ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 47
(nouveau)
Possibilité de privatiser certains distributeurs non
nationalisés de gaz naturel appartenant majoritairement à des
collectivités territoriales
Commentaire : le présent article additionnel propose d'ouvrir la faculté de transformer certains distributeurs non nationalisés de gaz naturel appartenant majoritairement à des collectivités territoriales en sociétés anonymes de droit commun et de procéder à leur privatisation.
I. LE DROIT EXISTANT
A. UNE SITUATION FIGÉE
Les distributeurs non nationalisés (DNN) d'électricité et de gaz sont régis par l'article 23 de la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l'électricité et du gaz.
Le premier alinéa dudit article dispose que « les sociétés de distribution à économie mixte dans lesquelles l'Etat ou les collectivités publiques possèdent la majorité, les régies ou services analogues constitués par les collectivités locales sont maintenus dans leur situation actuelle , le statut de ces entreprises devant toujours conserver le caractère particulier qui leur a donné naissance d'après les lois et décrets en vigueur ou futurs ».
En d'autres termes, les dispositions actuellement en vigueur imposent un statu quo à ces sociétés , sans qu'aucun terme ne soit fixé à cette interdiction d'évolution. Cette analyse a été confirmée par le Conseil d'Etat (section des travaux publics).
Dans un avis rendu le 17 janvier 2006 à la demande du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, il a en effet estimé que « toute opération [...] qui aboutirait à ce que la majorité du capital d'un distributeur non nationalisé constitué sous forme d'une société d'économie mixte ne soit plus détenu par l'Etat ou des « collectivités publiques » au sens de l'article 23 de la loi du 8 avril 1946 méconnaîtrait directement ces dispositions et n'est donc, en l'état actuel des choses, pas légalement possible ». Le Conseil d'Etat a ajouté que « compte tenu des changements intervenus dans le régime juridique des entreprises gazières depuis 2003, seule une loi pourrait fixer les conditions dans lesquelles une évolution de la situation de telles sociétés serait possible ».
B. DES ACTEURS MENACÉS PAR L'ÉVOLUTION ACTUELLE DU MARCHÉ DE L'ÉNERGIE
La situation des DNN gaziers n'apparaît pas très confortable au vu de l'évolution récente et à venir du marché du gaz. L'échéance du 1 er juillet 2007, correspondant à la libéralisation totale du marché du gaz, risque de modifier profondément les choses.
Dans ce contexte, une taille critique est un facteur de réussite dont l'importance risque de croître dans les années à venir, tant face aux fournisseurs de gaz que face à des concurrents eux-mêmes engagés dans des restructurations.
De plus, ces sociétés , dont l'activité de commercialisation est limitée par la loi au territoire des collectivités qui en sont actionnaires, perdront nécessairement des clients après la libéralisation complète des marchés de l'électricité et du gaz , le 1 er juillet 2007. Là aussi, en laissant en l'état les dispositions de l'article 23 de la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 précitée, des incertitudes pourraient surgir quant à l'avenir de certains de ces acteurs locaux.
Certaines sociétés locales de distribution qui sont, par définition, des entreprises de petite taille par rapport aux acteurs important de ce marché, pourraient donc souffrir si la contrainte de l'actionnariat majoritairement public les empêchait de contracter des alliances avec d'autres industriels .
C. UN DISPOSITIF INCOHÉRENT AVEC LA POSSIBILITÉ DE PRIVATISER GAZ DE FRANCE
D'autre part et sur le fond, comme votre rapporteur général l'a relevé dans son avis, rendu au nom de votre commission des finances sur le projet de loi relatif au secteur de l'énergie, le dispositif de l'article 23 de la loi du 8 avril 1946 précitée s'entendait, à sa conception, comme dérogatoire à la règle de nationalisation de la distribution de l'électricité et du gaz introduite par ladite loi.
Or, l'article 39 du projet de loi relatif au secteur de l'énergie , adopté définitivement par le Parlement le 8 novembre 2006 et en attente de promulgation, revient sur le principe même de nationalisation de la distribution du gaz , en imposant simplement à l'Etat de détenir « au moins un tiers » du capital de la société Gaz de France.
Lors de la discussion dudit projet de loi, votre rapporteur général avait déposé un amendement, adopté par votre commission des finances saisie pour avis, tendant à tirer la conséquence logique de cette disposition, en ouvrant la possibilité aux collectivités territoriales qui le souhaitent de privatiser leur propre société d'économie mixte de distribution de gaz. Cet amendement avait été retiré en séance publique, à la demande du gouvernement qui avait alors évoqué la nécessité de poursuivre les discussions au niveau de l'ensemble des acteurs concernés.
Il semble que, depuis, le sujet ait mûri :
- d'une part, au vu de la décision n° 2006-543 DC du Conseil constitutionnel sur le projet de loi relatif au secteur de l'énergie. En effet, cette décision affirme que, sous réserve que le transfert effectif au secteur privé de Gaz de France ne prenne pas effet avant le 1 er juillet 2007, ledit transfert, et par là même le principe de privatisation de la distribution du gaz, n'est pas contraire à la Constitution. En outre (considérant n° 31), il est expliqué que la nécessité d'assurer la cohérence du réseau des concessions actuellement géré par Gaz de France et de maintenir la péréquation des tarifs d'utilisation des réseaux publics de distribution justifie la limitation de la libre administration des collectivités territoriales et de la liberté contractuelle que constitue le maintien du monopole de concession des réseaux de gaz de cette entreprise sur sa zone de desserte ;
- d'autre part, du fait de l'apport de précisions rédactionnelles par rapport à l'amendement déposé dans le cadre du projet de loi relatif au secteur de l'énergie. Ces modifications ont notamment pour but de mieux cibler les entreprises ayant le plus besoin de souplesse et de tenir compte de la décision du Conseil constitutionnel, en particulier en ce qui concerne la date d'une éventuelle privatisation des DNN gaziers.
II. LA MODIFICATION PROPOSÉE PAR LE PRÉSENT ARTICLE ADDITIONNEL
A. UNE POSSIBILITÉ D'OUVERTURE
Le présent article additionnel n'entend rien imposer, mais offrir une faculté à des acteurs économiques dont la situation a radicalement changé depuis 1946.
Il s'agit de permettre à certaines sociétés d'économie mixte de distribution de gaz :
- d'une part, d'être transformées en sociétés anonymes de droit commun ;
- d'autre part, une fois effectué ce changement de statut, d'être privatisées , plus aucune contrainte de détention minimale ne pesant sur les collectivités présentes au sein de leur capital.
Ainsi, ces sociétés locales se verront offrir la possibilité de s'allier, voire de s'adosser à un ou plusieurs industriels du secteur gazier, ce qui, selon les cas, leur permettrait d'affronter l'échéance de la libéralisation totale du marché du gaz dans une position renforcée.
B. UN CHAMP D'APPLICATION STRICTEMENT CIRCONSCRIT
Le présent article additionnel pose cependant des limites aux principes exposés supra , qui se veulent le reflet tant des dispositions votées dans le projet de loi relatif au secteur de l'énergie que de la décision n° 2006-543 DC du Conseil constitutionnel précitée.
Ainsi, d'une part, une telle ouverture ne devrait concerner que les distributeurs de gaz « purs », à l'exclusion des entreprises distribuant également de l'électricité . En effet, le principe de nationalisation de cette dernière activité demeure, l'article 39 du projet de loi relatif au secteur de l'énergie ayant maintenu la condition de détention minimale de 70 % de l'Etat au sein du capital d'EDF.
D'autre part, cette mesure ne viserait que les entreprises gérant un réseau relevant des dispositions de l'article 13 de la loi de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières, autrement dit un réseau desservant plus de 100.000 clients . En effet, du fait de la séparation juridique imposée à ces sociétés entre leurs activités de concession, et du fait de la « taille critique » de leurs marchés, il est vraisemblable que ce sont ces entreprises qui auront à subir la concurrence la plus vive de la part des nouveaux entrants. De plus, ces acteurs offrent la plus grande complexité de gestion pour des collectivités territoriales dont ce n'est pas le métier.
Enfin, conformément à la lettre de la décision n° 2006-543 DC, l'éventuelle privatisation de ces entreprises ne devrait pas pouvoir être effective avant le 1 er juillet 2007 .
C. UNE EXONÉRATION IMPORTANTE D'UN POINT DE VUE SYMBOLIQUE
Le présent article additionnel propose, en outre, d'exonérer les sociétés qui, en vertu des dispositions décrites supra , se transforment en sociétés anonymes de droit commun, des droits d'enregistrement prévus au 1° de l'article 662 du code général des impôts au titre de cette transformation.
Il semble en effet logique que ceux de ces opérateurs qui choisiraient de sortir d'un statut contraint n'aient pas à supporter le coût financier de l'exercice de cette liberté nouvelle.
Décision de la commission : votre commission vous demande d'adopter cet article additionnel.