

Enfin, elle est exclue pour les mineurs de moins de treize ans.

* 91 La loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes avait inséré un art. L. 311-15-1 -abrogé par la loi du 9 mars 2004- dans le code de l'organisation judiciaire afin de prévoir que la composition des audiences pénales était déterminée conjointement par le président du tribunal et le procureur. Jusqu'alors, en l'absence de texte, la composition prévisionnelle relevait principalement du procureur de la République.

* 92 Le nombre d'audiences pénales est très variable d'une juridiction à l'autre : le tribunal pour enfants de Paris se réunit tous les jours ainsi que celui de Bobign,y tandis que dans certaines juridictions il ne se réunit qu'une fois par semaine.

* 93 Avis n° 104 (2005-2006) sur le projet de loi de finances pour 2006 (tome V : Justice-Protection judiciaire de la jeunesse) présenté par M. Nicolas Alfonsi au nom de la commission des Lois du Sénat.

* 94 Mont de Marsan, Beauvais, Valence, Saint-Denis et Sainte Eulalie.

* 95 Le centre de Lusigny a été retiré en raison de ses difficultés notamment la mise en examen du directeur pour viol sur une éducatrice, l'incendie du centre par les jeunes filles placées en octobre 2004 et de nouveaux épisodes de violence collective en août 2005. En outre, l'étude ne porte que sur 75 des 103 mineurs accueillis durant la période de référence. Le panel se réduit à 28 mineurs s'agissant du bilan pédagogique de leur passage en CEF et repasse à 56 mineurs pour un bilan global à la sortie du dispositif. Enfin, l'indice de satisfaction des parents n'est basé que sur les 22 familles ayant répondu.

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