B. LA CITOYENNETÉ DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE ET LA COEXISTENCE DE PLUSIEURS LISTES ÉLECTORALES

1. Les restrictions au corps électoral, des accords de Matignon à l'accord de Nouméa

Jusqu'à la loi du 7 mai 1946 tendant à proclamer citoyens tous les ressortissants des territoires d'outre-mer, le code de l'indigénat de 1887 s'appliquait en Nouvelle-Calédonie. Ce n'est donc qu'à partir de 1946 que les Mélanésiens ont accédé à la citoyenneté française et au droit de vote. L'affirmation du mouvement indépendantiste s'est ensuite accompagnée de la revendication d'une citoyenneté propre à la Nouvelle-Calédonie, dans la perspective d'un référendum d'autodétermination auquel ne participeraient que les titulaires de cette citoyenneté.

Dès la signature de la déclaration de Matignon le 26 juin 1988, le FLNKS, l'Etat et le RPCR ont convenu que les « populations intéressées » à l'avenir du territoire seraient seules habilitées à se prononcer lors des scrutins déterminants pour l'avenir de la Nouvelle-Calédonie , c'est-à-dire les élections au congrès et aux assemblées de province et le scrutin d'autodétermination 11 ( * ) .

Le texte n° 2 de la déclaration de Matignon, relatif aux dispositions institutionnelles et structurelles préparatoires au scrutin d'autodétermination, prévoit que constituent les populations intéressées à l'avenir du territoire les électeurs et électrices appelés à se prononcer sur le projet de loi référendaire définissant le nouveau statut, à savoir les électeurs inscrits sur les listes électorales du territoire en 1988 et y maintenant leur domicile.

Ce point de la déclaration n'a pu être mis en oeuvre, le Gouvernement ayant relevé a posteriori un obstacle constitutionnel à une telle restriction du corps électoral. La restriction du corps électoral aux assemblées de province et au congrès ne figurait donc pas au sein de l'accord d'Oudinot définissant l'organisation institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie, soumise à referendum le 6 novembre 1988.

Reprenant ce qui avait été initialement envisagé en 1988, le point 2.2.1. du document d'orientation de l'accord de Nouméa stipule que, « comme il avait été prévu dans le texte signé des accords de Matignon, le corps électoral aux assemblées des provinces et au congrès sera restreint » .

Toutefois, lors des négociations difficiles qui ont abouti à l'accord de Nouméa, le FLNKS a accepté, à la demande du RPCR, d'étendre aux électeurs arrivés avant 1998 la possibilité de participer aux élections au congrès et aux assemblées de province, à la condition qu'ils justifient de dix ans de résidence à la date de l'élection.

Ainsi, la restriction du corps électoral pour les élections provinciales et au congrès constitue un point essentiel de l'accord de Nouméa, sur lequel se fonde la définition de la citoyenneté de la Nouvelle-Calédonie.

L'accord signé le 5 mai 1998 stipule en effet que :

« L'un des principes de l'accord politique est la reconnaissance d'une citoyenneté de la Nouvelle-Calédonie. Celle-ci traduit la communauté de destin choisie et s'organiserait, après la fin de la période d'application de l'accord, en nationalité, s'il en était décidé ainsi.

« Pour cette période, la notion de citoyenneté fonde les restrictions apportées au corps électoral pour les élections aux institutions du pays et pour la consultation finale. Elle sera ainsi une référence pour la mise au point des dispositions qui seront définies pour préserver l'emploi local. »

La restriction du corps électoral pour les élections au congrès et aux assemblées de province, ainsi que la restriction du corps électoral participant au scrutin d'autodétermination qui interviendra entre 2014 et 2018, prennent donc leur fondement dans l'accord de Nouméa et expriment une continuité avec les accords de Matignon.

* 11 Point 6 du texte n° 2 de la déclaration de Matignon.

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