II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

Votre rapporteur souscrit à l'essentiel des demandes formulées par M. Philippe Marini dans sa proposition de résolution, qui visent à conserver le haut niveau de protection dont bénéficie le consommateur français en matière de crédit à la consommation.

Il estime en effet nécessaire d'encadrer de manière efficace cette activité, le recours irréfléchi au crédit à la consommation constituant trop souvent, de son point de vue, une antichambre au surendettement, voire à l'exclusion . Elu local et représentant au Sénat de la Seine-et-Marne, département qui détient le triste privilège, en raison notamment des caractéristiques socio-économiques de sa population, d'héberger la plus importante commission de surendettement au plan national, il mesure quotidiennement les difficultés financières auxquelles peuvent exposer les facilités d'accès au crédit à la consommation .

A cet égard, indépendamment des conséquences à attendre d'une éventuelle transposition d'une nouvelle directive communautaire en la matière, il s'inquiète du développement non maîtrisé du crédit « revolving » , de plus en plus utilisé pour pallier des problèmes de trésorerie pour des achats courants, voire les difficultés financières de chefs de très petites entreprises et d'artisans . Il y a là un détournement de la destination normale de ce type de crédit , qui engage parfois la responsabilité des institutions financières. Celles-ci, en effet, ne se soumettent pas toujours à l'obligation, à laquelle elles sont pourtant légalement astreintes, de consulter le Fichier national des incidents de remboursement de crédits aux particuliers (FICP) avant d'accorder un crédit « revolving ». En outre, il est anormal que certains particuliers puissent être engagés dans plus d'une vingtaine de ces crédits , du reste accordés parfois par le même établissement financier, que cette multiplication singulière devrait pourtant alerter.

En tout état de cause, votre rapporteur considère que l'efficacité de la législation nationale en la matière devrait être évaluée au regard de l'objectif de protection du consommateur , afin d'envisager de nouvelles mesures permettant de renforcer la responsabilisation des établissements de crédit.

A. TENIR COMPTE DE L'ÉTAT ACTUEL DE LA NÉGOCIATION

Votre rapporteur entendait reprendre , avec des modifications rédactionnelles de clarification et de précision, la plupart des demandes formulées par notre collègue M. Philippe Marini , qui a bien su cerner les difficultés posées par la proposition de DCC dans le texte élaboré par la Commission européenne en octobre 2005. Il doit cependant indiquer que, comme le lui ont confirmé les diverses personnalités qu'il a auditionnées, la réunion d'orientation du Conseil du 29 mai 2006 et les négociations menées depuis lors au sein tant du groupe permanent « Protection et information des consommateurs » que du Coreper ont modifié de très nombreuses formulations susceptibles de figurer dans le document qui sera soumis, en vue d'un accord, à l'appréciation du Conseil des ministres des 4 et 5 décembre prochain, et ce dans des domaines parfois essentiels .

Aussi a-t-il tout d'abord semblé nécessaire à votre commission d'ajouter, dans les considérants de sa proposition de résolution, une référence à l'état actuel des négociations menées au sein du groupe permanent du Conseil et au Coreper , que la position défendue par le Sénat ne saurait méconnaître sans être privée d'une grande partie de sa pertinence . Par ailleurs, pour tenir compte, précisément, de ces très substantielles avancées, qui pour la plupart garantissent la possibilité de conforter la législation française du crédit à la consommation, il s'est avéré nécessaire d'élaborer une proposition de résolution dont le texte s'écarte notablement de celui présenté par M. Philippe Marini.

1. Un projet d'accord amplement corrigé

La principale correction intervenue ces derniers mois concerne la reconnaissance mutuelle , qui a été totalement abandonnée en tant que principe . En effet, dans la dernière version du projet de directive, l'article 21-2 est supprimé .

Les arguments de droit et de fait avancés par notre collègue pour récuser l'application de ce principe aux relations entre les particuliers et les prêteurs ont donc été entendus . Votre commission ne peut que s'en féliciter, car la mise en oeuvre efficace du principe de reconnaissance mutuelle suppose un degré élevé d'harmonisation préalable des législations et réglementations nationales afin que les différences qui les distinguent ne soient guère que marginales. Or, tel n'est pas le cas en matière de crédit à la consommation, pas plus d'ailleurs qu'en d'autres domaines déjà analysés par votre commission dans le passé (16 ( * )).

Pour autant, cette suppression n'a pas été accompagnée d'un élargissement de la méthode d'harmonisation ciblée visant à simplifier et à clarifier l'ensemble du dispositif . Au contraire, il semblerait que, afin d'être en mesure de parvenir à un compromis acceptable par les différents Etats membres, la présidence finlandaise ait accepté des propositions diverses des négociateurs dont l'accumulation conduit à complexifier le texte .

Aussi votre commission, outre qu'elle n'a pas repris dans sa proposition de résolution le deuxième considérant de celle de M. Philippe Marini qui faisait principalement référence aux notions de clarté et de simplicité , a même souligné que le compromis susceptible de faire l'objet d'un accord avait rendu plus complexes certains points couverts par la proposition modifiée de directive .

Par ailleurs, elle a transformé la rédaction de la demande n° 1 , qui concernait le principe de la reconnaissance mutuelle, afin d'inviter le Gouvernement à veiller au maintien de la suppression du principe de reconnaissance mutuelle décidée en mai 2006 et à la mise en oeuvre d'une harmonisation totale ciblée sur un nombre limité de règles susceptibles de favoriser l'offre transfrontalière de crédit, notamment en ce qui concerne les règles de publicité et d'information obligatoire , précontractuelle comme contractuelle, ainsi que le taux débiteur et le taux annuel effectif global.

Cette suppression du principe de reconnaissance mutuelle a entre autres conséquences celle de rendre caduques les inquiétudes ayant justifié la demande n° 8 de M. Philippe Marini , visant à réserver la faculté de délivrer des crédits à des établissements financiers ayant la personnalité morale , c'est-à-dire à l'exclusion des personnes physiques .

En effet, la combinaison de plusieurs des modalités de la DCC hors du champ de la reconnaissance mutuelle n'est désormais plus de nature à rendre possible le développement d'une activité transfrontalière qui serait le fait , comme dans d'autres Etats membres, de personnes physiques .

Aussi n'est-il plus utile de conserver en l'état le texte de la demande n° 8, un simple satisfecit destiné à rappeler l'importance qu'attache le Sénat à la liberté reconnue aux Etat membres de réserver aux seules personnes morales la faculté de délivrer des crédits pouvant désormais suffire.

La nécessité de ne pas soumettre les offres de crédit immobilier aux règles applicables au crédit à la consommation, qui sont en général moins élaborées et protectrices de l'emprunteur, a par ailleurs été reconnue par les négociateurs . Ainsi, la dernière mouture du projet de directive exclut-elle explicitement ce type de crédit de son champ d'application , conformément à la demande n° 2 formulée par M. Philippe Marini.

C'est pour tenir compte de cette situation nouvelle que votre commission a également été conduite à modifier le texte de cette demande .

Alors que la limite supérieure du montant des crédits relevant de la proposition de directive a été portée de 50.000 à 100.000 euros , la limite inférieure , en deçà de laquelle la proposition de directive institue un régime simplifié en matière d'information, de droit de rétractation ou encore de remboursement anticipé, a quant à elle été abaissée de 300 à 200 euros .

L' élévation du plafond répond à la nécessité, pour certains Etats membres, de faire prendre en compte des habitudes consuméristes nationales que la France ne connaît guère (17 ( * )). Pour notre pays, cette élévation ne semble pas poser de difficultés nouvelles, sauf peut-être en ce qui concerne les crédits sollicités pour des travaux d'aménagement de l'habitat qui, dans notre droit, relèvent clairement du crédit immobilier dès lors qu'ils atteignent des sommes importantes (18 ( * )). Quant à la diminution du plancher , s'il s'agit d'un pas allant dans la bonne direction, salué comme tel par les associations de consommateurs entendues par votre rapporteur, elle n'est toutefois pas de nature à remettre en cause l'analyse de principe développée par M. Philippe Marini, dont la conclusion conduit à demander l'application du régime de droit commun à tous les crédits à la consommation, indépendamment de leur montant .

Aussi votre commission a-t-elle conservé l'économie de la demande n° 3 formulée par notre collègue, sous une forme toutefois corrigée .

La présidence finlandaise a également accepté d'ajouter un alinéa 7 à l'article 13 de la DCC afin d' autoriser les Etats membres à « geler » l'exécution du contrat de crédit pendant un laps de temps à l'intérieur du délai de quatorze jours pendant lequel l'emprunteur peut exercer son droit de rétractation . Ce faisant la demande n° 4 de M. Philippe Marini se trouve également satisfaite .

Celle-ci était vivement soutenue tant par les associations de consommateurs que par les représentants des établissements financiers et des banques , ces derniers craignant que la mise en oeuvre de la directive avant cette importante modification remette en cause du modèle français de crédit à la consommation délivré sur le lieu de vente . Il s'avère cependant que, même si l'efficacité de notre dispositif national est amplement démontrée, son mécanisme est relativement complexe et très largement singulier au sein de l'Union européenne. Aussi n'était-il guère envisageable que le gel obtenu par les négociateurs français au groupe permanent et au Coreper ait une durée strictement égale à celle du délai de rétractation.

C'est en se félicitant de cette avancée significative que votre commission a adopté une nouvelle rédaction de la demande n° 4 visant à réaffirmer la nécessité, du point de vue du Sénat, de pouvoir conserver en l'état la législation applicable en France en matière de droit de rétractation du consommateur .

Enfin, la demande n° 6 recommandant de laisser les Etats membres libres de dispenser du paiement de toute indemnité le consommateur procédant au remboursement anticipé de son crédit peut, elle aussi, être considérée comme satisfaite au stade actuel de la négociation.

En effet, le texte de la DCC susceptible d'être soumis au Conseil :

- limite les catégories de crédits pour lesquelles le prêteur peut exercer le droit de réclamer une indemnité équitable et objective , dont le principe est affirmé par la proposition de directive, aux seuls crédits à taux fixe d'une durée de remboursement supérieure à un an ;

- exclut expressément de cette faculté les prêts d'un montant inférieur à 3.000 euros ;

- autorise les Etats membres , pour les prêts compris entre ce seuil et 100.000 euros, à fixer un plafond de remboursement en deçà duquel l'indemnité ne pourra pas être réclamée . Dès lors, il serait possible à la France de fixer ce seuil au niveau de 21.500 euros (ou à tout autre montant supérieur), ce qui maintiendrait en l'état le système actuellement en vigueur pour les prêts à la consommation .

C'est pour tenir compte de cette situation radicalement nouvelle que votre commission, là encore, a été conduite à modifier la rédaction de la demande n° 6 formulée par M. Philippe Marini .

* (16) Voir à cet égard, dans un domaine également essentiel pour la protection des consommateurs, le rapport n° 25 (2002-2003) sur la proposition de résolution relative à la réglementation européenne des promotions commerciales fait, au nom de la commission des affaires économiques, par M. Jean-Paul Emin - 17 octobre 2002.

* (17) Environ 95 % des contrats de crédit à la consommation contractés en France portent sur une somme inférieure à 15.000 euros.

* (18) Toutefois, si la modification du montant du plafond risque de multiplier les cas difficiles, la question était en tout état de cause déjà posée, dans son principe, avec la fixation du montant à 50.000 euros, somme très nettement supérieure à celle de 21.500 euros qui, en France, constitue le seuil en deçà duquel s'applique la législation sur le crédit à la consommation.

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